Intervention de Sylviane Noël

Commission des affaires économiques — Réunion du 5 février 2020 à 9h30
Proposition de loi visant à garantir le libre choix du consommateur dans le cyberespace — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Sylviane NoëlSylviane Noël, co-rapporteur :

Notre commission a déposé cette proposition de loi le 10 octobre dernier, à l'initiative de notre présidente. Il s'agit d'une initiative trans-partisane, sur laquelle nous pouvons tous nous retrouver, au-delà des clivages politiques : plus de la moitié des sénateurs ont co-signé ce texte. Son ambition est de rendre le pouvoir, sur internet, à l'utilisateur.

Les constats sont connus et égrenés à longueur de rapports - et les rapports sont nombreux sur le sujet ! Celui de la commission d'enquête sur la souveraineté numérique, présidée par mon co-rapporteur M. Franck Montaugé, l'a évoqué en détail. Au-delà de nos murs, je pense notamment au rapport Perrot en France, au rapport Crémer pour la Commission européenne, mais aussi aux rapports publiés en Allemagne, au Royaume-Uni, aux États-Unis, en Australie... et à bien d'autres !

L'économie numérique repose pour l'essentiel sur un modèle de plateforme, c'est-à-dire de marché dit biface, où un service facilite les interactions entre deux ensembles d'utilisateur distincts mais interdépendants : plus il y a d'utilisateurs sur l'une des faces du marché, plus il y en aura sur l'autre. Plus il y a de chauffeurs présents sur Uber, plus il y a de clients qui utilisent Uber, et inversement. C'est ce qu'on appelle les effets de réseaux, qui sont massifs sur internet. Les plateformes ont accès à un marché mondial, recueillent des données en masse, et bénéficient d'économies d'échelle et de gamme sans précédent.

Ces caractéristiques particulières ont une conséquence, qui est que le gagnant prend tout : « the winner takes all ». Autrement dit, il s'agit d'une économie de la concentration et des oligopoles. En 2018, un tiers de l'humanité était sur Facebook et utilisait Androïd, le système d'exploitation de Google, et un cinquième utilisait iOS d'Apple. Alors que nous consommons de plus en plus sur internet et sur nos smartphones, notre accès au commerce en ligne est régi par deux écosystèmes dominants : celui d'Apple et celui de Google. La promesse d'Internet était celle de la liberté. Or nous constatons, de façon croissante, l'enfermement des consommateurs sur quelques plateformes dont il est difficile de sortir. Au-delà de la limitation du choix des consommateurs, c'est l'innovation qui est en péril, ainsi que l'émergence d'entreprises concurrentes.

Cette domination sans partage est la racine de tous les maux qui sont imputés, à tort ou à raison, à ceux que l'on appelle généralement les « Gafam » : évasion fiscale et règlementaire, pillage de nos données personnelles, professionnelles et stratégiques, discours de haine, fausses informations, déstabilisation de la démocratie...

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