Comme cela est précisé dans l’exposé des motifs de la proposition de loi, l’accès à l’énergie et à l’électricité en particulier est devenu une nécessité qui ne se limite pas au chauffage durant la période hivernale. Pour éviter l’exclusion, l’accès à l’énergie est une impérieuse nécessité tout au long de l’année – M. Gay a eu raison d’insister sur ce point.
Je rappelle que l’article L. 100-2 du code de l’énergie précise que l’État doit veiller à « garantir aux personnes les plus démunies l’accès à l’énergie, bien de première nécessité ».
Certes, j’ai bien noté que certains d’entre nous émettent des doutes quant à la portée normative d’une telle mesure, mais je relève également que l’on n’écarte pas l’idée – je cite Mme le rapporteur – qu’elle pourrait donner une plus grande chance de succès aux procédures de référé, voire entraîner l’automaticité de certains dispositifs – aide juridique systématique, fournisseur de dernier recours… – et ouvrir la voie à une forme d’opposabilité à l’instar du droit opposable au logement.
Concernant l’article 2 et l’interdiction des coupures d’énergie tout au long de l’année pour les ménages en situation de précarité énergétique, il s’agit d’une mesure cohérente avec la précédente. C’est une protection supplémentaire pour les plus fragiles. Je m’étonne que l’on nous parle encore d’effet d’aubaine, d’autant que je me souviens que, lorsque nous avons instauré l’interdiction des coupures d’énergie durant l’hiver, on nous avait servi les mêmes arguments ! Or il n’y eut point d’effet d’aubaine, ou si peu.
Par rapport à l’article 3, nous partageons le souci du groupe CRCE d’exonérer de la TICGN et de la CSPE les ménages précaires, car force est de constater que la fiscalité de l’énergie n’est pas étrangère aux difficultés financières de certains ménages, ces difficultés les faisant basculer dans la précarité énergétique.
Concernant l’article 4, et pour les mêmes raisons que précédemment, nous proposerons un amendement visant à élargir le périmètre du taux réduit de TVA à une première tranche de consommation d’énergie dite de première nécessité, mais pour les seuls bénéficiaires du chèque énergie.
En effet, un taux de TVA de 20 % est très pénalisant pour les populations les plus fragiles. Il l’est d’autant plus que la TVA s’applique également sur le montant des autres taxes, ce qui constitue clairement une double peine fiscale. Cette double taxation n’est pas acceptable pour ceux qui sont dans la difficulté et qui se chauffent au fioul, à l’électricité ou au gaz.
Enfin, je pense qu’il serait intéressant que soit effectué un bilan de la libéralisation du marché de l’énergie. Si, depuis 1960, les prix de l’électricité sont inférieurs en France à ceux de nos voisins européens, nous le devons à notre mix énergétique et aux tarifs réglementés. De ce point de vue, je crains que les directives européennes adoptées durant les vingt dernières années n’aient une incidence fâcheuse sur les prix. Nous avons trop cédé sur ce terrain et il ne faudrait pas remettre en cause ce qui reste des tarifs réglementés.
Selon les propos tenus en mai dernier par le médiateur de l’énergie, la concurrence n’a pas fait baisser les prix ; ils ne pouvaient qu’augmenter en raison des besoins de financement des énergies renouvelables, du prix de revient du nucléaire en hausse du fait du grand carénage et de la construction de l’EPR, etc. Mais le médiateur ajoutait que la séparation des activités de fourniture et de distribution, rendue nécessaire par l’ouverture des marchés, donc par la libéralisation, a conduit à une « désoptimisation » des organisations, et donc à des coûts additionnels, notamment en matière de systèmes d’information.
Par ailleurs, je relève que, si 39 % des Français estiment que la multiplication des fournisseurs va permettre de faire jouer la concurrence, ils sont presque autant à estimer que cela aboutit à une jungle d’offres peu lisibles, à des risques d’abus et de dérives, à une qualité de service dégradée et à des prix en hausse ou fluctuants.
Je note que 86 % des Français apprécient les tarifs réglementés qui assurent stabilité, sécurité et cohésion territoriale et sociale et qui sont aussi un point de repère pour les consommateurs qui hésitent à opter pour une offre de marché.
Cela dit, si l’urgence consiste à aider les personnes en situation de précarité à payer leurs factures, la meilleure manière d’agir consiste en fait à diminuer le montant de celles-ci, en améliorant la performance énergétique des logements par la rénovation thermique.
Or les mesures prévues par la loi relative à l’énergie et au climat comportent trop d’exceptions et fixent des échéances trop lointaines et, pour l’heure, le reste à charge est trop élevé. En fait, dans le contexte climatique actuel, l’objectif est bien de faire reculer la précarité énergétique, tout en œuvrant pour une société plus respectueuse des ressources naturelles.
Dès lors, le principal levier pour lutter contre la précarité est la rénovation thermique des logements. Éradiquer les logements passoires, c’est résoudre en grande partie la précarité énergétique. Problème : trop de propriétaires sont récalcitrants ou ignorent les possibilités d’aides.
Pour conclure, je dirai que, depuis des années, nous pensons tous ici que l’urgence commande de faire disparaître la précarité énergétique. Nous avons aujourd’hui la possibilité de mettre en accord nos actes avec nos discours. Ne nous contentons pas de dénoncer ce problème ! Combattons-le en pensant que rien, jamais, ne doit contrevenir à un principe aussi simple que fondamental, celui du droit à une existence digne.