Cet amendement de suppression dépasse le simple cadre de ce projet de loi. Il est pour nous le moyen de signaler notre grande réticence à l’utilisation de la visioconférence dans l’exercice des droits de la défense.
Le recours aux moyens de communication audiovisuelle dans les enceintes judiciaires semble être la nouvelle panacée pour « moderniser » le procès. Ce problème avait déjà été soulevé lors de l’examen de la loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, la LOPPSI. Les arguments opposables à ce dispositif restent aujourd'hui les mêmes puisqu’ils touchent au principe même du procès équitable.
À l’instar du recours systématique à la vidéosurveillance, le développement du recours aux nouvelles techniques dans l’administration de la justice est inquiétant à partir du moment où l’on se refuse à tout recul objectif et à toute analyse rétrospective. Nos collègues Anne-Marie Escoffier et Yves Détraigne nous avaient pourtant invités à engager une telle réflexion lors de l’examen de la proposition de loi visant à mieux garantir le droit à la vie privée à l’heure du numérique.
Cet article touche une question essentielle au regard de l’impératif de protection de l’équilibre de la procédure et de la garantie des droits de la défense. Initialement, le dispositif devait être réservé aux requérants situés outre-mer, mais la commission, sur proposition du Gouvernement, en a étendu l’application à l’ensemble du territoire en l’assortissant, certes, de certaines garanties importantes que je tiens à saluer. Je me félicite, en particulier, du dernier paragraphe de l’article 75 ter aux termes duquel « le requérant qui refuse d’être entendu par un moyen de communication audiovisuelle est convoqué, à sa demande, dans les locaux de la cour ». C’est une garantie essentielle, mais nous savons que, dans la pratique, ce refus ne sera pas forcément vu favorablement et pourra entraîner des conséquences négatives pour le requérant.
L’arrêt Marcello Viola c/Italie de la Cour européenne des droits de l’homme du 5 octobre 2006 a posé pour principe que, « si la participation de l’accusé aux débats par vidéoconférence n’est pas en soi contraire à la Convention, il appartient à la Cour de s’assurer que son application dans chaque cas d’espèce poursuit un but légitime ».
À partir du moment où le recours aux nouvelles techniques est la norme, le contrôle du but légitime dans chaque espèce est sans objet.
Nous considérons que, lorsqu’il y a un débat en matière pénale, le contact, la vision par le juge quel qu’il soit, y compris au niveau de la Cour nationale du droit d’asile, la CNDA, de la personne qui risque d’être visée par une mesure contraignante et négative est absolument indispensable. Le recours à la visioconférence dans de tels cas doit être exceptionnel et motivé.