La commission de l'aménagement du territoire et développement durable du Sénat, qui s'est saisie pour avis des textes que nous examinons aujourd'hui, estime que, loin de constituer des projets de loi de coordination, ces textes conduisent à affaiblir le droit de regard du Parlement sur des nominations stratégiques en ce qui concerne le groupe SNCF.
Je m'étonne donc que les dispositions que nous avions adoptées à l'unanimité au Sénat aient été supprimées par l'Assemblée nationale, alors qu'elles ne visaient qu'à maintenir - même pas à accroître - la capacité du Parlement à donner son avis sur la nomination des dirigeants du groupe SNCF.
Je ne peux que regretter que le Parlement soit ainsi enclin à se dessaisir lui-même de ses propres prérogatives. D'autant plus que lorsque l'on s'intéresse de près au transport ferroviaire, le contexte actuel nous exhorte à davantage de vigilance.
Je voudrais m'arrêter un instant sur le cas précis du dirigeant de la société SNCF Réseau qui, comme vous le savez tous, est le gestionnaire de l'infrastructure ferroviaire. Dans la perspective de l'ouverture à la concurrence du transport national de voyageurs que nous avons votée il y a un an et demi, les conditions de nomination du gestionnaire d'infrastructure sont de nature à envoyer un signal fort aux nouveaux entrants. Aussi, alors que l'indépendance de ce gestionnaire dans la nouvelle gouvernance fait l'objet de vives inquiétudes de la part du régulateur, il me semble pertinent de maintenir le droit de regard du Parlement sur la nomination de SNCF Réseau.
Plus encore, l'argument selon lequel la transformation des établissements publics en société unifiée dont il ne faudrait contrôler que la « tête » est tout à fait inopérant. Au contraire, il est important de veiller à ce qu'il n'y ait pas de relation hiérarchique directe entre le dirigeant de SNCF Réseau et celui de la société mère SNCF, justement parce que cette dernière est intéressée au résultat de la société SNCF Voyageurs. En outre, si SNCF Réseau est devenue une société anonyme, elle ne sera jamais une entreprise comme les autres et il me semble particulièrement malavisé de vouloir lui appliquer le droit commun des sociétés.
En conclusion, je souhaiterais vous rappeler les mots de l'exposé des motifs de la proposition de loi organique relative à la nomination des dirigeants de la SNCF, déposée par vos prédécesseurs, lors de l'examen du projet de loi portant réforme ferroviaire en 2014 et qui sont toujours d'actualité : « il est impératif que les processus de nomination des dirigeants du futur groupe public ferroviaire continuent de se dérouler sous le regard des parlementaires. Nul ne comprendrait ni n'admettrait que la réforme soit l'occasion de soustraire ces personnalités à un contrôle qui constitue une avancée unanimement reconnue de la démocratie ».