Séance en hémicycle du 6 février 2020 à 14h30

Résumé de la séance

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La séance

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La séance, suspendue à douze heures quarante, est reprise à quatorze heures trente-cinq, sous la présidence de M. Vincent Delahaye.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

J’informe le Sénat qu’une candidature pour siéger au sein de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique a été publiée.

Cette candidature sera ratifiée si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Les Indépendants – République et Territoires, de la proposition de loi relative à la simplification et à la modernisation de la propagande électorale, présentée par M. Emmanuel Capus et plusieurs de ses collègues (proposition n° 687 [2018-2019], texte de la commission n° 267, rapport n° 266).

Dans la discussion générale, la parole est à M. Emmanuel Capus, auteur de la proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Emmanuel Capus

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues : trente-quatre ! C’était le nombre de listes aux élections européennes de mai dernier, un record ! C’était donc le nombre de panneaux électoraux qu’il a fallu installer devant chaque bureau de vote, devant chaque mairie, sur tout le territoire.

Cette situation a posé des difficultés pratiques extrêmement pénibles aux maires, qui sont en première ligne, puisque c’est sur eux que pèse l’obligation de procéder à l’installation des panneaux, sans dotation supplémentaire, mais avec la consigne du Gouvernement de faire ce qu’ils peuvent. Ici, cela les a contraints à acheter in extremis, en moins de dix jours, des panneaux supplémentaires ; là, cela a supposé d’utiliser des palettes ou des panneaux en bois, fabriqués par les services techniques municipaux… quand ils existent.

Dans certaines communes, à La Lande-Chasles dans mon département de Maine-et-Loire, par exemple, …

Debut de section - PermalienPhoto de Emmanuel Capus

C’est la deuxième plus petite commune de Maine-et-Loire avec 124 habitants, si ma mémoire est bonne.

Toujours est-il que les maires sont totalement pris au dépourvu et livrés à eux-mêmes. Face à une telle difficulté, ils nous ont, à nous, sénateurs, remonté du terrain le problème pratique qui se posait à eux. C’est l’objet de la proposition de loi que j’ai déposée. Celle-ci visait deux objectifs.

Tout d’abord, puisqu’un grand nombre de ces trente-quatre panneaux posés in extremis n’ont pas été utilisés et sont restés vides – en général plus des deux tiers –, provoquant la plus totale incompréhension des maires et des habitants, je propose de demander aux candidats, lors du dépôt de leur liste, s’ils souhaitent ou non utiliser un panneau électoral.

Cette proposition est extrêmement simple, elle repose sur le volontariat, elle n’est pas agressive et elle est de bon sens. Le code électoral prévoit déjà un dispositif similaire dans les communes de moins de 1 000 habitants : lorsque vous êtes candidat aux élections municipales, vous devez indiquer si vous utiliserez ou non vos panneaux d’affichage. Le code électoral prévoit même une sanction : le maire d’une commune de moins de 1 000 habitants peut facturer l’installation de panneaux qu’un candidat a demandée si ce dernier n’y a rien apposé.

Le premier dispositif que je propose consiste donc à étendre à l’ensemble des candidats cette obligation d’indiquer s’il utilisera ou non un panneau électoral. Je pars de l’idée que les candidats feront preuve de bonne foi et de volontarisme. Je pars aussi de l’idée que beaucoup de ces candidats savent à l’avance, dès le dépôt de leur candidature, s’ils imprimeront ou non des affiches. Je pars également du principe, qui, je le pense, va se développer, que, par respect de l’écologie, les candidats qui ne souhaitent pas faire imprimer d’affiches le diront spontanément. Je pars enfin de l’idée que certains candidats n’ont pas les moyens, ni humains ni financiers, de faire imprimer des affiches, qu’ils le savent et qu’ils le diront.

Ensuite, sur le modèle du dispositif prévu par le code électoral dans les communes de moins de 1 000 habitants, j’envisageais un mécanisme de sanction. Après avoir échangé avec la commission des lois, notamment son rapporteur François Bonhomme, dont je salue la qualité du travail, il nous est apparu qu’il serait compliqué de généraliser un dispositif de sanction qui n’existe aujourd’hui que dans les communes de moins de 1 000 habitants. En effet, on peut très bien imaginer que les candidats à certaines élections, comme les élections européennes par exemple, apposent leurs affiches dans une commune et pas dans une autre. J’ai donc trouvé tout à fait normal que la commission adopte un amendement de suppression du dispositif que je proposais.

Le premier objectif de ce texte consiste à contraindre un candidat à déclarer s’il souhaite ou non utiliser ses panneaux électoraux, ce qui doit permettre de diminuer mécaniquement le nombre d’affiches et, donc, le nombre de panneaux.

La deuxième idée que je défendais dans le cadre de cette proposition de loi concerne la taille des affiches.

Dans l’hypothèse où il y aurait plus de quinze candidats à une élection – c’est le chiffre que j’ai retenu, car c’est à peu près le nombre de panneaux que les petites communes ont à leur disposition en règle générale, ainsi que le nombre de panneaux réellement utilisés lors des dernières élections européennes –, je proposais que l’on diminue par deux la taille des affiches.

La commission des lois m’a démontré, au cours d’échanges là encore extrêmement constructifs, qu’une telle mesure posait une difficulté pratique. En effet, en règle générale, les candidats impriment leurs affiches assez tôt. Ils ne peuvent donc pas en changer les dimensions au dernier moment.

La commission des lois a donc décidé d’amender le texte et proposé de laisser la possibilité aux maires de diminuer la taille des panneaux, et non la taille des affiches – cela permet justement de contourner la difficulté qui consisterait à devoir changer la taille de ses affiches à la dernière minute –, comme le font d’ailleurs déjà les maires aujourd’hui et comme les circulaires les y invitent. Ainsi, lors des dernières élections européennes, les maires de certaines communes ont divisé par deux la taille des panneaux électoraux.

Nous offrons donc aux maires la possibilité – car nous croyons à la liberté et au sens des responsabilités des maires –, en fonction des circonstances locales, de diminuer la taille des panneaux, et ce à une triple condition.

Tout d’abord, le nombre des candidats doit être supérieur à quinze, ainsi que je le proposais dans le texte initial. Ensuite, la commune ne doit pas disposer d’un nombre suffisant de panneaux, mesure de bon sens suggérée par la commission. Enfin, il faut évidemment respecter l’égalité de traitement entre chaque candidat, c’est-à-dire que chacun d’entre eux doit bénéficier d’une surface égale pour apposer ses affiches sur les panneaux.

Je le répète, parce que nous allons débattre de ce point : à mon sens, et je pense que j’ai bien compris les intentions de la commission des lois, il ne s’agit pas de diminuer la taille des affiches pour éviter les difficultés d’impression, mais bien d’adapter la dimension des panneaux en fonction des circonstances locales à l’échelon de la commune.

Voilà, en résumé, les deux propositions phares de ce texte amendé par la commission des lois.

Je salue de nouveau la qualité du rapport et des échanges que nous avons eus avec François Bonhomme. J’adhère pleinement aux améliorations apportées par la commission.

La proposition de loi initiale comportait un deuxième article concernant l’impression des bulletins de vote. Ce point avait en effet été soulevé lors des élections européennes.

Le vote à partir de bulletins imprimés chez soi, et donc transmis par voie électronique par les candidats, se développe. Aux dernières élections, les bulletins devaient peser très exactement 70 grammes par mètre carré, au gramme près. Or, dans les faits, le papier en circulation n’a pas toujours ce grammage, puisque, la plupart du temps, il pèse 80 grammes par mètre carré. De plus, vous vous en doutez sûrement, madame la ministre, nous sommes totalement incapables, lorsque nous présidons un bureau de vote – ce qui est fréquent pour nombre d’entre nous –, de savoir si le papier pèse 60, 70, 80 ou 90 grammes.

C’est la raison pour laquelle j’avais proposé que le papier utilisé pour les bulletins de vote imprimés à domicile pèse entre 60 et 80 grammes. Je note que, le 27 décembre dernier, le Gouvernement a résolu cette difficulté, en prenant un décret qui fixe la même échelle de grammage que celle que je prévoyais. C’est pourquoi je ne me suis pas opposé à ce que la commission supprime l’article 2.

Les autres articles figurant dans le texte ont été introduits par la commission. M. le rapporteur en parlera mieux que moi : il s’agit de mesures de coordination.

Madame la ministre, mes chers collègues, ma proposition de loi est un simple texte de bon sens pour adapter notre législation en matière de panneaux électoraux à la pratique et à l’explosion du nombre de candidats, qui est attendue dans les années à venir.

Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Françoise Gatel et M. Alain Richard applaudissent également.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de François Bonhomme

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi d’Emmanuel Capus a été déposée en quelque sorte en réaction aux élections européennes de mai dernier. Elle vise à mieux accompagner les maires dans la gestion de la propagande électorale, alors que beaucoup ont manqué de panneaux pour apposer les affiches des trente-quatre listes – pas moins ! – de candidats.

L’obligation d’installer des panneaux électoraux remonte à une loi bien lointaine, datant de 1914. Il s’agissait déjà, à l’époque, de garantir une certaine équité entre les candidats. Le rapporteur du Sénat, Alexandre Bérard, critiquait ainsi « la multiplicité des affiches », qui donnait aux « candidats riches une supériorité […] inique, relativement à leurs concurrents moins fortunés ».

Ces panneaux métalliques sont aujourd’hui installés pour l’ensemble des scrutins, à l’exception des élections sénatoriales. Comme pour la tenue des bureaux de vote, les communes agissent au nom de l’État, qui leur verse en contrepartie une dotation pour frais d’assemblée électorale.

Tous les candidats bénéficient d’une surface identique pour apposer leurs affiches. L’État rembourse les dépenses des candidats ayant recueilli un nombre suffisant de voix, généralement fixé à 5 % des suffrages exprimés.

Or, comme chacun a pu le constater, beaucoup de communes ont manqué de panneaux électoraux lors des dernières élections européennes. De nombreux articles de presse ont évoqué une « pénurie de panneaux », un « casse-tête logistique » ou encore des maires contraints de « bricoler » pour sortir de l’impasse.

Je rappelle que les maires ont eu moins de dix jours pour trouver des solutions, incluant deux week-ends et un jour férié. En l’absence de rallonge financière du Gouvernement, ils ont dû recourir au « système D » en scindant leurs panneaux en deux parties, en fabriquant leurs propres panneaux ou en délimitant de nouveaux emplacements sur les murs des bâtiments publics.

Cette situation paraît d’autant plus absurde que nombre de panneaux sont restés inoccupés. D’après les professionnels de l’affichage, sur les trente-quatre listes de candidats aux élections européennes, seule une quinzaine de listes ont apposé des affiches sur la plupart de leurs emplacements.

En pratique, certains candidats n’impriment qu’un nombre réduit d’affiches, notamment lorsqu’ils ne pensent pas atteindre le seuil de remboursement de leurs dépenses. D’autres rencontrent des difficultés matérielles pour « approvisionner » les panneaux, malgré l’aide des militants.

Avant d’évoquer la proposition de loi, madame la ministre, je souhaiterais dire un mot sur ce que je considère comme le « péché originel » ayant conduit à ce casse-tête des élections européennes.

À mes yeux, le retour à la circonscription unique a encouragé la multiplication des listes de candidats et créé des difficultés matérielles, qui n’ont pas été suffisamment anticipées. Par une sorte d’effet d’aubaine, il suffisait de trouver soixante-dix-neuf colistiers pour s’inviter dans une campagne de niveau national et bénéficier des moyens de propagande.

J’ai pu observer, comme beaucoup d’autres, que les électeurs étaient totalement perdus face à cette profusion de candidatures. Difficile, en effet, de s’y retrouver entre trente-quatre listes de candidats comportant, au total, 2 686 noms !

Si j’évoque ce point, madame la ministre, c’est que je me rappelle tout de même de notre discussion du printemps 2018, lorsque vous défendiez le projet de loi visant à passer à une circonscription unique pour ces élections. Dans vos propos liminaires – les souvenirs que j’en ai sont encore frais –, vous faisiez valoir tout l’avantage de cette évolution en termes d’intelligibilité du scrutin. À l’aune de ce qu’il s’est passé par la suite, cette affirmation n’a rien d’évident.

La présente proposition de loi aborde le problème sous un angle différent, en cherchant à rationaliser l’utilisation des panneaux électoraux. La commission des lois y est favorable : l’intervention du législateur peut permettre, je l’espère, de mieux accompagner les maires et d’éviter ainsi de s’en remettre au « système D ». Elle a donc adopté la proposition de loi, tout en sécurisant son dispositif et en préservant la liberté d’expression des candidats, qui constitue, je le rappelle, un droit de valeur constitutionnelle. Elle a également différé l’entrée en vigueur des dispositions du texte, pour éviter toute interférence avec les prochaines élections municipales.

Au titre du premier mécanisme proposé, les candidats devraient préciser, dans leur déclaration de candidature, s’ils souhaitent ou non utiliser leurs emplacements. Le « droit aux panneaux » ne serait pas remis en cause pour autant. Tous les candidats pourraient en bénéficier, à condition d’en faire la demande en amont de la campagne. L’objectif est simple : éviter d’installer des panneaux inutiles, que les candidats ne souhaitent pas utiliser.

Par ailleurs, la commission a supprimé le dispositif de sanction, qui lui paraissait à la fois complexe à mettre en œuvre pour les maires et disproportionné pour les candidats. Elle a privilégié un système de déclaration sur l’honneur, qui reposera sur la bonne foi des candidats.

Nous avons également instauré un « droit au remords ». Chaque candidat pourra solliciter l’installation de panneaux électoraux jusqu’au vendredi précédant le scrutin. Cette souplesse s’adresse aux candidats qui – cela peut arriver – modifient leur stratégie électorale dans la dernière ligne droite, selon les financements recueillis.

S’agissant spécifiquement des élections européennes, nous avons ajusté le calendrier du scrutin pour que les communes disposent d’une semaine supplémentaire pour installer leurs panneaux.

Initialement, le deuxième mécanisme prévu dans la proposition de loi prévoyait de réduire de moitié le nombre et la dimension des affiches lorsque les panneaux électoraux sont utilisés par plus de quinze candidats. Ce dispositif soulevait toutefois quelques difficultés opérationnelles : pour des raisons calendaires, la taille des affiches ne peut pas être modifiée à quelques jours du scrutin.

Dans un souci de compromis, la commission a proposé un mécanisme plus souple, consacrant la possibilité pour le maire d’adapter les dimensions des panneaux électoraux en fonction des circonstances locales. Nous y reviendrons avec l’examen de l’amendement de notre collègue Stéphane Piednoir.

Je souhaiterais, de manière transversale, rappeler aussi l’attachement du Sénat à la propagande électorale sous format papier. La matérialité du vote, par sa dimension solennelle, est essentielle pour la vie démocratique de notre pays. À l’inverse, la dématérialisation n’est pas de nature à améliorer la participation des citoyens les plus âgés ou vivant encore dans des zones blanches. Le Gouvernement semble d’ailleurs avoir renoncé à cette idée, après trois échecs consécutifs devant le Parlement. J’espère, madame la ministre, que vous pourrez nous confirmer cet élément.

À la suite de mes auditions, je dois alerter le Sénat sur les conditions d’organisation des élections régionales et départementales de mars 2021. En effet, les professionnels du secteur, que j’ai reçus avec Alain Richard, ont exprimé leurs très grandes inquiétudes face à la concomitance de ces deux scrutins.

Imprimeurs, afficheurs, routeurs, tous doutent fortement de leur capacité à mettre sous pli et envoyer en temps et en heure l’ensemble des documents de propagande. Leurs inquiétudes concernent surtout le second tour : pour ces deux scrutins, les candidatures seront déposées le mardi soir, les commissions de propagande devront se réunir le mercredi et les envois devront être réalisés, au plus tard, le jeudi ou le vendredi. Peu réaliste, ce calendrier représente un risque pour l’acheminement des professions de foi jusqu’aux citoyens. Je profite donc de cette séance publique, madame la ministre, pour interroger le Gouvernement sur les mesures qu’il compte mettre en œuvre pour éviter un nouveau casse-tête dans la distribution de la propagande.

Sans préjudice de ces observations d’ordre général, mes chers collègues, la commission des lois vous propose d’adopter le texte d’Emmanuel Capus.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Emmanuel Capus applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, notre droit électoral est fait de règles répondant toutes à un même principe : l’égalité de traitement entre les candidats. C’est le sens que nous donnons aux dispositions sur les bulletins de vote, sur la propagande télévisée et, bien sûr, également sur l’affichage.

Vous connaissez le principe : tous les candidats à un scrutin doivent disposer d’un emplacement d’affichage à proximité de chaque bureau de vote pour pouvoir y coller leur affiche de campagne. Cette règle, et je préfère le dire d’entrée, je la crois saine. Elle est une garantie pour chaque candidat ou liste de pouvoir bénéficier d’un affichage égal. Elle est l’assurance d’échapper aux luttes de collage qui peuvent exister sur l’affichage public. Elle est la certitude, pour tous ceux qui le souhaitent, d’être vus au moins une fois par les électeurs.

Par cette proposition de loi, monsieur le sénateur Capus, vous soulignez une difficulté à laquelle les communes peuvent être confrontées ; une difficulté que j’entends parfaitement, étant ancien maire d’une commune de 4 500 habitants ; une difficulté, enfin, qui a été mise au jour lors des élections européennes de mai dernier. Il s’agit du nombre important de listes ou de candidatures – elles étaient trente-quatre, comme cela a été rappelé, aux élections européennes. Je me tourne tout de même vers le rapporteur pour faire observer que la participation aux élections européennes a été très au-dessus de la moyenne habituelle, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Cela étant dit, il est parfois difficile pour les maires, notamment dans les petites communes, de se conformer aux exigences du droit, soit par manque de panneaux d’affichage, soit par manque d’espace sur la voie publique, voire les deux. J’ajouterai que l’on a tout de même vu fleurir des idées originales. Les maires sont assez débrouillards, et on a pu le constater dans les territoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Je comprends d’autant plus leur frustration quand un certain nombre de candidats, pour des raisons budgétaires qui leur appartiennent et que nous n’avons pas à commenter, ont préféré limiter leur affichage et laisser vierges de nombreux panneaux.

Cette difficulté, donc, je la comprends. Je l’entends. Elle appelle néanmoins, et avant d’aborder précisément le texte, deux remarques.

La première est que la situation provoquée par ces élections était tout de même assez exceptionnelle. Il est extrêmement rare qu’un tel nombre de candidatures soit enregistré. Mais, et c’est ma deuxième remarque, nous devons être prêts à faire face à l’exceptionnel et accompagner les maires dans toutes les situations. C’est la raison pour laquelle une subvention pour frais d’assemblée électorale est mise en place à chaque scrutin. Elle vise à compenser les frais supplémentaires que les communes supportent pour l’organisation d’une élection.

Pour en venir plus précisément au texte, ses dispositions manquent, je le crains, leur objectif et risquent d’être inopérantes ou inapplicables.

La proposition de loi, telle qu’elle a été modifiée par la commission, ne prévoit plus aucune sanction pour les candidats qui choisiraient de ne pas apposer leurs affiches, ou alors de les apposer seulement devant certains bureaux de vote. Il est à craindre que cette mesure retire les effets utiles du texte et que, par mesure de précaution, toutes les listes candidates déclarent leur intention de mettre des affiches et avisent ensuite sur quoi faire réellement.

J’ajoute que le texte, dans sa rédaction actuelle, risquerait de provoquer des problèmes logistiques nombreux et, parfois, insurmontables pour les maires. Ainsi, la possibilité laissée à un candidat ou une liste de changer d’avis jusqu’au début de la campagne électorale pourrait provoquer des problèmes logistiques et de prévision en matière de panneaux.

Autre point appelant des réserves de ma part : j’ai peur que la proposition de loi ne conduise à complexifier notre droit, alors que certains des objectifs visés peuvent être atteints avec des moyens juridiques plus souples, plus simples et plus adaptables aux circonstances.

Ainsi, l’article 1er offre la possibilité aux maires de réduire la dimension des panneaux d’affichage, lorsque le nombre de demandes d’emplacement est supérieur au nombre de panneaux disponibles localement. J’y suis favorable, mais cet objectif peut être atteint par voie de circulaire sans qu’il soit nécessaire de légiférer et, donc, de rigidifier notre droit. Je ne prendrai que l’exemple des dernières élections européennes, pour lesquelles les maires avaient été autorisés, par circulaire, à scinder en deux parties égales les panneaux d’affichage en cas de besoin.

Enfin, je crains que le texte ne fasse peser des contraintes trop fortes, voire insurmontables sur certains candidats ou certaines listes.

La rédaction retenue à l’alinéa 8 de l’article 1er laisse à penser que le maire serait en mesure d’imposer aux candidats la taille des emplacements et, par conséquent, de leurs affiches, en cas de manque de panneaux dans une commune. Cela pourrait provoquer des ruptures d’égalité et des contraintes extrêmement difficiles à supporter pour les candidats ou les listes : imaginons que, dans une même circonscription, il y ait plusieurs jeux de tailles d’affiches à prévoir.

Mesdames, messieurs les sénateurs, ce texte met le doigt, justement, sur une question pouvant préoccuper les maires lors de certains scrutins. Je crois toutefois que nous avons tout à gagner à garder une forme de souplesse dans notre droit et de capacité à nous adapter aux circonstances de chaque élection, plutôt que de risquer de graver dans la loi des mesures dont nous ne pouvons pas avec certitude garantir les effets. C’est pourquoi je ne pourrai pas défendre ce texte, sur lequel le Gouvernement émettra un avis défavorable.

MM. Pierre-Yves Collombat et Marc Laménie applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je comprends les motivations, totalement fondées, des auteurs de cette proposition de loi – Emmanuel Capus et ses collègues du groupe Les Indépendants. Ces derniers ont voulu, de manière concrète, corriger et rationaliser un dispositif d’affichage électoral devenu un vrai casse-tête pour les mairies à l’occasion des élections européennes.

L’obligation de mise en place de trente-quatre panneaux d’affichage, dont moins de la moitié a finalement été utilisée par les listes de candidats, soulève, en particulier pour les petites communes ou les communes de taille moyenne, des difficultés d’approvisionnement ou de confection artisanale. Bien évidemment, cela représente aussi un coût pour la collectivité.

J’ajouterai à ce constat deux autres arguments, qui n’ont peut-être pas été tellement mis en avant dans les débats en commission.

Le premier est le problème de l’occupation du domaine public, surtout lorsque les panneaux ne peuvent pas être plaqués contre un mur ou une clôture. Dans le cas des élections européennes, il fallait tout de même un linéaire disponible d’au moins trente-cinq mètres et, dans une ville comme Paris, on a bien vu que de nombreux panneaux se baladaient sur les trottoirs.

Le deuxième est l’image extrêmement négative de gaspillage inutile en termes de matériaux et de temps passé par les services municipaux, telle qu’elle peut être perçue par nos concitoyens.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

Je voudrais aussi rappeler qu’à l’origine l’affiche électorale était destinée à afficher le programme des candidats, même si elle a ensuite évolué vers un concept plus promotionnel de slogans, comme en témoignent les affiches exposées au sous-sol du Sénat, à proximité de la salle Clemenceau.

Aujourd’hui, l’affiche n’a plus aucun impact pédagogique. Elle vise essentiellement des objectifs de marketing électoral, c’est-à-dire d’identification, d’attractivité, avec un éventuel message qui, pour être percutant, doit être le plus court possible.

Dans ces conditions, aussi bien la multiplication des panneaux que la réduction de la taille des affiches ne sauraient répondre à l’exigence de lisibilité, donc d’utilité, de l’affichage électoral.

Vous aurez compris, mes chers collègues, que seule l’introduction d’un filtre permettant de limiter les candidatures à un nombre raisonnable de listes constitue la bonne solution dans le cas des élections européennes.

À la suite de cet argumentaire, il me semble un peu difficile d’approuver certaines dispositions de l’article 1er de ce texte. Certes, la déclaration d’une intention d’utiliser un panneau d’affichage est une bonne mesure. Mais, pour l’exception, comme l’a indiqué Mme la ministre, on ne peut pas imaginer un affichage à géométrie variable, avec des affiches de tailles différentes en fonction des possibilités des communes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

Cela engendrerait automatiquement un surcoût pour les candidats, ou pour l’État en cas de remboursement. Cela pourrait être équitable pour un scrutin communal, mais pas pour les autres élections, qui se déroulent sur une circonscription plus large, comprenant des communes susceptibles de prendre des dispositions différentes en matière de taille de panneaux, donc de taille d’affiches – encore faudrait-il préciser réglementairement si les panneaux doivent être partagés en deux dans le sens de la largeur, de la hauteur…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

M. Jean-Marc Gabouty. … ou encore l’un ou l’autre choisi par tirage au sort.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

Je voudrais évoquer deux autres sujets qui ne figurent plus dans le texte.

Le premier concerne le grammage du papier pour les bulletins de vote et les circulaires – c’était l’article 2 du texte d’origine.

Ce grammage est bien de 70 grammes. La disposition est confirmée par le décret du 27 décembre 2019, mais aussi par l’arrêté interministériel du 24 janvier 2020 concernant les tarifs de remboursement des frais d’impression des documents électoraux pour les élections municipales.

Certes le grammage du papier relève plus du domaine réglementaire que du domaine législatif, mais, monsieur le rapporteur, votre argument pour supprimer l’article 2, considéré comme satisfait, me paraît quelque peu ambigu. En effet, cet article ne serait satisfait que par exception, car les bulletins de vote doivent bien être fabriqués en 70 grammes pour être acceptés par la commission de propagande, diffusés et éventuellement remboursés. Cependant, l’article R.170 du code électoral affirme qu’ils ne peuvent pas être considérés comme nuls au moment du dépouillement si le grammage est compris entre 60 et 80 grammes. Cela manque tout de même de cohérence. Il aurait donc été bien préférable de conserver l’ancienne disposition, permettant l’utilisation de papier de grammage compris entre 60 et 80 grammes, et ce pour plusieurs raisons.

La première, c’est l’autoédition des bulletins de vote. On peut considérer, dans ce cas-là, que la condition est satisfaite.

La deuxième raison, c’est la sécurité d’approvisionnement des imprimeurs sur un papier qui n’est pas le plus utilisé – le 70 grammes –, donc avec des risques d’augmentation du prix du papier, voire de rupture de stock, le papier le plus générique demeurant l’offset 80 grammes. Mais peut-être faudrait-il se rapprocher des professionnels, ou plutôt ne pas écouter que certains d’entre eux, qui ont tout intérêt à concentrer la commande sur du 70 grammes…

Comme vous le savez, madame la ministre, je suis à la fois imprimeur et routeur. Je connais donc un peu le circuit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

Tout est dans ma déclaration d’intérêts.

Madame la ministre, c’est donc à vous que je m’adresse pour corriger l’arrêté du 24 janvier 2020 ou diffuser une circulaire recommandant une tolérance jusqu’à 80 grammes, afin de donner un peu de souplesse aux fournisseurs d’imprimés électoraux.

Je reviens à la problématique du prix : si vous concentrez la demande sur l’offset 70 grammes, les imprimeurs peuvent finir par l’acheter plus cher à la feuille que le 80 grammes.

Le deuxième sujet que je souhaite aborder est celui des problèmes de délais pour les élections européennes, tout comme pour d’autres échéances. Mais je m’exprimerai sur cette question lors de l’examen de l’article 1er bis.

Pour conclure, je dirais que j’ai été ravi en prenant connaissance de la problématique abordée par cette proposition de loi, mais un peu déçu de son contenu, limité à deux sujets, dont l’un a été supprimé et l’autre maltraité.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

Sous le même titre, on pourrait peut-être à l’avenir effectuer un balayage plus complet, que ce soit sur le plan législatif ou réglementaire, pour moderniser un dispositif ayant accumulé au fil du temps imprécisions et incohérences, certaines étant bien récentes, comme celle que je viens d’évoquer sur le grammage du papier.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

Pour les autres, je cite au hasard : la référence au format A1 pour les affiches, qui ne correspond pas aux formats standards de fabrication de papier ; la distorsion énorme dans les tarifs de remboursement – dégressivité pour les élections municipales et pas de dégressivité pour les élections européennes, malgré les quantités – ; circulaires offrant la même surface de présentation pour les élections européennes et les élections municipales dans une commune de 1 000 habitants…

J’en termine ici, et je compléterai cette intervention lors de mon explication de vote. Je vous remercie monsieur le président, de votre tolérance – comme celle que j’appelle de mes vœux pour le 60 et le 80 grammes.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le débat de cet après-midi a un parfum de terroir.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Nous évoquons des difficultés en milieu villageois, la réponse de bon sens de nos chers élus locaux…

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Plus sérieusement, cette discussion nous rappelle l’importance, toujours d’actualité, de l’affichage électoral dans la vie démocratique.

M. le rapporteur, qui a très bien travaillé, nous l’a rappelé : cette tradition républicaine, qui remonte, comme beaucoup d’autres, à la IIIe République, a gardé tout son sens. Elle constitue, dans le vécu et les comportements de nos concitoyens, un des éléments de contact vivant avec les candidats et leur message. Nous devons donc traiter la question avec attention.

La difficulté à laquelle nous sommes confrontés, très bien décrite par François Bonhomme, est celle du dépassement du nombre habituel de listes ou de candidats, indépendamment de la nature de l’élection d’ailleurs ; dépassement qui soulève des problèmes en matière de panneaux d’affichage électoral.

La proposition de loi d’Emmanuel Capus a ses limites, comme Mme la ministre l’a souligné. Néanmoins, nous estimons, au sein de mon groupe, qu’elle offre un règlement à peu près adapté, dans les limites du réalisme, s’appuyant sur la bonne foi des candidats.

Cela a été signalé justement, il n’est prévu aucune sanction administrative ou financière de la rupture d’engagement d’un candidat qui aurait déclaré avoir l’intention d’apposer une affiche et se serait tout de même abstenu de le faire. Mais il me semble qu’il y aurait une sanction morale, à la fois parce que les maires s’exprimeraient et signaleraient les candidats ayant rompu leur engagement et parce que les citoyens pourraient avoir la perception d’un comportement conduisant à du gaspillage.

Le dispositif issu des travaux de la commission et du rapporteur offre donc, malgré tout, une solution pratique et raisonnable face à la difficulté rencontrée.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

M. Alain Richard. Mais je voudrais aller plus loin, stimulé par le fait que François Bonhomme a souhaité rouvrir une querelle qui nous avait opposés durant le débat sur la réforme du mode de scrutin des élections européennes – il figurait alors parmi les plus ardents défenseurs du maintien du système par circonscriptions régionales. Ce débat a eu une particularité, une des plus rares parmi celles dont j’ai le souvenir au sein de notre assemblée : le texte alors en discussion a été adopté, ici, sans les voix du groupe ayant la majorité relative. Je comprends que cela ait engendré une petite amertume.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

On avait eu la courtoisie de me proposer d’être le rapporteur de ce texte. À ce titre, j’avais fait remarquer que, même dans un dispositif par circonscriptions régionales, on pouvait être confronté à ce phénomène de grand nombre de listes. Cela avait été le cas en Île-de-France en 2014 : on avait alors dénombré vingt-sept listes.

La particularité des élections européennes tient évidemment dans l’attractivité que représentent les quelques minutes d’audiovisuel public pour des personnes déposant une liste de candidats, ayant parfois une relation assez distendue avec la vie du Parlement européen.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Cela me rappelle une insuffisance que j’avais manifestée en tant que rapporteur du projet de loi : j’avais identifié le risque d’un nombre très élevé de listes, dont une partie assez superficielle, mais je n’avais pas eu le « cran », si j’ose dire, de présenter un amendement visant à instaurer, comme l’ont fait pratiquement tous nos voisins européens, un système de filtrage. En effet, si l’on regarde les autres élections, on n’a jamais trente candidatures. Quelle que soit la nature de l’élection, il y a toujours un facteur modérateur : le nombre de candidats à trouver pour les élections municipales, la faible chance d’accéder au tour décisif pour les élections départementales, etc.

Je ne multiplie pas les exemples, mais notons tout de même qu’aux élections législatives, pour lesquelles demeure l’incitation d’additionner les voix pour le financement du parti politique, le simple fait – disposition judicieuse – d’obliger à avoir au moins soixante-quinze candidats ayant obtenu 1 % des voix pour accéder à ce financement modère tout de même le nombre de candidatures, quoique, en milieu urbain, notamment quand la circonscription est importante et apporte plus de voix, on atteigne parfois les dix-huit ou vingt candidats.

À mon sens en tout cas, l’une des réponses – cela a été évoqué par d’autres dans le débat – devrait être de réfléchir à un filtrage pour les candidatures aux élections européennes.

J’ai refait le calcul : sur les trente-quatre listes, quinze ont obtenu moins de 0, 1 % des voix, c’est-à-dire moins d’un électeur pour deux bureaux de vote. À cet égard, la remarque de François Bonhomme sur la confusion et la désorientation de l’électeur susceptibles d’être engendrées par cette profusion de candidatures est parfaitement exacte. Il y a un moment où le pluralisme devient un facteur problématique sur le plan de la démocratie. Il me semble donc qu’il faudra travailler – j’ai l’intention de lancer une proposition en ce sens – pour établir un filtrage citoyen au nombre de listes déposées aux élections européennes.

Je me joins, à l’attention de Mme la ministre, à la remarque du rapporteur, évoquant cette excellente audition que nous avons eue avec tous les professionnels de la logistique électorale : il existe effectivement un risque sérieux de non-faisabilité du transfert aux électeurs, alors qu’ils y tiennent essentiellement, de la propagande électorale pour le deuxième tour des élections régionales, si nous ne conservons qu’un écart de huit jours, c’est-à-dire, en fait, de trois jours et demi, après le dépôt des listes pour ce deuxième tour. Il n’est effectivement pas difficile de prévoir que bon nombre de listes seront modifiées entre les deux tours.

J’en profite aussi – je fais comme pour les murailles de Jéricho – pour rappeler aux représentants du ministère de l’intérieur qui nous font l’honneur d’être parmi nous qu’il faudra rénover le code électoral, ce dernier manquant de cohérence et ne répondant plus aux critères de la codification actuelle. Donc, même si quelques dispositions organiques obligeraient à repasser directement devant le législateur – mais celui-ci peut être de bonne foi et ne pas détourner un débat de codification –, je pense qu’il faudra le faire.

Je conclus en rappelant ce vers de Victor Hugo, que je ne sais plus situer : « À la septième fois, les murailles tombèrent. »

MM. Emmanuel Capus et Jean-Marc Gabouty applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, je vous avoue que je suis à la peine, …

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

… parce que, d’un côté, cette proposition de loi part d’une bonne intention : qui ne voudrait pas faciliter la vie des maires ? Et puis, c’est un problème réel et récurent qui se pose. On feint de le découvrir à propos des dernières élections européennes, mais je me rappelle de l’époque où revenait régulièrement la manie de vouloir fusionner les élections régionales et cantonales, pour des raisons nobles comme faciliter la participation, ce qui est d’ailleurs parfaitement faux, ou pour des raisons un peu moins nobles comme d’acclimater l’idée qu’un seul représentant à la région et au département ne serait pas plus mal… En tout cas, on se retrouvait du jour au lendemain à devoir gérer un beau bazar : on n’était pas très content, mais on l’a fait !

D’un autre côté, faut-il encore une fois légiférer sur ce problème à partir d’un cas particulier et, donc, tirer des leçons générales de ce cas particulier ? Faut-il complexifier encore un peu plus l’arsenal de régulation du droit électoral ? Je vous avoue que je n’en suis pas persuadé. Plus on sera précis, plus on s’étendra sur le grammage – j’allais ajouter « et le pâturage » §–, …

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

… plus on risque de produire des choses curieuses. On risque ainsi une multitude de contentieux et de difficultés avec les commissions de propagande, qui ne sont pas toujours cohérentes entre elles. Surtout, on risque de limiter une nouvelle fois l’information non médiatisée, celle qui ne passe pas par les filtres médiatiques de l’élection, dont tout le monde s’accordera pour dire qu’elle est tout à fait essentielle.

Des améliorations ont certes été apportées par la commission, notamment le fait de ne pas sanctionner un candidat qui aurait déclaré vouloir utiliser un emplacement et ne l’utiliserait pas. Dans les grandes collectivités, ce n’est pas essentiel, mais dans les communes moyennes, où l’affichage militant est relativement important par rapport à l’utilisation de prestataires de services, il ne faudrait pas en arriver à se voir opposer, au dernier moment, une demande d’autorisation.

Il y a donc le risque, surtout pour les petits candidats, qui sont assujettis au militantisme, de complexifier leur tâche et de la rendre encore plus difficile.

Personnellement, comme je l’ai dit en commission, et je n’ai pas changé d’avis depuis, je crois que le mieux est de s’en remettre à la créativité des maires, …

Debut de section - PermalienPhoto de François Bonhomme

M. François Bonhomme, rapporteur. Elle est sans limites !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

… à leur capacité de bricolage très élevée, qui fait le charme de la fonction, pour régler au cas par cas le problème.

J’insiste sur le fait que, en essayant de régler des problèmes qui se posent lors des élections européennes, on risque, sans le vouloir, d’en créer de nouveaux dans d’autres situations.

En général, je suis plutôt critique envers les gouvernements, mais, pour une fois, je suis désolé, je serai d’accord avec vous, madame la ministre.

Sourires. – M. le président de la commission des lois applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Je ne soutiendrai donc pas cette proposition de loi.

M. Pierre Ouzoulias applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Gatel

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cette question, au-delà de l’aspect « terroir », a dit notre collègue Richard, est une vraie question de maire, qui soulève bien des problématiques dont certains d’entre nous se sont fait l’écho.

Pour ma part, je salue l’initiative de notre collègue Capus, parce qu’elle soulève, au-delà des points matériels que nous avons vus, un certain nombre de questions. Lorsque l’on a été confronté à une difficulté, et beaucoup de maires l’ont été, il est intéressant d’anticiper le prochain problème qui sera de cette même nature. Je salue également très sincèrement notre rapporteur, François Bonhomme, qui s’est évertué avec talent à trouver une réponse à la question de nos élus locaux. Ils y sont extrêmement sensibles, et je ne doute pas que nos débats les intéresseront.

La proposition de loi rappelle le casse-tête que beaucoup d’élus ont connu lors de l’organisation du scrutin des élections européennes de mai 2019, qui comptait trente-quatre listes de candidats, soit plus de 2, 5 millions de panneaux dans les communes de France. À titre d’exemple, à Morbecque, commune de 2 538 habitants, le maire a dû faire installer pas moins de 102 panneaux électoraux, dont la moitié est restée sans affiche, ce qui a valu au maire les foudres de sa population, qui ne comprenait pas qu’on investisse dans des panneaux inutiles.

Les maires ont eu le plus grand mal à se fournir en panneaux électoraux, et beaucoup d’entre eux ont dû organiser des sortes d’ateliers de bricolage, chez eux parfois, pour trouver des solutions de fortune. Au travers de cet exemple très concret, c’est la preuve de la capacité des élus à inventer des possibles qu’on devrait retenir aussi pour d’autres sujets. L’État encourageait d’ailleurs les maires à faire preuve d’ingéniosité, ce qu’ils savent faire avec talent.

L’affichage électoral est un outil d’information obligatoire et nécessaire, et on sait aujourd’hui encore que la photo prime parfois sur de longs messages. Ces panneaux électoraux sont garants d’une certaine égalité entre les candidats.

Toutefois, des tracas coûteux et excessifs lors du dernier scrutin pour les élections européennes m’amènent à souscrire aux propos de ceux qui s’interrogent sur la mise en place de filtres pour les candidatures, comme cela se pratique pour l’élection présidentielle.

Aussi, la logique de rationalisation portée par l’auteur de la proposition de loi me semble intéressante. Elle a le mérite d’épargner aux maires un certain nombre de migraines et l’installation inutile et coûteuse de panneaux électoraux. Je suis assez favorable à la proposition de ne fournir un panneau qu’aux seuls candidats qui en font la demande.

Je comprends la réserve de la commission sur le principe de sanction, qui impliquerait que le candidat ayant réservé un panneau sans y coller d’affiche rembourse les frais engendrés à la commune. Toutefois, mes chers collègues, un citoyen candidat à une élection, qui veut servir l’intérêt général en sollicitant les suffrages de ses concitoyens, évite toute légèreté de comportement et pense aux incidences de ses engagements en matière de coûts.

Concernant la dimension des panneaux électoraux, je partage la volonté de souplesse et les conditions qui ont été prévues. Je salue aussi l’initiative du rapporteur sur le calendrier des élections européennes : dix jours ne suffisent pas lorsqu’il y a autant de candidats.

Ce texte rouvre par ailleurs le débat sur la dématérialisation de la propagande électorale, dont nous avons souvent débattu. Le Sénat s’y est opposé, au motif, que je partage, que la propagande électorale envoyée à domicile, même si elle est coûteuse et peut paraître artificiellement anti-écologique, permet d’informer dans les meilleures conditions tous les citoyens. Il s’agit là d’un devoir pour la démocratie.

Le groupe Union Centriste votera en faveur de cette proposition de loi, dans la rédaction issue des travaux de la commission des lois, dont je remercie de nouveau le rapporteur.

Applaudissements au banc des commissions. – Mme Françoise Férat et M. Marc Laménie applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

M. le président. La parole est à Mme Laurence Harribey.

Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Harribey

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, j’avoue qu’il m’est arrivé de bricoler, en tant que maire, mais mon problème n’était pas tant les panneaux, que l’on trouve à faible coût, que les murs. Il faudrait donc prévoir un texte réglementant les murs par rapport au nombre de panneaux…

Les attendus de cette proposition de loi visaient à l’origine à répondre à deux difficultés pratiques : l’affichage de la propagande électorale et les bulletins de vote imprimés à domicile. Le second volet a été retiré du texte, puisqu’il est satisfait par un décret de 2019. Le texte, tel qu’il nous est proposé à la suite de son examen en commission, s’attache donc à la seule question de l’affichage.

Comme cela a été largement souligné, les maires ont l’obligation d’installer des emplacements dédiés à ces affiches, donc des murs aussi, ce qui peut poser problème lorsque le nombre de candidats est particulièrement élevé, ce qui fut le cas avec les trente-quatre listes présentées lors des dernières élections européennes. La contrainte devient alors un casse-tête, alors que l’expérience montre que ces panneaux ne sont pas toujours utilisés.

Donner un cadre juridique plus précis et surtout plus sécurisant ne paraît pas inutile, tout en garantissant l’information égale de chacun, la défense de toutes les opinions et l’égalité, qui est un principe constitutionnel, entre les candidats.

La proposition initiale reposait sur deux éléments : les candidats devaient déclarer au moment de leur candidature s’ils feraient ou non usage de leur panneau électoral ; un régime de sanction venait logiquement garantir l’effectivité de la déclaration.

En pratique, la mise en œuvre du régime de sanction pose problème. Il n’est pas si simple d’apprécier si le contrat d’usage est respecté ou pas par le déclarant, ce qui peut conduire à une interprétation et, donc, à une insécurité juridique à la fois pour le maire organisateur et pour le candidat. Or sécuriser l’organisateur et éviter une insécurité juridique est tout de même l’objectif du texte. En ce sens, la suppression du régime de sanction proposée par le rapporteur et adoptée en commission nous paraît plutôt une bonne chose.

Le régime de déclaration permet à tous de bénéficier de panneaux, à condition d’en faire la demande. L’égalité entre les candidats est donc garantie, et ce d’autant plus que le texte issu des travaux de la commission instaure un droit au remords qui permet, jusqu’au dernier moment, d’utiliser ce panneau.

Au-delà de la question des panneaux d’affichage se pose celle de la taille des affiches. Le texte initial proposait que, au-delà de quinze candidats déclarant faire usage de ces panneaux, la taille des affiches puisse être adaptée. Là encore se pose un problème de mise en œuvre, avec le risque de mettre des candidats dans l’obligation de réimprimer dans des délais contraints. Par exemple, pour les prochaines élections municipales, la campagne officielle démarre le lundi 2 mars, à zéro heure, avec autorisation d’apposer les affiches, alors que la clôture du dépôt de candidature est le 27 février, à dix-huit heures, soit trois jours avant, ce qui pose de manière évidente des problèmes de délais.

La proposition formulée par le rapporteur, qui a été très créatif, comme les maires sur le terrain, et à laquelle nous souscrivons, est de mettre en place un système autorisant le maire à adapter les dimensions des panneaux si plus de quinze candidats se présentent et en respectant le principe d’égalité entre les candidats. Au final, c’est le maire qui a le droit d’adapter les modalités et pas le candidat qui est contraint. En termes de régime juridique, ce n’est pas plus mal.

En l’état des modifications adoptées par la commission des lois, ce texte ne pose pas de problème juridique particulier. Il a le mérite de sécuriser le maire, ce qui était le but recherché. En ce sens, il peut être considéré comme utile, même s’il n’apporte pas grand-chose et que, selon les propos de Mme la ministre, il a peu de chance d’aboutir. Pour permettre aux maires de continuer à faire œuvre de créativité, nous le voterons !

Applaudissements sur les travées du groupe SOCR. – MM. Marc Laménie et Alain Richard applaudissent également.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Cyril Pellevat

Monsieur le rapporteur, François Bonhomme, je tiens tout d’abord à vous remercier et à vous féliciter pour le travail que vous avez fourni, ainsi que pour vos conclusions sur la proposition de loi relative à la simplification et à la modernisation de la propagande électorale, qui sont on ne peut plus satisfaisantes.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce texte vient tirer de nécessaires leçons des élections européennes de 2019 et a pour but d’accompagner au mieux les maires dans leurs obligations d’installation de panneaux électoraux et de gestion des bulletins de vote.

L’objectif de cette proposition de loi est tout à fait profitable en ce qu’elle permet de pallier les problèmes qui apparaissent avec la multiplication des candidatures. En effet, cela a été rappelé, avec les trente-quatre listes présentées aux dernières élections européennes, de nombreuses communes ont été confrontées à un manque de panneaux, alors que la loi les oblige depuis 1914 à en installer pour chacune des listes.

Afin de répondre à cette obligation, les maires ont dû trouver des solutions de dernière minute, sans augmentation de leur dotation et dans un laps de temps extrêmement court. Or, et ce malgré leurs efforts pour réunir un nombre suffisant de panneaux, qui ne peuvent être que salués, nous avons assisté à une désertion des panneaux par les candidats, nombre d’entre eux n’ayant pas les moyens d’imprimer des affiches s’ils n’atteignaient pas les 5 % de suffrages nécessaires au remboursement par l’État de leurs dépenses.

Il n’est pas juste pour les communes que la loi leur impose de si lourdes charges sans augmenter leur dotation, alors même que les solutions qu’elles ont trouvées n’ont pas été utilisées. Il était donc nécessaire de trouver des solutions à ces dysfonctionnements. C’est l’objet de cette proposition de loi, dont je salue l’auteur, en rationalisant l’utilisation des panneaux électoraux ainsi qu’en assouplissant les règles de grammage des bulletins.

La proposition de loi impose désormais aux candidats de préciser dans leur déclaration de candidature s’ils souhaitent utiliser les panneaux électoraux, ce qui permet aux maires d’installer des panneaux non plus pour l’intégralité des candidats, mais uniquement pour ceux qui en font la demande. Dans le cas où un candidat ayant fait une demande d’utilisation des panneaux n’y apposait pas d’affiche, elle obligeait ce dernier à rembourser à la commune les frais d’établissement de son emplacement. Toutefois, un amendement visant à supprimer ce système de sanction a été adopté en commission. Celui-ci était en effet, d’une part, trop complexe à mettre en place pour les maires s’agissant de sommes modestes et, donc, difficiles à recouvrer et, d’autre part, disproportionné pour les candidats de bonne foi, qui se trouveraient pénalisés pour des problèmes d’impression ou de retard dans les collages. Cet amendement prévoit également un « droit au remords » pour les candidats qui peuvent demander l’installation de panneaux jusqu’à deux jours avant le début de la campagne. Cela permettra plus de souplesse pour les candidats souhaitant modifier leur stratégie électorale en fonction des financements reçus ou de l’évolution des sondages.

Cette proposition de loi prévoyait également de réduire de moitié le nombre et la taille des affiches des candidats dès lors que plus de quinze demandes d’utilisation des panneaux étaient déposées. Cependant, cette disposition serait difficile à mettre en œuvre, de nombreux candidats étant contraints d’imprimer leurs affiches avant même de connaître le nombre total de candidats. C’est pourquoi un autre amendement a été adopté en commission, permettant plus de souplesse. Il consiste à donner la possibilité au maire d’adapter les dimensions des panneaux, à condition que le nombre de panneaux à installer soit supérieur à quinze, que la commune ne dispose pas de suffisamment de panneaux et que tous les candidats bénéficient de la même surface.

Enfin, cette proposition de loi prévoyait d’assouplir les règles de grammage des bulletins de vote, afin de sécuriser l’impression par les électeurs de leur propre bulletin. Elle autorisait un bulletin pesant entre 60 et 80 grammes par mètre carré. Cela n’est toutefois pas nécessaire, car il existe déjà un décret en la matière. Cette possibilité pour les citoyens d’imprimer chez eux le bulletin de vote est bénéfique, car elle permet aux petits partis de ne pas utiliser leurs fonds pour réaliser eux-mêmes les impressions ; elle est également bénéfique d’un point de vue écologique.

J’irais toutefois plus loin en matière de bulletins, car ces derniers sont imprimés par millions, alors que la quasi-totalité est détruite sans avoir servi. Il s’agit d’un véritable désastre écologique. J’ai donc en ce sens déposé une proposition de loi visant à instaurer un bulletin de vote unique, qui consiste à remplacer les bulletins de vote actuels par un bulletin unique sur lequel chaque candidat est inscrit. Les citoyens voteraient alors en cochant le candidat de leur choix sur ce bulletin unique, à l’image de ce qui se fait en Allemagne, en Belgique et aux États-Unis. L’impression et la distribution de ces bulletins seraient financées par l’État, mais leur coût, qui est estimé à 1, 5 % du remboursement de la campagne par l’État, serait compensé par la baisse de l’enveloppe destinée au remboursement des frais de campagne, qui passerait de 47, 5 % à 46 %.

Ce bulletin unique permettra le développement d’une politique écologique en matière d’élection. Pour l’élection présidentielle en 2017, 1 300 tonnes de bulletins ont été imprimées, tandis que l’utilisation d’un bulletin unique permettrait de n’en utiliser que 110 tonnes. Cela représente une réduction drastique de la consommation de papier qu’il est important de prendre en considération.

Enfin, cette proposition de loi induirait une plus grande égalité entre les partis, en permettant aux petits partis n’ayant pas les moyens d’imprimer eux-mêmes leurs bulletins de figurer sur le bulletin unique. Chacune des cases serait de même taille et l’ordre serait déterminé par un tirage au sort.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

M. le président. La parole est à M. Stéphane Piednoir.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Piednoir

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la propagande électorale est consubstantielle à la pluralité des opinions qui peuvent s’exprimer dans tous les pays démocratiques où le pouvoir n’est pas concentré entre les mains d’un parti unique. Simplifier cette propagande ne doit pas contribuer à museler la diversité et la richesse du débat démocratique. Or le principal fondement de cette proposition de loi, introduit dans l’exposé des motifs, est la multiplication des candidatures aux différents scrutins qui maillent notre démocratie. Après les seize candidats à l’élection présidentielle de 2002, un nouveau record a été établi en 2019, avec pas moins de trente-quatre listes en compétition aux élections européennes.

Nous avons tous constaté dans nos communes les problèmes techniques liés à la réception et à la diffusion des professions de foi, des bulletins de vote, mais aussi à la nécessité d’implanter suffisamment de panneaux pour les affiches électorales. D’après les auteurs de cette proposition de loi, le remède consisterait à prendre des mesures adaptatives, voire punitives, potentiellement différentes d’une commune à l’autre, comme l’a expliqué notre collègue Richard. Je dois dire que je ne partage pas, moi non plus, cette vision des choses.

Mes chers collègues, interrogeons-nous plutôt sur les raisons de cette forte croissance de pseudo-vocations politiques : personne n’ignore ici que se présenter à une élection nationale confère une visibilité, pour ne pas dire une publicité, que certains saisissent pour satisfaire leur ego à moindres frais. Comme le disait un ancien Président de la République, adepte du mythe socialiste de l’inépuisable source d’argent public, « ça ne coûte rien, c’est l’État qui paie ». En effet, l’intégralité des frais de campagne est remboursée pour toute candidature recueillant 3 % ou 5 % des suffrages suivant les scrutins, dans la limite de plafonds, mais tellement élevés qu’ils permettent beaucoup d’excentricité.

Je pense qu’il conviendrait de revenir sur ces critères, car le financement de tout cela coûte extrêmement cher : entre 26 millions et 89 millions d’euros par élection, comme l’indique un rapport sénatorial de 2015. Je veux bien entendre que la démocratie a un coût, mais nous sommes, dans certains cas, très éloignés de ce noble objectif.

Même pour les candidats qui n’atteignent pas le seuil de remboursement, une campagne a minima, c’est-à-dire sans impression de documents électoraux, donne un accès inespéré à des médias nationaux pour diffuser des messages qui ne concernent qu’une partie confidentielle de l’électorat et qui sont même parfois, il faut bien le dire, totalement farfelus. Très sincèrement, je ne crois pas du tout que cela contribue au choix éclairé d’électeurs un peu perdus par une telle dispersion de l’offre. Sans doute faudrait-il tout simplement s’interroger, in fine, sur les conditions qui permettent de se présenter à l’élection européenne ; des filtres ont été évoqués, comme le nombre et la nature des parrainages.

Pour en revenir au texte, une bien curieuse disposition de cette proposition de loi prévoyait des sanctions applicables par les maires à ceux qui ne satisferaient pas à leur déclaration d’affichage au moment de leur déclaration de candidature. Cette disposition, à la fois inapplicable et déconnectée des réalités de terrain, a judicieusement été supprimée par la commission, sur l’initiative de son excellent rapporteur François Bonhomme. En revanche, implanter le nombre de panneaux correspondant aux déclarations d’intention des candidats d’apposer leurs affiches électorales me semble une idée pertinente, même s’il paraît difficile de prédire la proportion de candidats qui y renonceront effectivement.

Une autre disposition m’interpelle particulièrement : la possibilité de réduire la taille des panneaux d’affichage lorsque le nombre de candidatures est supérieur à quinze. Nous devons, là aussi, nous interroger sur la faisabilité d’une telle mesure. Cette décision interviendrait à la clôture du dépôt des listes, c’est-à-dire, si on prend l’exemple des prochaines élections municipales, quinze jours avant le premier tour. Cela poserait de sérieux problèmes logistiques à tous les candidats, qui, bien évidemment, auront déjà imprimé leurs affiches. Dès lors, chacun peut imaginer les conséquences pratiques avec des affiches trop grandes pour des formats de panneaux plus petits : un chevauchement bien peu propice à un climat serein entre les concurrents !

Outre ce manque de considération pour le travail de communication des candidats, qui leur demande souvent beaucoup d’énergie, on peut imaginer que cela permettrait en revanche de cacher certaines étiquettes ou soutiens gênants, en quelque sorte « cachez ce soutien que je ne saurais voir » ! Voilà une astuce bien pratique pour masquer des liens qui mettraient à mal les diverses déclarations d’indépendance !

Pour toutes ces raisons, je proposerai un amendement de suppression de l’alinéa 8 de l’article 1er.

En définitive, cette proposition de loi aux motivations nobles mais assez fragiles ne me semble pas totalement frappée du sceau du bon sens. Elle a toutefois le mérite de nous interroger collectivement sur les moyens de faire face à une croissance exponentielle de candidatures aux élections européennes, tout en déplorant par ailleurs la crise des vocations à quelques semaines des élections municipales.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laménie

–, je remercie l’auteur de la proposition de loi, Emmanuel Capus, qui a le mérite de poser des problématiques qui nous animent en tant qu’élu local. La plupart d’entre nous ont été maires, et il faut reconnaître que l’organisation de la propagande électorale est délicate avec la multiplication des listes. Les maires, souvent, subissent la situation.

Dans le village des Ardennes de 160 habitants dont j’étais maire, nous avions en tout et pour tout six panneaux métalliques, sur lesquels tenaient deux affiches, soit douze listes au maximum. Heureusement, deux des employés communaux, à temps partiel, possédaient des talents de menuisiers…

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laménie

Je remercie également sincèrement mes collègues membres de la commission des lois.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laménie

À côté des affiches, je n’oublie pas les circulaires, qui représentent aussi un gros problème et demandent toute une organisation pour les services de l’État. Cela réclame beaucoup de main-d’œuvre, notamment dans les préfectures. Malheureusement, on s’aperçoit que les retours aux expéditeurs sont nombreux, notamment à cause des adresses.

Personnellement, je reste attaché au papier – Pierre Ouzoulias connaît bien le sujet. Je dis cela, parce que certains textes ont eu pour objet la dématérialisation. Mais jusqu’à quel niveau ?

Aucun texte n’est parfait, mais, comme l’a dit Emmanuel Capus, trente-quatre listes aux élections européennes, cela a un coût. Aux élections régionales, les candidats sont parfois aussi très nombreux. Le cas peut se produire lors des élections législatives. Vous le voyez, toutes les catégories d’élections sont susceptibles d’être concernées. Pour les élections municipales, on ne pose pas d’affiches dans un village. En revanche, en ville, les panneaux sont nombreux, ce qui a évidemment un coût pour la collectivité. Or nous sommes responsables du bon usage de l’argent public. Il convient donc de faire des économies, tout en maintenant – nous y sommes tous très attachés – l’équité entre toutes les listes ou entre les candidats lors de la propagande électorale.

Je remercie de nouveau sincèrement Emmanuel Capus et les membres de la commission des lois. Restons toujours positifs !

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à M. Jean-Louis Lagourgue. (M. Emmanuel Capus applaudit.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Lagourgue

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons cet après-midi tend à tirer les leçons des élections européennes de mai 2019 pour mieux accompagner les maires dans l’installation des panneaux électoraux et la gestion des bulletins de vote. En effet, pour assurer l’égalité entre les candidats, les communes installent des panneaux électoraux pour l’ensemble des élections, sauf pour les élections sénatoriales, et doivent respecter, à cet égard, des règles très précises concernant la taille, l’ordre et l’emplacement de ces panneaux.

Lors des dernières élections européennes, il est apparu qu’un grand nombre de communes ont manqué de panneaux face à la multiplication des candidatures. En effet, trente-quatre listes de candidats se sont présentées, soit treize de plus qu’en 1999.

Les panneaux électoraux ne sont pas toujours utilisés par les candidats, alors qu’ils occupent une surface non négligeable de l’espace public. Certains candidats évitent d’imprimer des affiches, notamment parce qu’ils ne pensent pas atteindre le seuil de remboursement de leurs dépenses. Sur trente-quatre listes de candidats aux élections européennes de mai 2019, seule une quinzaine aurait apposé des affiches sur la plupart de leurs panneaux électoraux. C’est pourquoi cette proposition de loi déposée par notre collègue Emmanuel Capus vise à apporter des réponses pratiques à des problèmes constatés au sein de nos territoires.

Aussi, pour rationaliser l’utilisation des panneaux électoraux pour l’ensemble des scrutins, l’article 1er de la proposition de loi prévoit deux dispositifs.

Le premier vise à faciliter l’organisation du scrutin en renforçant la visibilité des communes. Il s’inspire du droit applicable aux élections municipales dans les communes de moins de 1 000 habitants. Désormais, les candidats devraient préciser dans leur déclaration de candidature s’ils souhaitent ou non utiliser des panneaux électoraux. Ces derniers seraient installés à la demande des candidats, et non plus de manière systématique. Le texte prévoit également des sanctions : si un candidat réserve des panneaux sans y apposer d’affiches, il devra rembourser à la commune « les frais d’établissement de ces emplacements », dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.

Le second dispositif tend à optimiser les conditions d’utilisation des panneaux d’affichage. Un décret en Conseil d’État fixerait le nombre et les dimensions des affiches que chaque candidat pourrait apposer sur des panneaux électoraux. Si plus de quinze candidats utilisent leurs emplacements, le nombre et la dimension des affiches seraient réduits de moitié.

Je me réjouis que, pour sécuriser le dispositif, la commission des lois ait adopté un amendement tendant à préserver les droits des candidats tout en cherchant à atteindre l’objet de la proposition de loi. Ainsi, les candidats disposeraient d’un « droit au remords » : ils pourraient solliciter l’installation de panneaux électoraux jusqu’au vendredi précédant le début de la campagne. Cette disposition constitue une souplesse pour les candidats qui modifient leur stratégie électorale en fonction de l’évolution des sondages ou des financements recueillis.

Par ailleurs, je partage la position de la commission, qui a supprimé les sanctions telles qu’elles étaient prévues par la proposition de loi initiale : elles étaient apparues disproportionnées pour les candidats de bonne foi et complexes à mettre en œuvre pour les maires.

Je suis également satisfait que la commission n’ait pas retenu les mesures visant à réduire de moitié le nombre et la dimension des affiches lorsque les panneaux électoraux sont utilisés par plus de quinze candidats. En effet, cela pouvait conduire à mettre au pilon de nombreuses affiches. S’agissant des élections municipales, seuls quatre jours séparent le dépôt des candidatures et le début de la campagne officielle du premier tour. Beaucoup de candidats sont donc contraints d’imprimer leurs affiches avant de connaître le nombre total de candidatures.

Enfin, je me félicite que la commission ait adopté un dispositif plus souple, consacrant la possibilité pour le maire d’adapter les dimensions des panneaux électoraux, à trois conditions : premièrement, que le nombre de panneaux à installer soit supérieur à quinze ; deuxièmement, que la commune ne dispose pas d’un nombre suffisant de panneaux ; troisièmement, que tous les candidats bénéficient d’une surface égale pour apposer leurs affiches.

Madame la ministre, mes chers collègues, toujours attentif aux préoccupations exprimées par les collectivités territoriales, le groupe Les Indépendants soutient pleinement l’objectif visé au travers de cette proposition de loi. L’ensemble de mon groupe votera donc en faveur de ce texte.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants. – MM. Marc Laménie et Alain Richard applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

Le code électoral est ainsi modifié :

1° A

1° L’article L. 51 est ainsi modifié :

aa)

a) Après le mot : « attribuée », la fin du deuxième alinéa est ainsi rédigée : « aux candidats, binômes de candidats ou listes de candidats ayant déclaré, sur l’honneur, au moment de leur déclaration de candidature, leur intention de procéder à l’apposition d’affiches électorales. Les candidats, binômes ou listes peuvent modifier leur décision jusqu’au vendredi précédant le début de la campagne électorale. » ;

b) Après le même deuxième alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« Un décret en Conseil d’État fixe le nombre et les dimensions des affiches que chaque candidat, chaque binôme de candidats ou chaque liste de candidats peut faire apposer sur les emplacements et panneaux d’affichage.

« Lorsque le nombre de candidats, de binômes de candidats ou de listes de candidats ayant déclaré leur intention de procéder à l’apposition d’affiches électorales est supérieur à quinze et que la commune ne dispose pas d’un nombre suffisant de panneaux électoraux, le maire peut réduire la dimension des emplacements, dans le respect du deuxième alinéa du présent article. » ;

1° bis

2° Le premier alinéa de l’article L. 165 est ainsi modifié :

a) Les mots : « le nombre et les dimensions des affiches que chaque candidat peut faire apposer sur les emplacements et panneaux d’affichage visés à l’article L. 51 ainsi que » sont supprimés ;

b) Les mots : « qu’il » sont remplacés par les mots : « que chaque candidat ».

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

L’amendement n° 5 n’est pas soutenu.

L’amendement n° 6 rectifié, présenté par M. Piednoir, Mme Deroche, M. Paccaud, Mmes Noël et de Cidrac, MM. Morisset et Bascher, Mmes Gruny et Dumas, MM. Chaize, Mouiller, Lefèvre et Saury, Mme Procaccia, MM. J.M. Boyer, Pellevat et Poniatowski, Mme Lassarade, M. Savin, Mme L. Darcos, MM. Longuet, Babary, Vaspart et Rapin, Mmes Imbert, Bories et A.M. Bertrand, M. Charon, Mme Lanfranchi Dorgal, MM. Bonne et Danesi, Mmes Micouleau et Garriaud-Maylam et MM. B. Fournier et Laménie, est ainsi libellé :

Alinéa 8

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Stéphane Piednoir.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Piednoir

Comme je l’ai déjà évoqué au cours de la discussion générale, cet amendement vise à supprimer l’alinéa 8 de l’article 1er, qui prévoit la réduction de la taille des panneaux disponibles pour les candidats lorsqu’un certain nombre de conditions sont réunies – cela a été rappelé à de nombreuses reprises –, notamment lorsque plus de quinze candidatures ont été enregistrées. Une telle disposition soulève plusieurs objections.

D’abord, elle est inapplicable sur le terrain, car les délais sont extrêmement courts. Si l’on prend l’exemple des élections municipales – elles vont se dérouler dans quelques semaines –, la date de clôture des déclarations de candidature a lieu trois jours avant le début de la campagne officielle, qui donne le signal de l’autorisation d’apposer les affiches électorales. Cela signifie que, dans ce laps de temps, les candidats ne peuvent pas changer la taille des affiches. Il faudra qu’on m’explique comment on fait pour ne pas changer la taille d’une affiche à partir du moment où on change la dimension d’un panneau ! J’ai un esprit assez cartésien, et je vois une certaine adéquation, voire une corrélation entre la taille d’une affiche et celle d’un panneau.

Ensuite, il n’est pas indiqué dans cette proposition de loi dans quelle mesure le maire pourrait réduire la dimension des panneaux.

On voit bien que cette disposition est en réalité d’ordre réglementaire, comme l’a d’ailleurs souligné Mme la ministre. Je ne suis pas sûr que l’on se rendre service en rigidifiant de cette façon la législation. Lorsqu’un certain nombre de difficultés apparaîtront, le Gouvernement sera capable de proposer des dispositifs adaptatifs pour faire face à un afflux de candidatures.

En conséquence, cette disposition ne me semble pas applicable concrètement. En outre, on sait prendre les mesures nécessaires lorsque le besoin s’en fait sentir.

Debut de section - PermalienPhoto de François Bonhomme

Je voudrais d’abord remercier notre collègue Stéphane Piednoir, qui a soulevé ce débat concernant la taille des panneaux électoraux.

Je l’ai dit, initialement, la proposition de loi tendait à réduire de moitié la taille de toutes les affiches lorsque les panneaux sont utilisés par plus de quinze candidats. Or cela soulevait des difficultés pratiques, car la plupart des affiches sont imprimées avant le délai limite pour le dépôt des candidatures. Le risque était donc d’envoyer au pilon un grand nombre d’affiches.

Dans un souci de compromis, la commission a proposé un dispositif beaucoup plus souple, qui consacre la possibilité pour le maire d’adapter les dimensions des panneaux électoraux. Une telle faculté serait réservée aux hypothèses où la commune ne dispose pas de suffisamment de panneaux. Elle présenterait le mérite de permettre aux maires de répondre à des problèmes concrets, tout en respectant le droit des candidats. Ce dispositif s’inscrit dans la même logique que la faculté qui est reconnue aux instructions ministérielles dont parlait Mme la ministre de scinder les panneaux électoraux en deux parties.

Mon cher collègue, je préfère en rester au compromis trouvé par la commission, qui me semble conserver les deux principes, à savoir le respect de l’égalité des droits des candidats et le maintien, pour le maire, de la faculté de juger. Je comprends l’esprit de votre proposition ; j’émets néanmoins un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Ladislas Poniatowski

Une demande de retrait aurait été plus élégante !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Le Gouvernement est évidemment favorable à cet amendement, puisque, lors des travaux en commission, il avait déjà émis un avis réservé sur les dispositions de l’alinéa 8 de l’article 1er.

Cet alinéa ne précise pas dans quelle mesure le maire peut réduire la dimension des panneaux. En l’état du texte, un maire pourrait choisir, en fonction du nombre de candidats, une dimension pour les panneaux qui soit inférieure à la taille des affiches, fixée, elle, par décret. Les candidats pourraient ainsi se retrouver avec des affiches inadaptées aux panneaux mis en place, ce qui porterait atteinte à leur liberté d’expression.

En outre, la possibilité laissée au maire de diminuer la dimension des panneaux d’affichage dans la limite de la taille des affiches fixée par l’article R. 39 du code électoral est une solution qui est déjà proposée au maire en cas de candidatures pléthoriques, sans qu’il soit nécessaire de légiférer.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

M. Alain Richard. Je suis évidemment très contrarié de manifester une petite différence avec le Gouvernement.

Exclamations amusées sur diverses travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Chacun connaît mon amitié pour ses membres. Néanmoins, je crois que l’opposition que manifeste avec insistance Mme la ministre à cette proposition de loi paraît surmontable.

On sait tous que les affiches font 60 x 80 centimètres – on en a tous collé !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Cher collègue Piednoir, les panneaux ont des dimensions beaucoup plus grandes que les affiches. Il est donc tout à fait possible – les maires savent le faire – de diviser les panneaux de manière qu’il reste au moins 60 centimètres de large ou, comme me le faisait remarquer très justement Jean-Marc Gabouty, qui connaît le mieux la situation, 80 centimètres pour que l’affiche puisse être posée à l’italienne. La réduction des panneaux jusqu’à cette taille n’empêche donc pas d’apposer les affiches.

Pour entrer dans le détail, on devrait améliorer légèrement la rédaction du texte, en prévoyant que les maires ne peuvent restreindre les panneaux quand ils les divisent que dans les limites prévues par voie réglementaire, c’est-à-dire par le fameux décret. Simplement, les maires sont tout à fait capables de se rappeler que le minimum est de 80 centimètres et qu’ils ne peuvent réduire les panneaux au-delà. Cela n’empêche pas d’écarter l’amendement.

M. Emmanuel Capus applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

M. Jean-Marc Gabouty. La disposition telle qu’elle figure dans le texte me paraît inopérante. En effet, le problème, pour les maires, c’est le manque de panneaux. Or ce n’est pas en coupant des bouts de panneaux et en réutilisant tous les rebuts qu’ils pourront en fabriquer un nouveau !

Exclamations amusées sur de nombreuses travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

Que font les maires en général ? Ils les coupent en deux !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

Cela étant, la plupart de ceux qui se présentent aux élections municipales doivent savoir que les listes sont pratiquement toujours complètes et que les photos sont déjà faites avant l’ouverture de la campagne électorale. La décision d’un maire se heurte donc au fait que la communication des affiches a été faite bien en amont, souvent avec une photo au format « paysage » – il est plus facile de présenter une équipe de candidats en largeur qu’en hauteur.

Autre difficulté : l’affiche sert aujourd’hui à identifier les candidats, à les valoriser. Ce n’est plus un programme à lire comme c’était le cas voilà un peu plus d’un siècle.

Certes, des réductions concernant le nombre de panneaux ont déjà eu lieu. Autrefois, il fallait un nombre précis de panneaux par nombre d’habitants, notamment dans les communes rurales. Aujourd’hui, cela n’est imposé qu’à proximité des bureaux de vote.

On pourrait à l’avenir penser à réduire les panneaux en superficie pour y loger juste ce qui est nécessaire et rien d’autre. Je le rappelle, la loi prévoit que l’on peut apposer deux affiches identiques par panneau. Ce n’est pas forcément justifié. Revoir cette mesure pourrait faire partie d’un toilettage, madame la ministre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

On pourrait aussi apposer des affichettes de réunions.

Une réflexion d’ensemble doit être menée sur ces problématiques.

J’aurais préféré conserver la formule initiale, c’est-à-dire sanctionner ceux qui n’utilisent pas les emplacements qu’ils ont réservés, afin de les inciter à plus de responsabilité. Laisser cette appréciation au maire, c’est faire peser sur lui, en définitive, le poids de certaines décisions difficiles. Il faut aussi réfléchir à cet aspect des choses.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à M. Stéphane Piednoir, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Piednoir

J’ai entendu le rapporteur, et j’ai bien compris que nous avions un certain nombre de convergences, d’où ce petit avis défavorable de la commission, qui rejoint la plupart des arguments que j’ai exposés.

Je me satisfais, comme mon collègue Collombat, de rejoindre le Gouvernement sur ce point particulier.

Les propos que vous venez de tenir à l’instant, monsieur Richard, vont tout à fait dans le sens de Mme la ministre : c’est d’ordre réglementaire. Il suffit que le Gouvernement rédige, à quelques jours de l’ouverture de la campagne officielle, une circulaire pour indiquer aux maires ce qu’ils doivent faire ; de temps en temps, ils aiment bien savoir ce qu’ils ont à faire dans le cadre de ces campagnes qui relèvent de l’autorité du Gouvernement.

Puisque nous sommes à peu près tous d’accord, je vous enjoins à voter tous ensemble cet amendement de suppression.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à M. Emmanuel Capus, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Emmanuel Capus

M. Emmanuel Capus, rapporteur. Je pensais que Stéphane Piednoir allait retirer son amendement…

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Emmanuel Capus

J’entends son inquiétude principale : que l’on mette au pilon des affiches ayant été imprimées en amont dont la taille ne conviendrait plus. C’est la raison pour laquelle la commission a recalé ma proposition et préféré, non pas imposer la réduction de la taille des affiches, mais laisser la possibilité aux maires de réduire la taille des panneaux.

Comme l’a très bien rappelé le rapporteur ainsi que notre collègue Richard, il ne s’agit en aucun cas de réduire la taille des affiches. Les panneaux sont beaucoup plus grands que les affiches ; d’ailleurs, aujourd’hui, on peut souvent apposer deux affiches sur le même panneau. Mon collègue angevin Stéphane Piednoir, qui est agrégé de mathématiques, sait donc parfaitement qu’un panneau peut contenir plusieurs affiches : aucun empiétement n’est possible, pas plus que la réduction de la taille des affiches. Faisons confiance aux maires pour réduire la taille des panneaux à leur plus juste proportion, c’est-à-dire au minimum à la taille de l’affiche réglementaire – ni plus ni moins.

Il me semble que la commission a fait preuve de sagesse. C’est la raison pour laquelle je soutiens vivement sa version et je m’oppose à l’amendement de mon excellent collègue angevin.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

M. Pierre-Yves Collombat. Si j’avais encore quelques doutes, le débat qui vient d’avoir lieu me montre que, moins on en mettra dans ce texte, mieux ce sera !

Sourires.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

L ’ article 1 er est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

L’amendement n° 7 rectifié ter, présenté par M. Paccaud, Mme A.M. Bertrand, M. J.M. Boyer, Mme Bruguière, MM. Capus et Cardoux, Mme Chain-Larché, M. Chaize, Mme L. Darcos, M. Charon, Mmes Deroche et Deromedi, M. Dufaut, Mmes Eustache-Brinio et Garriaud-Maylam, M. Grosdidier, Mme Gruny, M. Houpert, Mme Imbert, MM. Joyandet et Kennel, Mmes Lamure et Lassarade, MM. D. Laurent, Lefèvre et Longuet, Mmes Lopez et Noël, MM. Pellevat, Pemezec, Piednoir et Poniatowski, Mme Raimond-Pavero, MM. Rapin, Saury et Savin, Mme Thomas et M. Vaspart, est ainsi libellé :

Après l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article L. 52-3 du code électoral, il est inséré un article L. 52-… ainsi rédigé :

« Art. L. 52-…. – La mention et la présence d’une autre personne que la candidate ou le candidat et sa suppléante ou son suppléant sur les affiches électorales et les bulletins de vote sont interdites. »

La parole est à M. Olivier Paccaud.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Paccaud

Nous avons beaucoup parlé des panneaux, de leur taille, des affiches. Moi, je veux vous parler du contenu de l’affiche.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Paccaud

Lors des dernières élections législatives, les candidats de la majorité présidentielle se sont tous affichés sur les panneaux électoraux avec le chef de l’État, dès lors candidat dans les 577 circonscriptions. Or on n’est pas député par procuration. On est élu sur son nom pour représenter les citoyens d’un territoire.

Malgré la courte période entre l’élection présidentielle et les élections législatives, la responsabilité politique n’est pas la même. Le Président de la République est le Président de tous les Français, pas le député de tous les Français. L’exécutif ne peut pas se substituer au législatif, ni l’inverse. C’est la sacro-sainte séparation des pouvoirs régulièrement invoquée.

Il s’agit insensiblement, mais bien visiblement, d’une dérive de nos principes constitutionnels. Raymond Aron parlait d’« empire parlementaire » pour qualifier la Ve République. Elle est de plus en plus monarchique, de moins en moins républicaine.

Par ailleurs, d’autres candidats choisissent de faire figurer sur leur affiche le leader de leur mouvement. Cette identification à une personnalité nationale, qui n’est pas elle-même éligible sur le territoire concerné, entraîne une forme de confusion, de dépersonnalisation ou, pis, d’anonymisation des candidatures.

Afin d’assurer une meilleure lisibilité politique, je propose que ne puissent figurer et être mentionnés sur les affiches et les bulletins de vote que les noms et les photographies des candidats et des suppléants à l’élection visée.

Debut de section - PermalienPhoto de François Bonhomme

Notre collègue Olivier Paccaud rouvre un débat qui a déjà eu lieu, notamment lors de l’examen de la loi Richard visant à clarifier diverses dispositions du droit électoral.

Le premier objectif est satisfait, car, à compter du 30 juin prochain, le candidat ne pourra plus faire figurer le nom d’autres personnes sur son bulletin de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de François Bonhomme

Il est important de le spécifier : plus aucune confusion ne sera possible au moment où l’électeur introduira son bulletin de vote dans l’enveloppe.

Le second objectif fait davantage débat : faut-il interdire ou non d’apposer la photographie d’une autre personne ou de mentionner son nom sur les affiches électorales, comme c’est régulièrement le cas ?

(Sourires.) Je pense à un cas bien connu des spécialistes. Dans les années 1960, le candidat Lepourry avait indiqué sur son affiche : « Voter Lepourry, c’est voter de Gaulle ! »

Rires.

Debut de section - PermalienPhoto de François Bonhomme

On ne s’inspire pas suffisamment de l’exemple de La Manche, qui est pourtant très éclairant, monsieur le président de la commission des lois. §Vous voyez le genre de confusion que cela peut introduire…

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Et il a été élu !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de François Bonhomme

Dernièrement, le Président de la République figurait sur les affiches de son parti à la veille des élections européennes. Cela a en effet soulevé une difficulté. Je comprends donc parfaitement la logique du présent amendement. Toutefois, et c’est ce qu’il faut retenir, les affiches tout comme les professions de foi demeurent un espace de libre expression, contrairement aux bulletins de vote. D’ailleurs, certains candidats se montrent sur leurs affiches photographiés avec des habitants.

Debut de section - PermalienPhoto de François Bonhomme

Interdire cette pratique me semble donc difficile. J’espère que ce sera la position de la majorité d’entre vous, mes chers collègues. En attendant, je ne peux qu’inviter notre collègue à retirer son amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Comme l’a rappelé à l’instant le rapporteur, pour les bulletins de vote, cet amendement est satisfait par l’article 10 de loi du 2 décembre 2019 visant à clarifier diverses dispositions du droit électoral et qui entrera en vigueur le 30 juin prochain.

Si une telle interdiction est justifiée pour les bulletins de vote, afin de ne pas induire en erreur l’électeur quant à la personne pour laquelle il vote, elle l’est beaucoup moins pour les affiches. Vous avez rappelé ce qui s’est produit lors des dernières élections législatives, monsieur le sénateur ; je vous invite à vous référer aux élections législatives de 2008. §Je suis taquine…

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Bascher

M. Jérôme Bascher. En 2008, c’était rapide…

Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Au fond, comme vient de le dire le rapporteur, c’est un espace de liberté d’expression. Il semble donc légitime de laisser au candidat la liberté d’afficher ses soutiens pendant la campagne électorale.

J’irai même plus loin : j’en connais qui, au moment des élections législatives, ne montrent pas du tout leur tête et affichent celle…

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à M. Jérôme Bascher, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Bascher

Par mégarde, je n’ai pas cosigné cet amendement, mais je vais évidemment le voter !

Il n’est pas juste de parler de liberté d’expression s’agissant des affiches électorales.

D’abord, elles sont encadrées par la loi, comme nous venons d’en débattre lors de l’examen de l’article 1er. Il serait faux d’arguer de cela pour interdire l’amendement de notre collègue Olivier Paccaud.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Bascher

Ensuite, l’affiche doit représenter l’élection dont il s’agit.

Madame la ministre, votre langue a fourché, car les élections législatives en 2008 ont été très rares ! Quelques partielles peut-être…

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Bascher

Mais la question n’est pas là. Vous l’aurez compris, c’était une plaisanterie, madame la ministre, même s’il est bon, parfois, de rappeler les choses.

En revanche, ce qui n’est pas une plaisanterie, c’est que certains candidats strictement inconnus sur le territoire sont élus par hasard, par la volonté d’un chef de parti ou d’un Président de la République. Ils sont élus… démocratiquement

Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Bascher

Nous, nous voulons que nos concitoyens sachent pour qui ils votent. C’est extrêmement important. On a bien compris avec la circulaire Castaner que le Gouvernement favorisait parfois la confusion. Heureusement, tout cela a été repris, et bien repris, suivant la vieille tradition de la République.

Moi, je voudrais que, selon la vieille tradition de la République, on en revienne à des candidats de terrain, à ceux qui sont réellement élus sur leurs opinions « clairement affichées » – c’est la bonne expression.

Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à M. Olivier Paccaud, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Paccaud

J’indique tout de suite que je ne retirerai pas cet amendement.

L’argument de la liberté d’expression s’agissant de l’affichage est totalement faux : l’affichage fait l’objet de règles très précises, concernant, par exemple, la combinaison des couleurs. Le bleu-blanc-rouge n’est pas utilisable, en vertu de l’article R. 27 du code électoral. Dans un avis de 2015, le Conseil d’État précise qu’il ne faut pas combiner ces trois couleurs, pour ne pas conférer au document un aspect institutionnel. Si le Président de la République n’a pas une dimension institutionnelle, le mot « hypocrisie » n’a plus de sens !

Soyons cohérents ! Le bleu-blanc-rouge est interdit sur les affiches depuis des décennies : comment permettre d’y représenter le Président de la République ?

De plus, mon collègue et ami Jérôme Bascher a évoqué l’élection de candidats « hors-sol », grâce au soutien remarquable d’un non-candidat qui partage leurs idées. C’est un fait ; mais est-ce une bonne chose pour la démocratie elle-même ? Très sincèrement, je ne le pense pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à M. Laurent Duplomb, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Duplomb

Je voterai cet amendement pour plusieurs raisons.

Premièrement, quand d’autres personnes que les candidats figurent sur les affiches, il y a tromperie sur la marchandise, tout simplement !

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Férat

Mme Françoise Férat. On peut le dire comme ça !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Duplomb

Deuxièmement, ce procédé est totalement irrespectueux de l’électeur.

Par exemple, sur les affiches des législatives, on a vu le candidat titulaire sans son suppléant, et avec une autre personne. On l’a peut-être vu d’autres fois auparavant…

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Duplomb

Il y avait bien tromperie sur la marchandise – on ne vote pas aux législatives pour un candidat élu à la présidentielle – et irrespect envers l’électeur : quand on vote pour le titulaire, on vote aussi pour le suppléant, car, si le titulaire décède, c’est le suppléant qui le remplace. Par définition, il devrait être obligatoire que les deux personnes représentées sur l’affiche soient le titulaire et le suppléant.

Je voterai cet amendement de bon sens : il y va de la légitimité des élections et du respect pour les électeurs !

Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

Tous les raisonnements développés sur ce sujet ne sont peut-être pas totalement de bonne foi…

Tout d’abord, le phénomène n’est pas nouveau : j’ai été candidat aux législatives en 2012, contre une candidate qui faisait figurer le Président de la République sur son affiche.

Au fond, à quoi revient la faute ? À l’inversion du calendrier électoral, tout simplement !

Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

Les élections législatives sont devenues un scrutin subsidiaire de l’élection présidentielle. Il faut quand même le dire !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

Cela étant, je ne suis pas choqué que l’on fasse référence à un chef de file national, lors des élections législatives, ou local, lors des élections régionales ou départementales : un candidat aux cantonales peut tout à fait figurer sur l’affiche avec son binôme et le président du conseil départemental. C’est l’évolution progressive des législatives, depuis l’inversion du calendrier électoral.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Paccaud

Pour la profession de foi, d’accord, mais pas pour l’affiche !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

La profession de foi et l’affiche sont deux moyens de communication : l’un est envoyé à domicile, l’autre est dans l’espace public.

Je veux bien que l’on tente d’anonymiser…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

M. Jean-Marc Gabouty. Si ! C’est un marqueur politique…

M. Olivier Paccaud s ’ exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

Refuser la référence à un chef de file départemental, régional ou national, cela revient à rechercher une forme de neutralisation. Quand un ministre a voulu le faire pour des listes, qui sont forcément diverses, il a été très critiqué… J’ai cru comprendre que vous n’étiez pas l’inspirateur de cette mesure. En tout cas, cette démarche me semble un peu contradictoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Ladislas Poniatowski

Moi, je voterai cet amendement, car son auteur est excellent !

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Chers collègues, moi aussi je suis contre l’hypocrisie. Mais alors, allons jusqu’au bout ! Notre collègue Gabouty vient de le dire : l’origine du problème, ce ne sont pas les affiches, c’est l’inversion du calendrier électoral.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Actuellement, les élections législatives suivent l’élection du Président de la République. Le Président de la République est devenu le chef de la majorité parlementaire à l’Assemblée nationale. Il est donc le chef de tout !

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Piednoir

Ce n’est pas l’objet de cette proposition de loi !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Il n’y a plus de séparation des pouvoirs : ça vous a peut-être échappé ?

Pour notre part, nous allons déposer une proposition de loi tendant à inverser de nouveau le calendrier électoral, et je suis sûr que vous allez la voter !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Il faut tenir compte d’une réalité, qu’on l’apprécie ou non : lors des élections législatives et, de plus en plus, lors d’autres scrutins, comme les élections cantonales, il s’agit d’apporter son soutien à un exécutif, qui a été ou va être mis en place.

On invoque la loyauté de la campagne électorale et du scrutin : pour l’électeur, il ne me paraît pas négligeable de savoir que tel candidat entend soutenir un Président de la République, …

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

… ou un potentiel président de conseil départemental.

Cela peut nous plaire ou nous déplaire ; ce système a peut-être atteint une forme d’hystérisation…

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Ce débat mérite d’avoir lieu, car c’est un débat de fond. Il me paraît intéressant d’aborder de telles questions…

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

… à l’occasion d’un texte portant sur le format ou la composition des affiches électorales. Mais nous n’allons pas les résoudre en décidant de permettre, ou non, d’apposer sur l’affiche électorale la photographie d’une personnalité ou d’un leader auquel on veut apporter son soutien.

Ceux qui, parmi nous, défendent cette interdiction ont certainement de bonnes intentions. Mais, malgré la sympathie que j’éprouve pour leur inspiration, j’en suis également convaincu : il y va de la loyauté des élections démocratiques. Or la bonne information des électeurs, permettant de faciliter leur choix, repose en partie sur cette question : le candidat aux élections législatives soutient-il ou non le Président de la République élu ? Et quoi de mieux, dans une démocratie incarnée, que de permettre d’utiliser sa photographie ?

Je signale que tous les partis politiques de France ont, tour à tour, utilisé cette faculté après l’élection de leur candidat à la présidence de la République.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Chers collègues, vous pouvez considérer que, dès lors que votre candidat n’est pas élu, il faut immédiatement mettre un terme à cette pratique. Mais, pour ceux qui ont vocation à exercer des responsabilités au gouvernement, …

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Alors, certains ont vocation à gouverner, et d’autres non ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

… la clarté envers les électeurs suppose de maintenir ce type d’information sur les affiches électorales.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Au premier alinéa de l’article 10 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l’élection des représentants au Parlement européen, le mot : « quatrième » est remplacé par le mot : « cinquième ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

Les délais auxquels cet article renvoie doivent être compris de manière globale. À ce sujet, j’insiste à mon tour sur les inquiétudes que peut inspirer la concomitance des élections régionales et départementales : les difficultés d’aujourd’hui ne sont pas exactement celles d’hier.

Madame la ministre, pour ce qui concerne ces délais, il faut prendre en compte le dépôt des listes, la possibilité de fusion des listes pour les élections régionales et, éventuellement, la rédaction d’une nouvelle profession de foi. Or, pour la réalisation des documents, il faut bien avoir conscience que les imprimeurs ne sont pas forcément les mêmes pour les élections départementales et régionales : ceux qui se chargent des premières n’ont pas toujours les capacités matérielles de couvrir les secondes – c’est tout simplement une question de volume. De fait, on peut aboutir à des répartitions territoriales différentes selon les élections.

À mon sens, les élections régionales sont celles qui posent le plus de problèmes : elles exigent des moyens relativement importants, compte tenu du nombre d’électeurs et de délais excessivement courts. Une organisation par territoire peut faciliter les choses, mais elle ne répond pas tout à fait à la logique assez libérale que suit l’État en matière d’imprimés électoraux. On aurait tout intérêt à organiser les élections régionales de sorte que les bulletins soient imprimés dans chaque région, lorsque c’est matériellement possible. Ainsi, on conserverait la proximité et on limiterait l’impact écologique.

À cet égard, on stigmatise à tort le papier, qui est recyclable six fois. Le problème, c’est de devoir transporter des imprimés électoraux d’un bout à l’autre de la France : nombre de documents sont imprimés dans le sud, expédiés de nuit dans le nord pour être mis sous enveloppe, puis, la nuit suivante, réexpédiés dans un centre de tri du sud de la France pour être distribués. L’empreinte carbone n’est pas dans la réalisation des documents ; elle est dans le transport !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

Une nouvelle organisation est possible à l’échelle des imprimeurs ; en revanche, la question est plus délicate pour ce qui concerne la mise sous enveloppe et la distribution. Ces sujets mériteraient une réflexion en amont.

L ’ article 1 er bis est adopté.

(Supprimé)

I. – Le code électoral est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa du I de l’article L. 388, la référence : « n° 2019-1269 du 2 décembre 2019 visant à clarifier diverses dispositions du droit électoral » est remplacée par la référence : « n° … du … relative à la simplification et à la modernisation de la propagande électorale » ;

2° À l’article L. 395, la référence : « n° 2018-1202 du 22 décembre 2018 relative à la lutte contre la manipulation de l’information » est remplacée par la référence : « n° … du … relative à la simplification et à la modernisation de la propagande électorale ».

II. – Au premier alinéa de l’article 26 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l’élection des représentants au Parlement européen, la référence : « n° 2018-509 du 25 juin 2018 relative à l’élection des représentants au Parlement européen » est remplacée par la référence : « n° … du … relative à la simplification et à la modernisation de la propagande électorale ».

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

L’amendement n° 8, présenté par M. Bonhomme, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Remplacer les mots :

n° 2018-509 du 25 juin 2018 relative à l’élection des représentants au Parlement européen

par les mots :

n° 2019-1269 du 2 décembre 2019 visant à clarifier diverses dispositions du droit électoral

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de François Bonhomme

Il s’agit là d’un simple amendement de coordination avec la loi Richard du 2 décembre 2019 visant à clarifier diverses dispositions du droit électoral.

L ’ amendement est adopté.

L ’ article 3 est adopté.

La présente loi entre en vigueur au 1er septembre 2020. –

Adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Personne ne demande la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi.

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de François Bonhomme

Madame la ministre, dans mon propos liminaire, j’ai appelé votre attention sur la concomitance des élections départementales et régionales, en particulier sur le second tour. Il faut anticiper l’ensemble des événements qui vont se produire : dépôt des candidatures le mardi soir, réunion des commissions de propagande le mercredi, puis envois le jeudi et le vendredi.

On risque bel et bien de se heurter à un problème d’organisation tout à fait inédit, susceptible de parasiter fortement les élections et, donc, de créer des polémiques défavorables au Gouvernement. Les professionnels du secteur nous ont fait part de ces difficultés. Or, à ce jour, on ignore encore quels moyens le Gouvernement entend mettre en œuvre pour éviter cet écueil.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Monsieur le rapporteur, n’étant pas ministre de l’intérieur – cela ne vous aura pas échappé –, je ne suis pas responsable des élections. Toutefois, j’ai bien entendu votre interrogation, que je vais transmettre à M. Castaner : évidemment, il vous apportera une réponse.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La durée de la suspension sera bien entendu décomptée des quatre heures attribuées au groupe Les Indépendants – République et Territoires pour son espace réservé.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à seize heures trente, est reprise à seize heures trente-cinq.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe Les Indépendants – République et Territoires, sur le thème : « Le foncier agricole : les outils de régulations sont-ils toujours pertinents ? »

Nous allons procéder au débat sous la forme d’une série de questions-réponses dont les modalités ont été fixées par la conférence des présidents.

Je rappelle que l’auteur de la demande dispose d’un temps de parole de huit minutes, puis le Gouvernement répond pour une durée équivalente.

À l’issue du débat, l’auteur de la demande dispose d’un droit de conclusion pour une durée de cinq minutes.

Dans le débat, la parole est à M. Franck Menonville, pour le groupe auteur de la demande.

Applaudissements sur les travées des groupes Les Indépendants et UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Menonville

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à titre liminaire, je souhaite remercier notre collègue Alain Fouché, qui est à l’origine de ce débat.

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Menonville

Je me réjouis que notre assemblée se saisisse de cette thématique et mène une réflexion sur la pertinence des outils de régulation du foncier agricole.

Dans un ouvrage intitulé Utopie foncière, Edgard Pisani écrivait : « J’ai longtemps cru que le problème foncier était de nature juridique, technique, économique et qu’une bonne dose d’ingéniosité suffirait à le résoudre. J’ai lentement découvert qu’il était le problème politique le plus significatif qui soit parce que nos définitions et nos pratiques foncières fondent tout à la fois notre civilisation et notre système de pouvoir, façonnent nos comportements. »

La politique foncière agricole s’est construite en France après la Seconde Guerre mondiale afin de permettre à notre pays d’atteindre l’autonomie alimentaire. Elle a permis d’encourager l’investissement et d’accroître la productivité. Elle a été renforcée dès la fin des années 1950 par la création de la PAC.

La première véritable politique des structures agricoles est née de la nécessité d’entamer un processus de modernisation de notre agriculture. Elle s’est fondée non seulement sur une politique de marché et de renforcement des filières, mais aussi sur un changement profond des structures d’exploitation agricole.

Les lois d’orientation de 1960 et 1962 ont offert un ensemble cohérent de textes visant à infléchir et à encadrer l’évolution des exploitations, changeant ainsi profondément le paysage agricole et rural français. Ces deux lois ont constitué une étape absolument décisive dans le processus de modernisation de notre agriculture. Elles ont notamment permis la création des Safer (sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural), en leur octroyant un droit de préemption. Elles ont aussi promu les structures d’exploitation familiale et établi la parité de revenus entre l’agriculture et les autres activités économiques.

Ces transformations supposaient une politique d’aménagement foncier adaptée et des transferts de terres très importants. L’État s’est alors doté d’outils de maîtrise de cette politique foncière.

Il s’agissait d’abord de mettre en valeur le droit d’usage au même titre que le droit de propriété. À cette fin, la loi d’orientation de 1960 s’est appuyée sur le statut du fermage, datant de 1946, en le consolidant et en élargissant notamment les possibilités de modernisation de l’exploitation. Ce statut a encore été complété dans les années 1970, pour conforter la stabilité et la liberté d’investissement des fermiers.

Aujourd’hui, malgré leur consolidation, ces outils de régulation du foncier sont fortement fragilisés par l’évolution de la structuration de notre agriculture, notamment par la progression de diverses formes sociétaires. En effet, les enjeux actuels de la régulation foncière sont multiples. Bien entendu, je ne peux que les évoquer rapidement, tout en gardant à l’esprit leur complexité.

Les exploitations sont moins nombreuses et leur taille est de plus en plus souvent capitalistique. Leurs montants complexifient leur transmission et aggravent les difficultés de l’accession au foncier, laquelle est pourtant essentielle, notamment pour les jeunes agriculteurs. Le développement de l’évolution de la structuration en société rend, dans un certain nombre de cas, les outils de régulation du foncier inopérants. On vend et on achète de plus en plus de parts de société, mais de moins en moins de foncier classique. Force est de constater que ce phénomène est encore plus important dans la filière viticole.

Les exploitations agricoles sont donc portées, le plus souvent, sous des formes sociétaires, comme les GAEC, les EARL, les SCEA ou les SA, complétées par d’autres dispositifs sociétaires concernant plus spécifiquement le foncier et l’immobilier, tels que les GFA et les SCI, entre autres structures.

Ces évolutions ne sont pas négligeables. D’une part, les Safer et, plus largement, la politique des structures sont limitées quant à leur possibilité d’orientation. D’autre part, ces transformations ouvrent la voie à une financiarisation croissante du foncier et à des acquisitions extérieures non contrôlées et non régulées. Elles peuvent entraîner des concentrations foncières très importantes, fragilisant ainsi le tissu agricole et viticole.

S’y ajoute un autre phénomène : le mode classique de faire-valoir indirect, qui permet notamment aux propriétaires bailleurs de louer en fermage leurs terres à des fermiers exploitants, est concurrencé par le travail à façon. Les exploitants font ainsi réaliser leurs travaux agricoles par une entreprise. Cette délégation représente aujourd’hui 12 % des exploitations dites « de grandes cultures ». Cela doit nous inviter à réfléchir à la redéfinition du statut de l’exploitant agricole, réflexion sans doute à relier à la négociation de la nouvelle PAC.

Je souhaiterais développer beaucoup d’autres enjeux, mais, faute de temps, je ne pourrai que les citer. Je pense à l’artificialisation des sols ; au changement climatique et à la gestion de la ressource en eau ; ou encore à d’autres conflits d’usage, en lien avec les énergies renouvelables et les compensations forestières et écologiques, qui sont d’autres sources de pression sur le foncier agricole.

D’autres acteurs interagissent dans l’aménagement foncier. Ainsi, les collectivités territoriales jouent un rôle essentiel dans l’aménagement du territoire, en partenariat avec les EPF (établissements publics fonciers) et les Safer.

Les notaires concourent eux aussi à la transparence du marché. Le notariat français a d’ailleurs consacré son congrès de 2018 au foncier agricole, proposant notamment de fixer de nouveaux objectifs afin d’être en ligne avec les besoins de demain.

Un ajustement législatif nous semble une nécessité incontournable. Il permettrait à nos outils de régulation d’être modernisés et, ainsi, de garder toute leur efficacité.

Notre politique foncière, depuis près de soixante ans, a permis de bâtir une agriculture moderne performante, diversifiée et présente sur l’ensemble du territoire, avec comme fil conducteur l’autonomie et la souveraineté agricole et alimentaire de notre pays.

Mes chers collègues, vous l’avez compris, il y a urgence à se préoccuper de cette question. C’est la raison pour laquelle les élus du groupe Les Indépendants ont souhaité l’inscrire à l’ordre du jour du Sénat. Faisons le vœu que ce débat nous permette d’abord d’évaluer la pertinence des outils de régulation et, ensuite, de trouver les solutions pour les améliorer et les adapter aux réalités d’aujourd’hui.

Il faut limiter les excès tout en laissant à la liberté d’entreprendre toute sa place et sa créativité.

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Menonville

M. Franck Menonville. C’est aussi l’une des qualités de la France et de son expression dans le monde. Ainsi, une ligne de crête est à trouver, et notre système doit être adapté. Mais comme le disait Edgard Pisani : « Cessons de toujours mettre en avant les difficultés à faire les choses et prenons plutôt en compte, avant tout, la nécessité de les faire ! »

Applaudissements sur des travées des groupes RDSE, UC et Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à remercier le groupe Les Indépendants d’avoir inscrit ce sujet à l’ordre du jour. Les outils de régulation du foncier agricole sont en effet un enjeu très important.

La terre agricole n’est pas un bien marchand comme les autres. Vous le savez tout particulièrement, monsieur le sénateur Menonville. J’ai récemment décoré Emmanuel Hyest, président de la Fédération nationale des Safer. À cette occasion, il a évoqué votre long engagement à ses côtés comme secrétaire général. Vous connaissez parfaitement la question dont il s’agit, et je vous remercie d’avoir travaillé sur ce sujet.

Merci également d’avoir cité à deux reprises Edgard Pisani ; il restera sûrement comme le plus grand ministre de l’agriculture que notre pays ait connu.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Il a été le premier à travailler longuement sur le sujet du foncier.

Vous le savez, le Gouvernement s’est saisi de cette question à deux niveaux. Tout d’abord, le foncier est l’un des points clés de l’agenda rural : on ne peut pas parler d’agenda rural sans évoquer ce sujet. Ensuite, nous travaillons au projet de loi foncière annoncé l’année dernière par le Président de la République, lors de l’ouverture du salon international de l’agriculture.

Le foncier agricole est, tout simplement, un préalable à notre souveraineté alimentaire, parce que tout démarre par le sol, outil de production de nos agriculteurs – ce n’est pas rien ! La responsabilité qui nous incombe, après nos prédécesseurs, est donc de garantir une régulation efficace de l’accès à ce foncier agricole. La défense de nos modèles dépend de l’efficacité de cette régulation.

C’est dire si la question mise en débat cet après-midi est importante. Elle est également très complexe, d’autant que les uns et les autres ont des avis assez partagés.

J’entends ceux qui insistent sur la nécessité de réformer ces outils et critiquent leur manque d’efficacité. Pour autant, je commencerai par souligner que ces outils de régulation nous sont absolument indispensables.

Alors que nous sommes confrontés à des enjeux forts en matière de foncier agricole – j’y reviendrai –, la France s’est dotée d’un arsenal complet de régulation, que, d’ailleurs, d’autres pays examinent au moment où nous-mêmes voulons aller plus loin ; c’est même le cas de nos plus proches voisins, comme l’Allemagne et la République tchèque, deux pays agricoles importants.

Dans les années 1950, cet arsenal s’est construit autour du statut du fermage, dont vous avez eu raison de souligner qu’il est d’ordre public : il limite la liberté contractuelle du propriétaire et de l’exploitant fermier en vue d’assurer la stabilité des structures foncières des exploitations agricoles en location et de garantir au fermier le bénéfice de ses gains de productivité par la limitation des loyers. Acquis fondamental, le statut du fermage a garanti l’équilibre des relations bailleurs-preneurs.

Dans les années 1960, l’instauration du contrôle des structures et la création des Safer ont répondu aux enjeux de renouvellement des générations et de consolidation d’exploitations viables dans les territoires. Comme vous le savez toutes et tous, les Safer ont contribué en 2018 à l’installation de plus de 1 600 jeunes exploitants, sur un total de 15 000 installations. Ces outils sont donc pertinents.

Pour autant, le monde agricole évolue, les demandes aussi. Les outils doivent être adaptés aux transformations en cours, après évaluation précise des impacts qu’auront ces adaptations sur nos exploitations.

En vingt-cinq ans, le nombre de petites et moyennes exploitations a été divisé par trois, et 50 % des agriculteurs français prendront leur retraite dans les dix années qui viennent. Dans ce contexte, notre responsabilité est immense ! C’est pourquoi nous travaillons, mais en nous gardant de tout casser, de jeter, si je puis dire, le bébé avec l’eau du bain. Tant que nous n’aurons pas stabilisé de nouvelles orientations ayant fait consensus, ne touchons pas sans trembler aux outils de régulation qui existent.

L’artificialisation des sols est aujourd’hui un drame, vous l’avez dit, monsieur le sénateur Menonville. Reste qu’il est difficile de regarder avec les yeux d’aujourd’hui ce que nos prédécesseurs, notamment les élus locaux, ont fait hier. Car, hier, nous avions besoin de logements, de lotissements, d’étendre nos villages. Seulement, après avoir vu les habitations entrer dans les champs et s’installer au bord des vignes selon les besoins de cette époque, les agriculteurs se trouvent aujourd’hui handicapés.

L’artificialisation des sols doit s’arrêter. L’objectif du Gouvernement, comme de la profession, c’est le zéro artificialisation nette. C’est la raison pour laquelle mon ministère a lancé une immense consultation avec toutes les parties prenantes, du printemps jusqu’à l’automne de l’an dernier. Cette consultation était un préalable indispensable, car, j’insiste sur ce choix de méthode, il est hors de question que seuls les parlementaires travaillent sur ces outils ; la profession agricole doit être le plus largement, le plus unanimement possible à nos côtés.

D’abord, nous devons tirer les enseignements des difficultés actuelles pour résoudre les problèmes d’installation et d’accès au foncier. Ensuite, il nous faut contrôler les structures, car il n’est plus possible que des sociétés financières achètent de bonnes terres agricoles pour en faire ce qu’elles ont à en faire – nous devons aborder ce sujet. Enfin, nous devons avancer sur le statut du fermage.

Je souhaite vivement que nous travaillions avec les Safer, qui étaient, demeurent et resteront un outil essentiel pour contrôler et sauver le foncier agricole. C’est à partir de la contribution de leur fédération nationale, ainsi que de celles des organisations professionnelles agricoles et des associations – nous avons mené une consultation très large – que l’État établira les pistes d’évolution.

Ces évolutions seront mises en œuvre en deux temps : le plus rapidement possible pour celles qui seront réglementaires, dès lors qu’il y aura consensus autour des Safer ; dans le cadre d’une proposition ou, plutôt, d’un projet de loi, en fonction des souhaits que vous exprimerez lors de la consultation que je mettrai en place avec l’Assemblée nationale et le Sénat.

S’agissant de ce texte, je nous mets en garde, nous connaissant bien : si nous commençons, au-delà du foncier agricole, à vouloir traiter toutes les questions d’urbanisme qui n’ont pas été réglées ces dernières années, nous aurons raté notre but. Le foncier agricole est une question importante : j’en appelle à notre sagesse collective pour qu’elle reste l’objet prioritaire du texte à venir.

Monsieur Menonville, monsieur Malhuret, vous avez souhaité que nous débattions de la pertinence des outils de régulation du foncier agricole. Pour moi, ces outils sont toujours pertinents, mais nous devons travailler à en améliorer encore la pertinence !

Applaudissements sur des travées des groupes RDSE et Les Indépendants. – MM. Marc Laménie et Vincent Segouin applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Nous allons maintenant procéder au débat interactif.

Je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes au maximum pour présenter sa question et le Gouvernement d’une durée équivalente pour y répondre.

Dans le cas où l’auteur de la question souhaite répliquer, il dispose de trente secondes supplémentaires, à la condition que le temps initial de deux minutes n’ait pas été dépassé.

Dans le débat interactif, la parole est à Mme Noëlle Rauscent.

Debut de section - PermalienPhoto de Noëlle Rauscent

Chacun sait que l’accès au foncier reste difficile pour les agriculteurs qui souhaitent s’installer : les fermes sont de plus en plus grandes et les terres agricoles, qui représentent une valeur refuge pour les financiers, sont de plus en plus convoitées. Alors que seulement 8, 5 % de nos agriculteurs ont moins de 35 ans, l’agriculture française entre dans une période charnière. Nous devons tout mettre en place pour que le renouvellement générationnel s’opère.

Aujourd’hui, la diminution des surfaces agricoles est un fléau qui menace notre souveraineté alimentaire. Dans ce contexte, toute nouvelle décision de passer d’une terre agricole à une zone constructible doit être justifiée par une réelle nécessité. De plus, nous devons freiner le développement des panneaux photovoltaïques au sol et favoriser leur installation sur les bâtiments agricoles.

Par ailleurs, nous observons un réel besoin de moderniser le contrôle des structures. Les départements, qui sont au plus près de nos territoires, sortent perdants des nouveaux schémas de régulation. Comme j’ai pu l’entendre, les CDOA ne sont plus que des chambres d’enregistrement…

Le rôle des Safer est essentiel, notamment pour éviter que l’agrandissement des exploitations ne s’opère de façon anarchique et pour maîtriser efficacement les tendances inflationnistes du foncier agricole. Mais le contrôle des structures et le statut du fermage sont fragilisés par la progression de montages sociétaires destinés à échapper au contrôle, l’accaparement du foncier par des investisseurs étrangers, l’installation d’activités de loisir et de nouvelles formes d’exploitation conduisant à l’éviction des agriculteurs.

La profession ne milite pas pour une refonte complète de ces outils, mais pour leur rénovation mesurée et leur renforcement. Seule une définition de l’agriculteur actif professionnel, doté d’un véritable statut et d’un registre donnant des droits et des devoirs, permettra de faire cesser les contournements qui appauvrissent nos territoires.

Monsieur le ministre, compte tenu de ces différents enjeux, comment comptez-vous favoriser l’accès au foncier des jeunes agriculteurs ?

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Alors que nos exploitations s’agrandissent et se concentrent, comme M. Menonville l’a expliqué, vous soulevez, madame la sénatrice Rauscent, la question, absolument essentielle, de l’accès au foncier, notamment pour les jeunes agriculteurs. À cet égard, nous travaillons beaucoup avec les Jeunes agriculteurs, qui ont de nombreuses idées pour nous aider à élaborer le texte dont j’ai parlé, s’agissant notamment du contrôle des structures.

L’installation des jeunes agriculteurs et la transmission des terres sont un enjeu majeur pour l’agriculture de demain : sans accès aux terres, l’installation des jeunes sera impossible.

En ce qui concerne les panneaux photovoltaïques, ma position est très simple : non, non et non ! Nous ne voulons pas de panneaux au sol sur des terres agricoles. D’aucuns expliquent qu’on pourrait mettre des panneaux photovoltaïques à deux mètres de hauteur et faire paître des animaux au-dessous : ce n’est pas notre modèle. Je vois que M. Louault n’a pas l’air convaincu… Des exceptions peuvent exister – un coteau inaccessible qu’on ne peut pas entretenir, ou que sais-je –, mais le principe, pour moi, c’est : non aux panneaux photovoltaïques sur les sols ! Les panneaux, on peut les mettre sur les toits ou où vous voulez, mais les sols sont faits pour servir à l’agriculture, pas pour produire de l’énergie.

Nous aurons l’occasion de revenir sur la définition de l’actif et les montages sociétaires, car c’est en effet la question fondamentale. L’accès au foncier doit être réservé à des agriculteurs professionnels, comme M. Menonville l’a excellemment souligné, à l’exclusion de sociétés financières. Au-delà de ce que la loi prévoit déjà, nous allons travailler pour que ces montages sociétaires n’entravent pas l’accès au foncier des agriculteurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Duplomb

Monsieur le ministre, vous venez d’expliquer que vous n’entendiez pas revenir sur les règles en vigueur en matière de foncier et d’utilisation de celui-ci. C’est une position qui me satisfait plutôt. Reste qu’une petite musique se fait entendre depuis quelque temps sur la définition du foncier agricole : certains voudraient parler d’un foncier agricole nourricier.

Comme cultivateur, je ne suis pas gêné par le mot « nourricier ». Seulement, il traduit une volonté de faire tomber le foncier agricole dans le domaine des biens communs de la Nation, ce qui me conduit à vous interroger sur le droit de propriété – soit, dans une définition bien française, le droit d’user, de jouir et de disposer.

Si un foncier agricole nourricier tombant dans le domaine commun était un moyen de reconnaître à sa juste valeur le labeur des agriculteurs, pourquoi pas ? Si cette nouvelle définition permettait à ceux qui labourent la terre d’être revalorisés, pourquoi pas ? Mais j’en doute…

Que veulent faire les promoteurs de la notion de foncier agricole nourricier tombant dans le domaine commun ? Pour eux, la société aurait le droit d’imposer aux agriculteurs des vues sur leur manière de cultiver. Une fois de plus, il s’agit de stigmatiser notre agriculture ! Je me refuse totalement à l’admettre, car je considère que le droit de propriété est garanti, sur le plan constitutionnel, par l’article XVII de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

Monsieur le ministre, dès lors que vous aurez ouvert une discussion législative sur le foncier agricole, cette question sera lancinante tout au long du débat. Quelle position allez-vous défendre ?

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

La Constitution, c’est la Constitution, et le Gouvernement n’a aucunement l’intention de changer le droit de propriété garanti à l’article XVII de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

La concertation que nous allons ouvrir ne portera pas sur la définition du foncier nourricier ; peut-être certains aborderont-ils cette notion, mais ce n’est pas du tout l’intention du Gouvernement, non plus que de la Fédération nationale des Safer. Notre intention est de garantir que le droit de propriété soit reconnu à un agriculteur exploitant à titre majoritaire, pour qu’on ne puisse pas acheter du foncier à des fins d’investissement.

Au reste, il ne faut pas en rajouter. Des sociétés ont acheté des terres, notamment dans le vignoble bordelais, mais ce n’est pas énorme – je fournirai des chiffres tout à l’heure. Reste qu’il faut y faire attention. Nous voulons, nous, poser des barrières très claires pour cadenasser le foncier agricole : celui-ci doit revenir à des agriculteurs à temps plein, pas à des gens qui veulent faire de l’argent sur les terres !

Monsieur le sénateur Duplomb, vous qui connaissez mieux que quiconque ces sujets, vous pouvez donc être rassuré : il n’est aucunement question de changer le droit de la propriété. Moi-même et tout le Gouvernement nous y opposerons totalement !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Bignon

Pour remédier à la disette alimentaire consécutive à la Seconde Guerre mondiale, un grand programme de modernisation de l’agriculture française a réaménagé le territoire agricole au service d’une agriculture pétrolière utilisant sans limites les matières et les énergies fossiles. C’est ainsi que 20 000 remembrements ont été financés, 500 000 kilomètres de haies supprimés, des milliers de champs drainés ou irrigués, des milliers de mares supprimées, des centaines de kilomètres de cours d’eau rectifiés et des milliers d’hectares de zones humides retournés.

Les sols ont été massivement artificialisés et continuent de l’être à un rythme soutenu. La taille des parcelles s’est accrue. Les rendements ont certes augmenté grâce aux engrais et aux pesticides, mais on mesure aujourd’hui la contribution de ceux-ci aux pollutions de toute sorte et, bien sûr, au réchauffement de la planète. La note, assurément, sera lourde…

Aucun insecticide n’est aussi efficace que l’oiseau, la coccinelle ou la grenouille qui loge dans les arbres, les fossés, les mares, les prairies humides que, malheureusement, l’intensification agricole de l’ère du pétrole a rasés, comblés, retournés ou abandonnés. Il ne faut pourtant pas désespérer : dame nature est bonne fille…

Le projet d’industrialisation de l’agriculture comportait le volet essentiel de l’aménagement foncier. Aujourd’hui, l’heureuse réorientation de l’agroécologie appelle un nouveau projet spatial, qui en accompagne et favorise la mise en œuvre. Une loi foncière est attendue. À cet égard, j’ai bien entendu le questionnement pertinent de mon collègue et ami Franck Menonville.

Monsieur le ministre, il faut que cette loi soit ambitieuse, qu’on n’hésite pas à répondre aux attentes de plus en plus vives, de plus en plus pressantes, de nos concitoyens, mais aussi aux souffrances réelles du monde agricole. Pour cela, il convient d’introduire la notion de localisation agroécologique pertinente des surfaces d’intérêt écologique dans la conditionnalité des aides de la politique agricole commune. Dans le cadre de la réforme de la PAC, la création et l’entretien de ces structures paysagères et écologiques pertinentes devraient faire l’objet de paiements pour services environnementaux dans tous les bassins de notre pays, avec le concours des agences de l’eau. Qu’en pensez-vous ?

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Monsieur le sénateur Bignon, chacun ici connaît votre engagement et tous les travaux que vous avez menés sur ces sujets, notamment sur la transition agroécologique.

Vous avez raison, l’agriculture de demain sera fondée sur la transition agroécologique, indispensable et irréversible. Simplement, sur tous ces sujets, il faut se garder de tout dogmatisme.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Je ne suggérais pas du tout que vous en faisiez preuve… Je constate seulement que le dogmatisme est souvent un obstacle.

Vous m’interrogez sur la future PAC, en particulier sur les paiements pour services environnementaux et les surfaces d’intérêt écologique, une question chère aussi à M. Montaugé. Il faut évidemment prendre en compte ces surfaces, et j’y travaille dans le cadre du plan stratégique national – une réunion du Conseil supérieur d’orientation et de coordination de l’économie agricole et alimentaire s’est tenue sur ce sujet voilà quelques heures à peine.

Certains propos que j’ai tenus dans la presse n’ont pas été forcément bien perçus, et je suis content de pouvoir les rectifier devant le Sénat : oui, bien sûr, il faut que la France, comme tous les pays d’Europe, quitte cette dépendance aux produits chimiques, aux produits phytosanitaires, aux molécules chimiques ; mais, là aussi, il faut être objectif.

Voyez l’agriculture de conservation : tout le monde dit que c’est une très bonne chose, notamment pour la couverture des sols et les prairies, et je n’ai pas d’objection ; mais on sait que cette agriculture a besoin d’un peu de glyphosate – 1 litre par hectare, je crois. Évoquant ce sujet, j’ai dit que, comme nous ne laisserions personne sans solution, tant qu’il n’y aurait pas une alternative au glyphosate, une autre molécule permettant à l’agriculture de conservation de continuer à se développer, il faudrait continuer avec le glyphosate.

Je tenais à le souligner au moment où il est question de transition agroécologique : arrêter ces produits demain, ce serait arrêter l’agriculture de conservation, donc faire une erreur ; mais il faut que les chercheurs aillent vite pour trouver des alternatives.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Louault

Je remercie le groupe Les Indépendants, en particulier Franck Menonville, un spécialiste du foncier agricole, pour l’inscription de ce débat à notre ordre du jour.

Nous connaissons tous l’attachement des Français au droit de propriété, pas même ébranlé au moment de la Révolution. Les Français, en particulier les agriculteurs propriétaires de terres, y tiennent plus que jamais.

Pourtant, il faut bien reconnaître que, aujourd’hui, on est en train de fragiliser l’agriculture française, parce qu’un certain nombre de nos jeunes agriculteurs ne peuvent plus accéder au métier, faute de terres disponibles. La semaine dernière, près de chez moi, 300 hectares ont été achetés par des fonds industriels… Remarquez, la propriété industrielle ne me dérange pas ; c’est l’exploitation industrielle qui pose un véritable problème. En l’occurrence, 300 hectares vont rester sans exploitant, sans compter que les propriétaires toucheront peut-être des primes agricoles. Il faut trouver le remède à ce problème.

En particulier, nous devons moderniser les moyens d’intervention des Safer. Aujourd’hui, le foncier n’est souvent pas la propriété d’une personne, mais d’une SCI ou d’un GFA, entre autres structures. Il faut renforcer la capacité d’action des Safer à travers certaines mesures comme les ventes avec cahier des charges, qui préservent le droit de propriété tout en ouvrant à des agriculteurs la possibilité d’exploiter des terres agricoles sur des superficies raisonnables.

Il convient aussi d’assurer la protection d’un certain nombre de lieux très précis, comme des vignobles, en tant qu’éléments du patrimoine culturel français.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Monsieur le sénateur Louault, vous posez la question, absolument fondamentale, de la souveraineté de notre pays en matière de terres agricoles. Les investisseurs étrangers ont connu ces derniers temps des fortunes diverses, mais ils sont de retour.

Certes, des méthodes de contournement bien connues permettent d’acheter du foncier agricole ; il s’agit d’acquérir une fraction des parts sociales de sociétés détenant du foncier. Mais, comme je l’ai souligné il y a quelques instants, la menace d’accaparement de terres agricoles par des investisseurs étrangers doit être relativisée. Ainsi, en 2018, sur les marchés de parts sociales, 1, 2 % seulement des transactions ont été réalisées par des étrangers, 76 % des acquéreurs étrangers étant d’origine européenne.

Toujours est-il que les risques que ces investissements peuvent présenter à long terme pour la souveraineté alimentaire de la France ne peuvent pas être ignorés. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement n’est pas resté sans agir, notamment en vue de détecter le plus en amont possible de telles acquisitions par des personnes, physiques ou morales, non ressortissantes d’un État membre de l’Union européenne.

En particulier, dans le cadre de la loi Pacte, un décret a été pris en décembre dernier sur les investissements étrangers, un décret très important qui, je trouve, est passé un peu trop inaperçu. Il en résulte que, à compter du 1er juillet 2020, l’investissement dans le foncier agricole par des ressortissants étrangers devra faire l’objet d’une autorisation au titre de la garantie des intérêts du pays en matière d’ordre public, de sécurité publique ou de défense nationale. En d’autres termes, la France, sur la base de l’expertise menée dans le cadre de la procédure d’agrément, pourra opposer un refus au nom de sa souveraineté et de la défense des intérêts de la Nation.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Louault

Trois mots sur le photovoltaïque…

Monsieur le ministre, un agriculteur de ma connaissance fait le pari que, sur trente hectares, il peut faire pousser plus d’herbe sous des panneaux photovoltaïques, parce que l’herbe, c’est bien connu, pousse mieux à l’ombre, notamment en Normandie… N’ayons pas peur d’expérimenter !

Cela dit, je suis d’accord avec vous sur le principe : pas de photovoltaïque à l’heure actuelle ; mais si l’on arrive à démontrer qu’il est possible d’allier agriculture et production d’énergie, pourquoi pas ?

Debut de section - PermalienPhoto de Fabien Gay

Monsieur le ministre, je souhaite vous interroger sur l’avenir du triangle de Gonesse.

On reproche aujourd’hui aux outils de régulation du foncier de ne pas avoir empêché l’artificialisation des surfaces agricoles et de ne pas permettre le renouvellement des générations, ainsi que l’essor de nouvelles modalités d’exploitation prenant en compte les enjeux environnementaux liés à l’activité agricole. Or, dans le triangle de Gonesse, près de 100 000 hectares de terres fertiles ont été perdus en cinquante ans au profit de l’expansion parisienne.

Même si le projet EuropaCity a été enterré grâce à la mobilisation citoyenne, notamment dans le cadre du Collectif pour le triangle de Gonesse, et à celle de nombreux élus, le devenir des 670 hectares du triangle de Gonesse, dernière niche agricole aux portes de Paris, reste soumis à des menaces de bétonisation. Y aura-t-il un autre quartier d’affaires ? Ou, comme l’a annoncé Emmanuel Macron, plusieurs projets coordonnés sur une superficie plus étendue, plus mixte et plus moderne ?

La question se pose également de l’évolution du type de cultures sur ces 670 hectares aujourd’hui cultivés par une dizaine d’exploitants, qui ne sont pas tous propriétaires des terres. Blé, colza, orge, maïs : autant de productions qui ne sont pas forcément en rapport avec la consommation du territoire qui entoure cette poche agricole.

Or, comme il a été rappelé lors des débats publics et réunions sur la préservation et l’avenir de ces terres agricoles, il n’y a pas si longtemps que la culture maraîchère et fruitière prédominait encore, assurant l’autosuffisance des villes alentours. Certains projets visent à y revenir pour développer une agriculture au service des agriculteurs, des consommateurs et de l’environnement, par la promotion des circuits courts au plus près du lieu de production ; je pense, par exemple, au projet Carma.

La mise en œuvre de tels projets est-elle possible avec les outils actuels de régulation foncière ? Comment le Gouvernement envisage-t-il l’avenir du triangle de Gonesse et de son aménagement ?

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

L’avenir du triangle de Gonesse est en débat depuis des années. Le Président de la République a pris une décision lors d’un conseil de défense écologique : il a dit non au projet qui était envisagé. De fait, l’heure n’est plus à l’artificialisation des terres pour construire de grands centres commerciaux – je pense, monsieur le sénateur Gay, que nous sommes d’accord sur ce sujet.

Pour autant, l’avenir de ce secteur très convoité n’est pas fixé. Pour connaître très bien les lieux, vous savez que de nombreux acteurs voudraient y investir… Les élus locaux définiront une vision en liaison avec les services de l’État, mais, en tout cas, il faut qu’il y ait sur ce secteur un projet ou plusieurs qui aillent dans le sens de l’agroécologie et de l’agriculture urbaine, afin de sauvegarder ces terres qui intéresseront les habitants de la grande métropole parisienne ou de la banlieue – je ne sais pas comment vous l’appelez, car c’est beaucoup trop grand pour qu’on connaisse ça chez nous.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

La position du Gouvernement est très claire : non au grand projet EuropaCity ; nous verrons s’il y a d’autres projets, mais le ministère de l’agriculture et de l’alimentation, comme vraisemblablement celui de la transition écologique et solidaire, est hostile à la bétonisation du territoire. Je puis comprendre la déception des promoteurs, celle aussi des élus locaux qui voyaient dans l’ancien projet la promesse de nouvelles activités économiques génératrices d’emplois et créatrices de richesses. Mais de tels aménagements appartiennent au passé. Nous devons préparer les aménagements du futur.

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Montaugé

Lors du quinquennat précédent, le ministre Le Foll a fait progresser la question de la gouvernance du foncier agricole. Depuis lors, et à l’exception d’une loi de 2019, certes non négligeable, sur la protection foncière des activités agricoles en zone littorale, rien ne s’est passé, sinon quelques déclarations d’intention.

Pourtant, ce sujet est au cœur de la place et des moyens que la société française doit donner à son agriculture et à l’exercice de la profession d’agriculteur. Parmi les multiples enjeux posés, en voici quelques-uns qui permettent de mesurer l’importance et l’urgence de la question : la protection et la valorisation du foncier agricole, la diversité des formes d’exercice de la profession d’agriculteur, la contribution des agricultures à la biodiversité et à la préservation de l’environnement, la facilitation de la transmission des terres et de l’installation des jeunes agriculteurs, la nécessité d’une concurrence loyale et équitable pour l’accès aux terres.

Dans ce contexte, le Gouvernement a-t-il l’intention de présenter un projet de loi de régulation du foncier agricole, dont les principes ne reposeraient plus sur des critères techniques, comme c’est le cas aujourd’hui, mais sur les objectifs des politiques publiques qui touchent à l’emploi et à l’installation des jeunes, aux attentes des consommateurs et des élus locaux, à la transition agroécologique, à la biodiversité et au développement des territoires ? Si tel est le cas, quel est le calendrier législatif prévisionnel ?

Plus précisément, monsieur le ministre, envisagez-vous de donner aux Safer un pouvoir étendu de contrôle sur toutes les cessions de parts de sociétés, hors opérations intrafamiliales, et un pouvoir de négociation dans les cas problématiques au regard des enjeux de concentration et de respect des politiques territoriales ?

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Monsieur le sénateur Montaugé, vous dites que rien ne s’est passé. En ce qui me concerne, je trouve que, depuis un an, il ne s’est jamais passé autant de choses sur la question du foncier !

J’étais rapporteur pour le Sénat du projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt présenté par Stéphane Le Foll. Nous étions largement intervenus sur le foncier et nous avions beaucoup travaillé avec la Fédération nationale des Safer, notamment sur le contrôle des structures, sur les cessions – nous ne sommes pas allés assez loin sur ce sujet – et sur la compensation – pour moi, cet aspect est essentiel.

Évidemment, nous aurons toujours besoin d’utiliser des terres, par exemple pour une route ou une déviation, mais cela doit être justifié par un intérêt public. En outre, contrairement aux pratiques passées, il faut qu’il y ait une compensation et elle ne doit pas être uniquement financière, mais aussi en terres. C’est ce que j’avais indiqué dans mon rapport sur la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt. La lutte contre l’artificialisation et la concentration passe par ce type d’outil.

L’année dernière, au salon de l’agriculture, le Président de la République a évoqué ces questions. Depuis, nous n’avons eu de cesse de consulter l’ensemble des acteurs concernés : les ONG, les associations, le monde agricole – qui d’autre que lui connaît mieux les territoires ? – et les associations d’élus. Nous travaillons sur la lutte contre l’artificialisation des sols agricoles, sur la préservation des espaces, sur le statut du fermage – une mission d’information est en cours à l’Assemblée nationale à ce sujet –, sur la régulation du foncier, sur l’installation et la transmission, sur le portage du foncier et le développement des instruments, etc. Tous ces sujets font actuellement l’objet de concertations.

De son côté, l’Assemblée nationale a mis en place une mission présidée par M. Sempastous, député des Hautes-Pyrénées, et dont les rapporteurs étaient Mme Petel, députée des Bouches-du-Rhône, et M. Potier, député de Meurthe-et-Moselle.

Vous le voyez, nous avançons, mais dans la concertation – elle est indispensable. En tout cas, dans mon idée, les Safer doivent avoir un pouvoir étendu.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à M. Franck Montaugé, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Montaugé

La maîtrise du foncier agricole relève de la souveraineté nationale. Les Safer doivent être au cœur de cette régulation publique modernisée. Leur relation avec le contrôle des structures doit être revue, la mutation de parts sociales devant donner lieu à un agrément répondant aux objectifs d’un cahier des charges. Enfin, une évaluation des résultats de cette régulation modernisée doit être périodiquement réalisée.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Cabanel

À l’origine financées à 80 % par des fonds publics, les Safer sont victimes d’un désengagement continu de l’État. Pourtant, ces organismes sont des outils incontournables et légitimes du foncier agricole. Ils représentent une spécificité nationale, dont la France peut être fière. J’appelle donc depuis des mois l’attention sur les problèmes de budget rencontrés par certaines Safer et les difficultés qui en découlent dans la mise en œuvre de leurs missions de service public. Cela les a déjà conduites à déstocker le foncier qu’elles avaient en réserve, et la situation ne cesse de se détériorer dans un contexte de hausse des prix du foncier.

Les Safer jouent un rôle essentiel dans l’aménagement du territoire et la politique agricole nationale. En parallèle, les établissements publics fonciers régionaux poursuivent une mission de maîtrise foncière. Lorsque leurs réserves foncières sont agricoles, les missions de la Safer et des EPF se recoupent. Il existe déjà un terrain d’entente et de coordination sur certains territoires.

Les EPF reçoivent principalement trois types de ressources pour mener à bien l’ensemble de leurs missions : la taxe spéciale d’équipement (TSE), les produits de la vente et de la gestion des biens et l’emprunt. Ces ressources leur assurent une sérénité et une pérennité financières. Les Safer intervenant dans la partie agricole des missions des EPF, un transfert de ressources pourrait s’avérer pertinent.

Enfin, je tiens à rappeler que les Safer font face à un manque d’information important concernant les ventes de biens fonciers, ce qui ne peut que nuire à leur activité.

Monsieur le ministre, comment soutenir les Safer pour leur permettre de mieux réaliser leurs objectifs et avoir accès aux informations sur les ventes de foncier agricole, quelle que soit l’identité juridique du vendeur ? Pourrait-on évaluer la possibilité de transférer des ressources des EPF régionaux vers les Safer par une ponction sur la TSE ?

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Monsieur le sénateur Cabanel, nous ne laissons pas les Safer sans moyens ni solutions. Je l’ai dit précédemment, le Gouvernement entend aider et accompagner la Fédération nationale des Safer et promouvoir son travail, qui est essentiel. À l’occasion d’une question précédente, j’ai d’ailleurs indiqué que nous voulions donner plus de moyens encore aux Safer, parce que ce sont elles qui, objectivement, ont la vision la plus claire et savent ce qui se passe sur le territoire.

Votre question, plus large, porte sur les moyens des Safer et sur leurs liens avec les EPF régionaux et locaux. Tous ces sujets vont de pair. Dans notre pays, nous avons tendance à empiler les structures qui ont des statuts variés, publics ou privés, et qui dépendent de différents échelons administratifs – c’est une difficulté, parfois une force… Il nous faut bien sûr coordonner toutes ces structures.

Un EPF et une Safer répondent à des motivations différentes, mais contribuent finalement à la même chose : faire en sorte que des territoires, agricoles ou non selon les cas, ne soient ni oubliés ni développés n’importe comment.

Je réponds donc clairement à votre question : oui, les EPF et les Safer doivent coordonner leurs actions et, oui, nous devons donner les moyens aux Safer d’exercer leurs missions ! D’ailleurs, je l’ai déjà dit, à la suite de l’adoption de la loi Pacte, nous aurons la possibilité, à partir du 1er juillet prochain, de contrôler les ventes de terrains pour éviter, dans le cadre de notre souveraineté nationale et alimentaire, certaines acquisitions.

Les Safer doivent également mener un travail sur les cessions partielles – il me semble que c’est le sens de votre question. Ce sujet fait évidemment partie de la concertation en cours ; nous verrons à son issue comment avancer.

Pour conclure, je veux vous dire que nous ne souhaitons pas que le projet de loi à venir vienne « d’en haut ». Il doit être élaboré par tous les acteurs de terrain dans le cadre de cette concertation, être coconstruit. C’est ensemble que nous en bâtirons l’architecture.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Cabanel

J’entends votre propos, monsieur le ministre, mais je ne peux que constater le désengagement de l’État. En fait, les Safer ont aujourd’hui comme seule source de financement les ventes de terrains. Elles vendent donc des grands domaines et prennent au passage un pourcentage, ce qui n’est, certes, pas si mal… C’est pourquoi je voudrais qu’on grave dans le marbre l’idée d’un financement pérenne des Safer. Pour cela, je vous soumets une proposition : évaluer les conséquences d’un transfert d’une part de la TSE vers les Safer. Cette proposition répondrait à l’objectif d’un financement pérenne.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Férat

Je voudrais évoquer plus particulièrement le foncier viticole.

La maîtrise du foncier est un enjeu essentiel pour les exploitations familiales viticoles et pour le maintien des équilibres entre le vignoble et le négoce. Elle permet notamment un partage de la valeur ajoutée entre les acteurs répartis sur les territoires grâce à un maillage de petites exploitations.

La fiscalité patrimoniale, que ce soit celle sur les successions ou celle sur les donations, frappe lourdement les transmissions familiales, notamment lorsque le prix du foncier est élevé. En conséquence, les héritiers sont incités à céder ce foncier, plutôt qu’à le conserver ou à le louer à des membres de la famille, ce qui fait courir un risque de morcellement et de disparition des exploitations familiales. Par exemple, entre 2006 et 2016, une diminution de 6 % des structures moyennes a été constatée en Champagne. Les mesures actuelles, principalement l’exonération partielle des biens loués par bail à long terme, n’apparaissent plus suffisantes pour résoudre ce problème.

Monsieur le ministre, j’aimerais recueillir votre avis sur quelques propositions – j’ai porté certaines d’entre elles lors de l’examen du dernier projet de loi de finances – : premièrement, favoriser les transmissions dans un cadre familial au travers d’une exonération significative des droits de donation et de succession pour les biens loués pendant une durée longue ; deuxièmement, exonérer d’impôt sur la fortune immobilière les propriétaires qui affectent durablement leurs terres à des exploitations agricoles ; troisièmement, rendre le contrôle du foncier agricole plus efficient, lorsque sa mutation prend la forme d’une vente de droits démembrés ou d’une cession de parts de société ; quatrièmement, rétablir une fiscalité patrimoniale incitative pour les investissements dans les parts de groupements fonciers agricoles.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Madame la sénatrice Françoise Férat, la question de la fiscalité applicable aux transmissions est essentielle. Elle fait naturellement partie des discussions en cours et constituera un point important de la future loi foncière.

Je vais répondre à vos interrogations, mais il faut d’abord savoir que le sujet de la fiscalité est vieux comme le monde, si je puis dire, et que nous ne sommes pas vraiment encore arrivés à le régler.

Dans le cadre du chantier relatif à la fiscalité agricole mené en 2018, plusieurs mesures ont été prises en loi de finances pour 2019 : premièrement, triplement du plafond d’exonération des droits de succession ou de donation lors de la transmission de biens loués par bail à long terme ; deuxièmement, élargissement du crédit vendeur, qui permet d’étaler l’imposition des plus-values lors des cessions. Or, vous le savez comme moi, il faut laisser passer du temps avant de mesurer les effets d’une politique publique. Nous ne pouvons donc pas le faire pour les deux dispositifs que je viens de vous citer, puisqu’ils sont entrés en vigueur en 2019.

Nous ne devons pas nous interdire de poursuivre la réflexion sur le sujet. D’ailleurs, la question de la fiscalité et de la transmission constitue l’un des cinq axes de la consultation que nous menons actuellement sur le foncier, et il sera indispensable que la future loi inclue un volet consacré à la fiscalité. Les discussions ne seront peut-être pas simples avec mes collègues de Bercy, mais nous devrons avancer. Si nous n’évoquons pas ces sujets de fiscalité, de donation et de transmission, nous n’y arriverons pas.

Sur le renforcement des contrôles sur le foncier que vous évoquez, j’y suis personnellement favorable.

L’ensemble des propositions que vous formulez me semble de bon sens, mais les questions fiscales ne dépendent pas directement de moi et doivent être débattues lors de l’examen du projet de loi de finances.

Surtout, on ne peut pas faire de règle générale à partir des problèmes que vous soulevez à propos de la Champagne, problèmes que je comprends tout à fait. Les questions se posent de manière différente dans les autres régions – c’est d’ailleurs l’une des difficultés. Pour autant, elles méritent une expertise précise, et je m’engage à y travailler dans le cadre des réflexions sur la fiscalité que nous menons pour préparer le projet de loi foncière.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à Mme Françoise Férat, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Férat

À vous entendre, monsieur le ministre, on a l’impression que rien n’est possible ! Vous vous abritez derrière cette future loi, dont nous entendons parler depuis des années… Je suis donc un peu déçue par vos propos. Pourtant, il faut vraiment que nous adressions des signaux clairs à nos agriculteurs, en particulier à nos viticulteurs. Je ne parle pas des grands vignobles de champagne, mais de petites exploitations souvent morcelées et qui ne sont pas exploitées comme il le faudrait.

Je le répète, je suis désolée d’entendre de tels propos de votre part, parce que nous devons absolument prendre les problèmes à bras-le-corps et aller de l’avant.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique de Legge

Le foncier agricole est largement dominé par l’intervention des Safer et, après avoir entendu leur éloge, je voudrais quand même rappeler le rapport de la Cour des comptes de 2014, qui pointait des dérives, notamment un dévoiement de leurs missions traditionnelles au profit de pratiques communément appelées opérations de substitution.

Il s’agit d’opérations qui n’ont strictement rien à voir avec les missions initiales des Safer, à savoir le remembrement et l’installation des jeunes et qui permettent aux acquéreurs de ne pas s’acquitter des droits fiscaux, dont les Safer sont exemptées, et à ces dernières de toucher une commission en échange. Selon la Cour des comptes, le coût fiscal de ces opérations s’élève à plus de 45 millions d’euros, les perdants étant les départements et les communes…

La Cour constate par ailleurs que cet avantage fiscal concerne de plus en plus d’opérations relatives à des biens ruraux bâtis qui n’ont strictement rien à voir avec les biens agricoles. Je vous invite, monsieur le ministre – j’en ai encore fait l’expérience tout à l’heure –, à aller sur le site internet géré par la Fédération nationale des Safer ; vous y trouverez des résidences secondaires qui n’ont aucune terre agricole autour.

Quelles mesures envisagez-vous pour mettre un terme à ce détournement de procédures ?

De manière plus générale, l’un des enjeux majeurs de l’agriculture réside dans l’investissement en milieu rural, et je ne suis pas certain que la combinaison du droit de préemption, de la politique des structures et des mécanismes de fixation des loyers soit un véritable élément d’attractivité. Qu’envisagez-vous de faire pour que les investisseurs n’hésitent pas à investir en milieu rural ?

Enfin, en ce qui concerne la fiscalité, sujet qui vient d’être évoqué par Mme Férat, on ne peut pas nous dire en même temps que le foncier agricole ne participe pas à l’économie réelle, puisqu’il est taxé au titre de l’impôt sur la fortune immobilière, et qu’il est indispensable à l’agriculture ! Il y a là une certaine contradiction…

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Monsieur le sénateur Dominique de Legge, votre question se situe dans le prolongement de celle de Mme Férat, et elle est importante.

Vous parlez de « détournement ». De manière générale, et sans évoquer cette expression en particulier, je crois que nous devons modérer nos propos. À propos des Safer, j’entends beaucoup de compliments, mais aussi des reproches. Tout dépend du camp dans lequel on est et de sa région. Les choses varient beaucoup. Par exemple, le Parlement a récemment voté un texte sur la préemption de petites parcelles en Île-de-France ; à cette occasion, le rôle de la Safer a été mis en avant.

Les missions des Safer sont strictement encadrées par la loi. Bien sûr, s’il y a des dérives, des choses qui ne se passent pas correctement, il faut les regarder de près, et je suis prêt à le faire. En même temps, depuis la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt de 2014, les missions des Safer s’exercent dans un champ relativement large : installation des agriculteurs, soutien aux exploitations, protection de l’environnement, développement rural, connaissance et transparence des marchés fonciers, etc. En contrepartie, la tutelle de l’État est forte.

Je crois que nous pouvons encore améliorer la transparence des Safer, et il faut que nous travaillions avec elles sur ces sujets pour qu’elles s’améliorent. C’est important, parce qu’elles sont la pierre angulaire de la question du foncier agricole.

Mme Férat disait : « Si on attend tout de la loi foncière, il ne se passera rien. » Mais nous n’en attendons pas tout ! Ces sujets sont sur la table depuis des années, et je ne connais pas encore le calendrier de ce texte. C’est pourquoi nous devons avancer sur cette future loi foncière, tout en adoptant des mesures grâce à d’autres véhicules à notre disposition, qu’ils soient législatifs – je pense surtout aux lois de finances – ou réglementaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Gillé

Le foncier agricole, plus particulièrement viticole, est confronté à de nombreux conflits d’usages, qui sont notamment liés à l’urbanisme. L’objectif des SCOT, des PLUI ou des PLU est clairement d’optimiser la consommation des espaces, en préservant au mieux le foncier agricole et viticole.

Ainsi, en Gironde, le concept de trame pourpre, à l’instar des trames bleues et vertes, permet, sans en avoir la même force, d’améliorer la prise en compte des enjeux viticoles pour la rédaction des documents d’urbanisme, mais nous sommes clairement confrontés à une incapacité d’agir pour combler les dents creuses viticoles en milieu urbain ou en périphérie.

Cet objectif louable permettant notamment de rationaliser les périmètres et les bandes de protection ne dispose pas d’outil opérationnel de négociation et de compensation. Il est en effet légitime que, dans cette perspective, toute consommation foncière viticole, notamment en appellation d’origine contrôlée, soit compensée pour maintenir les surfaces d’exploitation, mais ces outils de compensation sont aujourd’hui quasi inexistants ou inopérants.

Il serait judicieux d’établir sur ces sujets des coopérations fonctionnelles entre les Safer et les établissements publics fonciers pour créer les moyens de la négociation et de la compensation, que celle-ci soit en nature ou financière.

Cet outil de médiation est aujourd’hui essentiel pour optimiser les démarches d’urbanisme, en respectant toutes les parties prenantes. Il serait essentiel pour répondre aux enjeux environnementaux et faciliter l’acceptabilité des projets.

Face à l’impuissance actuelle, quelles propositions d’outils de compensation et de médiation foncière pourriez-vous faire pour résoudre nombre de conflits et tensions liés aux proximités viticoles et urbaines ?

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Monsieur le sénateur Gillé, il est vrai que la question du foncier crée des tensions fortes, en particulier sur votre territoire. Quand on connaît le prix de l’hectare de vignes dans votre département, on peut le comprendre…

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

C’est exact !

Un outil existe, il a été établi par la loi d’avenir de 2014, c’est la compensation agricole, mais, aujourd’hui, nous ne nous en saisissons pas assez et nous ne disposons pas de suffisamment de dispositifs de régulation – je l’admets d’autant plus volontiers que je l’avais noté en 2014 dans mon rapport sur le projet de loi. C’est la raison pour laquelle, dans le cadre de la concertation en cours, nous devons travailler sur ces sujets. Peut-être ne faudra-t-il d’ailleurs pas attendre la future loi foncière et proposer des évolutions dans d’autres textes, par exemple en loi de finances. J’espère que vous pourrez contribuer à cette réflexion et proposer des amendements allant dans ce sens.

Je l’ai dit en répondant à une autre question, il faut absolument que la médiation sur la compensation du foncier se fasse.

En ce qui concerne les dents creuses, il faut évidemment trouver un équilibre entre l’extension des terres agricoles et celle des villes. Dans ce cadre, nous avons fixé un objectif essentiel : zéro artificialisation nette. Ce sujet recoupe aussi le débat actuel sur les zones de non-traitement, qui concernent notamment les activités viticoles. Je le disais dans mon intervention, l’urbanisation a progressé, les villages ont progressivement grignoté les champs et les vignes, et on dit maintenant aux agriculteurs : « Attention aux zones de non-traitement ! » Nous devons évidemment régler ce conflit entre plusieurs usages et intérêts.

Je vous propose de travailler avec mon cabinet sur ces sujets. J’écouterai vos propositions avec attention pour que nous puissions avancer le plus vite possible.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Gillé

Je retiens votre proposition, monsieur le ministre, et je vous en remercie. Les contentieux sur les documents d’urbanisme sont de plus en plus nombreux, ce qui démontre une certaine impuissance publique. Il devient donc urgent de créer des instruments de médiation pour faciliter leur conception et leur approbation, en respectant l’ensemble des parties prenantes.

Debut de section - PermalienPhoto de Cyril Pellevat

Je tiens à remercier mes collègues du groupe Les Indépendants d’avoir demandé l’inscription de ce débat sur le foncier agricole et la pertinence des outils de régulation à notre ordre du jour et à saluer le travail que mène notre collègue Laurent Duplomb sur l’agriculture.

Il faut d’emblée souligner l’importance de la politique foncière en France. Elle représente un atout pour la compétitivité et la durabilité de notre agriculture. À ce titre, cette politique publique mérite d’être préservée et consolidée.

Globalement, les outils de régulation existants et le travail des institutions mixtes, les Safer, depuis plus de cinquante ans ont permis d’accompagner la modernisation de l’agriculture, tout en préservant au maximum les structures familiales, mais ils ont surtout permis d’avoir une politique foncière agricole efficace – j’en veux pour preuve plusieurs exemples comme le contrôle des loyers en fonction de l’inflation et de l’évolution des revenus agricoles ou le contrôle de l’acquisition des terres par des pays étrangers. On constate cependant que ces outils ont aujourd’hui atteint certaines limites. Si le système fonctionne, il est perfectible et doit être amélioré pour mieux préserver nos terres face à l’accaparement par des investisseurs étrangers.

L’un de nos objectifs communs, mes chers collègues, étant de permettre aux agriculteurs d’acquérir progressivement les terres qu’ils exploitent, on peut se demander de ce point de vue où en est le dispositif Sapin, qui vise à mieux appréhender l’acquisition par des pays étrangers des terres agricoles françaises.

Je crois qu’il nous faut préserver, renforcer et moderniser les outils de régulation de notre politique foncière agricole.

Je terminerai par le cas précis du mitage des terres. Il faut pousser au regroupement des terres agricoles et éviter au maximum pour les collectivités le recours à un tel mitage. Comment améliorer la situation de ce point de vue et aider les collectivités ? Comment renforcer les outils de régulation existants ?

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Monsieur le sénateur Pellevat, je partage totalement vos inquiétudes et vos interrogations.

J’ai évoqué la loi Sapin et ce que nous avons ajouté dans la loi Pacte : à partir du 1er juillet 2020, la France aura la possibilité d’empêcher l’achat de terres pour des raisons de souveraineté. C’est quelque chose de très important.

Vous avez raison, une régulation est nécessaire. Aujourd’hui, 1, 2 % des terres, je le disais, sont achetées par des sociétés financières étrangères. Cela reste faible, mais nous ne savons pas comment les choses peuvent évoluer à l’avenir, et le mouvement pourrait s’amplifier et s’accélérer, ce qui justifie pleinement la mise en place d’une régulation. J’insiste, régulation est le maître mot de ce que nous voulons faire.

Tous les élus de terrain connaissent bien ces problèmes, nous y sommes tous confrontés, que nous vivions dans une zone touristique ou viticole ou dans n’importe quel autre territoire. Nous comprenons donc parfaitement la nécessité de ces outils de régulation, et nous devons travailler ensemble à leur élaboration.

Vous évoquez aussi la question du mitage des terres, qui constitue en effet un véritable problème. Nous devons partir d’un principe de base : un agriculteur doit pouvoir acquérir ses terres. Dans le cadre du plan Biodiversité dévoilé en 2018, mes collègues Emmanuelle Wargon et Julien Denormandie sont en train de mettre en place un groupe de travail sur ce sujet, ses conclusions sont attendues pour le printemps prochain. Une feuille de route interministérielle sera alors définie, et je pense que nous réussirons à trouver un modèle qui nous permette de faire baisser la pression.

Debut de section - PermalienPhoto de Cyril Pellevat

Je vous remercie pour ces éléments, monsieur le ministre. Vous le savez, la Haute-Savoie est une région touristique qui est soumise à une forte pression immobilière. Les parlementaires de ce département seront donc très attentifs aux travaux du groupe de travail que vous évoquez et nous serons heureux de pouvoir être associés à ce processus de réflexion.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Gillé

Ma question porte sur la création d’un nouveau livret d’épargne, que certains nomment déjà livret vert, dont l’objectif serait de mobiliser l’épargne des Français pour financer des actions en faveur de l’agriculture, notamment la préservation du foncier agricole et la transition vers l’agroécologie.

Ce livret vert pourrait être créé sur le modèle du livret A ou du livret de développement durable. Cette idée est portée depuis le début des années 2010 sur différents bancs de l’Assemblée nationale et différentes travées du Sénat.

Récemment, dans leur rapport de la mission d’information sur le foncier agricole rendu en décembre 2018 à l’Assemblée nationale, Anne-Laurence Petel et Dominique Potier en ont fait l’une de leurs propositions, mais nous pouvons aussi nous rappeler qu’en 2015 une proposition de loi déposée par une partie de nos collègues du groupe Les Républicains reprenait également le principe de ce livret vert.

Ce livret vert présenterait selon moi un triple avantage.

Le premier serait de renforcer la lutte contre la pression foncière et l’artificialisation ou l’accaparement des terres agricoles. Il pourrait financer une politique de prêts bonifiés fléchés visant à favoriser l’accès au foncier agricole pour encourager l’installation et le renouvellement des générations. Il pourrait bénéficier aux agriculteurs, mais aussi aux collectifs citoyens et aux collectivités territoriales.

Le deuxième avantage, c’est qu’il répondrait à une attente sociétale de plus en plus forte des Français de s’engager vers des politiques plus respectueuses de l’environnement et une alimentation plus sûre.

Le troisième avantage que j’identifie viendrait également répondre à une attente forte des Français : avoir accès à une épargne sûre.

Monsieur le ministre, la loi sur le foncier agricole tardant à venir et la création de ce livret vert relevant davantage d’une loi de finances, pouvez-vous nous indiquer si le Gouvernement est prêt dans le cadre du prochain projet de budget à accepter le principe de la création de ce livret vert ?

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Monsieur le sénateur Gillé, vous posez une question importante, qui a déjà été évoquée au Sénat, ainsi que par la mission d’information présidée par Jean-Bernard Sempastous à l’Assemblée nationale. Elle dépasse bien évidemment le cadre de notre débat d’aujourd’hui, parce qu’elle doit être évaluée en interministériel et parce qu’elle fait partie du champ d’une loi de finances – vous l’avez dit.

Vous évoquez les attentes sociétales. Je voudrais dire de manière générale que, si nous voulons une transition agroécologique et une agriculture plus saine, plus sûre et plus durable, c’est aux agriculteurs que nous devrons cette évolution.

En ce qui concerne la création d’un livret vert, il n’y a pas d’opposition a priori du Gouvernement, mais son contour et les modalités de sa mise en place ne sont pas assez définis aujourd’hui. Cette idée mérite que nous y travaillions, et nous le ferons dans le cadre de la concertation qui est en cours.

Je ne peux évidemment pas vous répondre par oui ou par non – ce serait absurde. Cette proposition d’épargne populaire verte dépasse naturellement le champ de compétences du ministère de l’agriculture et beaucoup d’acteurs peuvent être concernés par un tel projet.

En tout cas, le Gouvernement n’est pas a priori opposé à une réflexion sur ce sujet, mais l’ensemble des répercussions, notamment dans le domaine fiscal et économique, doit être expertisé avec précision. Je comprends votre question comme un appel à mettre ce sujet à l’ordre du jour, et vous avez bien fait de la poser, parce qu’il est important.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Gillé

Vous l’avez souligné, monsieur le ministre, la maîtrise foncière par des instruments publics vise également à réguler les investissements financiers. Il est urgent de prendre cette orientation : nous espérons pouvoir travailler très rapidement à ce chantier !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Chaize

L’artificialisation des terres se poursuit en France, malgré de nombreuses lois appelant à la sobriété. Mon département, représenté aujourd’hui dans nos tribunes par des habitants de la commune de Viriat, n’y échappe pas.

Le plan Biodiversité, qui prône le « zéro artificialisation nette », vient s’ajouter aux dispositifs antérieurs, tels que ceux des lois Grenelle II, SRU, ALUR ou de la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, et aux orientations stratégiques de la politique climatique.

L’artificialisation reste pourtant supérieure en France à la moyenne européenne ; elle augmente plus rapidement que la population.

Ainsi, malgré les objectifs de réduction annoncés, on constate que la consommation des espaces naturels et agricoles se poursuit inexorablement. Elle représente en moyenne 27 000 hectares par an, soit l’équivalent de trois à cinq stades de football par heure.

De plus, si elle a été divisée par deux entre 2007 et 2017, elle est repartie à la hausse depuis 2015. Dans un rapport publié l’été dernier, France Stratégie estimait pour sa part qu’atteindre l’objectif de « zéro artificialisation nette » dès 2030 nécessiterait de réduire de 70 % l’artificialisation brute et de retourner à la nature 5 500 hectares de terres.

L’agriculture est souvent doublement touchée, par l’emprise des ouvrages construits puis par la mobilisation du foncier pour la mise en œuvre des mesures de compensation environnementale. La reconquête des sols et des friches urbaines peine à se mettre en place, notamment parce qu’elle est coûteuse.

L’application de la séquence « éviter-réduire-compenser », présentée comme la solution pour concilier aménagement et environnement, ne semble pas non plus donner les résultats escomptés. Le rôle des Safer comme régulateurs de la consommation du foncier agricole apparaît également de moins en moins prégnant.

Aussi, en quoi la loi foncière en préparation sera-t-elle de nature à apporter des solutions à la hauteur de cette consommation inexorable du foncier agricole, notamment en matière de réhabilitation des friches urbaines ?

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Monsieur le sénateur Patrick Chaize, permettez-moi de saluer à mon tour les citoyens et les élus de la commune de Viriat présents en tribune. Ils assistent à un débat dont la portée est bien réelle pour eux, tant le sujet de la pression foncière et de l’artificialisation des terres est prégnant dans le département de l’Ain, en particulier au sein de l’arc franco-valdo-genevois, du fait de la proximité de la Suisse. Ces dernières années, le nombre d’habitants a augmenté dans toutes les petites communes de ce secteur, ce qui a entraîné la consommation de terres agricoles.

Le sujet de la pression foncière, la proximité avec la Suisse font que tous nos petits villages ont augmenté en habitants et ont pris des terres agricoles.

Vous avez raison, monsieur Chaize : la consommation des espaces naturels est beaucoup trop forte aujourd’hui. Si, depuis des décennies, nous ne parvenons pas à régler ce problème, c’est pour une double raison.

D’abord, il a fallu équiper la France en logements et en services publics. Cela a contribué à priver l’agriculture de beaucoup de terres.

Ensuite, comme vous l’avez très bien dit, tant de textes législatifs concernant des secteurs divers et variés ont été produits, chacun traitant en silo de l’artificialisation des terres, que nous avons échoué à élaborer une vision globale du problème. De ce fait, nous sommes pour l’instant collectivement en échec.

Nous entendons précisément adopter une approche globale dans le cadre de l’élaboration de la future loi foncière, ainsi que dans celui de cette consultation. Je ne sais pas si cette loi foncière sortira cette année ou l’année prochaine : ni vous ni moi ne sommes maîtres de l’ordre du jour du Parlement, et il y a tellement d’autres textes à examiner ! Ce que je sais, c’est que le sujet que vous abordez est absolument essentiel. Le groupe de travail sur l’artificialisation des terres doit maintenant proposer des actions concrètes et partagées d’ici au mois d’avril et à la prochaine réunion du comité de défense écologique, afin d’étayer le projet de loi foncière à venir.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Chaize

Je remercie M. le ministre d’avoir pris en considération cette question. Effectivement, il faut arrêter de travailler en silo et aborder le problème selon une vision globale. C’est ainsi que l’on pourra répondre efficacement à un problème qui devient majeur dans nos territoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Segouin

Monsieur le ministre, je viens de l’Orne, département de polyculture, où prédominent, à l’ouest, la production laitière, et, à l’est, l’élevage et la culture des céréales. Dans ce département très agricole, bon nombre d’exploitations sont reprises par de jeunes agriculteurs, qui sont souvent, mais non toujours, les enfants des précédents exploitants.

Depuis quelques années, nous observons des reprises d’exploitations par des sociétés civiles d’exploitation agricole (SCEA) de départements voisins : ces sociétés pratiquent la monoculture pour fournir des unités de méthanisation. Nous constatons aussi que certaines fermes laitières sont reprises pour y étendre ou y installer des haras de chevaux de courses appartenant à des sociétés financières françaises ou étrangères. Dans ces deux cas, la terre peut être vendue jusqu’à 20 000 euros l’hectare.

Avec un chiffre d’affaires de 1 300 euros par hectare et un bénéfice de l’ordre de 450 euros par hectare, il est impossible pour un jeune agriculteur d’acquérir ces terres et de vivre décemment de son travail. Pourtant, à l’échelle du pays, il est primordial de conserver une indépendance agricole et de produire suffisamment pour nourrir la population : cela a été suffisamment répété au fil de cette journée. L’installation des jeunes agriculteurs doit donc être suivie et encouragée.

Bien sûr, le libéral que je suis aurait préféré que l’agriculture rémunère suffisamment pour qu’un marché du foncier agricole fonctionne de façon libre et indépendante, sans intervention des Safer. Malheureusement, ce n’est pas le cas ! Les Safer ont donc leur place, mais elles sont incompétentes dans les deux situations précises que j’ai décrites. En effet, elles ne peuvent agir en cas de transfert partiel des parts sociales. Les Safer font aussi l’objet de nombreuses critiques quant à la préemption et à l’attribution des terres, mais aussi quant à leur financement, depuis le retrait du soutien de l’État en 2017.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer votre position sur les points que j’ai évoqués, à savoir l’extension de l’avis des Safer aux transferts partiels de parts de société, leur financement et leur fonctionnement ?

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Monsieur le sénateur Segouin, le débat d’aujourd’hui nous permet de constater qu’il existe une vision partagée, sur toutes les travées de la Haute Assemblée, de ce que nous voulons pour nos terres agricoles.

Nous avons également une volonté commune de faire en sorte que des jeunes puissent s’installer. En effet, si l’on veut qu’il y ait encore de l’agriculture demain, il ne suffira pas de résoudre le problème du foncier : il faut aussi que les générations d’agriculteurs puissent se renouveler. À cet égard, nous travaillons sur un agrément afin de mettre en place une approche globale. Nous sommes donc tout à fait en phase.

Il reste à déterminer comment aborder ces sujets et dans quel cadre. À la suite de l’intervention du Président de la République, j’ai souhaité engager cette concertation pour faire prendre conscience à tous de l’enjeu. Comme je l’ai dit en réponse à M. Chaize, il faut cesser de travailler en silo, conduire une réflexion globale : telle est la tâche que s’est assignée le ministère de l’agriculture et de l’alimentation. C’est la première fois, me semble-t-il, que des organisations professionnelles agricoles, des structures associatives privées et des ONG travaillent ensemble sur ce thème.

Lors de la restitution à laquelle je me livrerai dans les prochaines semaines, je demanderai aux acteurs s’ils valident les points d’accord. Si tel est le cas, nous pourrons aller vite, mais nous savons très bien que, sur beaucoup de sujets, en particulier ceux que vous venez d’évoquer, il n’y a pas d’unanimité. Il faudra alors trancher. Ma crainte est que nous nous engagions dans des débats qui nous mèneraient à aborder, au-delà de l’agriculture et de l’artificialisation des terres, bien d’autres domaines, tel celui du logement. Pour pouvoir avancer, il faut d’abord déterminer ce sur quoi nous sommes unanimement d’accord.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Raymond Hugonet

Monsieur le ministre, l’agriculture s’apprête à connaître une restructuration sans précédent. Pour des raisons démographiques, dans les trois prochaines années, sur les 450 000 chefs d’exploitation recensés par la Mutualité sociale agricole, pas moins de 160 000 vont arriver à l’âge de la retraite. Cela représente plus du tiers des effectifs et quelque 55 000 départs d’agriculteurs par an. En regard, le nombre des installations varie, bon an mal an, de 12 000 à un peu plus de 14 000 depuis dix ans. Les filles et fils d’agriculteurs, dont tous ne reprennent évidemment pas l’exploitation familiale, ne peuvent relever seuls le défi du renouvellement des générations et du remplacement des agriculteurs partant à la retraite.

Dans ce contexte, la politique de régulation de l’exploitation du foncier et le contrôle des structures apparaissent secondaires. N’est-il pas plutôt nécessaire de trouver des agriculteurs, autrement dit de susciter des vocations, plutôt que de s’arc-bouter sur l’attribution la plus égalitaire possible du droit d’exploiter le foncier entre les agriculteurs en place, alors même qu’une exploitation agricole repose sur un projet économique permettant de dégager un revenu décent, et non sur un nombre d’hectares ?

Au regard de ce nouveau contexte foncier et de ces enjeux, ne croyez-vous pas nécessaire, monsieur le ministre, de simplifier les conditions d’application du contrôle des structures, dès lors que, dans la plupart des régions, il n’y aura pas pénurie de terres à cultiver et que la réussite d’une entreprise agricole dépend peu de son nombre d’hectares ? Jugez-vous nécessaire de faire des installations, tout particulièrement celles de jeunes non issus du milieu agricole, une priorité, dès lors qu’elles sont indispensables au renouvellement des générations d’agriculteurs ? Enfin, estimez-vous possible de mieux maîtriser les agrandissements excessifs en contrôlant plus efficacement les prises de participation dans les sociétés d’exploitation ?

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Monsieur le sénateur Hugonet, je répondrai à vos trois questions par l’affirmative.

Nous avons bien entendu identifié la nécessité de renforcer les outils propres à favoriser l’installation des jeunes agriculteurs, y compris hors cadre familial. Il faut savoir que la plupart des jeunes agriculteurs qui s’installent aujourd’hui le font hors cadre familial. Nous travaillons sur le répertoire des départs et des installations que vous appelez de vos vœux.

Il est effectivement envisagé, dans le cadre de la concertation, de simplifier le contrôle des structures pour le concentrer sur les opérateurs à enjeu. Ce contrôle est évidemment indispensable, mais nous voulons le faire évoluer.

Enfin, concernant là encore l’installation des jeunes, nous avons inversé la tendance à la baisse des effectifs dans l’enseignement agricole. Un bus partant du salon de l’agriculture sillonnera la France pour promouvoir la profession d’agriculteur. Par ailleurs, dans le cadre de l’Agenda rural, nous travaillons à rendre plus attractifs certains territoires.

Je l’ai déjà indiqué : les Safer ont contribué à l’installation de plus de 1 600 jeunes exploitants, sur un nombre total de 15 000. Leur rôle est donc important.

Je souhaiterais maintenant compléter la réponse que j’ai faite à M. Cabanel au sujet du financement des Safer.

Les Safer se rémunèrent sur les opérations qu’elles réalisent en France métropolitaine. Elles n’ont pas forcément besoin de plus d’argent en provenance du budget de l’État ; ce n’est d’ailleurs pas une demande qui nous est faite. En revanche, les besoins sont très importants pour l’outre-mer –Mme Jasmin peut en témoigner –, où l’État aide financièrement les Safer.

Enfin, je tiens à remercier M. Malhuret et le groupe qu’il préside pour ce débat, que je crois vraiment important. Il montre la profonde unanimité et la vision globale de la Haute Assemblée sur ces sujets. On a fait, dans le passé, des sottises, mais il faut éviter de regarder avec nos yeux d’aujourd’hui ce qui s’est fait hier. Nous n’abordions pas du tout, alors, ces questions de la même façon, qu’il s’agisse de réaliser des lotissements dans les communes ou de faire des investissements. Comme pour les grands ensembles dans nos villes, la réflexion n’était pas la même qu’aujourd’hui. Ce qui m’importe, pour ma part, c’est de regarder avec les yeux d’aujourd’hui ce qui se fera demain et d’essayer d’éviter de reproduire les mêmes erreurs. Je ne sais pas quelle France je veux dans trente ans, mais je sais quelle France je ne veux pas. Je pense que nous pouvons tous nous retrouver sur ce point.

En tout cas, je remercie le groupe Les Indépendants d’avoir inscrit ce débat ô combien important et de très haute tenue à l’ordre du jour de cet après-midi.

Applaudissements sur les travées des groupes Les Indépendants, RDSE et Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Raymond Hugonet

Monsieur le ministre, je constate avec plaisir que, pour une fois, nous sommes sur la même longueur d’onde : profitons-en ! Espérons que le salon de l’agriculture sera l’occasion d’envoyer les messages que vous avez évoqués afin de susciter de nouvelles vocations.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

En conclusion de ce débat, la parole est à M. Claude Malhuret, pour le groupe auteur de la demande.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Malhuret

« Que le souverain et la Nation ne perdent jamais de vue que la terre est l’unique source des richesses et que c’est l’agriculture qui les multiplie. Car l’augmentation des richesses assure celle de la population ; les hommes et les richesses font prospérer l’agriculture, étendent le commerce, animent l’industrie, accroissent et perpétuent les richesses. »

Telle est, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la maxime que posait François Quesnay à la fin du XVIIIe siècle. Avec lui, les physiocrates fondaient leur réflexion économique et politique sur la valorisation du foncier agricole, terreau fertile pour nos libertés individuelles.

Le sujet qui nous intéresse aujourd’hui se trouvait donc déjà au fondement de notre développement économique, et sur ce fondement s’enracinaient deux piliers qui structurent encore notre société : la propriété privée des moyens de production et la liberté d’entreprendre.

La question du foncier agricole, si elle demeure d’une actualité décisive pour nos agriculteurs, se trouve cependant aujourd’hui en tension avec les grands enjeux de notre siècle, au premier rang desquels figure bien évidemment le défi climatique.

Cette question intéresse donc bien au-delà du monde agricole. Elle fait surgir des problèmes nouveaux qui appellent de solutions nouvelles. Et pour cause : les termes du débat ont radicalement changé depuis la fin du XVIIIe siècle.

Comme cela a été rappelé au cours du débat, la question du foncier agricole doit trouver à s’articuler avec notre capacité collective à nous alimenter, à opérer la transition énergétique, à préserver les écosystèmes, à fournir des logements pour une population en croissance continue, à recevoir des infrastructures pour le développement des nouvelles technologies, à faciliter la mobilité de nos concitoyens et, bien sûr, à garantir des revenus décents pour nos agriculteurs.

Cet inventaire à la Prévert ne peut que renforcer une conviction que – j’ose le croire – nous partageons tous sur ces travées : la question du foncier agricole est d’une complexité rare. Elle fait se conjuguer, parfois de manière conflictuelle, des objectifs que nous aimerions pouvoir poursuivre de manière parallèle. Cette complexité nous oblige ainsi à opérer des choix difficiles.

C’est pour cette raison que notre groupe a opté pour un débat plutôt que pour une proposition de loi. Non qu’un texte de loi ne soit pas nécessaire pour répondre aux défis que nous avons collectivement identifiés – je crois en effet qu’une action législative sera tôt ou tard indispensable –, mais nous estimons plutôt que la question du foncier agricole est trop complexe pour que l’on puisse prétendre la résoudre par des solutions trop simples.

Notre travail parlementaire a déjà permis d’identifier de nombreuses pistes d’action pour préserver et valoriser le foncier agricole. Le Gouvernement a également précisé sa vision des problèmes sous-jacents et les solutions qu’il entend mettre en œuvre. Enfin, les acteurs de terrain se mobilisent dans les territoires pour nous faire remonter leurs opinions et leurs propositions sur la question.

Afin de préserver nos terres agricoles et de limiter l’artificialisation de nos sols, le législateur devra très certainement veiller à ce que la Nation protège ce foncier au même titre qu’elle s’attache déjà à protéger la biodiversité et les forêts de notre pays, en refusant de hiérarchiser ces priorités.

Telle est l’ampleur de la tâche qui se trouve devant nous. Nous devrons nous y atteler rapidement. Mise en valeur du foncier agricole, portage, transmission, rénovation de la régulation, retraites anticipées, fluidification du dialogue entre les différentes parties prenantes du terrain : les sujets ne manquent pas et ils intéressent le Sénat au premier chef. Le groupe Les Indépendants poursuivra ses travaux dans ce sens afin d’apporter des solutions concrètes aux défis du foncier agricole.

Pour l’heure, je voudrais remercier chaleureusement nos collègues de tous les groupes pour leur participation à ce débat. Je voudrais vous remercier plus particulièrement, monsieur le ministre, pour les réponses que vous nous avez apportées sur les sujets que j’évoquais à l’instant et sur bien d’autres. Je voudrais enfin remercier nos collègues Alain Fouché et Franck Menonville, à l’origine de ce débat dont nous voyons bien, à son issue, à quel point il était nécessaire.

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Nous en avons terminé avec le débat sur le thème : « Le foncier agricole : les outils de régulation sont-ils toujours pertinents ? »

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 18 février 2020 :

À neuf heures trente :

Trente-six questions orales.

À quatorze heures trente et, éventuellement, le soir :

Débat sur la politique familiale ;

Débat portant sur « l’irresponsabilité pénale » ;

Débat sur les risques naturels majeurs outre-mer ;

Débat sur le thème « Quelle doctrine d’emploi de la police et de la gendarmerie dans le cadre du maintien de l’ordre ? ».

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance est levée à dix-huit heures cinq.

Aucune opposition ne s ’ étant manifestée dans le délai prévu par l ’ article 8 du règlement, la liste des candidatures préalablement publiée est ratifiée.

Mmes Viviane Artigalas, Martine Berthet, MM. Yves Bouloux, Max Brisson, Bernard Buis, François Calvet, Thierry Carcenac, Mmes Maryse Carrère, Marta de Cidrac, M. Pierre-Yves Collombat, Mmes Josiane Costes, Cécile Cukierman, M. René Danesi, Mme Catherine Di Folco, M. Michel Forissier, Mme Catherine Fournier, M. Jean-Michel Houllegatte, Mme Corinne Imbert, MM. Claude Kern, Éric Kerrouche, Mmes Christine Lavarde, Anne-Catherine Loisier, M. Jean-François Longeot, Mme Vivette Lopez, M. Jean Louis Masson, Mmes Patricia Morhet-Richaud, Sylviane Noël, Angèle Préville, MM. Didier Rambaud, Claude Raynal, Alain Richard, Mme Sylvie Robert, MM. Bruno Sido, Jean Sol, Jean-Pierre Sueur, Mme Sylvie Vermeillet et M. Dany Wattebled.

Le groupe Les Républicains a présenté une candidature pour la commission spéciale chargée d ’ examiner le projet de loi d ’ accélération et de simplification de l ’ action publique.

Aucune opposition ne s ’ étant manifestée dans le délai d ’ une heure prévu par l ’ article 8 du règlement, cette candidature est ratifiée : M. Jean-Raymond Hugonet est membre de la commission spéciale chargée d ’ examiner le projet de loi d ’ accélération et de simplification de l ’ action publique en remplacement de Mme Marta de Cidrac, démissionnaire.