Intervention de Franck Montaugé

Commission des affaires économiques — Réunion du 5 février 2020 à 9h30
Proposition de loi visant à garantir le libre choix du consommateur dans le cyberespace — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Franck MontaugéFranck Montaugé, co-rapporteur :

Qu'a-t-il été fait jusqu'à présent ? Le droit de la concurrence, qui réprime les abus de position dominante, les ententes et assure le contrôle des concentrations, a permis aux autorités françaises et européennes de se saisir des enjeux posés par le numérique. L'action de l'Autorité de la concurrence française sur ce dossier est à souligner, tout comme celle de la Commission européenne. Mais pour les cas les plus emblématiques, où des sanctions ont été infligées par la Commission européenne à Google dans les affaires Shopping et Androïd, l'instruction a duré sept ans ! Ce sont sept ans durant lesquels les concurrents ont pu être éliminés, l'innovation empêchée et le libre choix du consommateur, diminué.

De son côté, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) française utilise également le droit des pratiques restrictives de concurrence pour encadrer les relations commerciales des géants du numérique. Sur la base du constat de telles pratiques, la DGCCRF leur inflige des amendes. La DGCCRF s'assure également de l'application des dispositions, introduites par la loi pour une République numérique de 2016 dans le code de la consommation, qui visent à garantir la loyauté des plateformes auprès des consommateurs. Et l'Union européenne commence à renforcer le droit européen en s'inspirant de ces dispositions. C'est le cas dans la récente directive « Une nouvelle donne pour les consommateurs » et dans le règlement « Platform-to-Business ».

Mais cette réglementation, ex post et qui repose sur des sanctions, ne paraît pas adaptée aux cycles d'innovation, courts, et à la dynamique propre à l'économie dans le numérique du « winner takes all ». Il est nécessaire de confier à un régulateur le soin de déterminer un plan d'action pour ajuster rapidement les pratiques des plateformes structurantes afin d'éviter que leurs effets indésirables ne se produisent.

Par ailleurs, le paradigme de la directive dite « e-commerce » a montré son inefficience et son inadaptation à ce contexte économique nouveau. Cette directive a strictement limité la possibilité pour les États d'édicter des réglementations pesant sur les services de la société de l'information afin d'en favoriser l'essor. Résultat, la Chine a les BATX (Baidu, Alibaba, Tencent, Xiaomi), la Russie a aussi ses géants du numérique (Yandex, Vkontakte), et l'Europe est dépendante des géants américains !

Il est donc temps d'inventer de nouvelle formes de régulation, plus agiles, plus efficaces, qui ne brident ni n'empêchent l'innovation et qui permettent de mettre un terme à la dynamique d'enfermement du consommateur qu'on constate aujourd'hui. Celui-ci croit entrer dans un espace mondial de liberté, quand en réalité il évolue dans des silos...

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