Monsieur le président, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, les mesures de lutte contre la précarité énergétique figurant dans cette proposition de loi abordent un vrai enjeu de politique publique.
La précarité énergétique est une réalité forte pour nombre de nos concitoyens. C’est un enjeu de transition énergétique et de lutte contre la pauvreté et le Gouvernement travaille pour y apporter des solutions.
L’ONPE, que vous avez cité, définit la précarité énergétique comme « le fait de consacrer plus de 8 % de ses revenus au paiement des factures d’énergie du logement ». En 2018, 11, 7 % des Français étaient au-dessus de ce seuil, contre 14, 5 % en 2013. Les progrès sont donc réels, mais, je le reconnais tout à fait, trop lents.
Au-delà des chiffres, la précarité énergétique est d’abord une réalité de difficultés individuelles, de ménages qui vivent dans un logement inconfortable, pour qui les dépenses de chauffage et de transport sont élevées, qui ont du mal à payer leurs factures. En 2017, 123 000 ménages ont bénéficié d’une aide des fonds de solidarité pour le logement pour payer leurs factures d’énergie.
En 2018, 572 000 interventions des fournisseurs d’énergie ont eu lieu à la suite d’impayés, c’est-à-dire des réductions de puissance, des suspensions de fourniture ou même des résiliations de contrat. Si ce nombre était de 624 000 en 2014, il montre bien l’ampleur du phénomène.
Nos concitoyens nous ont rappelé ces difficultés au cours des derniers mois. Ils nous ont dit que la fluctuation des prix de l’énergie avait sur eux un impact important.
La proposition de loi que vous présentez aujourd’hui a donc retenu toute l’attention du Gouvernement. Néanmoins, si son objectif, auquel nous souscrivons, est louable, les moyens qu’elle propose pour y parvenir ne nous semblent pas les mieux adaptés.
En effet, la proposition de loi entre en désaccord direct avec plusieurs engagements européens de la France, notamment en termes d’encadrement de la fiscalité.
Il est ainsi impossible, en matière de fiscalité de l’énergie, d’opérer une distinction entre les ménages en fonction de leurs revenus, comme cela est proposé. Le soutien à ces ménages peut en revanche passer par d’autres moyens, comme ceux que le Gouvernement a mis en œuvre et continuera à soutenir, par exemple le chèque énergie.
En outre, seule la Constitution peut élever un principe au rang de droit fondamental. La loi ordinaire n’est pas un vecteur suffisant, d’autant plus que l’électricité est d’ores et déjà considérée par les tribunaux comme un bien de première nécessité.
Enfin, la Commission de régulation de l’énergie suit en permanence la situation du marché de l’énergie, pour le gaz naturel comme pour l’électricité. Elle produit à ce sujet une documentation riche et abondante. Pour cette raison, il nous semble donc peu utile de présenter un rapport supplémentaire, qui ne viendrait pour l’essentiel que répéter ce que d’autres disent déjà.
Le Gouvernement est à l’écoute de ces difficultés et souhaite être force de propositions.
C’est pourquoi, au-delà des dispositifs déjà en place, nous avons, depuis 2017, renforcé les mesures de lutte contre la précarité énergétique.
Les coupures d’électricité et de gaz naturel étaient déjà interdites pendant la trêve hivernale afin de protéger tous les ménages ; mais, au-delà de l’interdiction de coupure, des protections supplémentaires sont mises en œuvre pour les bénéficiaires du chèque énergie sur leurs contrats d’électricité et de gaz naturel.
Ainsi, en cas d’incident de paiement, ces ménages bénéficient du maintien de leur puissance électrique pendant l’hiver, d’une réduction des frais liés à une intervention en cas d’impayés et d’une exonération des frais liés à un rejet de paiement.
De plus, dans le cas où un fournisseur envisagerait de mettre en œuvre une coupure, il est important de rappeler que les pratiques des fournisseurs sont très encadrées. En effet, l’annonce d’une possible coupure ou d’une réduction de puissance déclenche un processus d’évaluation de la situation du client, d’orientation vers les aides disponibles et d’étalement des paiements. En ce sens, elle fait office de signal d’alerte et permet de déclencher un processus d’accompagnement pour aider le consommateur en difficulté.
Par ailleurs, pour accompagner financièrement les ménages, le chèque énergie, créé sous forme expérimentale par la loi de 2015, a été généralisé en 2018, année où il a été ouvert à plus de 3, 6 millions de ménages.
Disponible quel que soit le mode de chauffage, ce dispositif est plus efficace que les anciens tarifs sociaux, limités à l’électricité et au gaz.
En 2019, afin d’améliorer l’accompagnement des ménages précaires, le Gouvernement a élargi le chèque énergie à 5, 7 millions de ménages et augmenté de 50 euros les montants versés par rapport à 2018. Près de 850 millions d’euros sont désormais consacrés à cette aide.
Ce chèque énergie est en train de trouver son public. Le taux de recours s’est établi à environ 80 % en 2018 ; il sera supérieur en 2019 et le Gouvernement travaille à la simplification des formulaires, des messages d’information, à l’automatisation du versement, pour augmenter encore ce taux de recours au-delà du montant un peu supérieur à 80 % auquel il va se situer cette année.
Notre effort doit aussi se concentrer sur les sources du problème et nous devons réduire directement et sur le long terme le poids des factures d’énergie. C’est la raison pour laquelle nous menons une politique ambitieuse en matière de rénovation de logements. Le Gouvernement vise un objectif de 500 000 rénovations énergétiques par an, dont 150 000 au titre des passoires énergétiques qui sont généralement occupées par les ménages les plus fragiles.