Intervention de Franck Menonville

Réunion du 6 février 2020 à 9h00
Accès à l'énergie et lutte contre la précarité énergétique — Rejet d'une proposition de loi

Photo de Franck MenonvilleFranck Menonville :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi de notre collègue Fabien Gay nous permet de débattre d’un sujet qui représente, bien entendu, un enjeu social, mais n’en est pas moins un sujet économique et environnemental qui touche au quotidien de nombreux Français.

Selon l’ONPE, 6, 7 millions de ménages français modestes consacrent plus de 8 % de leurs revenus à l’énergie et 15 % des ménages affirment avoir souffert du froid dans leur domicile : parmi les explications les plus fréquentes, des défauts d’isolation sont évoqués par 40 % de ces ménages, un manque de chauffage par 28 % d’entre eux.

Une récente étude de l’Insee sur la vulnérabilité énergétique, qui incluait chauffage et mobilité, a fixé le seuil maximal acceptable pour un ménage : la facture énergétique du logement ne devrait pas représenter plus de 8 % de ses dépenses ; celle des déplacements, plus de 4, 5 %. Selon ces critères, un ménage sur cinq est en situation de vulnérabilité énergétique.

Par ailleurs, on remarque que les habitants des zones rurales, en particulier les retraités modestes, sont surreprésentés dans ces résultats. En effet, sur 3, 8 millions de ménages en situation de précarité énergétique en France, plus de 50 % habitent en zone rurale ou dans une agglomération de moins de 20 000 habitants. En outre, les factures de chauffage dans les zones rurales seraient supérieures de 23 % à la moyenne nationale. Ainsi, il apparaît nécessaire d’accorder une attention particulière à la précarité énergétique en zone rurale.

Ce sujet fondamental nous oblige à être pragmatiques et concrets.

Tout d’abord, les données que j’ai évoquées justifient la nécessité d’encourager les travaux de rénovation énergétique dans les territoires ruraux.

En ce sens, je rejoins totalement la position de Mme la rapporteure et de la commission, qui privilégient l’amélioration des dispositifs existants plutôt qu’une consécration de l’énergie au rang de droit fondamental, dispositif sans effet sur la vie quotidienne des Français.

Ensuite, il convient d’éviter toute mesure qui irait dans le sens d’une gratuité totale, ou quasi totale, de l’énergie. En effet, cela reviendrait à déresponsabiliser les ménages. Plus globalement, cela semble contraire aux objectifs d’efficacité énergétique et de lutte contre le changement climatique. Les citoyens doivent rester conscients de leur consommation énergétique. Aussi, les incitations financières nécessitent d’être davantage dirigées vers les économies d’énergie, les changements de comportements et la lutte contre les passoires énergétiques.

De plus, plusieurs dispositifs limitant les effets de la précarité énergétique existent déjà. Il semble important d’en mesurer l’efficacité et de leur apporter les améliorations nécessaires.

À ce titre, les tarifs sociaux de l’énergie ont été remplacés en 2018 par le chèque énergie, d’un montant moyen de 150 euros, dont 3, 6 millions de ménages ont été destinataires. En 2019, le montant moyen de ce chèque a été porté à 200 euros en moyenne et étendu à 2, 2 millions de nouveaux bénéficiaires. Néanmoins, 900 000 personnes ne savent toujours pas qu’elles sont éligibles à ce dispositif et seuls 75 % de ses bénéficiaires profitent réellement de cette aide. Ce dispositif doit être plus visible et sans doute être revalorisé.

Plusieurs dispositifs légaux protègent les ménages modestes. Je pense notamment à la trêve hivernale des coupures d’énergie et aux organismes qui aident au paiement des factures d’énergie, comme le fonds de solidarité pour le logement, ou encore les centres communaux et intercommunaux d’action sociale.

La meilleure façon d’éradiquer la précarité énergétique n’en reste pas moins la rénovation des passoires énergétiques. En effet, 80 % des Français seraient logés dans des bâtiments très énergivores. Une forte mobilisation des pouvoirs publics est donc indispensable pour remédier concrètement à ce problème.

D’autres dispositifs méritent d’être connus et, au besoin, renforcés. Je pense notamment au programme « Habiter mieux » de l’ANAH, qui permet de subventionner jusqu’à 50 % des travaux pour les ménages modestes. Les certificats d’économies d’énergie pourraient également constituer une piste d’action à renforcer et à élargir. Nous serons également très attentifs aux résultats du plan de rénovation énergétique des bâtiments lancé en 2018 ; il est important de le dynamiser et de l’amplifier pour atteindre les objectifs fixés.

La précarité énergétique est donc bien un problème global aux multiples facettes ; sa résolution passera inéluctablement par la simplification, le renforcement et la lisibilité accrue des aides et des processus de rénovation énergétique.

Le groupe Les Indépendants ne votera donc pas en faveur de cette proposition de loi, qui ne s’inscrit pas suffisamment dans l’amélioration et le renforcement des dispositifs existants, même si les intentions de ses auteurs sont louables et si son examen permet la tenue du débat.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion