Pour remédier à la disette alimentaire consécutive à la Seconde Guerre mondiale, un grand programme de modernisation de l’agriculture française a réaménagé le territoire agricole au service d’une agriculture pétrolière utilisant sans limites les matières et les énergies fossiles. C’est ainsi que 20 000 remembrements ont été financés, 500 000 kilomètres de haies supprimés, des milliers de champs drainés ou irrigués, des milliers de mares supprimées, des centaines de kilomètres de cours d’eau rectifiés et des milliers d’hectares de zones humides retournés.
Les sols ont été massivement artificialisés et continuent de l’être à un rythme soutenu. La taille des parcelles s’est accrue. Les rendements ont certes augmenté grâce aux engrais et aux pesticides, mais on mesure aujourd’hui la contribution de ceux-ci aux pollutions de toute sorte et, bien sûr, au réchauffement de la planète. La note, assurément, sera lourde…
Aucun insecticide n’est aussi efficace que l’oiseau, la coccinelle ou la grenouille qui loge dans les arbres, les fossés, les mares, les prairies humides que, malheureusement, l’intensification agricole de l’ère du pétrole a rasés, comblés, retournés ou abandonnés. Il ne faut pourtant pas désespérer : dame nature est bonne fille…
Le projet d’industrialisation de l’agriculture comportait le volet essentiel de l’aménagement foncier. Aujourd’hui, l’heureuse réorientation de l’agroécologie appelle un nouveau projet spatial, qui en accompagne et favorise la mise en œuvre. Une loi foncière est attendue. À cet égard, j’ai bien entendu le questionnement pertinent de mon collègue et ami Franck Menonville.
Monsieur le ministre, il faut que cette loi soit ambitieuse, qu’on n’hésite pas à répondre aux attentes de plus en plus vives, de plus en plus pressantes, de nos concitoyens, mais aussi aux souffrances réelles du monde agricole. Pour cela, il convient d’introduire la notion de localisation agroécologique pertinente des surfaces d’intérêt écologique dans la conditionnalité des aides de la politique agricole commune. Dans le cadre de la réforme de la PAC, la création et l’entretien de ces structures paysagères et écologiques pertinentes devraient faire l’objet de paiements pour services environnementaux dans tous les bassins de notre pays, avec le concours des agences de l’eau. Qu’en pensez-vous ?