Intervention de Yves Détraigne

Commission mixte paritaire — Réunion du 4 février 2020 à 9h35
Commission mixte paritaire sur le projet de loi organique modifiant la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la constitution et commission mixte paritaire sur le projet de loi modifiant la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la constitution et prorogeant le mandat des membres de la haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet

Photo de Yves DétraigneYves Détraigne, sénateur, rapporteur pour le Sénat :

Initialement, le Gouvernement présentait ces deux textes comme un travail d'actualisation, voire de coordination, concernant la liste des nominations soumises à l'avis préalable des commissions parlementaires. Il fallait, par exemple, tirer les conséquences du changement de dénomination de l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (ARAFER), de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) ou encore de l'Autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL).

Rapidement, nous avons constaté que ces textes soulevaient un problème de méthode car nous étions invités à tirer les conséquences de trois ordonnances qui n'ont pas encore été ratifiées. Je pense notamment à l'ordonnance du 3 juin 2019 qui réorganise de fond en comble la Société nationale des chemins de fer (SNCF) : huit mois plus tard et malgré nos nombreuses relances, le Gouvernement ne nous a communiqué aucun calendrier de ratification. Cette situation me paraît profondément regrettable pour le Parlement.

Sur le fond, les projets de loi adoptés en conseil des ministres auraient conduit à un certain recul du contrôle parlementaire sur les nominations aux emplois publics, ce que le Sénat n'a pas pu accepter.

Nous avons rappelé notre attachement à cette procédure prévue par le cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, qui mériterait d'ailleurs d'être renforcée. Je rappelle que, depuis 2008, le Parlement n'a jamais mis en oeuvre son pouvoir de veto sur les nominations du Président de la République, notamment en raison des règles de majorité.

Je souhaite saluer le travail de l'Assemblée nationale et, en particulier, de son rapporteur, M. Christophe Euzet : les principaux apports du Sénat ont été maintenus, parfois contre l'avis du Gouvernement. Nous pouvons nous réjouir de cette convergence des deux assemblées pour défendre le contrôle parlementaire. Je pense notamment à l'ajout du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) et du président de la Commission d'accès aux documents administratifs (CADA) à la liste des nominations soumises à l'avis préalable des commissions parlementaires.

Je ne comprends toujours pas la position du Gouvernement concernant la CADA. Devant l'Assemblée nationale, la ministre a déclaré que cette commission se situait, je cite, « assez loin » de la défense des libertés constitutionnelles. C'est très étonnant... Comment peut-on minimiser le rôle de la CADA alors que la demande d'accès aux documents publics n'a jamais été aussi forte ? Le Gouvernement est également resté muet sur les difficultés rencontrées par cet organisme : je rappelle que le stock d'affaires de la CADA dépasse aujourd'hui les 1 800 dossiers.

L'Assemblée nationale a poursuivi les efforts du Sénat en ajoutant à la liste des emplois concernés par cette procédure de contrôle, d'une part, le directeur général de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) et, d'autre part, celui de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES). Ces ajouts me semblent particulièrement judicieux au regard de l'importance de ces deux agences dans la vie économique et sociale de la Nation. Nous vous proposerons simplement un ajustement concernant l'ANSES dans la mesure où la nomination de son directeur général semble davantage relever des commissions des affaires sociales que des commissions du développement durable.

Au total, 55 emplois publics seraient soumis au dernier alinéa de l'article 13 de la Constitution, soit un de plus qu'aujourd'hui. La privatisation d'Aéroports de Paris pourrait nécessiter de nouveaux ajustements mais nous n'en sommes pas encore là...

Nous devons également procéder à une coordination calendaire. L'article 2 du projet de loi prolonge les mandats de certains membres de la Haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet (HADOPI). Le mandat de la présidente de la commission de protection des droits ayant toutefois expiré la semaine dernière, nous ne pouvons plus le proroger, sous peine de prendre un risque sur le plan constitutionnel.

Il nous reste une divergence de vue concernant la SNCF. À l'initiative de M. Didier Mandelli, que je remercie pour la qualité de son travail, le Sénat a souhaité conserver un droit de regard sur SNCF Réseau. Il s'agissait ni plus ni moins de maintenir le droit en vigueur, le Parlement étant consulté sur cette nomination depuis 2010. Après avoir auditionné l'Autorité de régulation des transports, nous pensons que SNCF Réseau doit bénéficier de garanties suffisantes d'indépendance, sans remettre en cause la nouvelle architecture du groupe public. Dans les faits, SNCF Réseau va répartir les heures de passage sur les 30 000 kilomètres de voies ferrées entre les sociétés de transport, dont SNCF Voyageurs. Chacun comprend la sensibilité de ce dossier...

Le débat peut sans doute se poursuivre au sein de la commission mixte paritaire mais je souhaite que celle-ci réussisse. Un échec me semblerait contradictoire avec les convergences constatées sur les autres dispositions des deux textes.

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