Intervention de Frédéric Marchand

Réunion du 6 février 2020 à 9h00
Accès à l'énergie et lutte contre la précarité énergétique — Rejet d'une proposition de loi

Photo de Frédéric MarchandFrédéric Marchand :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons ce matin a trait à la précarité énergétique et, plus globalement, à l’accès de tous à l’énergie, sujet plus que prégnant dans la France d’aujourd’hui.

Pour les ménages les plus modestes, la part du budget consacrée aux dépenses d’énergie, en particulier au chauffage, devient une charge importante, parfois insurmontable. L’énergie est en effet indispensable pour se chauffer et pour se déplacer, mais aussi pour de nombreux actes de la vie quotidienne, tout en étant une dépense contrainte qui, bien souvent, mobilise une part importante du budget des ménages.

Pour mesurer la précarité énergétique, l’ONPE s’appuie sur un panier d’indicateurs : le taux d’effort énergétique, l’indicateur bas revenus et les dépenses élevées, mais aussi le ressenti de l’inconfort, qui est pris en compte comme indicateur du froid et permet de mesurer le phénomène d’autorestriction de la consommation d’énergie.

Ces indicateurs nous dévoilent la réalité de la précarité énergétique : environ 1 million de ménages cumulent une situation d’inconfort thermique et de vulnérabilité économique ; environ 5, 6 millions de ménages sont quant à eux en situation de précarité énergétique au regard d’au moins un indicateur.

Les impayés d’énergie, en constante augmentation, ne sont que la partie émergée de l’iceberg : les diagnostics effectués au domicile des ménages en difficulté révèlent bien souvent que les ménages pauvres se privent pour ne pas avoir à régler de trop grosses factures.

M. Fabien Gay et ses collègues du groupe CRCE, au travers de la présente proposition de loi, veulent notamment inscrire l’accès à l’énergie parmi les droits fondamentaux et interdire d’infliger des coupures d’eau et d’énergie aux ménages bénéficiaires du chèque énergie. Ils proposent en outre que le taux de TVA des tarifs de l’énergie soit abaissé à 5, 5 % pour ce qui est de la consommation de base et selon des critères sociaux.

Les mesures qui nous sont présentées ont certes une forte valeur symbolique, mais je rejoins notre collègue rapporteur, Mme Denise Saint-Pé, dans ses conclusions.

En effet, si les intentions des auteurs de ce texte sont plus que louables, les difficultés soulevées par les mesures proposées et les doutes qui peuvent naître quant à leur efficacité me font penser que, plutôt que d’inventer des dispositifs nouveaux qui s’avèrent complexes, juridiquement hasardeux et techniquement impossibles, nous serions mieux inspirés de chercher à améliorer les dispositifs existants.

Les leviers d’action sont de deux ordres : traiter les causes en agissant sur la consommation, notamment au travers de l’amélioration de la performance énergétique des logements, et proposer aux ménages en situation de précarité une aide au paiement de la facture énergétique, à travers le chèque énergie.

D’abord, il faut se concentrer sur l’état des logements : leur performance thermique est généralement mauvaise, voire exécrable. Les équipements de chauffage et de production d’eau chaude sanitaire, souvent vétustes, contribuent également à gonfler la facture énergétique des plus pauvres, surtout dans le parc privé.

Pour lutter contre la précarité énergétique, un premier enjeu est d’aider les ménages modestes à réduire leur consommation grâce à la réalisation d’opérations d’économies d’énergie dans leur logement.

Le Gouvernement – Mme la secrétaire d’État l’a rappelé – a tout à fait conscience de l’urgence que revêt l’accélération de la rénovation énergétique des logements. Le plan de rénovation énergétique des bâtiments, lancé en 2018 par le ministère chargé du logement et le ministère de la transition écologique et solidaire, doit permettre, avec l’appui des financements apportés par le Grand Plan d’investissement, d’augmenter les aides à la rénovation énergétique des logements pour les ménages modestes et très modestes : 1, 2 milliard d’euros ont été réservés à cet effet jusqu’en 2022.

De nombreux dispositifs ont été mis en place pour accompagner les ménages modestes dans le financement des travaux d’isolation thermique et de rénovation des systèmes de chauffage. On peut ainsi citer le crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE), le programme « Habiter mieux », piloté par l’Agence nationale de l’habitat (ANAH), les certificats d’économies d’énergie, en particulier le « Coup de pouce chauffage » et le « Coup de pouce isolation », financés par les fournisseurs d’énergie, l’éco-prêt à taux zéro (éco-PTZ), financé par l’État et distribué par les établissements bancaires, la TVA à taux réduit pour les travaux et les programmes complémentaires financés par les collectivités locales.

Afin de faciliter l’accès des ménages modestes qui sont propriétaires occupants de leurs logements à ces financements, qui se multiplient, le Gouvernement a souhaité que les aides versées dans le cadre du CITE et du programme « Habiter mieux » soient fusionnées dans une prime unique dès le 1er janvier 2020. Par ailleurs, à l’occasion de sa prorogation, l’éco-PTZ a été rendu plus opérationnel et fortement simplifié, dès mars 2019 : la condition du bouquet de travaux a été supprimée, ce qui permet de lever la contrainte de liquidité pesant sur les ménages qui ne réalisent pas de bouquet de travaux.

Les locataires doivent également pouvoir bénéficier de logements performants. À ce titre, le CITE sera étendu aux propriétaires bailleurs. L’ANAH continuera à soutenir financièrement les propriétaires bailleurs s’engageant à louer leurs logements aux ménages modestes selon les tarifs conventionnés.

De même, il convient de saluer l’ambition du Gouvernement de faire de la lutte contre les passoires thermiques une réalité, notamment pour les logements occupés par des ménages aux revenus modestes.

À cet égard, l’ambition portée par le plan de renouveau du bassin minier est exemplaire, avec un objectif affiché de rénovation de 23 000 logements dans les départements du Nord et du Pas-de-Calais. Lors de mes échanges avec les habitants de la cité Heurteau, à Hornaing, où 153 logements sont concernés par ce grand plan, ce qui est loin d’être anodin, j’ai eu l’occasion de mesurer combien la lutte contre la précarité énergétique commence par la rénovation thermique des logements.

Je voudrais également mettre l’accent sur le chèque énergie, qui permet aux ménages bénéficiaires de régler leur facture d’énergie, quel que soit leur moyen de chauffage. Ceux-ci peuvent également l’utiliser pour financer des travaux de rénovation énergétique dans leur logement.

Le chèque énergie a remplacé en 2018 les tarifs sociaux du gaz et de l’électricité. Il permet de pallier les défauts constatés des tarifs sociaux, dont le nombre de bénéficiaires était nettement inférieur à celui des ayants droit. Pour rappel, la valeur moyenne du chèque énergie est passée de 150 euros en 2018 à 200 euros en 2019. Son public a également été élargi, puisque le nombre de ménages concernés est passé de 3, 6 millions à 5, 8 millions. Nous pouvons imaginer que ce dispositif continuera d’augmenter dans son montant, mais aussi par le nombre de ménages concernés : c’est l’une des pistes de travail qu’a proposées notre rapporteur.

En définitive, s’il est plus que jamais nécessaire de lutter contre la précarité énergétique, les mesures envisagées dans cette proposition de loi soulèvent chez nous un doute quant à leur efficacité et leur validité juridique. Aussi le groupe La République En Marche votera-t-il contre ce texte.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion