Intervention de Édouard Philippe

Réunion du 19 février 2019 à 15h00
Questions d'actualité au gouvernement — Antisémitisme

Édouard Philippe :

Votre propos comporte de nombreux aspects, monsieur le président Retailleau.

Je m’associe bien évidemment à votre dénonciation des actes antisémites et de l’agression dont a été victime Alain Finkielkraut, qui a consacré à Péguy un livre, Le Mécontemporain. Nous avons assisté avec consternation et colère, peut-être même avec une forme de rage, à cette mise en cause crue, assumée, brutale d’un homme qui incarne, avec d’autres, la figure de l’intellectuel engagé dans le débat républicain.

Vous dénoncez l’antisémitisme ; moi aussi. Mais, comme je l’indiquais précédemment, s’il est indispensable de le faire, cela n’est pas suffisant. Il faut avoir, comme vous nous y avez invités, la lucidité de reconnaître que l’antisémitisme est, à bien des égards, profondément enraciné dans la société et l’histoire françaises. Ce n’est pas que la France soit antisémite –aux moments les plus sombres, il s’est toujours trouvé des femmes et des hommes, parfois des institutions, pour défendre la conception que nous nous faisons de notre pays –, mais il faut bien admettre que, depuis bien longtemps dans notre histoire, diverses formes d’antisémitisme coexistent, se développant ou s’atténuant tour à tour.

Vous évoquez le développement d’un antisémitisme qui serait issu d’une radicalisation de l’islam ou des théories salafistes pouvant parfois prévaloir dans certains lieux et certains esprits. Un tel antisémitisme existe. Monsieur le président Retailleau, nous ne devons rien cacher ni ignorer du phénomène de l’antisémitisme en France. L’antisémitisme n’est l’apanage d’aucune formation politique et il a été, malheureusement, largement partagé à différentes périodes de l’histoire.

Nous savons que le combat contre l’antisémitisme est redoutablement difficile. Il faut l’aborder avec une détermination presque sauvage, dirai-je, mais aussi avec la lucidité de ceux qui savent qu’il dure depuis longtemps. Faire preuve d’un peu d’humilité face à la difficulté – je parle pour moi comme pour tous ceux qui sont ambitieux dans ce domaine – peut permettre de ne pas nous payer simplement de mots.

Oui, nous devons livrer ce combat en disant où est l’ennemi. Oui, nous devons livrer ce combat en faisant le pari de l’intelligence, de l’éducation, de la formation. Oui, nous devons compléter nos dispositifs juridiques quand ils doivent l’être et inciter la justice, autant que cela se peut dans un régime promouvant la séparation des pouvoirs, à se montrer sévère envers les auteurs de tels actes.

De ce point de vue, monsieur Retailleau, je n’ai aucune hésitation. J’ai appelé à l’union sacrée sans hypocrisie, sans exclusive, sans incohérence. Peut-être avez-vous été frappé, comme je l’ai été, par le fait que certains ont dit, après l’agression dont a été victime Alain Finkielkraut : « Je la dénonce, mais… » Pour moi, il n’y a pas de « mais » ! Quand on combat l’antisémitisme, on le combat totalement, sans réserve ! Telle est mon intention !

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