Intervention de Stéphane Piednoir

Réunion du 6 février 2020 à 14h30
Propagande électorale — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Stéphane PiednoirStéphane Piednoir :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la propagande électorale est consubstantielle à la pluralité des opinions qui peuvent s’exprimer dans tous les pays démocratiques où le pouvoir n’est pas concentré entre les mains d’un parti unique. Simplifier cette propagande ne doit pas contribuer à museler la diversité et la richesse du débat démocratique. Or le principal fondement de cette proposition de loi, introduit dans l’exposé des motifs, est la multiplication des candidatures aux différents scrutins qui maillent notre démocratie. Après les seize candidats à l’élection présidentielle de 2002, un nouveau record a été établi en 2019, avec pas moins de trente-quatre listes en compétition aux élections européennes.

Nous avons tous constaté dans nos communes les problèmes techniques liés à la réception et à la diffusion des professions de foi, des bulletins de vote, mais aussi à la nécessité d’implanter suffisamment de panneaux pour les affiches électorales. D’après les auteurs de cette proposition de loi, le remède consisterait à prendre des mesures adaptatives, voire punitives, potentiellement différentes d’une commune à l’autre, comme l’a expliqué notre collègue Richard. Je dois dire que je ne partage pas, moi non plus, cette vision des choses.

Mes chers collègues, interrogeons-nous plutôt sur les raisons de cette forte croissance de pseudo-vocations politiques : personne n’ignore ici que se présenter à une élection nationale confère une visibilité, pour ne pas dire une publicité, que certains saisissent pour satisfaire leur ego à moindres frais. Comme le disait un ancien Président de la République, adepte du mythe socialiste de l’inépuisable source d’argent public, « ça ne coûte rien, c’est l’État qui paie ». En effet, l’intégralité des frais de campagne est remboursée pour toute candidature recueillant 3 % ou 5 % des suffrages suivant les scrutins, dans la limite de plafonds, mais tellement élevés qu’ils permettent beaucoup d’excentricité.

Je pense qu’il conviendrait de revenir sur ces critères, car le financement de tout cela coûte extrêmement cher : entre 26 millions et 89 millions d’euros par élection, comme l’indique un rapport sénatorial de 2015. Je veux bien entendre que la démocratie a un coût, mais nous sommes, dans certains cas, très éloignés de ce noble objectif.

Même pour les candidats qui n’atteignent pas le seuil de remboursement, une campagne a minima, c’est-à-dire sans impression de documents électoraux, donne un accès inespéré à des médias nationaux pour diffuser des messages qui ne concernent qu’une partie confidentielle de l’électorat et qui sont même parfois, il faut bien le dire, totalement farfelus. Très sincèrement, je ne crois pas du tout que cela contribue au choix éclairé d’électeurs un peu perdus par une telle dispersion de l’offre. Sans doute faudrait-il tout simplement s’interroger, in fine, sur les conditions qui permettent de se présenter à l’élection européenne ; des filtres ont été évoqués, comme le nombre et la nature des parrainages.

Pour en revenir au texte, une bien curieuse disposition de cette proposition de loi prévoyait des sanctions applicables par les maires à ceux qui ne satisferaient pas à leur déclaration d’affichage au moment de leur déclaration de candidature. Cette disposition, à la fois inapplicable et déconnectée des réalités de terrain, a judicieusement été supprimée par la commission, sur l’initiative de son excellent rapporteur François Bonhomme. En revanche, implanter le nombre de panneaux correspondant aux déclarations d’intention des candidats d’apposer leurs affiches électorales me semble une idée pertinente, même s’il paraît difficile de prédire la proportion de candidats qui y renonceront effectivement.

Une autre disposition m’interpelle particulièrement : la possibilité de réduire la taille des panneaux d’affichage lorsque le nombre de candidatures est supérieur à quinze. Nous devons, là aussi, nous interroger sur la faisabilité d’une telle mesure. Cette décision interviendrait à la clôture du dépôt des listes, c’est-à-dire, si on prend l’exemple des prochaines élections municipales, quinze jours avant le premier tour. Cela poserait de sérieux problèmes logistiques à tous les candidats, qui, bien évidemment, auront déjà imprimé leurs affiches. Dès lors, chacun peut imaginer les conséquences pratiques avec des affiches trop grandes pour des formats de panneaux plus petits : un chevauchement bien peu propice à un climat serein entre les concurrents !

Outre ce manque de considération pour le travail de communication des candidats, qui leur demande souvent beaucoup d’énergie, on peut imaginer que cela permettrait en revanche de cacher certaines étiquettes ou soutiens gênants, en quelque sorte « cachez ce soutien que je ne saurais voir » ! Voilà une astuce bien pratique pour masquer des liens qui mettraient à mal les diverses déclarations d’indépendance !

Pour toutes ces raisons, je proposerai un amendement de suppression de l’alinéa 8 de l’article 1er.

En définitive, cette proposition de loi aux motivations nobles mais assez fragiles ne me semble pas totalement frappée du sceau du bon sens. Elle a toutefois le mérite de nous interroger collectivement sur les moyens de faire face à une croissance exponentielle de candidatures aux élections européennes, tout en déplorant par ailleurs la crise des vocations à quelques semaines des élections municipales.

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