Séance en hémicycle du 6 février 2020 à 9h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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  • Énergie

La séance

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La séance est ouverte à neuf heures.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

L’ordre du jour appelle la désignation des trente-sept membres de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique.

En application de l’article 8 bis, alinéa 3, de notre règlement, la liste des candidats présentés par les groupes a été publiée.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence ne reçoit pas d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, de la proposition de loi visant à instaurer un droit effectif à l’accès à l’énergie et à lutter contre la précarité énergétique, présentée par M. Fabien Gay et plusieurs de ses collègues (proposition n° 260 [2018-2019], résultat des travaux de la commission n° 538 [2018-2019], rapport n° 537 [2018-2019]).

Dans la discussion générale, la parole est à M. Fabien Gay, auteur de la proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabien Gay

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, quarante et un ! Quarante et un, c’est le nombre de milliardaires que compte notre pays, répertoriés par Oxfam dans son récent rapport sur les inégalités. En tête de ces quarante et un milliardaires, Bernard Arnault, le patron de LVMH, avec 76 milliards de dollars, au quatrième rang mondial.

Le même rapport indique également que 400 000 personnes supplémentaires sont passées en 2019 sous le seuil de pauvreté, qui est de 1 015 euros par mois, ce qui donne le triste résultat de 9, 8 millions de pauvres en France.

Les chiffres que je cite ici, mes chers collègues, visent à rappeler pourquoi nous avons déposé cette proposition de loi. Parce qu’elle résonne malheureusement avec l’actualité, car quand on touche 1 015 euros par mois, on doit souvent faire des choix entre payer ses factures, son loyer ou se nourrir.

Notre proposition de loi ne tend pas à réduire, à elle seule, toutes les inégalités, mais elle vise à lutter contre la précarité énergétique, qui s’est accrue et pénalise celles et ceux qui sont déjà en grande difficulté.

L’objectif de la loi relative à la transition énergétique, votée en 2015, était déjà de réduire la précarité énergétique de 15 % en 2020. Nous y sommes, et pourtant l’objectif est loin d’avoir été atteint. Les salaires et les pensions étant bloqués et le prix de l’énergie explosant, la situation s’est même dégradée. Sept millions de foyers, c’est-à-dire près de 12 millions de personnes, auxquels il faut ajouter 3, 5 millions de personnes souffrant du froid : un Français sur quatre est en situation de précarité énergétique.

Après les augmentations de plus de 7 % du tarif de l’électricité durant l’été dernier, c’est une nouvelle augmentation de 2, 4 % qui pèse sur les ménages depuis le 1er février 2020. Et cela ne s’arrêtera pas de sitôt, puisqu’il est même annoncé que ces augmentations seront continues jusqu’en 2025 !

Or l’Observatoire national de la précarité énergétique (ONPE) indiquait que, avec 10 % d’augmentation – ce qui est déjà presque le cas cette année –, près de 420 000 ménages pourraient basculer en situation de précarité énergétique.

Ainsi, après des mois de contestation des « gilets jaunes », des mobilisations toujours plus importantes contre la paupérisation comme seul horizon, voici votre réponse : augmenter la facture d’électricité des particuliers de plus de 180 euros par an en moyenne en l’espace d’un an !

M. Carenco, le président la Commission de régulation de l’énergie (CRE), affirmait il y a peu au Sénat que cette augmentation « n’est pas grave pour les ménages, car c’est l’équivalent d’un paquet de cigarettes par mois », ce qui confirme bien que certaines élites sont déconnectées de la réalité vécue par la majorité de nos concitoyens. Quel mépris dans cette phrase !

Contrairement à lui, nous affirmons que cette hausse aggrave les inégalités et fait basculer des dizaines de milliers de personnes en situation de précarité énergétique.

Et contrairement à ce que le Gouvernement a affirmé, les usagers, devenus des clients, paient non pas le coût de l’énergie, mais bien le prix de l’Europe libérale. Ce sont 1, 3 milliard d’euros pris dans les poches des ménages qui passent ainsi directement dans les coffres-forts des opérateurs privés avec les deux augmentations des neuf derniers mois. C’est donc un hold-up rondement mené au profit du privé, avec votre bénédiction.

Avec ces différentes hausses, le peuple a compris une chose : le mythe selon lequel l’ouverture à la concurrence ferait baisser les prix est devenu une allégorie du mensonge. Depuis dix ans, l’électricité a augmenté de 27 % et le gaz de 70 %.

Et pendant ce temps-là, vous préparez le démantèlement, la désintégration puis la future privatisation de l’entreprise publique avec le projet Hercule, à rebours du sens de l’Histoire, qui veut que seule une entreprise publique, intégrée et monopolistique puisse répondre aux défis d’avenir qu’est la transition énergétique et répondre aux besoins humains.

Ces mêmes politiques de libéralisation plombent aujourd’hui EDF, l’obligeant à transférer à ses concurrents la rente du nucléaire sans contrepartie et sans engagement de leur part à investir.

La hausse des tarifs réglementés intervient ainsi sur demande des opérateurs alternatifs privés à la CRE, afin qu’ils puissent proposer des tarifs libres au même prix que les tarifs réglementés.

Tout cela, au final, pour respecter le dogme de la sacro-sainte concurrence libre et non faussée imposé par Bruxelles, même lorsque cette concurrence est défaillante.

Alors que la solution adoptée consiste à confier la régulation des prix au marché, méthode inefficace s’il fallait encore le démontrer, notre proposition de loi choisit de consacrer l’accès à l’énergie en droit fondamental, tel que garanti par la Constitution, gardienne de notre histoire et des droits fondamentaux qui en ont émergé.

Sous la monarchie absolue sont nées les revendications de libertés citoyennes et politiques. Avec la révolution industrielle, les premières garanties économiques et sociales ont été conquises, enrichies par le Front populaire et le Conseil national de la Résistance. Ce sont ensuite les catastrophes écologiques et la prise de conscience du danger futur qu’elles supposent qui ont introduit l’impératif de droits collectifs et de protection de l’environnement.

Alors que nous combattons sans relâche pour préserver et enrichir ces droits conquis de longue date, il nous faut inclure dans ces luttes la création de droits nouveaux.

Ériger l’accès à l’énergie en droit fondamental, comme nous le proposons à l’article 1er, s’impose comme une suite logique à cette dynamique historique qui fait correspondre nos droits fondamentaux aux nécessités de notre temps.

Il s’agirait également de respecter nos engagements en donnant un fondement national aux dispositions du socle des droits sociaux de Göteborg, lequel place l’énergie parmi les services essentiels auxquels toute personne a le droit d’accéder.

Oui, nous le disons : alors que les différents gouvernements, prônant une politique libérale, essaient de réduire depuis trente ans les droits et les accès aux droits, nous prônons une vision de la société radicalement différente. Nous voulons la garantie d’accès aux droits et en conquérir de nouveaux. Si nous votons ce premier article, il conviendra donc ensuite de garantir l’accès à ce droit.

Cet objectif d’égalité dans l’accès à l’énergie doit s’accompagner de celui de justice sociale. Nous voulons, à travers l’article 2, que soient interdites tout au long de l’année les coupures d’électricité, de chaleur et de gaz. Et ainsi, en finir avec ce scandale consistant à priver des hommes et des femmes d’électricité et de gaz, c’est-à-dire pouvoir se doucher, se chauffer ou encore manger.

Il y a quelques jours, à la suite d’actions syndicales au cours desquelles des syndicalistes de l’énergie ont coupé quelques instants l’électricité dans des lieux symboliques pour faire entendre leur voix contre la réforme des retraites, nous avons entendu la droite sénatoriale et le Gouvernement pousser de concert des cris d’orfraie et demander des sanctions exemplaires. Mais, bizarrement, personne n’a fait part de sa vive émotion lorsque, l’an dernier, 574 000 ménages ont vu leur électricité coupée ou réduite. Car, oui, en France, une entreprise, publique ou privée, peut punir les pauvres, parce qu’ils sont pauvres.

Nous disons aux syndicalistes que vous accusez de tous les maux, qui sont les mêmes que ceux qui rétablissent le courant en se nommant les Robins des Bois et qui sont poursuivis pour délit de solidarité, que nous les soutenons pleinement.

Enfin, nous entendons sortir l’énergie du secteur marchand pour lui reconnaître le statut de bien de première nécessité, afin d’y appliquer, via notre article 4, et en vertu de la directive du Conseil européen du 19 octobre 1992, un taux réduit de TVA à hauteur de 5, 5 %.

Cette mesure d’allégement fiscal prend tout son sens lorsque l’on se livre à un examen de la composition du prix de l’électricité. Les taxes pèsent pour un tiers dans la facture payée par les usagers, ce qui est déjà lourd de conséquences financières pour les ménages précaires et rend la facture illisible. En l’état, cela veut dire toujours plus de vulnérabilité pour les 7 millions de ménages qui se trouvent en situation de précarité énergétique.

Enfin, après l’allégement de la TVA à 5, 5 %, nous proposons que les bénéficiaires du chèque énergie soient exonérés de taxes sur la consommation d’électricité et de gaz, et à raison : la contribution au service public de l’électricité (CSPE), censée financer les énergies renouvelables, demeure un dispositif à la gestion et aux résultats opaques. Elle est aujourd’hui absorbée directement dans le budget de l’État et a donc servi par exemple à financer le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE). En ce sens, il nous paraît nécessaire d’exonérer de CSPE et de taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel (TICGN) les ménages les plus en difficulté.

Un dernier mot sur le rapport de Mme la rapporteure, que nous remercions pour son travail et son sérieux.

La commission n’a pas adopté notre proposition de loi et propose de travailler sur le chèque énergie. Nous rappelons que cette solution curative n’est pas durable et qu’en plus il faudrait, selon l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), un chèque d’en moyenne 710 euros par foyer.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabien Gay

Son montant varie aujourd’hui entre 48 euros et 277 euros, même s’il a été augmenté de 50 euros l’an dernier.

Nous sommes d’accord pour que son montant soit revu et son accès élargi, sachant que 25 % des potentiels bénéficiaires n’y ont pas recours, car ils ne savent pas qu’ils y ont droit. Mais nous pensons surtout que la majorité des personnes concernées veulent non pas recevoir l’aumône, mais plutôt pouvoir payer leur facture. Il est donc urgent d’augmenter les salaires.

M. Jean-François Husson s ’ exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabien Gay

Évidemment, cette proposition de loi ne répondra pas seule à la question de la précarité énergétique. Il faut mettre en place des politiques publiques ciblées sur les facteurs qui fragilisent les ménages – revenu disponible, prix de l’énergie, conditions de vie, qualité de l’habitat et de l’équipement de chauffage.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabien Gay

Ce dernier point est important. Nous le redisons, comme nous l’avons affirmé pendant l’examen de la loi ÉLAN : il faut d’urgence un plan Marshall de la rénovation énergétique des logements.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabien Gay

Au rythme actuel, il faudrait cent quarante ans pour rénover l’ensemble des logements classés F et G. Les aides existantes sont par ailleurs aujourd’hui majoritairement destinées aux propriétaires, alors que la grande majorité des ménages précaires demeurent locataires.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabien Gay

M. Fabien Gay. Cette proposition de loi est donc un pas contre la précarité énergétique, mais nous avons besoin d’actions publiques cohérentes et d’ampleur.

Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SOCR.

Debut de section - PermalienPhoto de Denise Saint-Pé

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous mesurons tous, dans notre vie quotidienne, l’importance de disposer d’une énergie en quantité suffisante et à un prix raisonnable.

Sans énergie, il est impossible de se chauffer, de se déplacer, voire de communiquer ou de s’informer. C’est donc un poste essentiel dans le budget des ménages et une dépense contrainte qu’il est souvent difficile de maîtriser, en particulier quand les moyens manquent pour mieux isoler son logement ou remplacer sa vieille chaudière.

Selon les données publiées par l’ONPE le 7 janvier dernier, près de 6, 8 millions de personnes sont en situation de précarité énergétique au sens économique, c’est-à-dire que sont concernés les ménages pauvres et modestes consacrant plus de 8 % de leurs revenus au paiement de la facture énergétique de leur logement.

La question abordée par la proposition de loi de nos collègues du groupe communiste est donc majeure et chacun partage, à l’évidence, la préoccupation exprimée par ses auteurs pour faciliter l’accès à l’énergie ou réduire la facture – j’oserai dire : la fracture énergétique.

Pour autant, la commission a jugé qu’aucune des mesures proposées par le texte n’était satisfaisante et que d’autres pistes devaient être explorées pour répondre à ces enjeux, j’y reviendrai.

En premier lieu, nos collègues proposent d’élever l’accès à l’énergie au rang de droit fondamental. Comme tous nos interlocuteurs l’ont confirmé, cette mesure n’aurait, en elle-même, aucun effet juridique notable ; elle ne changerait rien sur le plan fiscal, pas plus qu’elle n’octroierait, à elle seule, de nouveaux droits.

La deuxième mesure proposée serait, quant à elle, bien concrète. Elle consisterait à étendre l’interdiction des coupures d’électricité, de chaleur et de gaz, qui ne vaut aujourd’hui que durant la trêve hivernale, à l’ensemble de l’année, comme c’est déjà le cas pour l’eau. Cette protection nouvelle serait accordée uniquement aux bénéficiaires du chèque énergie.

Or de nombreux motifs nous ont conduits à écarter cette solution. Elle reviendrait d’abord à déresponsabiliser une partie des usagers et augmenterait immanquablement les impayés, dont le coût se reporterait sur l’ensemble des consommateurs, y compris les plus modestes.

Le retour d’expérience de l’eau le démontre : dans les trois années suivant l’interdiction des coupures tout au long de l’année, les impayés et irrécouvrables ont augmenté de 20 %, selon les données de la Fédération professionnelle des entreprises de l’eau.

Ensuite, elle tendrait aussi à masquer le coût réel de l’énergie et n’inciterait pas à la maîtrise des consommations, ce qui irait à l’encontre de nos objectifs climatiques.

Cette mesure, qui est adossée au dispositif du chèque énergie, poserait par ailleurs des difficultés en termes d’identification des bénéficiaires pour les fournisseurs, en particulier lorsque le chèque énergie a été affecté par leur client à un autre fournisseur. Elle pourrait ainsi conduire à des effets d’aubaine importants si, du fait de ces difficultés d’identification, et pour éviter tout risque de contentieux, elle venait à protéger indifféremment les ménages précaires et les ménages solvables.

À l’inverse, certains publics précaires n’en bénéficieraient pas, car l’ensemble des ménages n’est pas éligible au chèque énergie. Il en est ainsi des personnes en réinsertion vivant dans des logements en intermédiation locative.

Enfin, il faut rappeler que, si tout doit être fait, bien sûr, pour éviter sa mise en œuvre effective, l’annonce d’une possible coupure déclenche le plus souvent un processus d’évaluation de la situation du consommateur, d’orientation vers les différentes aides disponibles et d’étalement des paiements qui permet, bien souvent, de sortir de cette spirale d’accumulation de dettes.

Les deux autres mesures proposées visent le même objectif : celui d’alléger la facture en modulant le niveau de la fiscalité énergétique, mais selon des modalités bien différentes. La première consisterait à exonérer les bénéficiaires du chèque énergie de deux taxes, la CSPE et la TICGN ; la seconde mesure proposée établirait un taux réduit de TVA à 5, 5 % sur une partie des consommations, dont le niveau serait fonction, notamment, de la composition familiale du foyer, mais sans condition de ressources.

Là aussi, nous pouvons partager le constat – celui de la hausse des taxes sur l’énergie au cours des dernières années – de même que l’objectif – celui d’alléger la facture des Français –, mais sans pour autant partager les solutions préconisées, qui seraient à la fois complexes, sinon impossibles à mettre à œuvre, et largement inefficaces sur le fond.

Sur le plan juridique d’abord, le droit européen n’autorise pas l’application de régimes d’exonération ou de taux différents entre les ménages. Cela ne veut pas dire, bien entendu, que l’on ne peut pas faire de redistribution au profit des ménages les plus modestes, mais alors il faut passer par des outils plus adaptés, à commencer par des aides directes.

Sur le plan pratique, ensuite, ces mesures rendraient plus complexe la facturation, avec des risques d’erreurs et des surcoûts importants, et les fournisseurs devraient même, pour appliquer la mesure sur la TVA, connaître la composition du foyer à chaque période de facturation, ce qui poserait clairement question en termes de protection de la vie privée.

Enfin, le rapport coût-efficacité de ces mesures serait très peu favorable selon nos calculs : la perte de recettes pour l’État serait d’au moins 2, 5 milliards d’euros par an pour une mesure qui bénéficierait, dans le cas de la TVA, à tous les consommateurs, y compris ceux qui peuvent s’acquitter de leur facture sans difficulté particulière.

Il me semble que nous pourrions trouver un meilleur usage de ces montants pour cibler, en priorité, les plus modestes.

Pour ce faire, notre commission préconise d’améliorer et d’amplifier les dispositifs existants.

Debut de section - PermalienPhoto de Denise Saint-Pé

Tout d’abord, il importe de réduire le taux de non-recours au chèque énergie, qui demeure important puisqu’il s’établirait à ce jour entre 20 % et 25 %.

En effet, de multiples retours de terrain de la part de travailleurs sociaux, d’élus locaux, d’associations font encore état de difficultés à appréhender le dispositif.

Deux leviers peuvent corriger cela : d’abord, intensifier la communication sur le chèque énergie, pour que l’information parvienne bien à tous ses bénéficiaires potentiels ; parallèlement, il convient de simplifier son fonctionnement autant que possible, madame la secrétaire d’État, pour que ceux qui y ont droit ne se censurent pas par « phobie administrative ».

Au demeurant, il faudrait également augmenter les montants maximaux du chèque énergie pour les tranches de revenus les plus basses. Durant l’examen du projet de loi de finances pour 2020, le Sénat avait adopté une hausse des crédits alloués au chèque énergie de 75 millions d’euros, soit en moyenne 25 euros par ménage, contre l’avis du Gouvernement.

Je rappelle pourtant que le montant maximal du chèque énergie est aujourd’hui de 277 euros, quand l’ONPE, comme l’a rappelé notre collègue Fabien Gay, estime qu’il faudrait 710 euros pour ramener la part des dépenses d’énergie sous les 8 % du revenu des ménages les plus modestes.

Certes, le barème du chèque énergie a été augmenté en 2019, et je salue cette initiative, mais cette évolution reste insuffisante pour permettre à ces ménages de régler leurs factures, sans parler de couvrir leurs frais de rénovation énergétique.

Plus généralement, la précarité énergétique est un mal qu’on ne pourra éradiquer seulement en octroyant des aides au paiement des factures d’énergie. Ces mesures, telles que le chèque énergie, sont évidemment essentielles pour faire face à l’urgence, mais elles ne font que traiter les symptômes de la précarité énergétique.

Pour réduire celle-ci, il est aussi nécessaire d’amplifier la politique de rénovation énergétique des logements en continuant les efforts de simplification des dispositifs d’aides entamés en ce début d’année par le Gouvernement, sans renier pour autant leur niveau d’ambition. Je pense notamment au lancement de la prime unifiée MaPrimeRénov’.

Enfin, d’autres mesures pourraient être envisagées : par exemple sanctionner les fournisseurs qui ne respectent pas l’interdiction de rattrapage des factures de plus de quatorze mois, rendre obligatoire la contribution de l’ensemble des fournisseurs au fonds de solidarité pour le logement, ou encore étendre l’interdiction des coupures durant la trêve hivernale au gaz de pétrole liquéfié (GPL) en réseau.

Pour l’ensemble des raisons exposées, notre commission est défavorable à l’adoption de cette proposition de loi.

Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Daniel Gremillet applaudit également.

Debut de section - Permalien
Emmanuelle Wargon

Monsieur le président, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, les mesures de lutte contre la précarité énergétique figurant dans cette proposition de loi abordent un vrai enjeu de politique publique.

La précarité énergétique est une réalité forte pour nombre de nos concitoyens. C’est un enjeu de transition énergétique et de lutte contre la pauvreté et le Gouvernement travaille pour y apporter des solutions.

L’ONPE, que vous avez cité, définit la précarité énergétique comme « le fait de consacrer plus de 8 % de ses revenus au paiement des factures d’énergie du logement ». En 2018, 11, 7 % des Français étaient au-dessus de ce seuil, contre 14, 5 % en 2013. Les progrès sont donc réels, mais, je le reconnais tout à fait, trop lents.

Au-delà des chiffres, la précarité énergétique est d’abord une réalité de difficultés individuelles, de ménages qui vivent dans un logement inconfortable, pour qui les dépenses de chauffage et de transport sont élevées, qui ont du mal à payer leurs factures. En 2017, 123 000 ménages ont bénéficié d’une aide des fonds de solidarité pour le logement pour payer leurs factures d’énergie.

En 2018, 572 000 interventions des fournisseurs d’énergie ont eu lieu à la suite d’impayés, c’est-à-dire des réductions de puissance, des suspensions de fourniture ou même des résiliations de contrat. Si ce nombre était de 624 000 en 2014, il montre bien l’ampleur du phénomène.

Nos concitoyens nous ont rappelé ces difficultés au cours des derniers mois. Ils nous ont dit que la fluctuation des prix de l’énergie avait sur eux un impact important.

La proposition de loi que vous présentez aujourd’hui a donc retenu toute l’attention du Gouvernement. Néanmoins, si son objectif, auquel nous souscrivons, est louable, les moyens qu’elle propose pour y parvenir ne nous semblent pas les mieux adaptés.

En effet, la proposition de loi entre en désaccord direct avec plusieurs engagements européens de la France, notamment en termes d’encadrement de la fiscalité.

Il est ainsi impossible, en matière de fiscalité de l’énergie, d’opérer une distinction entre les ménages en fonction de leurs revenus, comme cela est proposé. Le soutien à ces ménages peut en revanche passer par d’autres moyens, comme ceux que le Gouvernement a mis en œuvre et continuera à soutenir, par exemple le chèque énergie.

En outre, seule la Constitution peut élever un principe au rang de droit fondamental. La loi ordinaire n’est pas un vecteur suffisant, d’autant plus que l’électricité est d’ores et déjà considérée par les tribunaux comme un bien de première nécessité.

Enfin, la Commission de régulation de l’énergie suit en permanence la situation du marché de l’énergie, pour le gaz naturel comme pour l’électricité. Elle produit à ce sujet une documentation riche et abondante. Pour cette raison, il nous semble donc peu utile de présenter un rapport supplémentaire, qui ne viendrait pour l’essentiel que répéter ce que d’autres disent déjà.

Le Gouvernement est à l’écoute de ces difficultés et souhaite être force de propositions.

C’est pourquoi, au-delà des dispositifs déjà en place, nous avons, depuis 2017, renforcé les mesures de lutte contre la précarité énergétique.

Les coupures d’électricité et de gaz naturel étaient déjà interdites pendant la trêve hivernale afin de protéger tous les ménages ; mais, au-delà de l’interdiction de coupure, des protections supplémentaires sont mises en œuvre pour les bénéficiaires du chèque énergie sur leurs contrats d’électricité et de gaz naturel.

Ainsi, en cas d’incident de paiement, ces ménages bénéficient du maintien de leur puissance électrique pendant l’hiver, d’une réduction des frais liés à une intervention en cas d’impayés et d’une exonération des frais liés à un rejet de paiement.

De plus, dans le cas où un fournisseur envisagerait de mettre en œuvre une coupure, il est important de rappeler que les pratiques des fournisseurs sont très encadrées. En effet, l’annonce d’une possible coupure ou d’une réduction de puissance déclenche un processus d’évaluation de la situation du client, d’orientation vers les aides disponibles et d’étalement des paiements. En ce sens, elle fait office de signal d’alerte et permet de déclencher un processus d’accompagnement pour aider le consommateur en difficulté.

Par ailleurs, pour accompagner financièrement les ménages, le chèque énergie, créé sous forme expérimentale par la loi de 2015, a été généralisé en 2018, année où il a été ouvert à plus de 3, 6 millions de ménages.

Disponible quel que soit le mode de chauffage, ce dispositif est plus efficace que les anciens tarifs sociaux, limités à l’électricité et au gaz.

En 2019, afin d’améliorer l’accompagnement des ménages précaires, le Gouvernement a élargi le chèque énergie à 5, 7 millions de ménages et augmenté de 50 euros les montants versés par rapport à 2018. Près de 850 millions d’euros sont désormais consacrés à cette aide.

Ce chèque énergie est en train de trouver son public. Le taux de recours s’est établi à environ 80 % en 2018 ; il sera supérieur en 2019 et le Gouvernement travaille à la simplification des formulaires, des messages d’information, à l’automatisation du versement, pour augmenter encore ce taux de recours au-delà du montant un peu supérieur à 80 % auquel il va se situer cette année.

Notre effort doit aussi se concentrer sur les sources du problème et nous devons réduire directement et sur le long terme le poids des factures d’énergie. C’est la raison pour laquelle nous menons une politique ambitieuse en matière de rénovation de logements. Le Gouvernement vise un objectif de 500 000 rénovations énergétiques par an, dont 150 000 au titre des passoires énergétiques qui sont généralement occupées par les ménages les plus fragiles.

Debut de section - Permalien
Emmanuelle Wargon

Cela inclut également 100 000 rénovations par an de logements sociaux.

Les moyens sont nombreux et complémentaires entre eux. Je pense notamment au nouveau dispositif MaPrimeRénov’ qui fusionne, depuis le 1er janvier 2020, le crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE) et l’aide « ANAH-Habiter mieux agilité » pour les ménages les plus fragiles. Cette aide est versée dès la fin des travaux ; il n’y a donc plus de décalage entre ceux-ci et l’aide reçue – auparavant, le crédit d’impôt pouvait n’intervenir qu’un an et demi après les travaux.

Je pense aussi à la mobilisation des certificats d’économies d’énergie, notamment les « Coups de pouce ». Ces certificats d’économies d’énergie apportent des moyens importants, en finançant des investissements et en soutenant des programmes de détection et d’accompagnement des ménages. Ces dernières années, les certificats d’économies d’énergie dits « de précarité énergétique » ont représenté un financement d’environ un milliard d’euros par an. En 2019, le Gouvernement a modifié le dispositif « Coup de pouce économies d’énergie » financé par les certificats d’économies d’énergie de façon à renforcer très fortement les aides pour les changements de moyens de chauffage et les travaux d’isolation.

Ces évolutions ont eu un fort effet d’entraînement, en particulier pour les ménages modestes, pour lesquels ces coups de pouce sont bonifiés : 275 000 changements de chaudières, dont 103 000 en remplacement du fioul, et 750 000 isolations de combles et de planchers bas ont été engagés en 2019. Un ménage qui remplace une chaudière au fioul par une pompe à chaleur voit sa facture annuelle de chauffage baisser de 1 000 euros en moyenne.

Grâce aux seuls changements de chaudière, les ménages économisent 175 millions d’euros chaque année sur leurs factures et l’émission de près de 800 tonnes de CO2 est évitée. Grâce aux mesures sur l’isolation, les économies sont estimées à environ 300 millions d’euros sur les factures et 700 tonnes de CO2 évitées.

Enfin, l’éco-prêt à taux zéro a été fortement simplifié en 2019 : il peut désormais assurer le financement d’un seul geste de rénovation sans notion de bouquet de travaux.

Vous l’aurez compris, l’information et l’accès à un conseil personnalisé sont des clés de la mobilisation des bénéficiaires et font donc l’objet d’une action toute particulière.

Les efforts d’information et de conseil à destination de l’ensemble des acteurs sont coordonnés sous une bannière unique, « FAIRE », pour laquelle nous souhaitons des adhésions les plus larges possible. Cette charte est aujourd’hui signée par plus d’une centaine d’acteurs et nous avons proposé aux collectivités locales, notamment aux régions, aux départements et aux établissements publics de coopération intercommunale, de s’engager avec nous sur la pérennisation et l’amélioration des plateformes d’information et de conseil à travers un programme de certificat d’économies d’énergie qui permet de financer ces plateformes à hauteur de 200 millions d’euros pour les trois prochaines années.

Le débat d’aujourd’hui nous invite à aller encore plus loin. C’est ce que nous allons faire.

Sur la rénovation des bâtiments, il nous faut à la fois rendre nos dispositifs de soutien encore plus efficaces dans leur conception et plus ciblés vers nos concitoyens les plus fragiles, en particulier en renforçant la détection et l’accompagnement des ménages en situation de précarité énergétique.

Pour 2021, nous finirons la transformation du CITE en prime pour y inclure les ménages qui bénéficient encore du crédit d’impôt. En 2021 aussi, nous étendrons ce nouveau système aux bailleurs et nous le rendrons plus facile d’accès pour les copropriétés, où habitent nombre de ménages en situation de précarité énergétique.

Nous continuerons à mobiliser les programmes de certificats d’économies d’énergie pour tester des innovations qui visent à réduire le coût des rénovations et à les généraliser. À titre d’exemple, le dispositif continuera à soutenir le déploiement en France du programme EnergieSprong dans les logements sociaux, mais aussi dans le parc privé et les bâtiments éducatifs.

Plus largement, nous devons viser à moyen terme l’éradication des passoires thermiques, y compris celles du parc locatif privé. La loi relative à l’énergie et au climat a fixé un cadre clair : elle fixe l’exigence d’une performance énergétique minimale à respecter à partir du 1er janvier 2023 pour que le logement puisse être qualifié de décent, et donc mis en location.

Avant 2028, les propriétaires de passoires thermiques devront avoir réalisé des travaux d’amélioration de la performance énergétique permettant à leur logement d’atteindre au moins la classe E. La loi relative à l’énergie et au climat doit ainsi conduire à l’éradication des logements de classe F et G d’ici au 1er janvier 2028 pour les maisons individuelles et la plupart des copropriétés et d’ici au 1er janvier 2033 pour les copropriétés confrontées à des difficultés particulières.

Ces mesures et obligations seront rendues possibles en prenant appui sur le nouveau diagnostic de performance énergétique (DPE) qui, grâce à une concertation et un travail avec les professionnels, sera amélioré pour le rendre fiable et opposable en 2021.

La première période de la programmation pluriannuelle de l’énergie, qui court jusqu’en 2023, permettra d’analyser plus finement la composition du parc de logements et de mieux connaître les propriétaires de passoires thermiques. À la lumière de ces études et des résultats obtenus durant la phase d’incitation, des sanctions en cas de non-respect des obligations de travaux d’ici à 2028 pourront être définies en 2023 dans le cadre de la loi de programmation quinquennale sur l’énergie.

En conclusion, j’aimerais réaffirmer l’engagement du Gouvernement : les ménages les plus vulnérables ne doivent pas être laissés sur le côté et la transition écologique doit être également solidaire. Ces actions concrètes et les projets pour les prochains mois montrent que le soutien aux plus vulnérables est au cœur de nos préoccupations et de nos actions.

La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui, bien que louable dans son objectif, ne me semble pas la meilleure manière de lutter contre la précarité énergétique. Le désaccord avec cette proposition de loi ne signifie pas que nous ne partageons pas ses objectifs ; il signifie simplement que nous proposons d’autres moyens, plus efficaces, pour concilier allégement des factures des plus vulnérables et incitation au changement des comportements.

Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Gremillet

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je souhaite tout d’abord remercier Fabien Gay d’avoir demandé l’inscription de cette proposition de loi à notre ordre du jour. Ce texte pose en effet une question très importante.

Pour atteindre l’objectif de neutralité carbone que nous avons adopté dans le cadre de la loi relative à l’énergie et au climat, chacun doit disposer des moyens de réaliser concrètement la transition énergétique. Or la précarité énergétique est un phénomène en hausse : dans un récent rapport, l’Observatoire national de la précarité énergétique a ainsi évalué à 6, 8 millions le nombre de personnes concernées en 2019 ; ce chiffre est en augmentation de 233 000 par rapport à 2018, ce qui est particulièrement inquiétant.

Cette situation n’est pas admissible : elle est à la fois socialement préoccupante, économiquement inefficace et écologiquement préjudiciable. Dans le contexte de crise climatique que nous connaissons, les ménages ne doivent pas subir les contrecoups de la transition énergétique – souvenons-nous des conséquences à la fin de 2018 et au début de 2019 des décisions prises par le Gouvernement en ce qui concerne la trajectoire carbone

M. Jean-François Husson renchérit.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Gremillet

C’est pourquoi nous devons être très attentifs au poids de l’énergie dans le portefeuille des Français : sur ce point, rappelons que la fiscalité énergétique atteint 3 000 euros par an et par ménage, jusqu’à 4 000 euros en zone rurale, et que le transport et l’énergie représentent 30 % du budget des propriétaires, jusqu’à 40 % pour les locataires.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Gremillet

Si nous partageons tous ici, mon cher Fabien Gay, l’objectif de lutte contre la précarité énergétique visé par la présente proposition de loi, les évolutions qu’elle emporte ne sont pas satisfaisantes.

En premier lieu, la consécration de l’énergie comme un droit fondamental présente un caractère largement incantatoire.

Ensuite, l’application tout au long de l’année de la trêve hivernale comporte un effet d’aubaine évident sans apporter de véritable réponse de fond.

En outre, les réductions de TVA, de CSPE et de TICGN ne sont pas conformes au droit européen qui prohibe la différenciation des taux selon la situation des ménages.

Enfin, la demande de rapport apparaît comme une réponse bien modeste au regard de la gravité des enjeux. Pour autant, la question qui est posée est très grave pour les femmes et les hommes concernés.

Au total, le contenu de la proposition de loi est peu convaincant, même si son intention – il faut le répéter – est tout à fait louable. Le groupe Les Républicains ne pourra donc pas la soutenir.

Pour autant, comment agir, et vite, pour répondre aux situations de détresse induites par la précarité énergétique ? À mon sens, deux leviers d’action peuvent être mobilisés sans délai. Nous avons d’ailleurs trouvé des convergences sur ces sujets dans cet hémicycle lors de l’examen du projet de loi relatif à l’énergie et au climat et du projet de loi de finances pour 2020. Madame la secrétaire d’État, nous avons alors fait des propositions pour apporter des réponses non pas conjoncturelles, mais durables, pour ces familles en situation de précarité.

La loi relative à l’énergie et au climat a simplifié les conditions de mise en œuvre des afficheurs déportés qui permettent aux ménages modestes de suivre leur consommation d’énergie. Ce dispositif créé par la loi de 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte n’a pas été déployé et ne sert donc à rien !

Cette loi a en outre renforcé les informations que les fournisseurs d’électricité et de gaz doivent transmettre à plusieurs instances de régulation, ce qui concourt à la protection des consommateurs. Nous attendons désormais du Gouvernement l’édiction des mesures réglementaires qui s’imposent.

Un effort budgétaire est également attendu. À ce titre, je regrette que les crédits destinés au chèque énergie n’aient pas été augmentés de 75 millions d’euros dans la loi de finances pour 2020 – cette mesure, un temps adoptée par le Sénat sur l’initiative de sa commission des affaires économiques, suivait une recommandation du médiateur national de l’énergie.

Je déplore aussi que les mesures concrètes que j’avais défendues avec mes collègues Jean-François Husson et Dominique Estrosi Sassone aient connu le même sort ; je veux parler ici des coups de pouce proposés dans le cadre de la réforme du CITE pour le renouvellement par les ménages modestes d’équipements du quotidien.

Nous considérons que les moyens déployés par le Gouvernement doivent être rehaussés à la hauteur des objectifs votés par le législateur. Comment atteindre l’objectif fixé dans la loi relative à la transition énergétique de 500 000 rénovations de logements par an, dont la moitié sont occupés par des ménages modestes, alors que les crédits liés à l’énergie baissent d’un milliard d’euros cette année ?

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Gremillet

Au-delà de cette proposition de loi qui ne peut être soutenue en raison de sa fragilité juridique, j’appelle le Gouvernement à jouer tout son rôle pour ne laisser aucun de nos concitoyens en marge de la transition énergétique.

Madame la secrétaire d’État, si nous avions simplement traduit dans les lois de finances les objectifs fixés dans d’autres textes relatifs à l’énergie et au climat, nous n’en serions pas là aujourd’hui ! Une grande partie des problèmes soulevés par la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui auraient alors été satisfaits, ce qui aurait constitué une réponse durable pour les ménages les plus modestes.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, comment un pays comme la France peut-il laisser des enfants et des adultes souffrir du froid dans leur logement ? N’est-il pas temps de revenir aux principes d’une économie morale et de travailler à la formulation d’un droit à une existence digne ?

Cette proposition de loi du groupe CRCE va dans le bon sens et, au nom du groupe socialiste, j’indique ici que nous la soutenons.

Personne n’échappera aux conséquences des bouleversements climatiques, de la dégradation de la qualité de l’eau et de l’air ou de l’effondrement de la biodiversité, mais les plus touchés, et de loin, seront les plus pauvres, alors qu’ils sont les moins responsables de la situation. Ce sont eux, d’ailleurs, qui habitent les logements les plus insalubres. Ce sont eux qui vivent dans des passoires énergétiques, dont les propriétaires récalcitrants s’opposent à la réalisation de travaux de rénovation thermique.

Le mal est trop grave pour que l’on tergiverse, encore, ou que l’on reporte les décisions. Ce n’est pourtant pas faute d’entendre les alertes lancées par la Fondation Abbé Pierre, selon laquelle il est plus que temps de changer de dimension, ou celles de l’Observatoire des inégalités qui regrette que la lutte contre la pauvreté ne soit pas à la hauteur des enjeux sociaux.

On sait que l’année 2019 a été celle d’un triste record, celui du nombre de coupures d’énergie pour impayés. Les trois facteurs de la précarité énergétique sont connus : faibles revenus ; logement passoire – il y en a 8 millions en France, 27 000 dans mon département – ; prix de l’énergie.

Notez que le prix de l’électricité a augmenté de 40 % en dix ans, que la CSPE a été multipliée par cinq, que les taxes pèsent à hauteur de 35 % sur le prix de l’électricité, de 27 % sur celui du gaz, et que la TICGN a été multipliée par sept. Il arrive même souvent, dans le cas des logements passoires, que l’ensemble des taxes dépasse le montant maximal du chèque énergie. Selon l’Observatoire national de la précarité énergétique, 7 millions de personnes consacrent plus de 8 % de leurs revenus à payer la facture énergétique de leur logement.

Nul ne conteste que des efforts aient été réalisés au cours de ces dernières années pour lutter contre la précarité énergétique, mais ces efforts ne sont pas à la hauteur des enjeux sociaux. C’est aussi l’ONPE qui précisait que, pour sortir l’ensemble des ménages de la précarité énergétique, l’aide nécessaire s’élèverait à 3 milliards d’euros par an.

En fait, pour que le taux d’effort soit inférieur à 8 % des revenus, l’aide par logement devrait être de l’ordre de 710 euros par an. C’est pourquoi nous avons proposé par amendement, lors de précédents débats, de revaloriser le chèque énergie, mais ces tentatives ont été rejetées par le Sénat…

Si quelques mesures ont déjà été prises, d’autres, pourtant adoptées par le Parlement, tardent à être mises en œuvre.

Il s’agit par exemple de la question des rattrapages de facturation portant sur des périodes assez longues. La loi relative à la transition énergétique de 2015 prévoit que les fournisseurs d’électricité et de gaz n’ont pas le droit de facturer des consommations intervenues plus de quatorze mois avant le dernier relevé de compteur.

De même, il est regrettable que la législation relative à la mise en place des afficheurs déportés qui permettent d’informer les consommateurs en temps réel du montant de leur consommation d’électricité exprimée en euros ne soit pas appliquée.

Cela dit, nous soutenons, avec le même souci de lutter contre la précarité énergétique, les mesures proposées par Fabien Gay et son groupe.

Ainsi, la proposition de loi prévoit d’élever l’accès à l’énergie au rang de droit fondamental. Je rappelle que l’énergie est reconnue comme un bien de première nécessité.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Comme cela est précisé dans l’exposé des motifs de la proposition de loi, l’accès à l’énergie et à l’électricité en particulier est devenu une nécessité qui ne se limite pas au chauffage durant la période hivernale. Pour éviter l’exclusion, l’accès à l’énergie est une impérieuse nécessité tout au long de l’année – M. Gay a eu raison d’insister sur ce point.

Je rappelle que l’article L. 100-2 du code de l’énergie précise que l’État doit veiller à « garantir aux personnes les plus démunies l’accès à l’énergie, bien de première nécessité ».

Certes, j’ai bien noté que certains d’entre nous émettent des doutes quant à la portée normative d’une telle mesure, mais je relève également que l’on n’écarte pas l’idée – je cite Mme le rapporteur – qu’elle pourrait donner une plus grande chance de succès aux procédures de référé, voire entraîner l’automaticité de certains dispositifs – aide juridique systématique, fournisseur de dernier recours… – et ouvrir la voie à une forme d’opposabilité à l’instar du droit opposable au logement.

Concernant l’article 2 et l’interdiction des coupures d’énergie tout au long de l’année pour les ménages en situation de précarité énergétique, il s’agit d’une mesure cohérente avec la précédente. C’est une protection supplémentaire pour les plus fragiles. Je m’étonne que l’on nous parle encore d’effet d’aubaine, d’autant que je me souviens que, lorsque nous avons instauré l’interdiction des coupures d’énergie durant l’hiver, on nous avait servi les mêmes arguments ! Or il n’y eut point d’effet d’aubaine, ou si peu.

Par rapport à l’article 3, nous partageons le souci du groupe CRCE d’exonérer de la TICGN et de la CSPE les ménages précaires, car force est de constater que la fiscalité de l’énergie n’est pas étrangère aux difficultés financières de certains ménages, ces difficultés les faisant basculer dans la précarité énergétique.

Concernant l’article 4, et pour les mêmes raisons que précédemment, nous proposerons un amendement visant à élargir le périmètre du taux réduit de TVA à une première tranche de consommation d’énergie dite de première nécessité, mais pour les seuls bénéficiaires du chèque énergie.

En effet, un taux de TVA de 20 % est très pénalisant pour les populations les plus fragiles. Il l’est d’autant plus que la TVA s’applique également sur le montant des autres taxes, ce qui constitue clairement une double peine fiscale. Cette double taxation n’est pas acceptable pour ceux qui sont dans la difficulté et qui se chauffent au fioul, à l’électricité ou au gaz.

Enfin, je pense qu’il serait intéressant que soit effectué un bilan de la libéralisation du marché de l’énergie. Si, depuis 1960, les prix de l’électricité sont inférieurs en France à ceux de nos voisins européens, nous le devons à notre mix énergétique et aux tarifs réglementés. De ce point de vue, je crains que les directives européennes adoptées durant les vingt dernières années n’aient une incidence fâcheuse sur les prix. Nous avons trop cédé sur ce terrain et il ne faudrait pas remettre en cause ce qui reste des tarifs réglementés.

Selon les propos tenus en mai dernier par le médiateur de l’énergie, la concurrence n’a pas fait baisser les prix ; ils ne pouvaient qu’augmenter en raison des besoins de financement des énergies renouvelables, du prix de revient du nucléaire en hausse du fait du grand carénage et de la construction de l’EPR, etc. Mais le médiateur ajoutait que la séparation des activités de fourniture et de distribution, rendue nécessaire par l’ouverture des marchés, donc par la libéralisation, a conduit à une « désoptimisation » des organisations, et donc à des coûts additionnels, notamment en matière de systèmes d’information.

Par ailleurs, je relève que, si 39 % des Français estiment que la multiplication des fournisseurs va permettre de faire jouer la concurrence, ils sont presque autant à estimer que cela aboutit à une jungle d’offres peu lisibles, à des risques d’abus et de dérives, à une qualité de service dégradée et à des prix en hausse ou fluctuants.

Je note que 86 % des Français apprécient les tarifs réglementés qui assurent stabilité, sécurité et cohésion territoriale et sociale et qui sont aussi un point de repère pour les consommateurs qui hésitent à opter pour une offre de marché.

Cela dit, si l’urgence consiste à aider les personnes en situation de précarité à payer leurs factures, la meilleure manière d’agir consiste en fait à diminuer le montant de celles-ci, en améliorant la performance énergétique des logements par la rénovation thermique.

Or les mesures prévues par la loi relative à l’énergie et au climat comportent trop d’exceptions et fixent des échéances trop lointaines et, pour l’heure, le reste à charge est trop élevé. En fait, dans le contexte climatique actuel, l’objectif est bien de faire reculer la précarité énergétique, tout en œuvrant pour une société plus respectueuse des ressources naturelles.

Dès lors, le principal levier pour lutter contre la précarité est la rénovation thermique des logements. Éradiquer les logements passoires, c’est résoudre en grande partie la précarité énergétique. Problème : trop de propriétaires sont récalcitrants ou ignorent les possibilités d’aides.

Pour conclure, je dirai que, depuis des années, nous pensons tous ici que l’urgence commande de faire disparaître la précarité énergétique. Nous avons aujourd’hui la possibilité de mettre en accord nos actes avec nos discours. Ne nous contentons pas de dénoncer ce problème ! Combattons-le en pensant que rien, jamais, ne doit contrevenir à un principe aussi simple que fondamental, celui du droit à une existence digne.

Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, facteur déclenchant de la crise des « gilets jaunes », l’augmentation du prix de l’énergie amplifiée par l’application de diverses taxes sur une même assiette demeure peu intelligible et peu acceptable pour nos concitoyens.

Le gel des tarifs de l’électricité et du gaz annoncé en janvier 2019 par le Premier ministre lui avait permis de lâcher du lest, le temps de l’hiver. L’extension du bénéfice du chèque énergie de 3, 6 millions à 5, 8 millions de personnes a de plus redonné du pouvoir d’achat à ceux qui en avaient le plus besoin.

Toutefois, ces mesures sont insuffisantes pour lutter contre la précarité énergétique qui concernait encore 6, 7 millions de personnes en 2017. Or celles-ci consacrent plus de 8 % de leurs revenus aux dépenses énergétiques.

Mes chers collègues, nous souscrivons aux objectifs de la présente proposition de loi et je remercie Fabien Gay et le groupe CRCE de cette initiative, tout en considérant que les mesures proposées ne sont pas les plus pertinentes pour instaurer un droit effectif à l’accès à l’énergie et pour lutter contre la précarité énergétique.

Cependant, la majorité de notre groupe ne peut pas souscrire aux deux principales dispositions de ce texte, à savoir l’interdiction des coupures en matière d’énergie et les exonérations fiscales prévues.

Sur l’interdiction des coupures d’électricité, de chaleur et de gaz tout au long de l’année, nous craignons qu’elle ne profite davantage aux mauvais payeurs qu’aux ménages en difficulté qui sont les premiers à honorer leurs dettes. La majorité du groupe du RDSE ne soutiendra donc pas ce que nous considérons comme une manière de déresponsabiliser les consommateurs, alors que le droit en vigueur est suffisamment équilibré.

Cela a été dit, les coupures restent interdites au cours de la trêve hivernale, période où la consommation est au maximum et la dépense la plus contrainte. En outre, des délais supplémentaires sont accordés en cas de non-paiement de la facture, la puissance livrée en électricité pouvant être réduite. Pour ne citer qu’une partie des dispositifs existants, les ménages peuvent également obtenir une aide de la part du fonds de solidarité pour le logement ou de leur centre communal ou intercommunal d’action sociale.

Mais encore faudrait-il que les ménages en situation de précarité connaissent les dispositifs d’aide. Il est d’ailleurs préférable d’en accroître la lisibilité et, surtout, de les affecter aux plus fragiles – Mme la rapporteure en a parlé. À ce titre, l’introduction du chèque énergie devrait permettre de réduire le taux de non-recours.

Renforçons donc l’existant et consacrons davantage de moyens à la rénovation du bâti. Pour l’ensemble de nos concitoyens, le logement est la première dépense contrainte, sans oublier bien sûr le surcoût des passoires thermiques. Le saupoudrage des subventions publiques nuit à leur efficacité. La remise à plat déjà engagée des aides va dans le bon sens.

En ce qui concerne les mesures fiscales, outre leur non-conformité au droit européen et leur coût élevé pour nos finances publiques après les mesures prises par le Gouvernement en matière de pouvoir d’achat, nous sommes une nouvelle fois de l’avis de notre rapporteure sur l’inapplicabilité de l’exonération de TICGN et de CSPE des ménages éligibles au chèque énergie, puisqu’il faudrait que le fournisseur ait connaissance à tout moment du statut du ménage.

De même, la mise en œuvre opérationnelle du taux de TVA réduit applicable à la première tranche de consommation d’énergie, « en tenant compte notamment de la situation familiale », est pour le moins douteuse. Cela m’évoque un souvenir, celui de la tarification progressive de l’énergie, principale disposition de la proposition de loi Brottes avant qu’elle ne soit censurée par le Conseil constitutionnel… Idée intéressante par sa dimension à la fois sociale et environnementale, elle instaurait dans les faits une usine à gaz, raison pour laquelle j’avais voté la suppression de cet article.

Enfin, il faut rappeler que la taxation élevée qui pèse sur l’énergie n’est pas une spécificité française. Peut-être faudrait-il avant tout simplifier la facture énergétique ? Et surtout, comme nos concitoyens l’exigent, faire en sorte que la fiscalité écologique soit affectée à la transition énergétique.

Mes chers collègues, l’énergie a un coût, ce qui permet d’inciter à la sobriété et à l’amélioration de la performance énergétique des bâtiments.

Cela ne veut pas dire pour autant que nous justifions l’augmentation continue des tarifs de l’électricité. Le coût de l’énergie fait l’objet d’un mode de calcul précis reposant sur une base légale afin de protéger les consommateurs et de les faire bénéficier de la compétitivité du parc nucléaire. N’oublions pas les avantages attendus de l’ouverture à la concurrence du marché de l’électricité, mais il faut reconnaître que ces avantages sont assez imperceptibles pour le moment… Selon Eurostat, le prix de l’électricité a augmenté pour les ménages de 0, 16 euro à 0, 21 euro par kilowattheure entre 2008 et 2017.

Or la France se caractérise par la multiplication récente de fournisseurs qui ne produisent pas d’électricité et qui parviennent à se différencier de l’opérateur historique par leurs services et leurs offres d’électricité, même si celle-ci n’est pas si verte qu’annoncé… La délibération de la CRE proposant une augmentation de 5, 9 % des tarifs réglementés de vente d’électricité a été contestée par l’Autorité de la concurrence dans son avis du 25 mars 2019. La loi relative à l’énergie et au climat offre la possibilité de relever le plafond du tarif de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh), possibilité à laquelle le Gouvernement n’a pas eu recours.

Il faudra donc éviter à l’avenir de maintenir l’ouverture à marche forcée à une concurrence artificielle au détriment du consommateur. Cela n’est conforme ni aux principes généraux du droit de la concurrence ni aux objectifs de l’ouverture du marché européen de l’énergie. Comme l’a affirmé le Conseil d’État dans sa décision du 18 mai 2018, l’électricité est un produit de première nécessité non substituable. C’est ce statut particulier qui nous permet de préserver les tarifs réglementés de vente, contrairement à ce qui a été décidé pour le gaz. Nous serons donc particulièrement vigilants, lors de la prochaine réforme portant nouvelle régulation économique du nucléaire existant, à ce que les consommateurs ne soient pas les perdants de l’ouverture à la concurrence.

Dans cette attente, la majorité des membres du groupe du RDSE s’abstiendra sur cette proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Marchand

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons ce matin a trait à la précarité énergétique et, plus globalement, à l’accès de tous à l’énergie, sujet plus que prégnant dans la France d’aujourd’hui.

Pour les ménages les plus modestes, la part du budget consacrée aux dépenses d’énergie, en particulier au chauffage, devient une charge importante, parfois insurmontable. L’énergie est en effet indispensable pour se chauffer et pour se déplacer, mais aussi pour de nombreux actes de la vie quotidienne, tout en étant une dépense contrainte qui, bien souvent, mobilise une part importante du budget des ménages.

Pour mesurer la précarité énergétique, l’ONPE s’appuie sur un panier d’indicateurs : le taux d’effort énergétique, l’indicateur bas revenus et les dépenses élevées, mais aussi le ressenti de l’inconfort, qui est pris en compte comme indicateur du froid et permet de mesurer le phénomène d’autorestriction de la consommation d’énergie.

Ces indicateurs nous dévoilent la réalité de la précarité énergétique : environ 1 million de ménages cumulent une situation d’inconfort thermique et de vulnérabilité économique ; environ 5, 6 millions de ménages sont quant à eux en situation de précarité énergétique au regard d’au moins un indicateur.

Les impayés d’énergie, en constante augmentation, ne sont que la partie émergée de l’iceberg : les diagnostics effectués au domicile des ménages en difficulté révèlent bien souvent que les ménages pauvres se privent pour ne pas avoir à régler de trop grosses factures.

M. Fabien Gay et ses collègues du groupe CRCE, au travers de la présente proposition de loi, veulent notamment inscrire l’accès à l’énergie parmi les droits fondamentaux et interdire d’infliger des coupures d’eau et d’énergie aux ménages bénéficiaires du chèque énergie. Ils proposent en outre que le taux de TVA des tarifs de l’énergie soit abaissé à 5, 5 % pour ce qui est de la consommation de base et selon des critères sociaux.

Les mesures qui nous sont présentées ont certes une forte valeur symbolique, mais je rejoins notre collègue rapporteur, Mme Denise Saint-Pé, dans ses conclusions.

En effet, si les intentions des auteurs de ce texte sont plus que louables, les difficultés soulevées par les mesures proposées et les doutes qui peuvent naître quant à leur efficacité me font penser que, plutôt que d’inventer des dispositifs nouveaux qui s’avèrent complexes, juridiquement hasardeux et techniquement impossibles, nous serions mieux inspirés de chercher à améliorer les dispositifs existants.

Les leviers d’action sont de deux ordres : traiter les causes en agissant sur la consommation, notamment au travers de l’amélioration de la performance énergétique des logements, et proposer aux ménages en situation de précarité une aide au paiement de la facture énergétique, à travers le chèque énergie.

D’abord, il faut se concentrer sur l’état des logements : leur performance thermique est généralement mauvaise, voire exécrable. Les équipements de chauffage et de production d’eau chaude sanitaire, souvent vétustes, contribuent également à gonfler la facture énergétique des plus pauvres, surtout dans le parc privé.

Pour lutter contre la précarité énergétique, un premier enjeu est d’aider les ménages modestes à réduire leur consommation grâce à la réalisation d’opérations d’économies d’énergie dans leur logement.

Le Gouvernement – Mme la secrétaire d’État l’a rappelé – a tout à fait conscience de l’urgence que revêt l’accélération de la rénovation énergétique des logements. Le plan de rénovation énergétique des bâtiments, lancé en 2018 par le ministère chargé du logement et le ministère de la transition écologique et solidaire, doit permettre, avec l’appui des financements apportés par le Grand Plan d’investissement, d’augmenter les aides à la rénovation énergétique des logements pour les ménages modestes et très modestes : 1, 2 milliard d’euros ont été réservés à cet effet jusqu’en 2022.

De nombreux dispositifs ont été mis en place pour accompagner les ménages modestes dans le financement des travaux d’isolation thermique et de rénovation des systèmes de chauffage. On peut ainsi citer le crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE), le programme « Habiter mieux », piloté par l’Agence nationale de l’habitat (ANAH), les certificats d’économies d’énergie, en particulier le « Coup de pouce chauffage » et le « Coup de pouce isolation », financés par les fournisseurs d’énergie, l’éco-prêt à taux zéro (éco-PTZ), financé par l’État et distribué par les établissements bancaires, la TVA à taux réduit pour les travaux et les programmes complémentaires financés par les collectivités locales.

Afin de faciliter l’accès des ménages modestes qui sont propriétaires occupants de leurs logements à ces financements, qui se multiplient, le Gouvernement a souhaité que les aides versées dans le cadre du CITE et du programme « Habiter mieux » soient fusionnées dans une prime unique dès le 1er janvier 2020. Par ailleurs, à l’occasion de sa prorogation, l’éco-PTZ a été rendu plus opérationnel et fortement simplifié, dès mars 2019 : la condition du bouquet de travaux a été supprimée, ce qui permet de lever la contrainte de liquidité pesant sur les ménages qui ne réalisent pas de bouquet de travaux.

Les locataires doivent également pouvoir bénéficier de logements performants. À ce titre, le CITE sera étendu aux propriétaires bailleurs. L’ANAH continuera à soutenir financièrement les propriétaires bailleurs s’engageant à louer leurs logements aux ménages modestes selon les tarifs conventionnés.

De même, il convient de saluer l’ambition du Gouvernement de faire de la lutte contre les passoires thermiques une réalité, notamment pour les logements occupés par des ménages aux revenus modestes.

À cet égard, l’ambition portée par le plan de renouveau du bassin minier est exemplaire, avec un objectif affiché de rénovation de 23 000 logements dans les départements du Nord et du Pas-de-Calais. Lors de mes échanges avec les habitants de la cité Heurteau, à Hornaing, où 153 logements sont concernés par ce grand plan, ce qui est loin d’être anodin, j’ai eu l’occasion de mesurer combien la lutte contre la précarité énergétique commence par la rénovation thermique des logements.

Je voudrais également mettre l’accent sur le chèque énergie, qui permet aux ménages bénéficiaires de régler leur facture d’énergie, quel que soit leur moyen de chauffage. Ceux-ci peuvent également l’utiliser pour financer des travaux de rénovation énergétique dans leur logement.

Le chèque énergie a remplacé en 2018 les tarifs sociaux du gaz et de l’électricité. Il permet de pallier les défauts constatés des tarifs sociaux, dont le nombre de bénéficiaires était nettement inférieur à celui des ayants droit. Pour rappel, la valeur moyenne du chèque énergie est passée de 150 euros en 2018 à 200 euros en 2019. Son public a également été élargi, puisque le nombre de ménages concernés est passé de 3, 6 millions à 5, 8 millions. Nous pouvons imaginer que ce dispositif continuera d’augmenter dans son montant, mais aussi par le nombre de ménages concernés : c’est l’une des pistes de travail qu’a proposées notre rapporteur.

En définitive, s’il est plus que jamais nécessaire de lutter contre la précarité énergétique, les mesures envisagées dans cette proposition de loi soulèvent chez nous un doute quant à leur efficacité et leur validité juridique. Aussi le groupe La République En Marche votera-t-il contre ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à saluer celles et ceux qui, peu nombreux, sont venus débattre ce matin de cette proposition de loi et, plus largement, de l’enjeu que représente la précarité énergétique.

Permettez-moi, mes chers collègues, en réponse aux propos de certains orateurs précédents et, notamment, de Mme la rapporteure, de rappeler très rapidement les conditions de l’exercice : l’examen de cette proposition de loi se fait dans le cadre d’une niche de notre groupe. Il doit donc se faire dans un temps limité, ce qui impose de soumettre un texte ramassé, où il est impossible de traiter de tous les problèmes.

C’est le choix qu’a fait mon collègue Fabien Gay : aborder le sujet de l’énergie sous un angle spécifiquement social, dans la mesure où la précarité énergétique affecte de plus en plus de nos concitoyens et rend les fins de mois, voire les milieux de mois, très compliqués. Bien des femmes et des hommes doivent choisir, dans notre pays, entre manger et se chauffer. Cette charge est toujours plus lourde pour nos ménages et ses conséquences sont toujours plus insupportables !

J’ai évidemment bien entendu tous les enjeux évoqués par les autres orateurs et, notamment, celui de la rénovation du bâti. Certes, cette première action possible sur le long terme pour lutter contre la précarité énergétique n’est pas présente dans ce texte, mais l’urgence environnementale comme l’urgence sociale sont indéniables.

Force est de constater que, année après année, de plus en plus de gens basculent dans la précarité énergétique : c’est le cas, cette année, de 230 000 personnes, selon le rapport de l’Ademe. Dans le département de la Loire, la Fondation Abbé Pierre rapporte que 68 000 ménages consacrent plus de 12 % de leurs revenus au chauffage de leur logement.

Bien évidemment, j’ai entendu les objections : tout ce que nous proposons au fil des articles de ce texte serait trop compliqué et difficile.

Vous conviendrez pourtant, mes chers collègues, d’une chose : déclarer que l’accès à l’énergie est un droit fondamental n’est tout de même pas si difficile ! L’article 1er permet tout simplement de réaffirmer ce droit. Oui, aujourd’hui, l’accès à l’énergie est la garantie de pouvoir se chauffer de façon correcte au quotidien. Certes, cette année, l’hiver est peut-être plus clément que certaines années précédentes, le chauffage n’en demeure pas moins une nécessité absolue pour vivre dignement.

Je me permettrai également de rappeler à beaucoup d’entre vous qu’ils ont parfois voté en faveur de mesures autrement compliquées ! Ainsi du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) : c’est très cher, c’est très compliqué, mais c’est adopté et reconduit année après année ! De sa mise en place à aujourd’hui, il nous a déjà coûté 100 milliards d’euros, et son inefficacité est fortement reconnue.

La problématique de la TVA a également été évoquée : au-delà de la complexité du dispositif, une difficulté juridique se poserait s’il n’y avait pas d’harmonisation de la TVA pour l’ensemble des ménages. Eh bien, puisqu’il faut faciliter et simplifier, vous auriez pu, madame la rapporteure, nous faire une autre proposition que celle que nous avions rédigée : on pourrait tout simplement, en reconnaissant l’énergie comme un bien de première nécessité, réduire le taux de TVA qui lui est appliqué.

Ainsi, si l’on compare notre situation à ce qui se fait dans d’autres pays européens, il s’avère que le taux de TVA sur l’électricité s’élève à 13, 5 % en Irlande, à 10 % en Italie, à 8 % au Luxembourg et à 5 % au Royaume-Uni, pays qui, même s’il a quitté l’Union européenne, n’en demeure pas moins européen. Finalement, quand on veut, on peut toujours !

J’en reviens donc, avec la question de la TVA, à mon propos initial : réduire son taux, faciliter ainsi le paiement des factures de celles et ceux pour qui elles représentent une charge toujours plus importante ne sera pas la seule solution, mais c’est une mesure immédiate qui pourrait soulager nombre de nos familles.

Il faudra parallèlement, madame la secrétaire d’État, bien plus qu’un chèque énergie, bien plus que les aides qui existent aujourd’hui, et dont on ne peut que constater qu’elles ne sont pas à la hauteur, pour entreprendre une rénovation thermique d’ampleur des logements dans notre pays. C’est vrai dans les grandes villes comme dans les plus petites communes.

Il faut être en mesure de mobiliser l’ensemble des bailleurs sociaux, qui ont été fragilisés par la loi ÉLAN quant à leur financement possible et, par conséquent, à leur capacité à investir et à procéder à la rénovation thermique nécessaire. Il faudra également mobiliser l’ensemble des propriétaires privés de notre pays pour effectuer l’indispensable montée en gamme du plus grand nombre de logements et ainsi réduire réellement tant la fracture que la facture énergétiques.

Nous sommes tous conscients de l’urgence sociale à laquelle il faut répondre, mais aussi du défi environnemental qu’il nous faut relever. Investir fortement dans la rénovation du logement permettrait en outre de créer nombre d’emplois ; les cotisations nouvelles qui en résulteraient produiraient notamment les ressources nécessaires pour financer les mesures que nous proposons dans ce texte.

Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Menonville

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi de notre collègue Fabien Gay nous permet de débattre d’un sujet qui représente, bien entendu, un enjeu social, mais n’en est pas moins un sujet économique et environnemental qui touche au quotidien de nombreux Français.

Selon l’ONPE, 6, 7 millions de ménages français modestes consacrent plus de 8 % de leurs revenus à l’énergie et 15 % des ménages affirment avoir souffert du froid dans leur domicile : parmi les explications les plus fréquentes, des défauts d’isolation sont évoqués par 40 % de ces ménages, un manque de chauffage par 28 % d’entre eux.

Une récente étude de l’Insee sur la vulnérabilité énergétique, qui incluait chauffage et mobilité, a fixé le seuil maximal acceptable pour un ménage : la facture énergétique du logement ne devrait pas représenter plus de 8 % de ses dépenses ; celle des déplacements, plus de 4, 5 %. Selon ces critères, un ménage sur cinq est en situation de vulnérabilité énergétique.

Par ailleurs, on remarque que les habitants des zones rurales, en particulier les retraités modestes, sont surreprésentés dans ces résultats. En effet, sur 3, 8 millions de ménages en situation de précarité énergétique en France, plus de 50 % habitent en zone rurale ou dans une agglomération de moins de 20 000 habitants. En outre, les factures de chauffage dans les zones rurales seraient supérieures de 23 % à la moyenne nationale. Ainsi, il apparaît nécessaire d’accorder une attention particulière à la précarité énergétique en zone rurale.

Ce sujet fondamental nous oblige à être pragmatiques et concrets.

Tout d’abord, les données que j’ai évoquées justifient la nécessité d’encourager les travaux de rénovation énergétique dans les territoires ruraux.

En ce sens, je rejoins totalement la position de Mme la rapporteure et de la commission, qui privilégient l’amélioration des dispositifs existants plutôt qu’une consécration de l’énergie au rang de droit fondamental, dispositif sans effet sur la vie quotidienne des Français.

Ensuite, il convient d’éviter toute mesure qui irait dans le sens d’une gratuité totale, ou quasi totale, de l’énergie. En effet, cela reviendrait à déresponsabiliser les ménages. Plus globalement, cela semble contraire aux objectifs d’efficacité énergétique et de lutte contre le changement climatique. Les citoyens doivent rester conscients de leur consommation énergétique. Aussi, les incitations financières nécessitent d’être davantage dirigées vers les économies d’énergie, les changements de comportements et la lutte contre les passoires énergétiques.

De plus, plusieurs dispositifs limitant les effets de la précarité énergétique existent déjà. Il semble important d’en mesurer l’efficacité et de leur apporter les améliorations nécessaires.

À ce titre, les tarifs sociaux de l’énergie ont été remplacés en 2018 par le chèque énergie, d’un montant moyen de 150 euros, dont 3, 6 millions de ménages ont été destinataires. En 2019, le montant moyen de ce chèque a été porté à 200 euros en moyenne et étendu à 2, 2 millions de nouveaux bénéficiaires. Néanmoins, 900 000 personnes ne savent toujours pas qu’elles sont éligibles à ce dispositif et seuls 75 % de ses bénéficiaires profitent réellement de cette aide. Ce dispositif doit être plus visible et sans doute être revalorisé.

Plusieurs dispositifs légaux protègent les ménages modestes. Je pense notamment à la trêve hivernale des coupures d’énergie et aux organismes qui aident au paiement des factures d’énergie, comme le fonds de solidarité pour le logement, ou encore les centres communaux et intercommunaux d’action sociale.

La meilleure façon d’éradiquer la précarité énergétique n’en reste pas moins la rénovation des passoires énergétiques. En effet, 80 % des Français seraient logés dans des bâtiments très énergivores. Une forte mobilisation des pouvoirs publics est donc indispensable pour remédier concrètement à ce problème.

D’autres dispositifs méritent d’être connus et, au besoin, renforcés. Je pense notamment au programme « Habiter mieux » de l’ANAH, qui permet de subventionner jusqu’à 50 % des travaux pour les ménages modestes. Les certificats d’économies d’énergie pourraient également constituer une piste d’action à renforcer et à élargir. Nous serons également très attentifs aux résultats du plan de rénovation énergétique des bâtiments lancé en 2018 ; il est important de le dynamiser et de l’amplifier pour atteindre les objectifs fixés.

La précarité énergétique est donc bien un problème global aux multiples facettes ; sa résolution passera inéluctablement par la simplification, le renforcement et la lisibilité accrue des aides et des processus de rénovation énergétique.

Le groupe Les Indépendants ne votera donc pas en faveur de cette proposition de loi, qui ne s’inscrit pas suffisamment dans l’amélioration et le renforcement des dispositifs existants, même si les intentions de ses auteurs sont louables et si son examen permet la tenue du débat.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Moga

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la fracture sociale et la précarité sont une réalité dans notre pays. Certains de nos concitoyens souffrent de pauvreté énergétique : on estime qu’environ 12 millions d’entre eux sont touchés par ce problème. Selon des études publiées en mai 2017 par divers instituts, cette situation doublerait le risque d’être en mauvaise santé.

La précarité énergétique désigne la difficulté à se chauffer correctement et à un coût acceptable. Elle est causée par des revenus trop faibles pour payer des factures qui augmentent régulièrement. La mauvaise performance énergétique des logements aggrave la situation de personnes en condition de fragilité sociale. Les foyers modestes peinent à payer les factures et doivent renoncer à un certain confort.

Le sentiment d’avoir froid chez soi, de se sentir mal chauffé, est un indicateur de précarité énergétique. Celle-ci impacte la facture d’énergie, mais aussi la qualité de vie des personnes qui la subissent. Elle touche des publics divers – des jeunes, des retraités, des familles monoparentales et certains autres foyers – ; on peut donc être touché à tout âge et dans des situations variées.

Les chiffres sont éloquents : 87 % des foyers en situation de précarité énergétique sont dans le parc privé ; 70 % d’entre eux appartiennent aux 25 % de ménages les plus modestes ; 62 % sont propriétaires-occupants ; 55 % ont plus de 60 ans ; 65 % vivent en ville, 35 % dans les zones rurales. Par ailleurs, 11 % des Français disent avoir du mal à payer leur facture d’électricité ; les locataires sont trois fois plus concernés que les propriétaires. Enfin, selon une étude de l’Ademe, les 5, 5 millions de ménages français les plus modestes consacrent plus de 10 % de leurs revenus aux dépenses énergétiques, contre seulement 6 % pour les plus aisés.

La mauvaise qualité thermique du parc de logement français induit la précarité énergétique : les trois quarts du parc de logement se situent dans les classes D, E, F ou G. Les augmentations de prix aggravent cette situation.

Ce problème écologique a aussi un impact social : les propriétaires qui ont les moyens d’acquérir un logement dans un bâtiment à basse consommation, dit « BBC », logement en moyenne 15 % plus cher qu’un logement traditionnel, ne sont pas touchés par la précarité énergétique, car leur domicile est moins énergivore qu’un logement standard. Cependant, un tel logement à énergie passive ou positive est quasi introuvable à la location.

Certaines solutions innovantes devraient permettre d’éradiquer le fléau qu’est la précarité énergétique. Les bâtiments vieillissent toujours plus et ne peuvent garantir une efficacité énergétique optimale. Rénover le parc des bâtiments permettrait d’endiguer ce problème : il s’agit de faire des travaux de rénovation sur l’ensemble du parc résidentiel, qu’il relève de particuliers, de bailleurs sociaux ou de syndicats de copropriétés.

La solution est de mettre en place et de financer un grand plan de rénovation énergétique des logements. Ces rénovations doivent être ambitieuses et ne pas concerner uniquement le remplacement des fenêtres ou le changement des chaudières.

Une autre piste concerne les logements mis en location. Pour en finir avec les passoires énergétiques, il faudrait mettre en place une réglementation plus contraignante pour les bailleurs : les logements qui ne respectent pas un standard minimal de performance énergétique devraient être considérés comme impropres à la location.

Cependant, il est important d’associer à un tel plan des outils de financement incitatifs et orientés vers les ménages aux revenus modestes.

Aujourd’hui, la situation est préoccupante, mais elle pourrait encore se dégrader. En effet, la nouvelle directive européenne sur les règles communes pour le marché de l’électricité, adoptée en juin 2019, pourrait apporter des modifications importantes. Ainsi, ce texte prévoit que les États membres pourront décider d’autoriser les fournisseurs à faire payer des frais de résiliation à leurs clients qui mettront fin à un contrat à prix fixe pour une durée déterminée avant le terme prévu. Cela signifierait la fin de la gratuité du changement de fournisseur pour les États qui donneraient de telles autorisations aux fournisseurs d’énergie. Il serait souhaitable que la France protège les consommateurs et conserve le principe de la gratuité du changement de fournisseur.

Un autre point qui suscite l’attention des consommateurs français est celui de la hausse du nombre des démarchages par les fournisseurs d’électricité. Cela entraîne une augmentation du nombre de litiges portant sur des contestations de souscription ou des dénonciations de pratiques commerciales abusives.

Pour les commerciaux employés par les fournisseurs d’énergie, tous les moyens sont bons pour entrer au domicile des particuliers et avoir accès à leurs factures d’énergie. Les méthodes commerciales douteuses sont légion : certains usurpent l’identité de concurrents, ou se font passer pour des releveurs de compteurs. Les personnes âgées sont un public très vulnérable, mais les petites entreprises sont aussi la cible des fausses promesses des démarcheurs. Sans le vouloir, parfois même sans le savoir, des usagers ont changé de fournisseur ! Quand ces victimes s’en aperçoivent, elles doivent contester être à l’origine de la souscription auprès de ce nouveau fournisseur.

Pour éviter les dérives de ces démarchages, les fournisseurs d’énergie doivent prendre leurs responsabilités et prévoir un mode de rémunération décent pour les démarcheurs à domicile, avec un salaire fixe complété par une prime variable. Pour garantir le bon fonctionnement du marché de l’énergie libéralisée, plusieurs conditions sont requises : entre autres, les prix des offres de marché doivent demeurer raisonnables et les pratiques des fournisseurs d’énergie doivent être saines.

À l’instar de la rapporteure de cette proposition de loi, notre collègue Denise Saint-Pé, que je félicite pour son excellent travail, si je partage la majorité des constats faits par M. Fabien Gay, auteur de cette proposition de loi, je considère que les solutions qu’il propose seraient difficiles à réaliser. De plus, je ne crois pas que le « tout gratuit » soit la bonne solution. Il déresponsabilise et serait trop onéreux pour la collectivité, mais aussi difficile, voire impossible à mettre en œuvre pour les fournisseurs.

Comme l’a préconisé notre rapporteure, il faut améliorer les dispositifs existants, tels que le chèque énergie, avec pour principale cible les plus précaires.

C’est pour ces raisons que les membres de mon groupe ne voteront pas cette proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Chevrollier

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, aujourd’hui, la précarité énergétique touche 7 millions de personnes en France, soit 233 000 personnes de plus qu’en 2018. Ce constat est terrible. Ces personnes consacrent plus de 10 % de leurs revenus aux dépenses d’énergie dans le logement.

C’est un problème social qui se traduit par une pauvreté et une solitude croissante de la population. Le rapport de la Fondation Abbé Pierre pour 2020 explique que la « monorésidentialité » est l’une des causes principales du mal-logement.

Cet enjeu social est doublé d’un problème de santé publique et triplé d’un problème environnemental, en raison de la déperdition d’énergie et des émissions de gaz à effet de serre ainsi occasionnées.

En effet, si les augmentations des prix de l’électricité et du gaz peuvent impacter les consommateurs et accroître les difficultés qu’ils rencontrent pour payer leurs factures, c’est parce qu’ils occupent des passoires thermiques, des logements mal isolés.

Les pouvoirs publics ont compris l’importance de ce sujet, mais peinent à rénover ces 7 millions de passoires énergivores. La précarité énergétique est donc bien un enjeu fondamental de la transition énergétique.

La vraie question est, me semble-t-il, la suivante : quel soutien apporter aux ménages pour une transition écologique plus juste et comment faciliter leur accès aux aides de rénovation énergétique ?

La proposition de loi que nous étudions aujourd’hui met ainsi sur la table ce sujet essentiel et vise à compléter les nombreux outils existants au travers de quatre mesures énoncées précédemment.

Plusieurs remarques me viennent à l’esprit.

D’abord, nombreux sont les dispositifs de soutien à la rénovation énergétique des bâtiments mis en place : CITE, éco-PTZ, TVA réduite, chèque énergie, etc. S’ils ont le mérite d’exister, les retours du terrain indiquent qu’ils doivent gagner en lisibilité et en simplification pour être bien stabilisés. Il me semble donc fondamental de commencer par dresser un bilan des dispositifs déjà existants et de contribuer à leur amélioration.

Ensuite, les mesures d’urgence proposées dans ce texte sont curatives et non préventives. Elles risqueraient donc de déresponsabiliser les ménages concernés. En effet, aucune proposition n’est formulée sur le montant de la facture énergétique ou sur les actions à mettre en œuvre pour maîtriser les consommations et, par conséquent, limiter l’accumulation d’une dette substantielle. L’interdiction de procéder à des coupures d’énergie ne pourrait s’entendre que si des mesures tendant à la maîtrise des consommations et à la rénovation énergétique étaient engagées.

Je formulerai la même remarque sur les dispositions fiscales envisagées.

Il me semble que la priorité est d’accompagner les ménages précaires de manière préventive, en leur apprenant les bons gestes de consommation et en les mettant en relation avec les services sociaux ou associatifs pour engager des actions de rénovation, par exemple.

La réponse durable structurelle à la précarité énergétique, c’est la rénovation du parc immobilier existant, ce qui permettra, au passage, de lutter contre l’artificialisation des sols et de préserver la biodiversité, sujet qui vous est cher, madame la secrétaire d’État, à vous comme à nous.

Des investissements accrus permettraient de dépasser les limites des aides actuelles, en finançant mieux des rénovations complètes : chauffage, isolation, ventilation…

Je souligne le rôle déterminant des collectivités locales pour identifier les zones de précarité énergétique et accompagner les ménages. À ce titre, Enedis constitue un vrai soutien. Dans mon département, il a lancé un groupe de travail sur la précarité énergétique avec plusieurs acteurs – collectivités locales, entreprises de proximité et de médiation – et a notamment développé un outil, PrécariTER, qui aide les collectivités à diagnostiquer la précarité énergétique.

Avec la question de la simplification des dispositifs de soutien à la rénovation énergétique des bâtiments, c’est dans la lutte contre la pauvreté et pour la rénovation du parc immobilier que nous devons nous investir pour combattre efficacement la précarité énergétique.

Je voterai contre cette proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Chevrollier

M. Guillaume Chevrollier. Si les intentions sont bonnes, les réponses ne sont pas adaptées pour traiter de manière durable le problème de la précarité énergétique.

Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Allizard

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, en France, plusieurs millions de ménages sont concernés par la précarité énergétique. En Normandie, un ménage sur six est en situation de vulnérabilité énergétique.

Les territoires ruraux sont en effet très souvent exposés à ces difficultés, du fait de l’ancienneté des logements et de la sociologie de leur population constituée par un grand nombre de personnes aux faibles revenus – retraités, agriculteurs, contrats précaires, minimas sociaux. Leur mode de chauffage est également plus coûteux : fioul ou électricité.

Pour autant, ils en ont assez d’être désignés comme des « délinquants écologiques » au motif que leur empreinte carbone est supérieure à celle d’autres foyers plus aisés, généralement établis en zone urbaine dans un habitat moins énergivore, même si certaines villes ne sont pas épargnées par cette précarité. Ainsi, toujours en Normandie, les villes reconstruites après la guerre sont particulièrement exposées.

Vous le savez, cette situation provoque détresse et colère. Il ne vous a pas échappé, madame la secrétaire d’État, qu’elle a conduit, parmi d’autres raisons, à la crise des « gilets jaunes ». Ceux qui, comme moi, ont, durant plusieurs semaines, eu des échanges avec les manifestants savent combien la revendication d’un meilleur accès à l’énergie ou d’une baisse de ses coûts est prégnante pour certains ménages fragiles.

En tant que vice-président de la commission des affaires étrangères, j’insiste aussi sur le fait que la situation pourrait encore s’aggraver si les tensions géopolitiques perduraient, qu’il s’agisse de la crise avec l’Iran et de ses conséquences dans tout le Golfe, des tensions avec la Russie, exportatrice d’hydrocarbures, ou encore de l’escalade militaire en Méditerranée orientale, justement à propos de l’accès à des ressources énergétiques.

Situation sociale nationale dégradée, contexte international explosif : tout concourt à un certain pessimisme. J’ajoute que les difficultés actuelles de la filière nucléaire française ne sont pas une bonne nouvelle pour le consommateur.

Face à cette situation, la proposition de loi que nous examinons ce matin a le mérite de nous faire débattre de la situation générale et d’évoquer le cas des personnes en difficulté. J’en remercie son auteur, Fabien Gay. Les auditions et travaux de la commission ont conclu à la fragilité juridique de ce texte et conduit à ne pas l’adopter.

Pour autant, comme le souligne la commission, il faut améliorer et amplifier les dispositifs existants. Il faudrait aussi, madame la secrétaire d’État, que les textes existants, comme Daniel Gremillet l’a excellemment souligné, se traduisent en une réalité budgétaire et fiscale au service des plus modestes. Or nous observons exactement l’inverse ! Le rapport de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), publié hier soir, le confirme : une nouvelle fois, la politique que vous menez est en faveur des plus riches et très largement aux dépens des foyers les plus modestes. Cela se confirme de nouveau sur cette problématique énergétique.

Madame la secrétaire d’État, mettez les moyens nécessaires budgétaires et fiscaux au service de cette cause. En ce qui nous concerne, même si l’intention est bonne, nous voterons contre ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Rachid Temal

M. Rachid Temal. C’est l’intention qui compte !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Allizard

M. Pascal Allizard. Encore une fois, mes chers collègues, je vous remercie d’avoir provoqué ce débat, mais il faut que chacun prenne ses responsabilités. Les outils existent, il faut les doter budgétairement.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

La discussion générale est close.

La commission n’ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion de la proposition de loi initiale.

Au début du titre préliminaire du livre Ier du code de l’énergie, il est ajouté un article L. 100-1 A ainsi rédigé :

« Art. L. 100 -1 A. – L’accès à l’énergie est un droit fondamental. »

L ’ article 1 er n ’ est pas adopté.

La dernière phrase du troisième alinéa de l’article L. 115-3 du code de l’action sociale et des familles est ainsi rédigée : « Ces dispositions s’appliquent tout au long de l’année aux distributeurs d’eau ainsi que, pour les consommateurs mentionnés à l’article L. 124-1 du code de l’énergie, aux fournisseurs d’électricité, de chaleur et de gaz. »

L ’ article 2 n ’ est pas adopté.

Le code des douanes est ainsi modifié :

1° Le a du 4 de l’article 266 quinquies est complété par un 4° ainsi rédigé :

« 4° Pour la consommation des ménages en situation de précarité énergétique au sens de l’article L. 124-1 du code de l’énergie. » ;

2° Le 4 de l’article 266 quinquies C est complété par un 5° ainsi rédigé :

« 5° Lorsqu’elle est consommée par des ménages en situation de précarité énergétique au sens de l’article L. 124-1 du code de l’énergie. »

L ’ article 3 n ’ est pas adopté.

Le B de l’article 278-0 bis du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le même taux est applicable à la première tranche de consommation appelée “tranche de consommation de première nécessité”. Le niveau de cette tranche est fixé par décret en Conseil d’État, en tenant compte notamment de la composition familiale ; ».

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

L’amendement n° 2 rectifié bis, présenté par M. Courteau, Mme Artigalas, M. M. Bourquin, Mme Conconne, MM. Daunis et Duran, Mme Guillemot, MM. Iacovelli, Montaugé et Tissot, Mme Taillé-Polian, M. Kanner et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 2

1° Première phrase, après le mot :

applicable

insérer les mots :

, pour les ménages en situation de précarité énergétique au sens de l’article L. 124-1 du code de l’énergie,

2° Seconde phrase, après les mots :

Conseil d’État

supprimer la fin de cette phrase.

La parole est à M. Roland Courteau.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Chacun le sait, la TVA est l’un des impôts les plus injustes qui soient : que vous disposiez de confortables revenus ou que vous soyez au SMIC ou encore en situation de précarité économique, vous êtes taxé au même taux. Cette fiscalité appliquée au taux de 20 % sur la consommation d’énergie est donc particulièrement pénalisante pour les populations les plus fragiles et figure au rang des principales causes qui peuvent faire basculer des ménages dans la précarité énergétique.

Les dépenses d’énergie étant des dépenses contraintes, c’est la double peine pour ces ménages dont les factures d’énergie représentent, depuis plusieurs années, une part toujours croissante du budget. Cette fiscalité régressive appliquée à la consommation d’énergie est donc punitive pour ceux de nos concitoyens dont les revenus sont faibles. Elle l’est d’autant plus qu’elle s’applique également aux taxes. Cette double taxation – une taxe sur une autre taxe – représente des enjeux financiers considérables, comme le souligne à juste titre l’UFC-Que Choisir : « Les particuliers ont payé l’année dernière, rien que sur l’énergie, 4, 6 milliards d’euros de TVA sur les taxes. Sur chaque litre d’essence, ce sont ainsi 14 centimes d’euros qui sont payés en TVA sur la TICPE. »

En conséquence, les auteurs de la proposition de loi ont souhaité élargir le périmètre du taux réduit de TVA à une première tranche de consommation d’énergie appelée « tranche de consommation de première nécessité », sans que cette disposition soit limitée aux seuls bénéficiaires du chèque énergie.

Comme le souligne Denise Saint-Pé dans son rapport, applicable à tous les ménages, « y compris aux plus riches », cette mesure risquerait d’avoir un coût élevé et de conduire « à des effets d’aubaine importants ». Toutefois, nous considérons que la réduction du taux de TVA est particulièrement utile pour les ménages en situation de précarité énergétique.

Pour cette raison, nous proposons de limiter la réduction du taux de TVA sur une première tranche de consommation, dite « de première nécessité », aux seuls bénéficiaires du chèque énergie, c’est-à-dire à ceux qui sont le plus en difficulté.

Debut de section - PermalienPhoto de Denise Saint-Pé

Cet amendement vise à appliquer un taux réduit de TVA sur une partie des consommations et à réserver ce bénéfice aux ménages éligibles au chèque énergie. La commission des affaires économiques a émis un avis défavorable sur cet amendement pour trois raisons.

Premièrement, cette solution reviendrait à faire de la redistribution avec un outil inadapté, celui de la fiscalité indirecte, là où des aides directes ciblées sur les ménages les plus en difficulté seraient bien plus efficaces et bien plus simples à mettre en œuvre.

Deuxièmement, cette mesure serait contraire au droit européen, qui permet bien d’appliquer des exonérations totales ou partielles ou des taux réduits aux consommations énergétiques de tous les ménages, mais non d’appliquer des taux différents selon les revenus des consommateurs.

Troisièmement, en plus d’être contraire au droit européen, cette mesure présente un fort risque de non-conformité à la Constitution. En effet, il est prévu de renvoyer au pouvoir réglementaire la fixation de la tranche de consommation qui bénéficierait du taux de TVA réduit. Or l’article 34 de la Constitution précise que c’est la loi qui doit « fixer les règles concernant l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures ». Si cet amendement était adopté, ce serait le pouvoir réglementaire qui fixerait l’assiette et non plus le législateur.

Pour alléger la facture énergétique des ménages, je suis convaincue qu’il vaudrait mieux travailler à l’amélioration des dispositifs existants, qu’il s’agisse de soutenir la rénovation énergétique des logements ou d’aider au paiement des factures. Parmi ces aides, je pense en priorité au chèque énergie.

Debut de section - Permalien
Emmanuelle Wargon

Le Gouvernement émet le même avis que la commission pour les mêmes raisons de droit. Il est en effet impossible de différencier le taux de TVA sur les consommations d’énergie pour certains ménages.

Debut de section - Permalien
Emmanuelle Wargon

En outre, c’est vraiment le chèque énergie qui nous paraît l’outil le plus solide pour soutenir le pouvoir d’achat des ménages en matière d’énergie : 5, 7 millions de ménages y sont éligibles. Nous travaillons à augmenter le taux de recours, qui dépassera 80 % cette année.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

La fiscalité énergétique n’a cessé d’augmenter, nous l’avons dit et répété tout au long de la matinée. Elle est d’ailleurs à l’origine du mouvement des « gilets jaunes ». Cette fiscalité régressive est particulièrement punitive pour les ménages les plus fragiles, qui subissent une double peine.

Si, pour Mme le rapporteur, il faut mobiliser d’autres outils redistributifs pour corriger les effets négatifs de ce type de fiscalité, nous préférons agir en amont plutôt que d’attendre que l’on mette en œuvre des dispositifs compensatoires. D’ailleurs, lors de l’examen du projet de loi de finances, nous avions déposé des amendements visant à revaloriser le chèque énergie, amendements qui ont bien sûr été rejetés par l’actuelle majorité sénatoriale.

Dans ce domaine, les compensations ne sont pas à la hauteur. La hausse de 50 euros du chèque énergie, qui ne compensera même pas entièrement les dernières hausses des prix de l’électricité, n’infirmera pas ce constat.

Force est donc de souligner que ce sont les plus pauvres qui contribuent proportionnellement le plus. Ce n’est pas tolérable.

Je rappelle également que, pour protéger l’industrie et éviter le phénomène de fuites de carbone, la loi de finances prévoit d’exonérer les entreprises électro-intensives de certaines taxes. Ainsi, ces entreprises bénéficient d’un tarif réduit de TICPE, qui constituait en 2019 une dépense fiscale importante – 620 millions d’euros. Puisque nous le faisons pour certains professionnels, pourquoi ne pas protéger de la même façon les plus précaires par une réduction du taux de TVA sur leur consommation d’énergie ?

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

La parole est à M. Jean-François Husson, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Je rends hommage à Roland Courteau, qui a déposé cet amendement. Nous sommes en effet nombreux à avoir souligné à plusieurs reprises dans cet hémicycle l’injustice du système fiscal actuel qui, globalement, pèse sur l’énergie. Évidemment, je partage la conclusion et l’avis de la commission.

Madame la secrétaire d’État, je constate que ce n’est jamais le moment de discuter de ces sujets et de prendre des décisions.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

La surtaxation est aujourd’hui inacceptable et elle n’est plus acceptée. Vous organisez, sous l’autorité du Président de la République, une Convention citoyenne sur le climat, avec un tirage au sort de 150 participants. Permettez à un citoyen supplémentaire de s’inviter dans le débat ici, et non au Conseil économique, social et environnemental. Je pense que nous serons unanimes pour vous adresser un certain nombre de remarques.

À quel moment allez-vous écouter la voix des élus, qui ont une légitimité dans la mesure où ils représentent, ici, les territoires et leurs chefs de file, les maires, les départements, les régions et, à l’Assemblée nationale, ceux qui pensent qu’il faut faire avancer les choses ? On ne peut pas continuer à se regarder en chiens de faïence jusqu’à ce que, dans deux mois, vous veniez nous annoncer que vous avez trouvé une formule magique, joliment présentée, qui pourrait éventuellement faire l’objet d’un référendum.

Cela fait des mois, voire des années, que le Parlement formule des propositions. De deux choses l’une : soit on se respecte, on s’écoute et on essaie d’avancer ensemble, soit cette absence de volonté de respecter ce qu’expriment les élus dans les assemblées locales et parlementaires sera ressentie comme une forme de mépris et de manque d’écoute. Dans ce cas – j’avais dénoncé le risque des « bonnets rouges », il y a eu les « gilets jaunes » –, nous aurons du mal à contenir la colère que l’on sent monter et les violences qui l’accompagnent aujourd’hui.

Pour ma part, je vous invite à ne pas prendre ce risque. Je n’ai pas envie de le prendre pour la France. Respectez les élus et les propositions qu’ils formulent, y compris la mesure qui est avancée aujourd’hui : travaillons-y. Chaque année, nous examinons le projet de loi de finances et on se fait envoyer balader. Ce n’est pas acceptable, madame la secrétaire d’État !

Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, SOCR et CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

Je ferai deux rappels historiques.

En premier lieu, Fabien Gay a demandé un plan Marshall pour l’énergie. Quand on connaît l’enthousiasme du parti communiste à l’époque où ce plan a été lancé, cette formulation est assez amusante !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

En second lieu, si j’ai bon souvenir, en 1992 – j’étais président d’un syndicat d’électrification, comme Denise Saint-Pé –, un ministre des finances en manque de recettes a trouvé le moyen d’ajouter une taxe sur une taxe, c’est-à-dire la TVA sur la taxe d’électricité – il connaissait très bien le mécanisme fiscal… Je ne dirai pas son nom, car j’ai beaucoup d’amitié et de respect pour lui ; il a ensuite quitté le parti socialiste. Reste que c’est cette tendance qui a voté cette taxe.

Je constate que Roland Courteau revient maintenant en arrière. Comme quoi, on peut évoluer et, comme on dit, il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

La majorité des membres du groupe du RDSE s’abstiendront sur cet amendement. Il est tout de même assez curieux, lorsque l’on regarde en arrière et que l’on fait un peu d’histoire, d’entendre certains arguments qui sont aujourd’hui avancés dans le débat.

Debut de section - PermalienPhoto de Rachid Temal

M. Rachid Temal. C’était la chaîne Historia !

Sourires sur les travées du groupe SOCR.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Je n’avais pas soutenu la démarche du ministre d’alors !

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

La parole est à M. Pascal Allizard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Allizard

On cherche des ressources et des solutions face au problème de la précarité énergétique. Permettez-moi simplement de citer de nouveau le rapport de l’OFCE – observatoire plutôt classé à gauche –, auquel j’ai fait allusion dans la discussion générale. Passant au crible la politique fiscale du Gouvernement, il indique que deux tiers des 10 % des ménages français les plus modestes connaissent des pertes de revenu disponible entre 2018 et 2020.

Il y a peut-être là une solution : changez de politique fiscale et redonnez du pouvoir d’achat aux ménages les plus modestes, madame la secrétaire d’État.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Allizard

M. Pascal Allizard. Peut-être pourront-ils ainsi payer leur facture énergétique.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

L ’ article 4 n ’ est pas adopté.

Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, un bilan de la libéralisation du marché de l’énergie.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Mes chers collègues, avant de mettre aux voix l’article 5, je vous indique que, en raison du rejet des articles 3 et 4, l’article 6 est devenu sans objet.

En conséquence, si l’article 5 n’est pas adopté, il n’y aura plus lieu de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, tous les articles la constituant ayant été rejetés. Aucune explication de vote sur l’ensemble ne sera possible.

Je vous invite donc à prendre la parole maintenant, si vous souhaitez vous exprimer sur ce texte…

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Nous sommes là face à une situation d’urgence énergétique et sociale. La lutte contre la précarité énergétique doit être au cœur des politiques de lutte contre la pauvreté et en faveur d’une transition énergétique plus juste. Le texte que nous examinons aujourd’hui a le mérite de proposer des avancées dans ces deux domaines. Nous avions la possibilité de répondre à cette urgence sociale en adoptant certaines des mesures mises en avant par Fabien Gay et le groupe CRCE.

Tous les sénateurs reconnaissent – en paroles – qu’il faut agir contre la précarité énergétique ; ils l’ont montré en s’exprimant à la tribune ce matin. Tous reconnaissent qu’il s’agit d’un problème majeur qu’il faut traiter, mais ils s’arrêtent là. Certains tentent d’expliquer qu’il ne faut pas retenir telle ou telle proposition, tel ou tel article, pour telle et telle raison. Cela pourrait à la rigueur se comprendre, si, dans le même temps, ils apportaient d’autres solutions, défendaient d’autres amendements, avançaient d’autres propositions, afin de mettre en accord leurs actes et leur discours.

Debut de section - PermalienPhoto de François Bonhomme

Qu’avez-vous fait quand vous étiez au gouvernement ?

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Mes chers collègues, ils sont des millions de Français à souffrir du froid. Ils sont des millions à vivre dans des passoires énergétiques. Ils sont des milliers à avoir des difficultés à payer l’énergie. Ils sont des milliers à devoir choisir entre se chauffer ou se nourrir. Double peine, dit-on. Triple peine ? Quadruple peine ?

Qui plus est, les plus touchés par les conséquences des bouleversements climatiques, de la qualité de l’air ou de l’eau ou de l’effondrement de la biodiversité sont toujours les mêmes : ce sont les plus pauvres. Or ce sont les moins responsables du changement climatique. Ce n’est pourtant pas faute d’entendre les alertes lancées par la Fondation Abbé Pierre, l’Observatoire des inégalités ou l’Insee, qui constataient encore récemment que misère et inégalités s’accentuaient dans ce pays.

Cette proposition de loi, que le groupe socialiste et républicain soutient, a le mérite d’apporter des solutions à un problème majeur et urgent. Je regrette sincèrement qu’aucune suite ne lui soit donnée par la majorité sénatoriale, en réponse à cette véritable urgence sociale qu’est la précarité énergétique.

Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabien Gay

La consécration du droit à l’énergie relève-t-elle d’un procédé incantatoire ? Nous ne le pensons pas. Il s’agit d’un symbole, mais les symboles ne suffisent pas et il faut garantir l’accès à ce droit. Nous partons du principe que tous les êtres humains devraient avoir accès à un droit égal aux biens qui sont nécessaires à leur existence.

Dans l’état naturel, c’est la force qui règle les problèmes. Dans un monde civilisé, c’est le droit. Le droit à l’énergie est une réalité.

Lorsqu’elle m’a auditionné, Mme la rapporteure m’a posé cette question : « Si nous donnons ce nouveau droit, quand cela va-t-il s’arrêter ? » J’avais répondu : « Jamais, il y aura toujours besoin de nouveaux droits. » Aujourd’hui se pose par exemple la question du droit à l’internet : être privé d’accès à internet, surtout dans un monde dématérialisé, c’est être privé de ses droits, y compris de l’accès au droit. Aujourd’hui, un Français sur quatre ne fait pas valoir son droit au chèque énergie, parce qu’il ne le connaît pas.

Par ailleurs, l’interdiction des coupures créerait-elle un effet d’aubaine ? Vous avez raison, la loi Brottes a entraîné une augmentation des impayés d’eau de 20 %, ces derniers passant de 1, 73 % en 2014 à 2, 08 % en 2017. On ne peut pas parler d’effet d’aubaine, d’autant plus que, dans cette période-là, malheureusement, la précarité a fait qu’un certain nombre de gens n’ont pu payer leurs factures.

Cette question va revenir sur la table, comme celle de la fiscalité. En effet, le Conseil d’État a considéré qu’il s’agissait d’un produit de première nécessité, d’un bien essentiel ; on ne comprend donc pas pourquoi la TVA n’est pas abaissée à 5, 5 %.

Madame la secrétaire d’État, l’injustice, c’est la CSPE. Alors qu’elle a été créée pour la transition énergétique, elle a fini par être intégrée au budget général de l’État ; aujourd’hui, elle n’est même plus fléchée ! En d’autres termes, elle sert à tout autre chose qu’à ce à quoi elle était destinée et pèse fortement sur la facture, notamment celle des familles les plus précaires. À notre avis, il faut y mettre fin.

Je ne me fais pas grande illusion sur le vote de l’article 5, mais le groupe CRCE continuera à relancer ce débat.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Gremillet

Non ! Nous constatons une unanimité sur toutes les travées sur l’importance de cette problématique. En revanche, nous divergeons sur les moyens d’atteindre l’objectif.

Permettez-moi d’évoquer un exemple concret. Souvenez-vous du débat que nous avons eu, madame la secrétaire d’État, lorsque nous avons « obligé » – je ne sais pas quel autre terme employer – 8 000 Français, âgés pour la plupart de plus de 80 ans, à changer leur chaudière à charbon, par idéologie, parce qu’on ne voulait plus de charbon, alors que la situation allait se régler d’elle-même ?

Le Sénat avait souhaité qu’on ne gaspille pas d’argent, qu’on fasse preuve de responsabilité face à ces personnes, qui vivaient essentiellement dans le nord de la France, mais il n’a pas été écouté. Nous avions pourtant tous voté contre cette mesure. Combien d’argent a ainsi été gaspillé ? Quel manque de considération pour ces personnes !

Permettez-moi d’évoquer un second exemple. Nous parlons beaucoup des passoires énergétiques. Il en a été question dans la loi relative à l’énergie et au climat, notre rapporteur en a également parlé. Je suis convaincu que, si le Sénat avait été écouté s’agissant de la trajectoire énergie-climat, si le Gouvernement avait été au rendez-vous dans le projet de loi de finances pour 2020, comme il s’y était engagé un grand nombre de fois, on ne parlerait pas aujourd’hui d’initiatives à fonds perdu.

De telles initiatives impliquent un abondement annuel, sans qu’aucune réponse concrète ne soit apportée. Or, nous, nous sommes pour des réponses concrètes, pour des actions qui permettent d’avancer, non pour des mesures de compensation ! Il s’agit de faire en sorte que ces familles modestes puissent se chauffer et être correctement traitées dans notre pays.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Denise Saint-Pé

En conclusion, je tiens à remercier tous ceux qui ont travaillé, ensemble, sur cette thématique – les auteurs de la proposition de loi, les membres de la commission des affaires économiques, mais également tous ceux qui sont présents ce matin. La précarité d’une partie de la population en France est un sujet qui nous intéresse et nous préoccupe tous.

Cela étant, Fabien Gay, je le dis sans animosité et avec toute la considération que j’ai pour vous et pour le groupe auquel vous appartenez, la proposition de loi que vous nous avez soumise ne tient pas la route d’un point de vue juridique. Ses articles sont contradictoires. Ainsi, l’article 1er prévoit que l’accès à l’énergie est un droit fondamental pour tous, mais les articles 3 et 4 restreignent certaines dispositions à ceux qui bénéficient du chèque énergie.

De même, votre proposition de baisser le taux de TVA sur la première tranche de consommation ne tient pas non plus la route juridiquement. Cécile Cukierman considère que nous aurions pu proposer d’abaisser le taux de TVA pour tout le monde, mais, comme je l’ai dit en préambule, je suis pour qu’on aide les personnes les plus précaires, comme en témoignent mes engagements personnels depuis des années, mais pas forcément pour qu’on aide les personnes qui ont les moyens d’acquitter la TVA.

Il faut cibler les personnes les plus précaires et travailler de concert avec le Gouvernement, puisque nous partageons tous le même objectif.

Debut de section - PermalienPhoto de Denise Saint-Pé

Continuons donc de réfléchir aux pistes d’amélioration que nous avons évoquées, en particulier en faveur des 25 % de personnes précaires qui ne sont pas ciblées.

Debut de section - PermalienPhoto de Denise Saint-Pé

Mme Denise Saint-Pé, rapporteur. Travaillons également sur la question des fournisseurs, qui ne font pas toujours leur travail. Continuons de travailler ensemble sur ces sujets !

Applaudissements sur les travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Gontard

Nous sommes tous d’accord sur le fait que la précarité est grandissante. Cela a été rappelé, le niveau de vie des 5 % les plus pauvres a été réduit de 240 euros. Il va bien falloir trouver des solutions à un moment donné. Il est indispensable que tout le monde ait accès à l’énergie.

Mme la secrétaire d’État nous dit qu’il faut mener des actions à long terme, en profondeur, et procéder à la rénovation thermique des bâtiments. Or il faut être cohérent. Le budget du programme « Service d’accompagnement pour la rénovation énergétique » (SARE) n’est pas garanti après 2022. Les territoires ne savent donc pas comment leurs plateformes de rénovation énergétique vont pouvoir perdurer. Or on sait que ce sont ces plateformes qui vont accélérer la rénovation des bâtiments et des passoires thermiques. Encore une fois, le « en même temps » ne fonctionne pas !

Il va falloir commencer à agir. Pour cela, les territoires ont besoin de financements. Il va bien falloir que la contribution climat-énergie serve à quelque chose, que son utilité soit claire pour nos concitoyens ! Cette contribution doit être orientée vers les territoires pour leur permettre d’agir. Les beaux discours du Gouvernement ne suffisent plus, il faut passer aux actes !

Debut de section - Permalien
Emmanuelle Wargon

Ce que je retiens de ce débat, c’est que nous sommes tous d’accord sur le fait que nous devons continuer d’agir contre la précarité énergétique. Personne ne peut se satisfaire de compter en France un tel taux de ménages en situation de précarité énergétique. Ce débat n’épuise pas le sujet ; nous allons continuer d’agir.

Permettez-moi de vous indiquer de quelle manière le Gouvernement va agir.

La mesure la plus importante est le chèque énergie, qui représente un budget de 850 millions d’euros par an, et dont peuvent potentiellement bénéficier aujourd’hui 5, 7 millions de ménages, contre 3, 6 millions auparavant. Certes, le taux de recours, qui est de 80 %, n’est pas satisfaisant, mais c’est un taux plutôt élevé pour une prestation sociale. Ce taux sera plus élevé en 2019, mais nous ne nous en satisferons pas. Notre objectif est de parvenir à un taux supérieur à 90 %. Nous allons nous y employer. Se pose ensuite la question globale des moyens. J’ai entendu l’interpellation.

Notre deuxième piste d’action, c’est le soutien aux travaux. C’est bien d’aider les gens à payer leurs factures, bien sûr, mais c’est mieux de leur permettre d’effectuer les travaux qui contribuent à les faire baisser. En outre, les travaux sont bons pour le climat.

Cette année, le montant des aides publiques directes ou à travers les certificats d’économies d’énergie s’élève à 3, 5 milliards d’euros. La création de MaPrimeRénov’ a conduit à recentrer les aides publiques directes sur les déciles les plus modestes, ce qui nous a d’ailleurs beaucoup été reproché sur certaines travées. Nous allons continuer en ce sens.

Quant à l’accompagnement, il est l’un de mes combats. Vous avez évoqué les plateformes SARE, monsieur Gontard. Sachez que c’est la première fois qu’un financement pluriannuel est garanti, à hauteur de 200 millions d’euros sur les trois prochaines années, en certificats d’économies d’énergie. Jusqu’à présent, il fallait discuter avec l’Ademe tous les ans, lors de l’établissement de chacun de ses budgets.

Je vais signer des conventions avec toutes les régions. Je vais d’ailleurs en signer une avec la région Centre-Val de Loire dans une demi-heure. J’ai signé la première convention technique avec la Bretagne voilà quelques semaines et des protocoles d’intention avec presque toutes les régions. Je suis donc très confiante : nous saurons garantir les plateformes au cours des trois prochaines années, et de celles qui suivront.

Notre troisième piste d’action, c’est le soutien général au pouvoir d’achat. Nous avons ainsi augmenté de 5 milliards d’euros le budget alloué à la prime d’activité et diminué l’impôt sur le revenu de 5 milliards d’euros également. Ces mesures de soutien au pouvoir d’achat concernent tous les ménages.

Enfin, j’ai été interpellée sur le respect du Parlement. Les discussions sur ces sujets, nous les avons évidemment à l’Assemblée nationale et au Sénat. Nous les avons eues lors de l’examen de la loi relative à l’énergie et au climat. Nous nous sommes d’ailleurs engagés à ce que la programmation pluriannuelle de l’énergie, qui est un élément important de stratégie et d’investissement, soit rediscutée dans le cadre d’un projet de loi d’orientation tous les cinq ans. Ces discussions, nous les avons eues, et nous les aurons de nouveau, lors de l’examen du projet de loi de finances, qui constitue le cadre pour évoquer le budget alloué au chèque énergie et les questions de fiscalité sur l’énergie. Je ne doute pas que les débats auront lieu et qu’ils seront animés.

Tels étaient les quelques points que je souhaitais évoquer en conclusion de ce débat. À mon tour, je remercie les auteurs de cette proposition de loi d’avoir posé ces questions, qui sont importantes et sur lesquelles nous devons continuer de progresser.

L ’ article 5 n ’ est pas adopté.

La perte de recettes résultant pour l’État des articles 3 et 4 est compensée, à due concurrence, par l’augmentation du taux de l’impôt sur les sociétés.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Je rappelle que, les articles 3 et 4 précédents n’ayant pas été adoptés, l’article 6 est devenu sans objet.

Tous les articles de la proposition de loi ayant été rejetés ou étant devenus sans objet, je constate qu’un vote sur l’ensemble n’est pas nécessaire.

En conséquence, la proposition de loi n’est pas adoptée.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à onze heures dix, est reprise à onze heures quinze.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, sur le thème : « L’organisation d’un référendum sur la privatisation d’Aéroports de Paris est-elle une exigence démocratique ? »

La parole est à Mme Éliane Assassi, pour le groupe auteur de la demande.

Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le 10 avril dernier, 248 parlementaires de tous bords ont signé la proposition de loi visant à affirmer le caractère de service public national de l’exploitation des aérodromes de Paris, après le vote par l’Assemblée nationale de la privatisation d’Aéroports de Paris (ADP), au mépris du vote du Sénat, pourtant majoritaire.

Cette initiative quasi inédite se justifie d’abord par les caractéristiques d’ADP. Ce groupe détient 13 aéroports franciliens et des participations dans 26 aéroports de 30 pays différents. Il constitue la première frontière du pays puisque 100 millions de passagers transitent chaque année par ses aéroports. Ce nombre pourrait être porté à 120 millions d’ici à 2023, ce qui ferait des aéroports parisiens les premiers aéroports européens. ADP rapporte 342 millions de dividendes par an, dont la moitié pour l’État, et est propriétaire de 6 680 hectares d’infrastructures et de terrains et de 355 hectares de réserves foncières dédiées à de futures activités immobilières.

Cette initiative se justifie ensuite par le fait qu’ADP représente un enjeu de portée nationale en matière économique, sociale, stratégique, en termes de mobilités, d’aménagement du territoire et de protection des populations et de l’environnement.

Grâce à cette initiative, pour la première fois, la procédure du référendum d’initiative partagée a été engagée pour permettre, en ces temps d’exigences démocratiques toujours plus fortes dans notre société, à nos concitoyens de décider, avec l’intelligence qui les caractérise, du devenir des biens et des richesses de la Nation.

Au-delà du débat sur le bien-fondé ou non de cette privatisation, il s’agissait – et il s’agit toujours, et avant toute chose – de laisser enfin aux citoyens la possibilité de décider de l’avenir d’une infrastructure essentielle.

Cette exigence est d’autant plus forte que les arguments utilisés pour justifier la privatisation d’ADP ont largement été remis en cause lors des débats parlementaires, mais aussi en dehors de nos hémicycles par des économistes de tous bords, par des juristes, des collectifs citoyens et des syndicats. Nombre d’études, de rapports démontrent l’aberration que constitue cette privatisation, mais aussi celle des aéroports de Toulouse et de Lyon, des autoroutes et d’un nombre effarant de grandes entreprises publiques. À cet égard, une commission d’enquête sur le contrôle, la régulation et l’évolution des concessions autoroutières a été créée au Sénat, ce dont je me félicite. Monsieur le secrétaire d’État, devons-nous, dès à présent, prévoir la mise en place d’une telle instance sur la privatisation d’ADP d’ici à deux ou trois ans ?

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

De nombreux travaux et contre-exemples étrangers, mais surtout le sentiment d’abandon d’une partie toujours plus importante de nos concitoyens, nous invitent à réfléchir à la réduction comme peau de chagrin de notre secteur public, au désengagement de l’État de toutes ses activités stratégiques au profit d’actionnaires privés, dont le seul horizon est la rentabilité à court terme.

Ces travaux nous invitent à agir contre l’abandon de toute volonté de s’appuyer sur un secteur public fort pour développer une politique économique et sociale au service du plus grand nombre, sur tout le territoire national, et non d’une caste de nantis. C’est vrai dans tous les domaines, qu’il s’agisse des transports, de l’énergie, des postes et télécommunications, des banques ou de la finance. La liste n’est pas exhaustive.

C’est pourquoi il est impératif de rappeler que, aujourd’hui, des privatisations de cette ampleur ne peuvent être décidées par des technocrates nourris aux dogmes de la concurrence libre et non faussée, au nom de la compétitivité, de retours financiers à court terme, du versement toujours plus important de dividendes à des actionnaires avides et peu enclins à œuvrer pour l’intérêt national. Pour nous, que les choses soient claires : c’est non !

Pouvoir se prononcer par référendum sur la privatisation d’ADP est une exigence démocratique. Un tel référendum devrait également être possible sur d’autres privatisations, annoncées ou larvées, comme celles des activités rentables d’EDF et des routes nationales, par exemple. Il devrait également être possible de se prononcer sur des mesures sociales aussi essentielles que la réforme de notre système de retraite, ou plutôt sa destruction.

Certes, cette procédure référendaire exige un nombre de signatures démesuré puisqu’il doit correspondre à 10 % des électeurs, soit 4 717 396 signatures. Nous le savions déjà lorsque nous avons rejeté cette procédure lors de la révision constitutionnelle de 2008. Nous le savions lorsque nous avons déclenché collectivement la procédure en avril 2019. Nous ne sommes pas naïfs, mais le plus marquant, c’est la position déloyale du gouvernement auquel vous appartenez, monsieur le secrétaire d’État.

En premier lieu, le ministre de l’intérieur a mis en place un site internet de recueil des soutiens particulièrement rébarbatif et peu fonctionnel. On aurait pu s’attendre à des outils beaucoup plus efficaces et ergonomiques de la part de la « start-up nation » !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

En second lieu, le pouvoir refuse obstinément d’agir pour que l’information sur l’exercice de ce droit constitutionnel soit fournie à l’ensemble de nos concitoyens, et ce malgré de nombreuses sollicitations.

Je dis « droit constitutionnel », car cette procédure référendaire est encadrée par l’article 11 de la Constitution. La validation par le Conseil constitutionnel de la proposition de loi référendaire originelle, déposée par 248 parlementaires, ouvre un droit constitutionnel : celui d’apporter son soutien à la tenue d’un référendum. En ce sens, ce droit s’apparente au droit de vote. Il ne s’agit en rien d’une simple pétition, contrairement à ce qu’affirment souvent le Gouvernement et ses soutiens. Je le répète : il s’agit de mettre en œuvre l’article 11 de la Constitution.

En démocratie, les citoyens doivent être informés de la possibilité d’exercer un tel droit. L’État doit affecter des moyens en ce sens, les parlementaires, qui sont pourtant à l’origine de la procédure référendaire, ne pouvant financer sa mise en œuvre du fait des imprécisions et imperfections d’une loi organique.

L’État doit ainsi intervenir auprès des chaînes publiques d’information, qui ont un rôle citoyen à jouer en la matière, afin qu’elles diffusent largement l’information sur ce sujet. C’est cela le respect du pluralisme, fondement de tout État démocratique ! Or nous en sommes loin.

La comparaison entre la médiatisation du grand débat national et celle du RIP est sans appel : 13 000 articles ont été publiés sur le grand débat, contre 500 sur le référendum d’initiative partagée ; 12 millions d’euros ont été dépensés pour le fameux grand débat, rien pour le RIP ! Idem du côté de la presse audiovisuelle : couverture sans précédent du grand débat, directs à rallonge et diffusion des discours présidentiels, spots pour le lancement de la privatisation de la Française des jeux (FDJ), mais rien sur le RIP, bien évidemment. Pis, Radio France a refusé de diffuser les communiqués financés par les parlementaires eux-mêmes, sur leurs deniers personnels.

Que dire encore des mairies qui n’ont pas mis en place de bureau d’aide pour que les citoyens puissent apporter leur soutien au RIP alors qu’elles y sont obligées par la loi, sans être aucunement inquiétées ? §C’est la loi, monsieur !

Que dire enfin du refus de la Commission nationale du débat public (CNDP), dont c’est pourtant la vocation, d’organiser un débat sur le projet de privatisation d’Aéroports de Paris, en complément du projet de référendum d’initiative partagée ?

La CNDP a été saisie non par le Gouvernement, mais par les parlementaires signataires de la proposition de loi référendaire, alors même que la privatisation d’ADP est une réforme « qui aura un effet important sur l’environnement ou l’aménagement du territoire ».

Pourtant, malgré les dysfonctionnements du site internet, malgré le silence assourdissant des grands médias et du Gouvernement, malgré l’absence de campagne officielle, plus d’un million de personnes ont apposé leur signature pour la tenue de ce référendum.

Le Président de la République, à l’issue du grand débat national, a annoncé qu’il abaisserait de 4, 7 millions à 1 million le nombre de signatures nécessaires à la tenue d’un RIP. Nous y sommes ! Même si la Constitution ne l’oblige pas à organiser ce référendum, la promesse politique doit être tenue.

Aujourd’hui plus que jamais, nous constatons chez nos concitoyens une sourde colère, un rejet profond des injustices sociales, un soutien fort aux services publics – hôpitaux, écoles ou transports. Ils exigent des droits démocratiques réels sur les questions concernant la société tout entière et un contrôle sur les biens communs et les services publics.

Mais plus que la question de la maîtrise des biens communs, ce sont les limites de la monarchie républicaine qu’est le régime présidentialiste de la Ve République et la méfiance croissante des citoyens envers la démocratie représentative, qui sont aujourd’hui en jeu. Le RIP est une occasion constitutionnelle historique de redonner du souffle à notre démocratie en améliorant cette procédure de démocratie participative.

Alors que se déroule dans notre pays un mouvement social sans précédent, Emmanuel Macron a tort de ne pas écouter le peuple de France, sur cette question comme sur d’autres. À aucun moment, sauf lorsqu’il câline sa majorité parlementaire, il ne lui envoie de signaux apaisants et rassembleurs. Il préfère s’enfermer dans une posture qui illustre bien les dérives d’un pouvoir à bout de souffle, pétri de certitudes, dans un système institutionnel vermoulu, plutôt que d’ouvrir en grand la porte à l’expression citoyenne. C’est profondément regrettable, monsieur le secrétaire d’État.

Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur quelques travées du groupe SOCR.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Kanner

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État – votre présente atteste du goût des enfants pour les avions ! –, mes chers collègues, Auty, dans le Tarn-et-Garonne, Villardebelle, dans l’Aude, Boussenois en Côte-d’Or, Mantet, dans les Pyrénées-Orientales, Olcalni, en Haute-Corse : ce sont là quelques exemples de communes parmi des milliers dans lesquelles les Français – tous les Français, pas seulement les premiers concernés – se sont mobilisés et ont signé la pétition en faveur de l’organisation d’un référendum sur la privatisation d’Aéroports de Paris.

Le président de la République, le Premier ministre, le Gouvernement, en particulier M. Le Maire, avaient critiqué, voire moqué la démarche de notre groupe, qui a pourtant suscité l’adhésion d’un arc républicain extrêmement large et qui fait aujourd’hui l’objet de ce débat organisé à la demande de nos collègues du groupe CRCE, que je remercie.

Bercy a pensé que cette initiative n’était qu’une fantaisie de politiciens, une opposition bête et méchante, un accro à la légitimité de la chose votée, peut-être même une atteinte aux prérogatives du Parlement, en tout cas un crime de lèse-majesté jupitérienne. §Mais, alors que l’on dénombre plus d’un million de signataires sur tout le territoire, cela ne tient plus. Vous nous direz qu’un million, ce n’est pas la France, mais au vu des moyens qui étaient les nôtres, de l’inertie assumée du Gouvernement afin d’atténuer l’impact de cette initiative à caractère constitutionnel, cela a été rappelé, je trouve que, un million, ce n’est pas rien !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Kanner

Merci Sarkozy et Hollande, en effet !

Monsieur le secrétaire d’État, quand je pense aux 12 millions d’euros, au moins, qui ont été consacrés au grand débat – cela a été rappelé par Mme Assassi –, aux millions d’euros qui ont servi à financer la campagne de privatisation de la FDJ, je me dis qu’un million de signataires, ce n’est pas si mal. Un million de signataires, c’est d’ailleurs le nombre que le Président de la République avait souhaité fixer pour permettre l’organisation d’un référendum dans le cadre de sa réforme constitutionnelle, manifestement avortée à ce stade.

En tout cas, monsieur le secrétaire d’État, un million, c’est plus que les 150 membres de la Convention citoyenne sur le climat, qui ont d’ailleurs fait un bon boulot et qui vont peut-être avoir droit à un référendum grâce à l’initiative du Président de la République.

Les commentateurs disent souvent que ce dernier aime la confrontation directe et qu’il méprise les corps intermédiaires, voire le Parlement. Avec cette démarche, nous l’avons pris au mot. « Qu’ils viennent me chercher ! », avait-il dit. §Nous sommes là ! Et beaucoup de Français sont à nos côtés. Ils savent pourquoi il faut faire un référendum sur le sujet. Les raisons sont multiples.

La privatisation d’Aéroports de Paris est une aberration financière, économique et environnementale : financière d’abord, parce qu’on va brader un bien de l’État qui rapporterait plus en le gardant pendant les soixante-dix ans de l’éventuelle prochaine concession ; économique ensuite, parce que Roissy et Orly sont les portes d’entrée de la France en termes de tourisme, et il est important que la puissance publique garde la main ; environnementale enfin, parce que l’aménagement et le développement aérien sont des questions qui préoccupent pour l’avenir – là encore, l’État doit pouvoir intervenir pour réguler.

La décision de privatiser a un impact national qui légitime un référendum sur tout le territoire. Je le concède, monsieur le secrétaire d’État, ce n’est pas le seul sujet de préoccupation des Français. Il y en a bien d’autres qui ruissellent en ce moment : assurance chômage, pouvoir d’achat, retraites… Ils sont divers. Mais ils ont un point commun : la morgue avec laquelle le Président de la République, vous-même et votre gouvernement accueillez les craintes de nos concitoyens.

Refuser ce référendum serait porter un coup de plus à notre démocratie. Nous vous proposons une soupape, un moyen d’échanger avec le pays. Opposer une fin de non-recevoir à cette demande n’est pas une méthode. Ce serait de la provocation ; une de plus, me direz-vous… À les multiplier, vous faites le lit du populisme et vous portez atteinte à ce qu’il y a de plus sacré dans notre République : l’exigence démocratique, qui repose sur la souveraineté du peuple !

Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Léonhardt

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la privatisation d’Aéroports de Paris est assurément un des grands points d’achoppement de ce quinquennat. Annoncé en 2018 et inscrit dans la loi Pacte, adoptée l’an dernier, le processus est depuis lors mis entre parenthèses par le déclenchement, pour la première fois, de la procédure référendaire dite « d’initiative partagée », après le dépôt au mois d’avril 2019 d’une proposition de loi signée par plus d’un cinquième des parlementaires, dont votre serviteur.

Les privatisations ou ouvertures de capital d’entreprises publiques en France ne datent pas d’hier. Commencées en 1986 sous la première cohabitation, elles ont été poursuivies depuis par presque tous les gouvernements, sauf pendant la crise financière des années 2008-2009, où la chute des valeurs boursières les avait rendues peu rentables.

Parmi des privatisations restées emblématiques, on peut rappeler celles de TF1, de grandes banques, de Total et d’Usinor-Sacilor dans les années 1980 et au début des années 1990, l’ouverture du capital de Renault en 1996 et de France Télécom à partir de 1997, déjà de certaines compagnies d’autoroutes, d’EDF-GDF à partir de 2005 et, plus récemment, la baisse des participations de l’État au capital du groupe Safran.

L’ouverture du capital d’ADP a, quant à elle, débuté sous le gouvernement Villepin. Dans les années 2010, ce sont les grands aéroports régionaux qui ont connu à leur tour une vague de privatisations : l’aéroport de Toulouse, dans les conditions que l’on sait, et ceux de Lyon et de Nice.

L’entreprise ADP n’est pas une société anodine. Créée à la Libération, elle a accompagné la formidable modernisation de l’économie française pendant les Trente Glorieuses, avec l’ouverture d’Orly en 1961, puis de Roissy en 1974. C’est aujourd’hui le premier groupe de gestion aéroportuaire au monde en nombre de passagers, avec un chiffre d’affaires de 4, 5 milliards d’euros et un résultat net positif de 600 millions d’euros en 2018. Sa filiale à l’international gère 24 aéroports répartis dans 13 pays différents, dont l’Algérie et la Turquie.

Le chapitre de la loi Pacte consacré aux privatisations semble faire peu de cas de cette histoire et de cette situation exceptionnelle, en traitant pêle-mêle de sujets aussi divers qu’ADP, la Française des jeux ou Engie. Sans mépris aucun pour ces dernières entreprises, on doit pourtant bien reconnaître que les enjeux d’ADP dépassent très largement ceux des jeux de loterie ou de la prévention. Il s’agit pour l’État français d’une question stratégique et patrimoniale. D’une certaine manière, ce qui se joue ici, c’est l’identité économique de la France.

Le préambule de la Constitution de 1946, qui fait partie de nos textes fondamentaux au même titre que la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, dispose : « Tout bien, toute entreprise, dont l’exploitation a ou acquiert les caractères d’un service public national ou d’un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité. » C’est bien le cas d’Aéroports de Paris, qui joue de plus le rôle stratégique de principale porte d’entrée sur le territoire national.

L’an dernier, lors de l’examen de la loi Pacte, le Sénat avait majoritairement rejeté les articles de privatisation, à l’occasion d’une rare alliance entre la droite et la gauche de cet hémicycle. Le groupe du RDSE avait très majoritairement approuvé ces suppressions. Aujourd’hui, les Français restent aussi majoritairement opposés à une telle mesure.

Comment dès lors expliquer les difficultés pour réunir le nombre nécessaire de signatures pour soumettre à référendum l’objet de la proposition de loi ?

À l’évidence, les conditions prévues par l’article 11 de la Constitution apparaissent trop restrictives : un dixième du corps électoral, soit 4, 7 millions de citoyens, cela équivaut à un score d’environ 20 % aux dernières élections, score que certaines formations ont d’ailleurs eu du mal à atteindre. À titre de comparaison, les pays qui ont réellement mis en pratique ce mode de consultation ont retenu des seuils bien plus bas. L’exemple suisse est bien connu : les référendums à l’échelle fédérale nécessitent la signature de 100 000 citoyens, soit moins de 3 % du corps électoral. En Italie, le seuil est fixé à 500 000 électeurs, bien au-dessous des 4, 7 millions nécessaires chez nous, pour une population équivalente.

Beaucoup d’interrogations demeurent à propos de ce dossier. Par exemple, la difficulté à trouver des informations précises sur le Fonds pour l’industrie et l’innovation, que ces cessions de participations sont censées financer. Par ailleurs, si je ne nie pas l’intérêt des projets annoncés, ceux-ci masquent encore mal l’absence d’une réelle politique industrielle en France et a fortiori en Europe.

Enfin, le risque de hausse des redevances aéroportuaires, comme dans le cas des concessions d’autoroutes, et les conditions d’indemnisation des futurs actionnaires dans l’éventualité d’une fin de concession anticipée continuent de susciter de réelles interrogations, en particulier sur les conséquences sur le budget de l’État et pour d’autres acteurs, comme les compagnies aériennes, ainsi que sur le risque de suppression des petites lignes Paris-province non rentables.

C’est pourquoi, pour répondre à la question peut-être un peu rhétorique de mes collègues du groupe CRCE, l’organisation d’un référendum sur la privatisation d’Aéroports de Paris continue à mes yeux d’être une exigence démocratique.

Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

M. le président. La parole est à M. Dominique Théophile.

MM. Arnaud de Belenet et Claude Malhuret applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Théophile

M. Dominique Théophile. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, privatiser ADP, c’est repenser la place de l’État au XXIe siècle : il s’agit de passer d’un État rentier à un État investisseur, un État stratège qui investit pour l’avenir des Français.

Exclamations sur les travées du groupe CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Théophile

Le produit des cessions doit abonder un fonds d’innovations de rupture doté de 10 milliards d’euros, nécessaire à notre économie nationale : stockage de l’énergie, intelligence artificielle, robotique…

L’État stratège n’est pas nécessairement un État actionnaire de toutes les entreprises. Le fonds d’innovation doit permettre de préserver la souveraineté du pays, pour que notre économie ne dépende pas uniquement de brevets et de licences de l’étranger.

Il faut aussi garder à l’esprit que de nouveaux investissements sont nécessaires, par exemple pour la construction d’un quatrième terminal. C’est parce qu’ADP se porte bien qu’il a de nouveaux besoins de financement ; sa forme actuelle ne lui permet pas de les obtenir.

Par ailleurs, un tiers des bénéfices d’exploitation d’ADP provient de l’activité aéroportuaire, mais les deux tiers proviennent des boutiques de luxe, des hôtels et des parkings. Ce n’est pas le rôle de l’État de percevoir des dividendes liés à ces activités !

Protestations sur les travées des groupes CRCE, SOCR et Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Théophile

Le groupe ADP est international. Il est présent dans plus de trente pays et détient par exemple des participations dans les aéroports d’Amsterdam et d’Istanbul. Il s’agit de conforter une stratégie de consolidation à l’international déjà engagée par le groupe pour s’imposer parmi les leaders mondiaux. Ainsi, ADP perçoit la cession de la participation publique comme une aide dans sa stratégie.

La cession des participations publiques a pour objectif l’entrée de nouveaux investisseurs qui permettront d’emmener le groupe aux plus hauts niveaux et de le conforter comme leader mondial.

Ce transfert au secteur privé est évidemment assorti de plusieurs garde-fous législatifs pour que l’État conserve ses prérogatives en matière d’autorisation d’investissements.

En effet, la reprise du contrôle des actifs par l’État sera opérée au bout de soixante-dix ans. Pendant cette période, les actifs sont incessibles sauf autorisation expresse de l’État. De plus, des enseignements ont été tirés des erreurs commises lors de la conclusion des concessions autoroutières. Des contrats de régulation économique pluriannuels seront renégociés tous les cinq ans entre l’État et ADP.

Concernant les salariés, le régime applicable ne sera pas affecté par la privatisation. §Cette garantie inscrite dans la loi fait d’ailleurs suite à un amendement communiste adopté à l’Assemblée nationale. Ce dispositif apparaît plus efficace qu’une concession classique, qui aurait imposé une mise en concurrence, puis la conclusion d’un contrat avec l’opérateur retenu et qui n’aurait pas permis à l’État de garder un contrôle aussi important que celui qu’il aura dans le cadre de la privatisation d’ADP.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Théophile

En outre, une concession classique aurait conduit à une hausse des redevances aéroportuaires avec une répercussion sur les compagnies aériennes. Or, dans le cadre du contrat de régulation économique pluriannuel, les compagnies sont associées pour le niveau de redevances.

La sécurisation de la frontière et la régulation du trafic – cela inclut les horaires de décollage pour les communes aux alentours – restent gérées par l’État. Il est à noter que le Gouvernement a même renforcé la police aux frontières voilà un an.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Théophile

Pour toutes ces raisons, et bien d’autres, la privatisation d’ADP semble nécessaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Théophile

Cet avis n’est pas partagé par un certain nombre de nos collègues parlementaires. Ceux-ci ont choisi de déclencher un projet de référendum d’initiative partagée (RIP).

Le référendum d’initiative partagée est le dispositif prévu, depuis la révision constitutionnelle de 2008, à l’article 11 de la Constitution. Celui-ci prévoit qu’un référendum peut être organisé « à l’initiative d’un cinquième des membres du Parlement, soutenue par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales ».

À ce jour, au moins 185 parlementaires…

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Théophile

… issus de plusieurs partis d’opposition soutiennent ce projet de référendum. Le Conseil constitutionnel a en outre donné son feu vert à ce projet.

Cependant, il n’en va pas de même concernant la troisième condition, puisque la pétition en ligne recueille un peu plus d’un million de signatures sur les 4, 7 millions que requiert le RIP, …

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Théophile

… et il ne reste que trente-cinq jours pour les atteindre.

S’il n’est pas question ici de discuter de l’utilisation du référendum d’initiative partagée, qui est un droit constitutionnel, le déclenchement du projet de RIP pour contester la privatisation d’ADP est, lui, sujet à caution.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Théophile

En effet, la Constitution empêche explicitement d’abroger par un RIP une disposition législative promulguée depuis moins d’un an. C’est le cas de la loi Pacte.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabien Gay

Et l’avis du Conseil constitutionnel, vous en faites quoi ?

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Théophile

Le RIP doit demeurer un outil permettant d’introduire des respirations de démocratie directe dans un système de démocratie représentative, que nous incarnons ici.

Il est cependant à craindre, au-delà du cas particulier d’ADP, que l’initiative de nos collègues puisse ouvrir une brèche susceptible de fragiliser le système de représentation politique.

Exclamations sur les travées des groupes CRCE et SOCR.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Théophile

Jusqu’à présent, la mise en œuvre du RIP, inscrit dans la Constitution en 2008, paraissait suffisamment exigeante pour que la procédure ne soit utilisée que dans des circonstances exceptionnelles. Il ne me semble pas que cette initiative soit fidèle à la volonté du constituant de 2008.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Kanner

Le Conseil constitutionnel a validé la démarche !

Sourires sur les travées du groupe SOCR.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Théophile

M. Dominique Théophile. … entraîner un dysfonctionnement de la démocratie parlementaire et compromettre la bonne gouvernance de notre pays.

Protestations sur les travées des groupes CRCE et SOCR. – Brouhaha.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Mes chers collègues, je vous prie de laisser parler l’orateur.

Veuillez poursuivre, monsieur Théophile.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Théophile

La France a un besoin évident de renouveau démocratique et d’une plus grande participation directe des Français aux choix politiques, notamment sur le plan local. Le mouvement des « gilets jaunes » en a souligné l’urgence.

En définitive, il me semble qu’à l’occasion d’une future réforme constitutionnelle, …

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Théophile

M. Dominique Théophile. … il faudra revenir à l’esprit du constituant de 2008, en corrigeant les failles du recours au RIP, mais aussi en l’assouplissant et en simplifiant ses règles. Je pense à la possibilité, comme l’a proposé le Président de la République, que l’initiative puisse provenir d’au moins un million de citoyens dénombrés, via une pétition. Ce serait de nature à concilier la légitimité populaire, qui est le fondement de la démocratie, et le respect des institutions, qui en est la condition.

M. Arnaud de Belenet applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Kanner

Déposez-la donc, votre réforme constitutionnelle !

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Mes chers collègues, je demande que chaque orateur puisse s’exprimer dans le calme.

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, comme l’a souligné ma collègue Éliane Assassi, en ce début d’année, il est essentiel, au vu des enjeux, de mener ici au moins un débat sur ADP.

Chacun le sait, au groupe CRCE, nous nous sommes mobilisés, et nous continuons de le faire pour créer les conditions d’un référendum. Alors que la privatisation d’ADP, dont la superficie est de 6 686 hectares, risque de devenir la plus grosse de l’histoire française, nos concitoyennes et concitoyens ne bénéficient d’aucune information officielle leur permettant de donner leur avis. C’est un déni démocratique, mon cher collègue Théophile ! Nous sommes intervenus à plusieurs reprises auprès du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) pour qu’une campagne d’information soit lancée, ce qui n’a malheureusement pas abouti, en tout cas jusqu’à présent.

Permettez-moi de souligner sans chauvinisme que le Val-de-Marne est le deuxième département ayant le plus voté en faveur de la tenue d’un tel référendum.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Plus de 38 400 personnes se sont exprimées, soit pratiquement 5 % des électeurs. Sur la France entière, ce sont plus d’un million de personnes qui exigent la tenue d’un référendum sur la privatisation, ou non, du groupe ADP.

Je tiens à ce propos à saluer les actions que nous avons menées, comme à la Fête de l’Humanité au mois de septembre dernier sur l’initiative de notre groupe, ou encore lors du meeting organisé au mois de juin dernier à la Bourse du travail de Saint-Denis sur l’initiative de mon collègue député Stéphane Peu, qui réunissait des parlementaires de toutes sensibilités politiques, du PCF au PS, en passant par la France insoumise, Les Républicains, Génération.s et Europe Écologie Les Verts. Sans compter les dizaines d’actions sur nos territoires.

Les enjeux sont majeurs. Je pense tout d’abord aux conséquences économiques. En moyenne, Aéroports de Paris rapporte 170 millions d’euros de dividendes chaque année à l’État. En cas de privatisation, non seulement cette source de revenus disparaîtrait, mais, en plus, l’État devrait s’acquitter d’indemnisations supplémentaires particulièrement vertigineuses : près d’un milliard d’euros pour indemniser financièrement les actionnaires minoritaires actuels, qui risqueraient, après les soixante-dix ans de privatisation prévus par la loi, d’être expropriés pour une nouvelle nationalisation, alors même qu’il est également prévu que l’État rachète son dû dans soixante-dix ans.

Ainsi., l’État y perdrait triplement : un milliard d’euros d’indemnités en faveur des actionnaires minoritaires ; 170 000 euros de bénéfices en moins par an, c’est-à-dire presque 12 milliards d’euros sur soixante-dix ans ; et, bien entendu, le prix qu’il faudrait payer pour racheter ADP dans soixante-dix ans ! Monsieur le secrétaire d’État, quand on cherche de l’argent : là, il y en a !

C’est à l’encontre de tout bon sens, alors même qu’ADP est une entreprise rentable qui offre de nombreuses perspectives prospères pour l’avenir, comme le laissent présumer le nouveau terminal 4 à Roissy, prévu pour 2025, ou les récents aménagements de l’aéroport d’Orly. Le Gouvernement prétend vouloir investir dans un fonds pour l’innovation grâce aux recettes de cette privatisation. Les recettes annuelles d’ADP, en constante hausse, ne pourraient-elles financer ce fonds sur plusieurs années ?

Le deuxième enjeu capital soulevé par la privatisation d’ADP est politique. Comme le rappelle le professeur de droit public Paul Cassia, cette opération soulève un problème relevant de la souveraineté même de l’État français. En effet, plus de 100 millions de passagers transitent chaque année par cette plateforme pour entrer sur le territoire ou en sortir, faisant d’ADP la plus grande frontière française. Pas moins de 80 % des visiteurs étrangers passent par ADP, qui possède donc des infrastructures sensibles ! Privatiser ces infrastructures signifie nécessairement menacer la capacité de l’État à contrôler intégralement et sans intermédiaire les entrées et sorties du territoire, qui vont in fine dépendre de son dialogue avec un groupe privé.

Un troisième enjeu particulièrement important est le risque d’anticonstitutionnalité d’une telle privatisation. En effet, cette opération entre directement en contradiction avec le neuvième alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 : « Tout bien, toute entreprise, dont l’exploitation a ou acquiert les caractères d’un service public national ou d’un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité. » C’est sur cette base que le législateur avait déjà refusé la privatisation d’ADP en 2005.

Cette privatisation potentielle soulève également un enjeu fort lié aux risques de suppressions d’emplois et de précarisation d’une partie des salariés d’ADP. Pour rappel, près de 90 000 salariés travaillent à Roissy et plus de 25 000 à Orly, sans compter les emplois induits.

Et que dire de l’enjeu écologique d’une telle privatisation à une époque où nous subissons directement les conséquences du réchauffement climatique ? Que dire des conséquences sur la vie des riverains ? Je pense particulièrement aux nuisances sonores ! Il est à craindre qu’une privatisation d’ADP n’aggrave la situation, en intensifiant le trafic aérien et en remettant en cause le couvre-feu actuel, qui interdit le survol des avions entre vingt-trois heures trente et six heures du matin.

Enfin, une privatisation aboutirait nécessairement à une augmentation des tarifs et à un remaniement qui pourraient menacer certaines lignes, par exemple celles reliant la France hexagonale à ses territoires d’outre-mer. À La Réunion, un collectif d’usagers, Réunion ADP, craint particulièrement les hausses des taxes aéroportuaires, qui correspondent actuellement à 50 % du prix d’un vol. Alors que des milliers d’étudiants ultramarins viennent chaque année faire leurs études en France métropolitaine, comment garantir leur mobilité sans hausse supplémentaire ?

Au regard des nombreuses conséquences que je viens d’évoquer, l’organisation d’un référendum sur la privatisation d’Aéroports de Paris relève d’une exigence démocratique. Il y va du droit des citoyennes et des citoyens à protéger le devenir des biens communs et des services publics. Il y va également du devoir de l’État d’écouter les mobilisations inédites et les nombreuses voix, toutes sensibilités politiques confondues, qui, depuis des mois, exigent le dialogue, donc ce référendum.

Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SOCR.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Malhuret

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, voilà tout juste un an, nous examinions le projet de loi Pacte. Parmi toutes les mesures de bon sens attendues de longue date par les entrepreneurs et les salariés français, une disposition de ce texte cristallisait les tensions politiques. Il s’agissait de la privatisation d’Aéroports de Paris. Un an après, nous nous réunissons de nouveau dans notre hémicycle pour aborder cet épineux sujet.

Cependant, l’objectif de ce débat n’est pas de remettre le même ouvrage sur le métier. Car, depuis lors, les termes du débat ont changé. Une proposition de loi référendaire a été déposée contre cette privatisation.

La question qui nous est posée aujourd’hui est la suivante : l’organisation de ce référendum est-elle une exigence démocratique ? Nous devons donc définir ce que signifie l’expression « exigence démocratique ». On peut l’entendre de deux façons. D’une part, s’agit-il d’une demande du peuple français suffisamment forte pour justifier l’organisation d’une large consultation ? D’autre part, s’agit-il d’une obligation institutionnelle fondée sur un principe de notre droit ?

Commençons par la demande populaire. J’éviterai pour ma part de me poser en porte-voix du peuple français. Je me contenterai de me référer à des critères objectifs. Or nous disposons en la matière d’un baromètre assez précis.

En effet, en choisissant la voie du référendum d’initiative partagée, les parlementaires ayant cosigné la proposition de loi référendaire ont sollicité le soutien de nos concitoyens. La proposition ne pourra être adoptée que s’ils parviennent à réunir les signatures de 10 % du corps électoral, soit quelque 4, 7 millions de Français, dans les neuf mois suivant le dépôt de la proposition.

À quelques semaines de l’échéance, les soutiens ne dépassent guère le million de signatures, soit à peine 2 % du corps électoral. Difficile, dans ce contexte, de parler de demande populaire forte… §Eh oui ! J’en suis désolé pour vous, chers collègues.

J’en viens à l’obligation institutionnelle. Dans le cas où le seuil des 4, 7 millions de signatures ne serait pas atteint, la proposition de loi référendaire resterait lettre morte. Dès lors, aucune loi de la République ne pourrait contraindre le pouvoir exécutif à organiser un référendum.

En somme, il apparaît qu’un référendum sur la privatisation d’ADP n’a rien d’une « exigence démocratique ». Nos institutions ne nous y obligent pas, et le peuple ne le demande pas.

Exclamations sur les travées des groupes CRCE et SOCR.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Malhuret

Je comprends que cela vous ennuie, mais il faut bien constater la réalité.

La deuxième question porte sur la décision du Conseil constitutionnel jugeant recevable cette proposition de loi référendaire. Cette décision a suscité de nombreuses critiques, notamment celles, dans une tribune parue le 14 mai dernier dans Le Monde, de deux constitutionnalistes de renom, qui considéraient que le Conseil constitutionnel avait commis une double faute, à la fois juridique et démocratique, en jugeant recevable cette proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabien Gay

Il y a eu encore plus de tribunes de constitutionnalistes pour dire l’inverse !

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Malhuret

Leur argumentation s’appuie notamment sur le fait que cette procédure ne respecterait pas l’esprit de réforme constitutionnelle de 2008 ayant instauré le référendum d’initiative partagée.

En effet, une proposition de loi référendaire ne peut avoir pour objet l’abrogation d’une disposition législative promulguée depuis moins d’un an. L’initiative de nos collègues a donc joué sur le calendrier et, pour ainsi dire, sur les mots, en visant à abroger une disposition votée par les assemblées, mais non promulguée par le pouvoir exécutif.

Ces critiques ont été entendues par le Conseil constitutionnel lui-même, dont le président a cru nécessaire de justifier sa décision, fait rarissime, en publiant un communiqué. Petite parenthèse : ce communiqué rappelle préalablement que le Conseil constitutionnel a validé la loi Pacte, y compris les articles prévoyant la privatisation d’ADP, ce que l’on oublie trop souvent. J’ai donc été étonné d’entendre dire à l’instant que ces articles étaient anticonstitutionnels. N’en déplaise à ceux qui ont déclenché la procédure de référendum, cette privatisation a donc force de loi, et il y a tout lieu de penser que cela le restera, tant nous sommes loin aujourd’hui des 4, 7 millions de signatures.

Mais là n’est pas l’essentiel. L’essentiel est que, dans le vocabulaire très particulier et très prudent du Conseil constitutionnel, Laurent Fabius indique qu’il y a « matière à réflexion sur la manière dont cette procédure » – celle du référendum d’initiative partagée – « a été conçue ». En français de tous les jours, cela signifie que le législateur s’est pris les pieds dans le tapis en 2008, et Laurent Fabius suggère donc à mots couverts qu’il faudra y revenir lors d’une prochaine révision constitutionnelle.

Quelle est en effet la conséquence importante et fâcheuse du texte constitutionnel tel qu’il est aujourd’hui rédigé ? C’est la faille dans laquelle se sont engouffrés les parlementaires ayant lancé la procédure de demande de référendum un jour avant la promulgation de la loi. Avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel, on va désormais pouvoir proposer un référendum sur tous les sujets pendant même l’examen de la loi. Cela revient à opposer démocratie directe et démocratie représentative, alors qu’elles étaient jusqu’à présent complémentaires, et à opposer au même moment les deux expressions de la volonté nationale que sont le vote des représentants du peuple et le référendum. Dans ces conditions, cette forme de démocratie participative vise moins à compléter les mécanismes de la démocratie représentative qu’à leur faire échec.

C’est un problème grave. Il nécessitera, comme je l’ai déjà souligné, une clarification de l’article 11 de la Constitution lors de la prochaine révision constitutionnelle. Si nous ne le faisons pas, nous aurons laissé, nous, parlementaires, discréditer le travail des assemblées en le soumettant aux impératifs de la démocratie plébiscitaire. Et nous connaissons tous l’écueil principal de cette démocratie plébiscitaire : elle conduit les citoyens à se prononcer pour ou contre un gouvernement plutôt que pour ou contre une mesure, aussi importante soit-elle pour le pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Malhuret

M. Claude Malhuret. Nous sommes au cœur des débats qui portent depuis un an sur les rapports de la démocratie représentative et de la démocratie directe. J’ai exprimé à d’autres occasions les graves inquiétudes que m’inspirent les dérives vers la démocratie directe, démocratie d’émotion quand ce n’est pas démocratie de l’émeute !

Exclamations sur les travées du groupe CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Malhuret

Dans les circonstances que traverse aujourd’hui notre pays, et alors que la vague populiste menace un peu partout les régimes démocratiques

Vives exclamations sur les travées du groupe CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Malhuret

M. Claude Malhuret. … il est plus que jamais essentiel de lui résister.

Applaudissements sur les travées des groupes Les Indépendants et LaREM, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains. – Protestations sur les travées des groupes CRCE et SOCR. – Brouhaha.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne-Catherine Loisier

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nos collègues du groupe CRCE nous invitent à un débat que je formulerai en ces termes : le vote du Parlement en faveur de la privatisation d’ADP ne répondrait-il pas aux exigences démocratiques ?

Si l’objectif de créer un Fonds d’innovation pour les entreprises, inscrit dans la loi Pacte, n’a pas été contesté, la méthode a interrogé dès le début, s’agissant de la perte de participation majoritaire de l’État dans le capital d’entreprises du transport aérien, de la régulation des jeux et de la transition énergétique, des entreprises rentables, prospères, versant chaque année plusieurs centaines de millions d’euros de dividendes à l’État, et pour lesquelles un copilotage étatique était jusqu’alors considéré comme d’intérêt public, voire stratégique ! En seulement dix ans, le chiffre d’affaires d’ADP a quasiment doublé, passant de 2 500 milliards d’euros en 2008 à près de 4 500 milliards d’euros en 2018.

Au final, les privatisations de la Française des jeux et d’Engie ont été actées par les deux assemblées, le Sénat ayant rejeté celle d’ADP. L’accord du Parlement était donc obtenu, dans le plus strict respect des institutions et des principes démocratiques, mais pas nécessairement dans celui de l’opinion publique.

Tandis que l’État s’efforçait de diminuer ses dépenses et de consolider ses recettes, l’opinion publique, alimentée par les mouvements sociaux et politiques, s’interrogeait chaque jour davantage sur l’intérêt de vendre des actifs rentables et de renoncer à des rentrées d’argent récurrentes, appauvrissant l’État.

Le mouvement des « gilets jaunes », avec ses revendications de justice sociale et de meilleure redistribution des richesses, a rebondi sur le dossier de la privatisation du groupe ADP, perçue comme une « spoliation » du patrimoine des Français, d’autant que les chiffres du groupe explosaient, ADP devenant le numéro 1 mondial de la gestion aéroportuaire en nombre de passagers et le détenteur du premier aéroport de l’Union européenne, Roissy-Charles-de-Gaulle, à la suite du Brexit.

En avril dernier, 185 de nos collègues se sont associés pour lancer une première procédure de référendum et tenter d’arrêter la privatisation du groupe ADP.

Dans le même temps, le président Macron ouvrait une faille en se déclarant favorable au RIP et en proposant d’abaisser le seuil des soutiens à un million de signatures pour le rendre plus accessible. Dès lors, comment ne pas mettre en actes les paroles du Président de la République ?

À mon sens, l’exécutif s’est mis lui-même dans une impasse démocratique, qu’il appréhende maintenant en raison d’un climat social il est vrai peu propice à un vote apaisé.

Mais existe-t-il une alternative dans le contexte que nous connaissons ? Le vote du Parlement suffit-il encore à légitimer le choix de privatiser ADP face à une proposition de loi référendaire qui dépasse aujourd’hui le million de soutiens, en dépit d’une information quasi inexistante et d’un accès pour le moins complexe ?

Debut de section - PermalienPhoto de Anne-Catherine Loisier

Tout choix politique s’inscrit dans un contexte, mes chers collègues. C’est, me semble-t-il, l’enchaînement des événements de ces derniers mois et les déclarations maladroites de l’exécutif qui, aujourd’hui, confèrent à la consultation des citoyens par référendum une légitimité en quelque sorte supérieure et complémentaire à celle du vote du Parlement.

L’argument qui met en avant les 10 % de soutiens nécessaires à l’organisation d’un référendum n’est plus audible après les propos du Président de la République, qui qualifiait de « signal déjà fort » la mobilisation d’un million de signatures.

Le référendum sur la privatisation d’ADP est désormais le talon d’Achille du Gouvernement, avec ce dilemme : faut-il prendre le risque de le perdre ou l’esquiver ?

Refuser un référendum, c’est discréditer, une fois de plus, la parole du politique. Dans le contexte et avec les menaces que nous connaissons, ce serait vécu comme un nouvel acte de défiance d’un président qui n’écouterait plus les Français, et craindrait même de leur laisser la parole.

Le risquer, c’est en revanche se présenter comme le garant d’une démocratie assumée.

Je conclurai par une formule souvent employée par le Président de la République : « N’ayez pas peur ! »

Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE. - MM. Sébastien Meurant et Olivier Paccaud applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Raymond Hugonet

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le mercredi 12 décembre 2018, la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises (Pacte) auditionnait le ministre Bruno Le Maire.

Alors que bien des aspects de ce projet allaient dans le bon sens, selon une regrettable habitude, une disposition introduite dans le texte allait polariser l’attention et polluer le débat du début à la fin… Je veux parler de la privatisation d’ADP.

M’appuyant sur les similitudes avec l’expérience récente et cuisante de la privatisation des concessions d’autoroute, qui aurait dû nous instruire utilement sur ce type de procédure, j’étais alors l’un des premiers, avec Fabien Gay, à dénoncer vigoureusement la privatisation d’Aéroports de Paris pour des raisons simples, essentiellement stratégiques, financières, environnementales et sécuritaires sur lesquelles il n’est plus besoin de revenir, tellement le débat a fait rage.

En revanche, je n’ai pas fait partie, le 9 avril 2019, des 248 parlementaires, toutes tendances confondues, à l’initiative du lancement de la procédure de référendum d’initiative partagée.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Raymond Hugonet

Je ne l’ai pas fait parce que, selon moi, pour répondre précisément à la question posée dans ce débat, l’organisation d’un référendum sur la privatisation d’Aéroports de Paris n’est absolument pas une exigence démocratique !

Le référendum d’initiative partagée est une forme particulière du processus législatif français. Il associe le corps électoral à une proposition de loi, via un recueil de soutiens.

Dès lors, les seuils d’un cinquième des membres du Parlement, soit 185 parlementaires, dans un premier temps, puis d’un dixième des électeurs, soit 4, 7 millions, sont nécessaires afin d’enclencher un tel référendum.

Le déclenchement de la procédure appartient aux seuls parlementaires, le soutien des électeurs intervenant dans un second temps. De ce fait, le mécanisme ne peut être qualifié de référendum d’initiative populaire, bien que l’expression ait été largement employée pour le désigner.

Pour ma part, je constate que ce mécanisme n’est en fait qu’un « alibi de modernité » doublé d’une « course d’obstacles » dont le modus operandi est décrit aux troisième et sixième alinéas de l’article 11 de la Constitution. Le remède est pire que le mal !

Le seul but est en réalité de créer un effet d’annonce dans les médias sur un élan démocratique du système politique, alors que le mécanisme est conçu pour assurer que le référendum n’aboutisse en aucun cas. La proposition de loi qui nous occupe aujourd’hui, relative au statut d’Aéroports de Paris, en est un criant exemple.

Mme Sophie Taillé-Polian marque son approbation.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Raymond Hugonet

Le délai court du 13 juin 2019 à minuit jusqu’au 12 mars 2020 avant minuit. En décembre 2019, nous avons franchi le cap du million de soutiens enregistrés sur le site internet du ministère de l’intérieur. Courage, mes chers collègues, il ne vous reste plus qu’à en trouver 3 millions et demi en un peu plus d’un mois !

M. Fabien Gay s ’ esclaffe.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Raymond Hugonet

Un jeu d’enfant lorsque l’on s’essaie au parcours du combattant nécessaire pour s’enregistrer sur ce fameux site, lorsqu’il fonctionne…

Très bien ! et applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SOCR.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Raymond Hugonet

La démocratie représentative doit avoir la « primauté » et « le développement des instruments de démocratie directe ou participative doit avoir pour corollaire le renforcement du rôle du Parlement ». C’est clairement ce qu’a affirmé le groupe de travail sur la révision constitutionnelle, réuni par Gérard Larcher, président du Sénat, le 20 mars 2019. La démocratie directe ou participative est complémentaire de la démocratie représentative, et il n’y a pas lieu d’opposer l’une à l’autre.

Les trois propositions du président du Sénat pour revivifier le droit de pétition devant notre assemblée font preuve de sagesse.

Premièrement, un droit de tirage citoyen permettrait à des citoyens, via une pétition, de déclencher la création, une fois par session, d’une mission d’information sénatoriale.

Deuxièmement, un droit d’initiative législative permettrait l’inscription à l’ordre du jour du Sénat d’une proposition de loi d’origine citoyenne ayant recueilli un nombre significatif de signatures, qui serait évidemment inférieur aux 4, 7 millions requis pour le référendum d’initiative partagée.

Enfin, troisièmement, des séances de questions posées par les citoyens aux membres du Gouvernement ou aux sénateurs seraient mises en place.

C’est ainsi, mes chers collègues, que nous pourrons renforcer utilement l’exigence démocratique !

Mais prenons garde à ce que le rythme de réformes d’opportunité, mineures et précipitées, ne conduise le « mécano constitutionnel », selon l’expression chère au doyen Vedel, à l’emporter sur la logique de l’équilibre institutionnel !

Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian.

Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Taillé-Polian

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je remercie tout d’abord le groupe CRCE d’avoir inscrit ce débat à l’ordre du jour de notre assemblée. La question se pose en effet de savoir aujourd’hui si ce référendum sur la privatisation d’Aéroports de Paris est une exigence démocratique.

Il y a plusieurs façons de répondre à la question. J’en ajouterai toutefois une à celles qui ont déjà été émises : cette privatisation ne figurait pas dans le programme présidentiel.

Mme Laurence Harribey applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Taillé-Polian

Ensuite, plus d’un million de personnes ont pris la peine d’aller sur ce site, accomplissant un acte citoyen et militant. À ceux qui méprisent une telle démarche, je réponds qu’en ces temps d’abstention où l’on se plaint régulièrement du désintérêt de nos concitoyens pour la politique, pour les partis et pour le travail parlementaire, la moindre des choses serait de respecter cette dynamique. Ne bridons pas cet appétit démocratique !

On met en avant la démocratie représentative. Malheureusement, notre République fonctionne de telle sorte que le débat parlementaire est aujourd’hui souvent abîmé, tronqué par une pratique du pouvoir qui se révèle, par bien des aspects, antiparlementaire.

Recours régulier aux ordonnances, études d’impact rédigées à la hâte, procédure accélérée appliquée systématiquement ou presque, y compris pour des sujets qui concerneront pour des dizaines d’années des millions de nos concitoyens, amendements du Gouvernement posés sur la table au dernier moment : on comprend que les Françaises et les Français aient parfois envie de reprendre la main sur le débat parlementaire…

En l’espèce, s’agissant de l’examen de la privatisation d’Aéroports de Paris dans le cadre de la loi Pacte, le débat fut opaque, faute pour les parlementaires de pouvoir accéder au cahier des charges, alpha et oméga de cette privatisation. Les conséquences concrètes de celle-ci n’ont donc pas pu être véritablement prises en compte dans le vote, alors que c’est précisément ce qui intéresse les Français. Je pense en particulier aux conséquences environnementales et aux 200 000 riverains de l’aéroport d’Orly, dans le Val-de-Marne que je représente ici, qui subissent déjà les conséquences de la pollution de l’air et du bruit sur leur santé. Que vont devenir les « protections » dont ils bénéficient aujourd’hui ? Quelles seront les conséquences de cette privatisation sur l’aménagement du territoire ?

Mes chers collègues, à l’heure où nous devrions reprendre la main sur les intérêts privés pour agir résolument face aux injustices et aux conséquences des dérèglements climatiques, nous sacrifions la maîtrise de nos aéroports, qui se trouvent pourtant à la croisée des enjeux écologiques et économiques. C’est une hérésie, un contresens historique majeur ! L’intérêt général commande au contraire d’en garder la maîtrise, et les Français veulent prendre part à ce débat.

Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SOCR. - M. Sébastien Meurant applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Louault

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, aujourd’hui, 1, 057 million de personnes ont signé le soutien à un référendum d’initiative partagée sur la privatisation d’Aéroports de Paris. Le seuil, pour sa validation, doit être de 10 % du corps électoral inscrit, soit 4 717 396 personnes.

La question posée est de savoir si l’on respecte ou non une loi constitutionnelle. Ce référendum d’initiative partagée a-t-il été conçu pour contrer le travail des parlementaires et les lois de la République, ou pour donner une initiative aux citoyens ?

On sent bien aujourd’hui qu’il s’agit finalement de dire aux députés et aux sénateurs qu’ils ne détiennent pas leur pouvoir du peuple, qu’ils ne regardent pas de très près ce qu’ils vont voter et qu’il est préférable, dans ces conditions, de redonner la parole au peuple.

Cela pose, me semble-t-il, un problème institutionnel. Le parlementaire est-il encore responsable de ses votes ? La démocratie s’organise-t-elle encore autour des parlements ou peut-elle, à tout moment, s’exercer dans la rue ?

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Louault

M. Pierre Louault. Je comprends bien que certains préfèrent organiser la démocratie dans la rue.

Exclamations sur les travées du groupe CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Louault

Oui, oui, oui ! Rien ne dément mon discours au quotidien, bien au contraire.

M. Claude Malhuret applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Louault

Pourtant, je ne suis pas sûr que ceux qui veulent donner le pouvoir à la rue aient toujours promu l’exemple d’un bon fonctionnement de la démocratie…

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Si l’on répondait aux problèmes de ce monde en faisant des lois qui tiennent la route, au lieu d’enfiler des perles, nous n’en serions pas là !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Louault

Notre système démocratique est certes imparfait, mais il permet aux citoyens de s’exprimer régulièrement à l’occasion des scrutins, qu’ils soient nationaux ou locaux. Ces scrutins donnent la possibilité d’élire les représentants que nous sommes, dont la responsabilité est d’agir en fonction des engagements pris devant nos concitoyens. Nos électeurs savent très bien nous rappeler à nos obligations quand nous nous en éloignons.

En voulant favoriser l’accès au référendum sur des sujets techniques et économiques comme la privatisation d’Aéroports de Paris, quelle légitimité nous donnons-nous ? Comment justifier ensuite notre travail de parlementaires ?

M. Philippe Bonnecarrère applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Louault

Mes chers collègues, vous l’aurez compris, je suis un fervent défenseur des institutions de notre République et de l’existence du Parlement !

Protestations sur les travées du groupe CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Louault

Je conclurai mes propos par une citation de Michel Rocard, pour complaire à mes amis socialistes

Protestations sur les travées du groupe SOCR.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Essayez d’être plus concis que l’auteur que vous citez, mon cher collègue…

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Louault

M. Pierre Louault. « On pose une question, les gens s’en posent d’autres et viennent voter en fonction de raisons qui n’ont plus rien à voir avec la question. »

Applaudissements sur les travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

C’est une caricature de la pensée de Michel Rocard. Il faut lire ses œuvres complètes !

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Je demande à tous de respecter les orateurs, quoi qu’ils disent.

La parole est à M. Dominique de Legge.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique de Legge

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le 24 octobre 1973, un décret signé du président Pompidou donnait le nom de Charles de Gaulle à l’aéroport de Roissy, rendant ainsi hommage à celui qui signait, le 24 octobre 1945, l’ordonnance portant création de l’aéroport de Paris, mais aussi au fondateur de la Ve République, dont la Constitution renvoie au préambule de celle de 1946, abondamment cité par les orateurs précédents.

Avec la privatisation d’Aéroports de Paris, on touche, me semble-t-il, à un principe constitutionnel, ce qui aurait sans doute mérité un débat en tant que tel, et non une discussion au détour d’un article d’un texte aussi hétéroclite que la loi Pacte.

Le général de Gaulle, en inaugurant en 1961 l’aéroport d’Orly, parlait d’une ambition nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique de Legge

Je veux bien que nous ne soyons plus au siècle dernier et que nous vivions dorénavant dans une économie mondialisée, mais je reste convaincu qu’Aéroports de Paris n’est pas qu’une question de capitaux, de rentabilité et de technique. Il s’agit d’un équipement stratégique et, pour reprendre l’expression du général de Gaulle, d’une ambition dont l’État ne peut être absent. Il doit en être acteur.

Les précédents de la privatisation de l’aéroport de Toulouse ou des concessions autoroutières auraient dû nous conduire à plus de prudence. Je crains que nous n’ayons pris le risque de sacrifier l’avenir en espérant glaner quelques recettes pour boucler un budget toujours déficitaire.

Mais s’agissant d’ambitions nationales, je ne peux pas ne pas faire le rapprochement avec l’ampleur du débat qui a eu lieu autour d’un autre aéroport, celui de Notre-Dame-des-Landes, avec ses 180 décisions de justice. À moins qu’il ne s’agisse dans cette affaire de compenser le manque à gagner pour les entreprises qui envisageaient l’exploitation de Notre-Dame-des-Landes…

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique de Legge

Monsieur le secrétaire d’État, le Gouvernement veut réformer. Ce n’est pas moi qui lui en ferai le reproche. Mais réformer ne peut se faire dans la précipitation, surtout quand il s’agit de fondamentaux.

Aéroports de Paris fait partie des fondamentaux de notre souveraineté économique. Il s’agit d’un engagement sur soixante-dix ans !

La réforme des retraites entend aussi toucher à nos fondamentaux, puisqu’elle vise – rien de moins ! – à repenser notre pacte social et de solidarité mis en place au lendemain de la guerre. Pourquoi pas ? Mais l’on ne peut certainement pas le faire en procédure accélérée, sans étude d’impact ni projections financières…

Je ne sais pas s’il faut plus ou moins de référendums, mais je ne suis pas insensible aux arguments de notre collègue Claude Malhuret sur le débat entre démocratie directe et démocratie participative.

J’ai toutefois une conviction : le Parlement doit être respecté. Je n’aurais certainement pas signé l’appel au référendum d’initiative populaire s’il y avait eu un vrai débat parlementaire et si nous n’avions pas légiféré dans l’urgence.

Si vous ne voulez pas que le débat ait lieu ailleurs, c’est-à-dire dans la rue, il faut qu’il ait lieu au Parlement !

Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SOCR, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique de Legge

Monsieur le secrétaire d’État, vous êtes chargé de la petite enfance et des mineurs. Votre présence au banc du Gouvernement est aujourd’hui tout un symbole, puisqu’un jeune majeur de 18 ans aujourd’hui aura 88 ans quand la concession se terminera !

Mêmes mouvements.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique de Legge

Je crains que le Gouvernement ne tire une traite sur l’avenir.

Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SOCR, et sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Rachid Temal

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le débat de ce jour, organisé sur l’initiative de nos collègues du groupe CRCE, que je remercie, ne porte pas sur la politique économique de l’actuel gouvernement, ni même sur son avenir, sur lequel il y aurait tant à dire. Il ne porte pas non plus sur la loi Pacte, ni sur la question de nos institutions et du rôle du Parlement.

Il porte sur un sujet essentiel, celui de la démocratie, à l’heure de la puissance des réseaux sociaux, pour le meilleur et pour le pire, du mouvement inédit des « gilets jaunes » et de la remise en cause de toutes les formes de pouvoir. La question d’un débat démocratique sur le devenir d’Aéroports de Paris cristallise l’ensemble de ces problématiques, que certains analysent comme une « archipélisation » de la France, d’autres comme un retour des classes sociales

Si ce sujet surgit, monsieur le secrétaire d’État, c’est pour une raison simple : l’utilisation de la procédure accélérée et le manque de transparence du Gouvernement. Comment accepter le refus de transparence de votre gouvernement sur le fameux cahier des charges qui, de fait, va organiser les relations d’Aéroports de Paris avec les territoires et les habitants pour les soixante-dix prochaines années, avec des impacts importants sur leur vie et leur santé ?

Vous proposez finalement de privatiser les gains de ce fleuron et de nationaliser les nuisances. Dans le Val-d’Oise, dont je suis l’élu, nous nous battons chaque jour, avec d’autres collègues ici présents, pour améliorer, notamment, les questions de santé publique. Mais les habitants avaient, par leur bulletin de vote, le pouvoir de changer tous les cinq ans l’actionnaire majoritaire. Dorénavant, ce ne sera plus possible, ou alors dans soixante-dix ans ! Soixante-dix ans avant de pouvoir de nouveau exprimer un avis sur les politiques d’aménagement d’Aéroports de Paris et leurs conséquences en termes de santé publique et de nuisances pour des centaines de milliers d’habitants !

Je regrette aussi, monsieur le secrétaire d’État, le refus du Gouvernement d’accepter l’avis de la Commission nationale du débat public (CNDP), qui avait demandé la tenue d’un débat très large sur le terminal 4, soit l’équivalent d’Orly ajouté à Roissy. Le rapport souligne pourtant qu’il y aura bel et bien des nuisances en termes d’émissions de CO2, de particules fines et de nuisances sonores.

Nous sommes choqués, monsieur le secrétaire d’État : un Président de la République peut décider à lui seul d’un grand débat, mais 248 parlementaires ne peuvent rien dire, et un million de Français non plus !

Vous refusez tout débat par idéologie et, disons-le, vous abîmez ainsi notre démocratie. Les Français n’ont pas besoin d’un passage en force, mais d’une démocratie apaisée. C’est pourquoi il faut laisser la souveraineté populaire s’exprimer.

Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Paccaud

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’organisation d’un référendum sur la privatisation d’Aéroports de Paris est-elle une exigence démocratique ?

Si l’on peut et l’on doit s’interroger sur la pertinence économique de cette privatisation, sur sa cohérence stratégique, on ne peut ignorer la problématique politique et démocratique posée par cette cession.

Il n’est évidemment pas question de remettre en cause l’essence même de notre système de démocratie représentative. Mais certaines décisions s’avèrent des symboles si forts que, même légales, même en respectant formellement les prérogatives et votes du Parlement, elles souffrent d’une légitimité tremblante et incertaine.

Ainsi, alors qu’ADP est tout sauf un petit aérodrome de province ou une énième zone commerciale de la grande couronne francilienne, l’État a voulu graver son futur dans une sous-section des 221 articles de la loi Pacte.

Sept articles – au milieu des modifications sur les formalités administratives, la formation professionnelle, le jour des soldes, les assurances, etc. – résument en quelques mots des orientations clés pour l’avenir du transport aérien, l’aménagement du territoire, la stratégie économique et financière de notre Nation, et même sa souveraineté. L’objectif, au final, est de rembourser comptant seulement 0, 5 % de la dette publique… N’oublions jamais qu’un grand aéroport est aussi une porte d’entrée territoriale, un espace frontalier avant d’être une galerie marchande.

Ne fallait-il pas au moins un projet de loi spécifique ? Évidemment ! Mais vous avez fait un autre choix. Cette volonté de privatisation d’ADP, enfouie au fond de la jungle touffue d’une loi obscure, est révélatrice, sur le fond comme sur la forme, d’une gouvernance lointaine et technocratique qui attise le volcan de l’incompréhension et le magma de la colère chez de nombreux Français.

Quand on vend les bijoux de la famille, ce n’est jamais bon signe, et il ne faut pas s’étonner que la famille demande des comptes ! Les Français veulent un État stratège, pas un gang de boursicoteurs « gagne-petit » leur expliquant doctement qu’ils n’ont rien compris.

Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains, SOCR et CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Paccaud

Les Français ont du bon sens, ils comptent mieux que les ordinateurs de Bercy et ils ont de la mémoire. Ils se souviennent des pathétiques privatisations du réseau d’autoroutes et de l’aéroport de Toulouse.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Paccaud

Il est toujours temps de corriger une erreur, ou au moins de fortifier une décision, de la rendre incontestable. Comment ? En donnant la parole au peuple ! Pourquoi le refuser, alors que le Gouvernement ne cesse de proclamer un souci d’écoute et de proximité qui reste tout virtuel ? En avez-vous donc peur, monsieur le secrétaire d’État ?

Certains disent que le référendum est un outil dangereux, pernicieux, que les citoyens ne répondent pas vraiment à la question posée, mais en profitent plutôt pour exprimer un rejet.

Il fut un temps, pas si lointain, à l’aube de la Ve République, où le Président de la République donnait régulièrement la parole au peuple. Certes, n’est pas de Gaulle qui veut…

Je fais partie des parlementaires qui se sont associés pour déclencher le processus conduisant à l’organisation d’un référendum d’initiative partagée.

À ce jour, plus d’un million de nos compatriotes ont signé cette demande, ce qui est insuffisant pour imposer le référendum, mais suffisant pour que le Gouvernement entende le malaise exprimé. Monsieur le secrétaire d’État, si vous êtes sûr du bien-fondé de votre décision, je ne doute pas que vous saurez en convaincre les Français.

« Au fond des victoires d’Alexandre, on retrouve toujours Aristote », a écrit Charles de Gaulle. Puisse donc le Gouvernement être audacieux, courageux et pédagogue, monsieur le secrétaire d’État ! Puisse le Gouvernement être gaulliste, ou au moins gaullien ! Un référendum lui en donnerait l’occasion.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mmes Victoire Jasmin et Michelle Meunier applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

La parole est à M. le secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé.

Sourires sur de nombreuses travées.

Debut de section - Permalien
Adrien Taquet

M. Adrien Taquet, secrétaire d ’ État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis ravi d’être parmi vous. En tant que secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé, je vous remercie, au nom du Gouvernement, de l’organisation de ce débat. Je me réjouis de voir que le débat démocratique est toujours bien vivant

Exclamations ironiques sur les travées des groupes SOCR et CRCE.

Debut de section - Permalien
Adrien Taquet

Je ne ferai pas montre de la même rigueur argumentaire que vous, monsieur le sénateur Malhuret, et vous prie de m’en excuser par avance. Je me permettrai dans un premier temps de rappeler la logique de cette privatisation et d’expliquer pourquoi cette opération est nécessaire pour l’entreprise, bénéfique pour notre souveraineté et notre sécurité ainsi que déterminante pour l’économie française. §J’aborderai dans un second temps l’organisation du référendum, qui est au cœur du débat d’aujourd’hui.

Revenons un court instant sur Aéroports de Paris.

Aéroports de Paris n’est ni un monopole national ni une entreprise stratégique.

Debut de section - Permalien
Adrien Taquet

Si cela a pu être le cas dans le passé, les principaux aéroports européens sont en concurrence aujourd’hui. Ainsi, Aéroports de Paris est concurrencé par Heathrow ou Francfort, ainsi que par les aéroports des pays du Golfe.

ADP n’est pas une entreprise stratégique. §Non, monsieur Léonhardt, mesdames, messieurs les sénateurs, ADP n’est pas une entreprise stratégique !

Debut de section - PermalienPhoto de Rachid Temal

C’est juste le numéro un du transport aérien de voyageurs !

Debut de section - Permalien
Adrien Taquet

C’est la frontière qui est stratégique ; l’entreprise, elle, est commerciale. Les comptes de résultat d’ADP le prouvent : les trois quarts du résultat opérationnel proviennent des activités commerciales, …

Debut de section - Permalien
Adrien Taquet

… à savoir les hôtels, les parkings, les boutiques, l’immobilier.

Debut de section - Permalien
Adrien Taquet

La frontière continuera à être contrôlée de la même manière. La loi, vous le savez bien, l’a rappelé et a fixé les conditions d’exercice des fonctions régaliennes de l’État qui s’imposent et s’imposeront à Aéroports de Paris, quels que soient ses actionnaires. Il n’y aura évidemment aucune privatisation de la police aux frontières ni des douanes.

Sourires.

Debut de section - Permalien
Adrien Taquet

Ensuite, il faut comprendre le caractère rationnel de l’opération. Celle-ci est assez simple et se résume en une phrase : le rôle de l’État n’est pas d’immobiliser du capital dans des activités commerciales et matures, …

Debut de section - PermalienPhoto de Fabien Gay

Reversez les dividendes directement dans l’entreprise !

Debut de section - Permalien
Adrien Taquet

… il est d’investir pour financer l’avenir de notre économie. Le rendement d’ADP est d’ailleurs – je n’ai pas voulu insister, mais vous le savez – l’un des plus faibles du portefeuille de l’État.

Nous privatisons donc pour financer – un certain nombre d’entre vous l’ont rappelé – un fonds d’innovation, qui, lui, est absolument stratégique.

Debut de section - Permalien
Adrien Taquet

M. Adrien Taquet, secrétaire d ’ État. Nous privatisons également dans l’intérêt d’Aéroports de Paris. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe CRCE.) Nous voulons faire d’ADP un leader mondial de l’aéroportuaire. L’entrée de nouveaux actionnaires permettra d’apporter les compétences, les capitaux nécessaires pour améliorer la qualité de service et accompagner le développement de l’entreprise en France, mais aussi à l’international.

Mêmes mouvements sur les mêmes travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabien Gay

C’est Augustin de Romanet qui va être content !

Debut de section - Permalien
Adrien Taquet

Ce n’est pas un hasard si, en 2019, le Conseil international des aéroports a désigné comme meilleurs aéroports en termes de qualité de service celui de Lyon Saint-Exupéry – c’est un aéroport privatisé, madame Assassi –, pour la catégorie des aéroports accueillant 10 à 25 millions de passagers, et celui de Rome, qui est lui aussi privatisé, pour la catégorie des aéroports accueillant plus de 25 millions de passagers. Il ne faut pas non plus oublier le trophée de l’accessibilité qui a été décerné à Londres-Gatwick, aéroport également privatisé.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

M. Pierre-Yves Collombat. Et des aéroports privatisés complètement nuls, ça n’existe pas ?

Sourires.

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Adrien Taquet

Les conséquences de l’opération pour les usagers, les employés ou les riverains seront limitées.

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Adrien Taquet

J’ai quelques arguments à faire valoir, monsieur Temal.

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Adrien Taquet

Nous avons tous en tête le précédent des autoroutes. Nous en avons tiré toutes les conséquences qui s’imposaient à nous.

Le cadre de régulation d’Aéroports de Paris sera plus strict après cette opération qu’avant.

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Adrien Taquet

Nous apportons cinq types de garanties nouvelles.

Premier type de garantie : des garanties de cession et d’exploitation avec un cahier des charges précis, écrit dans la loi et dans un décret.

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Adrien Taquet

Concernant les garanties de cession, les acheteurs devront remplir des conditions strictes de fonds propres et d’expérience dans le secteur du transport aérien pour participer à la cession, et l’État français ne cédera pas ses participations à un autre État ou à une entreprise sous contrôle étatique.

Le Parlement a également fixé dans la loi des garanties très précises sur les modalités d’exploitation.

Le cahier des charges comportera des points précis…

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Adrien Taquet

… sur le respect de l’environnement, la qualité des services et le maintien des emplois.

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Adrien Taquet

Il comportera des garanties sur la présence de l’État : un commissaire du gouvernement et des dirigeants seront agréés par l’État, dont le directeur de la sécurité d’Aéroports de Paris. C’est évidemment déterminant pour garantir les droits souverains de l’État, la protection des personnes et la sécurité des frontières.

Debut de section - Permalien
Adrien Taquet

Enfin, tous les cinq ans, l’État et la société fixeront l’évolution des tarifs en fonction des investissements et de la qualité de service, sous le contrôle d’une autorité de régulation indépendante.

Debut de section - Permalien
Adrien Taquet

M. Adrien Taquet, secrétaire d ’ État. En l’absence d’accord, l’État fixera, sur avis conforme de l’autorité de supervision, les grandes orientations stratégiques et les redevances facturées aux compagnies aériennes. L’État aura toujours le dernier mot.

Exclamations sur les travées des groupes SOCR et CRCE.

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Adrien Taquet

Je vous donne un certain nombre de garanties, mais vous les écartez d’un revers de main. Pourtant, elles sont importantes !

Deuxième type de garantie : des garanties de bonne gestion de l’entreprise, avec notamment le principe de la double caisse, qui incite au maintien de coûts compétitifs.

Troisième type de garantie : des garanties de sécurité, avec un cahier des charges strict, contrôlé et soumis à des sanctions.

L’État garde le contrôle total des frontières, madame Cohen, vous le savez bien. Sur la police aux frontières, le contrôle des personnes, le contrôle des biens, les douanes, le contrôle aérien, l’État continuera à tout contrôler.

Les sanctions pour irrespect des critères de sécurité seront strictes : elles pourront entraîner des amendes à hauteur de 2 % du chiffre d’affaires de la compagnie.

Quatrième type de garantie : des garanties patrimoniales, puisque l’État récupérera les infrastructures d’ADP après une période de soixante-dix ans.

Debut de section - Permalien
Adrien Taquet

Enfin, cinquième type de garantie : des garanties territoriales, pour assurer la qualité de vie des habitants des communes avoisinantes et la cohésion de notre nation.

Les parlementaires des communes avoisinant les aéroports du groupe étaient inquiets des conséquences de la privatisation.

Debut de section - Permalien
Adrien Taquet

Un certain nombre d’entre vous en ont effectivement fait part. Nous avons donc inscrit les garanties dans la loi pour préserver la qualité de vie des habitants, éviter le bruit et l’augmentation du nombre de rotations à Orly.

Je m’étonne à cet égard, madame Cohen, madame Taillé-Polian, monsieur Temal, que vous ayez dit qu’il n’était pas possible de débattre et d’apporter des garanties supplémentaires sur cet aspect du problème. À l’Assemblée nationale, Laurent Saint-Martin a fait inscrire dans la loi Pacte la limitation à 250 000 du nombre de créneaux de vols pour Orly…

Debut de section - Permalien
Adrien Taquet

M. Adrien Taquet, secrétaire d ’ État. … et un couvre-feu nocturne de vingt-trois heures trente à six heures. Il était donc possible de débattre et d’apporter un certain nombre de garanties attendues par vos administrés !

Protestations sur les travées des groupes SOCR et CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Rachid Temal

Il fallait répondre à l’ensemble de la CNDP !

Debut de section - Permalien
Adrien Taquet

Je l’ai dit, à l’Assemblée nationale, Laurent Saint-Martin a introduit une disposition en ce sens, qui a d’ailleurs été votée par Robin Reda, député qui appartient au même groupe que les sénateurs siégeant à la droite de cet hémicycle.

Il y a donc eu débat, comme il y a encore débat aujourd’hui, ce dont nous nous réjouissons d’ailleurs, car le processus démocratique est évidemment essentiel à la vie de la Nation.

Le débat démocratique a commencé avec le dépôt de la loi Pacte en juin 2018, il y a plus de vingt mois désormais. La privatisation d’ADP a conduit à plus de soixante heures de débat au Parlement, et le débat continue, comme en atteste notre présence à tous ici même. Il se prolonge aussi au travers de la procédure du référendum d’initiative partagée, qui dure, elle, depuis huit mois.

Nous respectons évidemment l’expression démocratique. C’est la raison pour laquelle nous avons convenu qu’aucune décision ne serait prise pendant la période de neuf mois de collecte des signatures pour la tenue du référendum, qui s’achèvera le 12 mars prochain, et tant que cette procédure continuera à courir. Au 22 janvier dernier, cette pétition – certains d’entre vous l’ont rappelé – a permis de collecter 1, 07 million de signatures sur les 4, 7 millions de signatures requises pour que la procédure perdure.

Le débat public se poursuit. Depuis l’élaboration de la loi Pacte, à laquelle j’ai contribué en tant que député à l’époque, le Gouvernement n’a eu de cesse d’expliquer ce projet de privatisation – ce que je m’évertue à faire encore aujourd’hui devant vous –, son intérêt et le cadre dans lequel nous souhaitons la mener.

Debut de section - Permalien
Adrien Taquet

Le long débat préparatoire et d’élaboration de la loi Pacte, l’implication des élus de la représentation nationale pendant près d’un an, les centaines d’amendements retenus par le Gouvernement, venant de la majorité comme des partis d’opposition et notamment, s’agissant de l’Assemblée nationale, des rangs communistes ( M. le secrétaire d ’ État se tourne vers les travées du groupe CRCE.), en particulier de votre collègue député Stéphane Peu avec lequel nous avons beaucoup et bien travaillé, …

Debut de section - Permalien
Adrien Taquet

… ont permis l’expression pleine et entière du Parlement sur ce sujet.

Le débat public a été largement mené par les promoteurs du RIP depuis plus de huit mois pour essayer d’obtenir, selon les termes de la Constitution, 4, 7 millions de signatures.

Debut de section - Permalien
Adrien Taquet

Chacun de nous pourra apprécier le 12 mars prochain, sans en préjuger, le résultat de ce long débat.

C’est la raison pour laquelle je me suis exprimé devant vous aujourd’hui, au cœur de ce que nous considérons comme un temps fort démocratique, à savoir le recueil des signatures de ce référendum d’initiative partagée. J’ai voulu vous rappeler l’importance de ce projet à nos yeux, et j’espère que cette intervention aura pu répondre, autant que faire se peut, …

Sourires.

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Rachid Temal

M. Rachid Temal. À tel point que je vais retirer ma signature !

Marques d ’ amusement sur les travées des groupes SOCR et CRCE.

Debut de section - Permalien
Adrien Taquet

… point par point, comme nous l’avons toujours fait, aux arguments avancés contre ce projet de privatisation, dont je me permettrai de dire qu’ils sont parfois erronés.

Nous ne privatisons pas les frontières, il n’y a pas de dérégulation au détriment de l’environnement, des riverains, des usagers ou des compagnies aériennes. Nous voulons seulement – je vous le redis, mesdames, messieurs les sénateurs – valoriser le patrimoine de l’État…

Debut de section - Permalien
Adrien Taquet

… et garantir le meilleur usage de l’argent public, tout en investissant dans l’avenir des Français, …

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Mes chers collègues, veuillez laisser l’orateur poursuivre s’il vous plaît !

Debut de section - Permalien
Adrien Taquet

… dans les entreprises innovantes, …

Debut de section - Permalien
Adrien Taquet

… à travers un projet dont les contours ont été élaborés afin de maintenir un cadre sûr.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie pour ce débat, pour votre écoute et votre attention.

M. Pierre Louault applaudit. – Exclamations ironiques sur des travées des groupes SOCR et CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Nous en avons terminé avec le débat sur le thème : « L’organisation d’un référendum sur la privatisation d’Aéroports de Paris est-elle une exigence démocratique ? »

Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à douze heures quarante, est reprise à quatorze heures trente-cinq, sous la présidence de M. Vincent Delahaye.