Intervention de Éliane Assassi

Réunion du 6 février 2020 à 9h00
L'organisation d'un référendum sur la privatisation d'aéroports de paris est-elle une exigence démocratique — Débat organisé à la demande du groupe communiste républicain citoyen et écologiste

Photo de Éliane AssassiÉliane Assassi :

En second lieu, le pouvoir refuse obstinément d’agir pour que l’information sur l’exercice de ce droit constitutionnel soit fournie à l’ensemble de nos concitoyens, et ce malgré de nombreuses sollicitations.

Je dis « droit constitutionnel », car cette procédure référendaire est encadrée par l’article 11 de la Constitution. La validation par le Conseil constitutionnel de la proposition de loi référendaire originelle, déposée par 248 parlementaires, ouvre un droit constitutionnel : celui d’apporter son soutien à la tenue d’un référendum. En ce sens, ce droit s’apparente au droit de vote. Il ne s’agit en rien d’une simple pétition, contrairement à ce qu’affirment souvent le Gouvernement et ses soutiens. Je le répète : il s’agit de mettre en œuvre l’article 11 de la Constitution.

En démocratie, les citoyens doivent être informés de la possibilité d’exercer un tel droit. L’État doit affecter des moyens en ce sens, les parlementaires, qui sont pourtant à l’origine de la procédure référendaire, ne pouvant financer sa mise en œuvre du fait des imprécisions et imperfections d’une loi organique.

L’État doit ainsi intervenir auprès des chaînes publiques d’information, qui ont un rôle citoyen à jouer en la matière, afin qu’elles diffusent largement l’information sur ce sujet. C’est cela le respect du pluralisme, fondement de tout État démocratique ! Or nous en sommes loin.

La comparaison entre la médiatisation du grand débat national et celle du RIP est sans appel : 13 000 articles ont été publiés sur le grand débat, contre 500 sur le référendum d’initiative partagée ; 12 millions d’euros ont été dépensés pour le fameux grand débat, rien pour le RIP ! Idem du côté de la presse audiovisuelle : couverture sans précédent du grand débat, directs à rallonge et diffusion des discours présidentiels, spots pour le lancement de la privatisation de la Française des jeux (FDJ), mais rien sur le RIP, bien évidemment. Pis, Radio France a refusé de diffuser les communiqués financés par les parlementaires eux-mêmes, sur leurs deniers personnels.

Que dire encore des mairies qui n’ont pas mis en place de bureau d’aide pour que les citoyens puissent apporter leur soutien au RIP alors qu’elles y sont obligées par la loi, sans être aucunement inquiétées ? §C’est la loi, monsieur !

Que dire enfin du refus de la Commission nationale du débat public (CNDP), dont c’est pourtant la vocation, d’organiser un débat sur le projet de privatisation d’Aéroports de Paris, en complément du projet de référendum d’initiative partagée ?

La CNDP a été saisie non par le Gouvernement, mais par les parlementaires signataires de la proposition de loi référendaire, alors même que la privatisation d’ADP est une réforme « qui aura un effet important sur l’environnement ou l’aménagement du territoire ».

Pourtant, malgré les dysfonctionnements du site internet, malgré le silence assourdissant des grands médias et du Gouvernement, malgré l’absence de campagne officielle, plus d’un million de personnes ont apposé leur signature pour la tenue de ce référendum.

Le Président de la République, à l’issue du grand débat national, a annoncé qu’il abaisserait de 4, 7 millions à 1 million le nombre de signatures nécessaires à la tenue d’un RIP. Nous y sommes ! Même si la Constitution ne l’oblige pas à organiser ce référendum, la promesse politique doit être tenue.

Aujourd’hui plus que jamais, nous constatons chez nos concitoyens une sourde colère, un rejet profond des injustices sociales, un soutien fort aux services publics – hôpitaux, écoles ou transports. Ils exigent des droits démocratiques réels sur les questions concernant la société tout entière et un contrôle sur les biens communs et les services publics.

Mais plus que la question de la maîtrise des biens communs, ce sont les limites de la monarchie républicaine qu’est le régime présidentialiste de la Ve République et la méfiance croissante des citoyens envers la démocratie représentative, qui sont aujourd’hui en jeu. Le RIP est une occasion constitutionnelle historique de redonner du souffle à notre démocratie en améliorant cette procédure de démocratie participative.

Alors que se déroule dans notre pays un mouvement social sans précédent, Emmanuel Macron a tort de ne pas écouter le peuple de France, sur cette question comme sur d’autres. À aucun moment, sauf lorsqu’il câline sa majorité parlementaire, il ne lui envoie de signaux apaisants et rassembleurs. Il préfère s’enfermer dans une posture qui illustre bien les dérives d’un pouvoir à bout de souffle, pétri de certitudes, dans un système institutionnel vermoulu, plutôt que d’ouvrir en grand la porte à l’expression citoyenne. C’est profondément regrettable, monsieur le secrétaire d’État.

1 commentaire :

Le 11/02/2020 à 11:05, aristide a dit :

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"Pis, Radio France a refusé de diffuser les communiqués financés par les parlementaires eux-mêmes, sur leurs deniers personnels."

C'est normal, c'est une radio d'Etat, les journalistes y sont des petits soldats aux ordres, comme la pravda du temps de l'Union soviétique, elle rejette la démocratie, elle n'aime que le pouvoir totalitaire qu'elle sert.

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