Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la fracture sociale et la précarité sont une réalité dans notre pays. Certains de nos concitoyens souffrent de pauvreté énergétique : on estime qu’environ 12 millions d’entre eux sont touchés par ce problème. Selon des études publiées en mai 2017 par divers instituts, cette situation doublerait le risque d’être en mauvaise santé.
La précarité énergétique désigne la difficulté à se chauffer correctement et à un coût acceptable. Elle est causée par des revenus trop faibles pour payer des factures qui augmentent régulièrement. La mauvaise performance énergétique des logements aggrave la situation de personnes en condition de fragilité sociale. Les foyers modestes peinent à payer les factures et doivent renoncer à un certain confort.
Le sentiment d’avoir froid chez soi, de se sentir mal chauffé, est un indicateur de précarité énergétique. Celle-ci impacte la facture d’énergie, mais aussi la qualité de vie des personnes qui la subissent. Elle touche des publics divers – des jeunes, des retraités, des familles monoparentales et certains autres foyers – ; on peut donc être touché à tout âge et dans des situations variées.
Les chiffres sont éloquents : 87 % des foyers en situation de précarité énergétique sont dans le parc privé ; 70 % d’entre eux appartiennent aux 25 % de ménages les plus modestes ; 62 % sont propriétaires-occupants ; 55 % ont plus de 60 ans ; 65 % vivent en ville, 35 % dans les zones rurales. Par ailleurs, 11 % des Français disent avoir du mal à payer leur facture d’électricité ; les locataires sont trois fois plus concernés que les propriétaires. Enfin, selon une étude de l’Ademe, les 5, 5 millions de ménages français les plus modestes consacrent plus de 10 % de leurs revenus aux dépenses énergétiques, contre seulement 6 % pour les plus aisés.
La mauvaise qualité thermique du parc de logement français induit la précarité énergétique : les trois quarts du parc de logement se situent dans les classes D, E, F ou G. Les augmentations de prix aggravent cette situation.
Ce problème écologique a aussi un impact social : les propriétaires qui ont les moyens d’acquérir un logement dans un bâtiment à basse consommation, dit « BBC », logement en moyenne 15 % plus cher qu’un logement traditionnel, ne sont pas touchés par la précarité énergétique, car leur domicile est moins énergivore qu’un logement standard. Cependant, un tel logement à énergie passive ou positive est quasi introuvable à la location.
Certaines solutions innovantes devraient permettre d’éradiquer le fléau qu’est la précarité énergétique. Les bâtiments vieillissent toujours plus et ne peuvent garantir une efficacité énergétique optimale. Rénover le parc des bâtiments permettrait d’endiguer ce problème : il s’agit de faire des travaux de rénovation sur l’ensemble du parc résidentiel, qu’il relève de particuliers, de bailleurs sociaux ou de syndicats de copropriétés.
La solution est de mettre en place et de financer un grand plan de rénovation énergétique des logements. Ces rénovations doivent être ambitieuses et ne pas concerner uniquement le remplacement des fenêtres ou le changement des chaudières.
Une autre piste concerne les logements mis en location. Pour en finir avec les passoires énergétiques, il faudrait mettre en place une réglementation plus contraignante pour les bailleurs : les logements qui ne respectent pas un standard minimal de performance énergétique devraient être considérés comme impropres à la location.
Cependant, il est important d’associer à un tel plan des outils de financement incitatifs et orientés vers les ménages aux revenus modestes.
Aujourd’hui, la situation est préoccupante, mais elle pourrait encore se dégrader. En effet, la nouvelle directive européenne sur les règles communes pour le marché de l’électricité, adoptée en juin 2019, pourrait apporter des modifications importantes. Ainsi, ce texte prévoit que les États membres pourront décider d’autoriser les fournisseurs à faire payer des frais de résiliation à leurs clients qui mettront fin à un contrat à prix fixe pour une durée déterminée avant le terme prévu. Cela signifierait la fin de la gratuité du changement de fournisseur pour les États qui donneraient de telles autorisations aux fournisseurs d’énergie. Il serait souhaitable que la France protège les consommateurs et conserve le principe de la gratuité du changement de fournisseur.
Un autre point qui suscite l’attention des consommateurs français est celui de la hausse du nombre des démarchages par les fournisseurs d’électricité. Cela entraîne une augmentation du nombre de litiges portant sur des contestations de souscription ou des dénonciations de pratiques commerciales abusives.
Pour les commerciaux employés par les fournisseurs d’énergie, tous les moyens sont bons pour entrer au domicile des particuliers et avoir accès à leurs factures d’énergie. Les méthodes commerciales douteuses sont légion : certains usurpent l’identité de concurrents, ou se font passer pour des releveurs de compteurs. Les personnes âgées sont un public très vulnérable, mais les petites entreprises sont aussi la cible des fausses promesses des démarcheurs. Sans le vouloir, parfois même sans le savoir, des usagers ont changé de fournisseur ! Quand ces victimes s’en aperçoivent, elles doivent contester être à l’origine de la souscription auprès de ce nouveau fournisseur.
Pour éviter les dérives de ces démarchages, les fournisseurs d’énergie doivent prendre leurs responsabilités et prévoir un mode de rémunération décent pour les démarcheurs à domicile, avec un salaire fixe complété par une prime variable. Pour garantir le bon fonctionnement du marché de l’énergie libéralisée, plusieurs conditions sont requises : entre autres, les prix des offres de marché doivent demeurer raisonnables et les pratiques des fournisseurs d’énergie doivent être saines.
À l’instar de la rapporteure de cette proposition de loi, notre collègue Denise Saint-Pé, que je félicite pour son excellent travail, si je partage la majorité des constats faits par M. Fabien Gay, auteur de cette proposition de loi, je considère que les solutions qu’il propose seraient difficiles à réaliser. De plus, je ne crois pas que le « tout gratuit » soit la bonne solution. Il déresponsabilise et serait trop onéreux pour la collectivité, mais aussi difficile, voire impossible à mettre en œuvre pour les fournisseurs.
Comme l’a préconisé notre rapporteure, il faut améliorer les dispositifs existants, tels que le chèque énergie, avec pour principale cible les plus précaires.
C’est pour ces raisons que les membres de mon groupe ne voteront pas cette proposition de loi.