Intervention de Cécile Cukierman

Réunion du 6 février 2020 à 9h00
Accès à l'énergie et lutte contre la précarité énergétique — Rejet d'une proposition de loi

Photo de Cécile CukiermanCécile Cukierman :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à saluer celles et ceux qui, peu nombreux, sont venus débattre ce matin de cette proposition de loi et, plus largement, de l’enjeu que représente la précarité énergétique.

Permettez-moi, mes chers collègues, en réponse aux propos de certains orateurs précédents et, notamment, de Mme la rapporteure, de rappeler très rapidement les conditions de l’exercice : l’examen de cette proposition de loi se fait dans le cadre d’une niche de notre groupe. Il doit donc se faire dans un temps limité, ce qui impose de soumettre un texte ramassé, où il est impossible de traiter de tous les problèmes.

C’est le choix qu’a fait mon collègue Fabien Gay : aborder le sujet de l’énergie sous un angle spécifiquement social, dans la mesure où la précarité énergétique affecte de plus en plus de nos concitoyens et rend les fins de mois, voire les milieux de mois, très compliqués. Bien des femmes et des hommes doivent choisir, dans notre pays, entre manger et se chauffer. Cette charge est toujours plus lourde pour nos ménages et ses conséquences sont toujours plus insupportables !

J’ai évidemment bien entendu tous les enjeux évoqués par les autres orateurs et, notamment, celui de la rénovation du bâti. Certes, cette première action possible sur le long terme pour lutter contre la précarité énergétique n’est pas présente dans ce texte, mais l’urgence environnementale comme l’urgence sociale sont indéniables.

Force est de constater que, année après année, de plus en plus de gens basculent dans la précarité énergétique : c’est le cas, cette année, de 230 000 personnes, selon le rapport de l’Ademe. Dans le département de la Loire, la Fondation Abbé Pierre rapporte que 68 000 ménages consacrent plus de 12 % de leurs revenus au chauffage de leur logement.

Bien évidemment, j’ai entendu les objections : tout ce que nous proposons au fil des articles de ce texte serait trop compliqué et difficile.

Vous conviendrez pourtant, mes chers collègues, d’une chose : déclarer que l’accès à l’énergie est un droit fondamental n’est tout de même pas si difficile ! L’article 1er permet tout simplement de réaffirmer ce droit. Oui, aujourd’hui, l’accès à l’énergie est la garantie de pouvoir se chauffer de façon correcte au quotidien. Certes, cette année, l’hiver est peut-être plus clément que certaines années précédentes, le chauffage n’en demeure pas moins une nécessité absolue pour vivre dignement.

Je me permettrai également de rappeler à beaucoup d’entre vous qu’ils ont parfois voté en faveur de mesures autrement compliquées ! Ainsi du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) : c’est très cher, c’est très compliqué, mais c’est adopté et reconduit année après année ! De sa mise en place à aujourd’hui, il nous a déjà coûté 100 milliards d’euros, et son inefficacité est fortement reconnue.

La problématique de la TVA a également été évoquée : au-delà de la complexité du dispositif, une difficulté juridique se poserait s’il n’y avait pas d’harmonisation de la TVA pour l’ensemble des ménages. Eh bien, puisqu’il faut faciliter et simplifier, vous auriez pu, madame la rapporteure, nous faire une autre proposition que celle que nous avions rédigée : on pourrait tout simplement, en reconnaissant l’énergie comme un bien de première nécessité, réduire le taux de TVA qui lui est appliqué.

Ainsi, si l’on compare notre situation à ce qui se fait dans d’autres pays européens, il s’avère que le taux de TVA sur l’électricité s’élève à 13, 5 % en Irlande, à 10 % en Italie, à 8 % au Luxembourg et à 5 % au Royaume-Uni, pays qui, même s’il a quitté l’Union européenne, n’en demeure pas moins européen. Finalement, quand on veut, on peut toujours !

J’en reviens donc, avec la question de la TVA, à mon propos initial : réduire son taux, faciliter ainsi le paiement des factures de celles et ceux pour qui elles représentent une charge toujours plus importante ne sera pas la seule solution, mais c’est une mesure immédiate qui pourrait soulager nombre de nos familles.

Il faudra parallèlement, madame la secrétaire d’État, bien plus qu’un chèque énergie, bien plus que les aides qui existent aujourd’hui, et dont on ne peut que constater qu’elles ne sont pas à la hauteur, pour entreprendre une rénovation thermique d’ampleur des logements dans notre pays. C’est vrai dans les grandes villes comme dans les plus petites communes.

Il faut être en mesure de mobiliser l’ensemble des bailleurs sociaux, qui ont été fragilisés par la loi ÉLAN quant à leur financement possible et, par conséquent, à leur capacité à investir et à procéder à la rénovation thermique nécessaire. Il faudra également mobiliser l’ensemble des propriétaires privés de notre pays pour effectuer l’indispensable montée en gamme du plus grand nombre de logements et ainsi réduire réellement tant la fracture que la facture énergétiques.

Nous sommes tous conscients de l’urgence sociale à laquelle il faut répondre, mais aussi du défi environnemental qu’il nous faut relever. Investir fortement dans la rénovation du logement permettrait en outre de créer nombre d’emplois ; les cotisations nouvelles qui en résulteraient produiraient notamment les ressources nécessaires pour financer les mesures que nous proposons dans ce texte.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion