Intervention de Claude Malhuret

Réunion du 6 février 2020 à 9h00
L'organisation d'un référendum sur la privatisation d'aéroports de paris est-elle une exigence démocratique — Débat organisé à la demande du groupe communiste républicain citoyen et écologiste

Photo de Claude MalhuretClaude Malhuret :

Leur argumentation s’appuie notamment sur le fait que cette procédure ne respecterait pas l’esprit de réforme constitutionnelle de 2008 ayant instauré le référendum d’initiative partagée.

En effet, une proposition de loi référendaire ne peut avoir pour objet l’abrogation d’une disposition législative promulguée depuis moins d’un an. L’initiative de nos collègues a donc joué sur le calendrier et, pour ainsi dire, sur les mots, en visant à abroger une disposition votée par les assemblées, mais non promulguée par le pouvoir exécutif.

Ces critiques ont été entendues par le Conseil constitutionnel lui-même, dont le président a cru nécessaire de justifier sa décision, fait rarissime, en publiant un communiqué. Petite parenthèse : ce communiqué rappelle préalablement que le Conseil constitutionnel a validé la loi Pacte, y compris les articles prévoyant la privatisation d’ADP, ce que l’on oublie trop souvent. J’ai donc été étonné d’entendre dire à l’instant que ces articles étaient anticonstitutionnels. N’en déplaise à ceux qui ont déclenché la procédure de référendum, cette privatisation a donc force de loi, et il y a tout lieu de penser que cela le restera, tant nous sommes loin aujourd’hui des 4, 7 millions de signatures.

Mais là n’est pas l’essentiel. L’essentiel est que, dans le vocabulaire très particulier et très prudent du Conseil constitutionnel, Laurent Fabius indique qu’il y a « matière à réflexion sur la manière dont cette procédure » – celle du référendum d’initiative partagée – « a été conçue ». En français de tous les jours, cela signifie que le législateur s’est pris les pieds dans le tapis en 2008, et Laurent Fabius suggère donc à mots couverts qu’il faudra y revenir lors d’une prochaine révision constitutionnelle.

Quelle est en effet la conséquence importante et fâcheuse du texte constitutionnel tel qu’il est aujourd’hui rédigé ? C’est la faille dans laquelle se sont engouffrés les parlementaires ayant lancé la procédure de demande de référendum un jour avant la promulgation de la loi. Avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel, on va désormais pouvoir proposer un référendum sur tous les sujets pendant même l’examen de la loi. Cela revient à opposer démocratie directe et démocratie représentative, alors qu’elles étaient jusqu’à présent complémentaires, et à opposer au même moment les deux expressions de la volonté nationale que sont le vote des représentants du peuple et le référendum. Dans ces conditions, cette forme de démocratie participative vise moins à compléter les mécanismes de la démocratie représentative qu’à leur faire échec.

C’est un problème grave. Il nécessitera, comme je l’ai déjà souligné, une clarification de l’article 11 de la Constitution lors de la prochaine révision constitutionnelle. Si nous ne le faisons pas, nous aurons laissé, nous, parlementaires, discréditer le travail des assemblées en le soumettant aux impératifs de la démocratie plébiscitaire. Et nous connaissons tous l’écueil principal de cette démocratie plébiscitaire : elle conduit les citoyens à se prononcer pour ou contre un gouvernement plutôt que pour ou contre une mesure, aussi importante soit-elle pour le pays.

1 commentaire :

Le 12/02/2020 à 08:50, aristide a dit :

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"L’initiative de nos collègues a donc joué sur le calendrier et, pour ainsi dire, sur les mots, en visant à abroger une disposition votée par les assemblées, mais non promulguée par le pouvoir exécutif."

On joue sur les mots maintenant quand on applique la loi, de mieux en mieux... dites plutôt que face à l'ultra capitalisme la loi vous ennuie, elle n'est qu'une gêne qui empêche d'assouvir la cupidité de vos amis.

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