Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la République est non pas une administration hexagonale, mais une conception de la France qui traverse les siècles comme les océans. Aimer notre pays, c’est donc valoriser et soutenir les territoires les plus distants de la métropole, tout en leur rendant justice.
La Polynésie française, avec ses presque cinq millions de kilomètres carrés de zone économique exclusive, est un atout incomparable. Rapporteur de ces deux textes, j’ai pu observer que tous les acteurs concernés – exécutif et assemblée de la Polynésie, Gouvernement et élus locaux polynésiens – avaient à cœur de faire converger leurs vues, afin que la navette parlementaire soit aussi consensuelle que rapide.
C’est dans cet esprit d’ouverture que les amendements adoptés en commission des lois, ou présentés a posteriori par le Gouvernement, ont pu être acceptés par les différents interlocuteurs. Collectivement, grâce à cette concertation poussée, nous avons su élaborer un texte négocié, et ce sans avoir immolé les nécessaires réformes sur l’autel du compromis.
Je tiens donc à souligner les avancées rendues ainsi possibles ; elles touchent notamment à trois domaines.
Premièrement, il s’agit de la reconnaissance, dans le projet de loi organique, du fait nucléaire, de la contribution de la Polynésie française à la dissuasion nucléaire. Cette dernière étant la pierre angulaire de notre système de défense, on mesure le rôle que ce territoire d’outre-mer a joué pour notre sécurité, mais aussi pour l’autorité de la voix de la France dans le monde. Il est juste de reconnaître cette contribution d’importance, de même qu’il est indispensable d’indemniser mieux et plus vite les victimes de nos campagnes d’essais nucléaires ; et c’est l’honneur d’un grand pays comme la France de considérer avec dignité ceux qui ont eu à subir les conséquences des essais dans leur chair.
Deuxièmement, au travers de ces projets de loi, nous avons abordé les questions du règlement des difficultés foncières et des indivisions. Ces dernières sont particulièrement prégnantes dans nos collectivités d’outre-mer, et je tiens à saluer le travail considérable accompli par la délégation sénatoriale aux outre-mer, que préside notre collègue Michel Magras. En s’appuyant sur les trois rapports qu’elle a publiés sur ce sujet, le Sénat a œuvré pour sortir des situations inextricables créées par le phénomène d’indivision successorale, véritable obstacle à la construction et, donc, au développement de ces territoires.
Troisièmement, l’exercice et la répartition des compétences, ainsi que le fonctionnement des diverses institutions polynésiennes dans le cadre du statut d’autonomie prévu par l’article 74 de notre Constitution, sont un point majeur.
Cette autonomie est une nécessité : il ne s’agit pas moins que d’administrer un territoire dont les réalités sont celles d’un archipel constitué de 118 îles dispersées sur une superficie équivalant à celle de l’Europe – rien que cela ! L’exemple polynésien illustre combien, dans la gestion des compétences de nos collectivités, l’équité appelle non pas l’uniformité, mais l’imagination. On touche ici pleinement au principe de différenciation territoriale.
Voilà pourquoi, désormais enrichis par le Sénat, ces textes vont, sans ébranler le statut général de la Polynésie, faciliter l’exercice des responsabilités dans ce territoire.
Seront ainsi améliorés le fonctionnement des autorités administratives indépendantes, le régime juridique des sociétés publiques locales et des sociétés d’économie mixte, avec chaque fois le même objectif : adapter les instruments aux spécificités locales.
Le partage des compétences entre le pays, les communes de Polynésie et les diverses institutions présentes en Polynésie a également été clarifié, et les lois de pays adoptées par l’assemblée de la Polynésie seront plus facilement applicables. L’impact des décisions votées par cette assemblée en sort ainsi conforté, rendant l’action publique plus perceptible, au bénéfice de la vitalité démocratique.
Quant aux institutions, la version actuelle du texte les libère de la menace d’une véritable épée de Damoclès. Jusqu’à présent, une disposition assez ubuesque permettait à trois représentants démissionnaires de provoquer le renouvellement intégral de l’assemblée de la Polynésie française – rien que cela ! Mes chers collègues, vous en conviendrez : comment peut-on gouverner sereinement ainsi ?
C’est pourquoi la proportion de sièges vacants nécessaire à la tenue de nouvelles élections générales a été élevée à un tiers de l’effectif global, comme c’est le cas pour les conseils municipaux.
Enfin, le texte s’est enrichi de nombreuses avancées, parmi lesquelles le régime des syndicats mixtes, le recouvrement de l’impôt, l’encouragement à l’intercommunalité, ou encore la modernisation du statut des agents non fonctionnaires de l’administration. Toutes ces dispositions techniques permettront d’apporter de l’huile dans le meccano des diverses institutions polynésiennes. Gageons que ces dernières seront plus faciles à piloter, et que le service rendu à la population n’en sera que meilleur.
Certes, sur certaines questions – je pense notamment au caractère encore trop hermétique, voire abscons, du droit en Polynésie – il faudra aller plus loin. Madame la ministre, nous avons longuement discuté de ce sujet