Intervention de Jean-Marie Vanlerenberghe

Commission mixte paritaire — Réunion du 18 novembre 2014 à 9h30
Commission mixte paritaire sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015

Photo de Jean-Marie VanlerenbergheJean-Marie Vanlerenberghe, sénateur, rapporteur pour le Sénat :

Avec de nombreux articles adoptés sans modification, plusieurs articles modifiés avec avis favorable du Gouvernement et certains articles supprimés avec un avis de sagesse du Gouvernement, le Sénat n'a pas manifesté une opposition frontale à ce texte.

Nous avons adopté les première et deuxième parties avec quelques modifications. A l'article 5, un amendement a marqué notre attachement à ce qu'une loi, et non un simple décret, continue à autoriser formellement toute dépense financée par le fonds de solidarité vieillesse (FSV), en l'espèce la prime exceptionnelle pour les retraités modestes. La situation financière du FSV, qui connaît un déficit récurrent de près de 3 milliards d'euros, doit rester sous étroite surveillance parlementaire. Notre rédaction est sans doute perfectible, mais il ne s'agit en aucune manière d'une question partisane. Quant à la modification adoptée à l'article 3 sur le mécanisme W, elle constitue plus un aménagement qu'une remise en cause.

Sur la troisième partie, relative aux recettes pour 2015, le Sénat partageait globalement l'analyse selon laquelle notre pays a largement épuisé les marges de manoeuvre en matière de prélèvements obligatoires.

Sur les particuliers-employeurs, notre assemblée est revenue aux dispositions adoptées en juillet dernier par le Sénat, à l'initiative d'Yves Daudigny, en portant la réduction forfaitaire à 1,50 euro. Il s'agit d'une mesure de soutien à l'emploi déclaré, contre les pratiques de travail dissimulé. Peut-être tous les emplois ne méritent-ils pas de bénéficier de la réduction, mais c'est au Gouvernement qu'il appartient de modifier la liste par voie réglementaire.

Le Sénat a modifié l'article 10 sur la régulation des dépenses de médicaments. Il a supprimé les ajouts de l'Assemblée nationale relatifs aux contributions sur les dividendes et à la taxation des cigares...

Les points de désaccord sont moins limités en dépenses. Sur trois des quatre branches, le Sénat a souhaité marquer une orientation différente, qui se lit dans les tableaux d'équilibre de la fin de troisième partie. En cohérence avec son vote sur le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019, il a supprimé l'article 28.

Sur le volet assurance maladie, outre des amendements purement rédactionnels, nous avons adopté des modifications susceptibles de donner lieu à un accord. Nous avons ainsi complété l'article 34 avec une centrale d'achat approvisionnant les structures publiques de vaccination et diminuant leurs charges - cela devrait aussi s'appliquer aux centres communaux, non couverts par la rédaction de l'article, mais qui se trouvent souvent très désavantagés dans les négociations avec les laboratoires du fait de leur petite taille. Nous avons rétabli à l'article 40, qui fixe les objectifs de financement du fonds d'investissement régional (FIR), la notion de handicap, curieusement fondue dans celle de « pertes d'autonomie ». Nous avons rendu expérimental, à l'article 44, le dispositif de promotion des comportements de prescription responsables dans la liste en sus, pour ne pas pénaliser certains établissements comme les centres anticancéreux qui, du fait de leur patientèle, recourent nécessairement davantage que d'autres à ces produits. Nous avons précisé, à l'article 51, en adoptant un sous-amendement du Gouvernement, que les plasmas dits SD vendus en France seront obligatoirement issus de dons anonymes et gratuits.

Outre l'article 52 bis, adopté avec l'accord du Gouvernement, qui prolonge d'un an l'expérimentation du dossier pharmaceutique, le Sénat a introduit de nouveaux articles relatifs à l'évaluation du médicament : l'article 47 quater prévoit que la récente commission de l'évaluation médico-économique au sein de la Haute Autorité de santé (HAS) donne un avis sur les médicaments dont le remboursement est demandé ; l'article 47 ter rend directement applicable l'obligation faite aux industriels, largement consensuelle et prévue par la loi sur la sécurité du médicament de 2011, de produire des essais comparatifs pour obtenir le remboursement d'un produit dans une indication donnée - face à des médicaments nouveaux, qui prétendent obtenir un prix élevé en raison de l'innovation thérapeutique qu'ils apportent, nous sommes en droit d'exiger le plus haut niveau de preuve scientifique. L'article 47 bis prévoit la mise en oeuvre au 1er janvier 2016 de l'Index thérapeutique unique relatif (ITR), indicateur élaboré par la HAS il y a plusieurs années, pour qu'un véritable dialogue s'engage enfin avec les industriels sur ses modalités pratiques. L'article 53 bis A garantit davantage d'équité dans l'utilisation du produit de la contribution de solidarité pour l'autonomie (CSA) en réservant la moitié de son produit à la prise en charge des soins, via l'objectif global de dépenses (OGD), et l'autre moitié à la compensation des dépenses d'APA et de PCH des départements. L'article 53 bis B consacre la part du produit de la contribution additionnelle de solidarité pour l'autonomie (Casa) non utilisée en 2015 à la mise en oeuvre d'un plan d'investissement sur trois ans, conformément à l'engagement du Gouvernement.

D'autres points marquent une divergence entre nos deux assemblées. Le Sénat a accru l'effort de maîtrise de l'Ondam, insuffisant au regard du déficit de l'assurance maladie : un nombre encore trop important d'actes inutiles ou redondants, notamment dans la relation ville-hôpital, un recours insuffisant aux médicaments génériques, une régulation imparfaite des urgences hospitalières. Nous pouvons aller au-delà de ce que propose le Gouvernement si nous ne posons pas les mêmes limites : par exemple, la réduction du temps de travail a accru les difficultés de l'hôpital, il faut renégocier les accords.

A l'article 49 bis, le Sénat a mis en place trois jours de carence pour les agents de la fonction publique hospitalière sur proposition de la commission des finances. La commission des affaires sociales s'en était tenue à un seul jour, probant non seulement du point de vue de l'économie engendrée (65 millions d'euros), mais surtout de l'organisation des services hospitaliers.

Une part d'automédication pourrait aussi entrer dans la consommation des ménages au même titre que d'autres postes.

Le Sénat a supprimé l'article 29 bis, qui exonère les bénéficiaires de l'aide à la complémentaire santé (ACS) des franchises et de la participation forfaitaire. Quel devient le sens des franchises, lorsqu'elles sont payées par une partie de plus en plus faible de la population ? La suppression des participations demandées aux bénéficiaires de l'ACS, introduite à l'Assemblée nationale, relève d'abord de problèmes techniques liés à la mise en place du tiers payant. La participation forfaitaire pour les consultations médicales peut être supprimée tout en maintenant les franchises, notamment pour les médicaments, que les pharmaciens perçoivent déjà dans le cadre du système « tiers payant contre génériques ». Le Gouvernement ayant choisi de faire de cette question un enjeu de principe, nous avons en séance publique retiré l'amendement de la commission et l'article a été rejeté.

Notre assemblée a adopté un amendement relevant progressivement les bornes d'âge de la retraite à partir de 2018 afin d'alerter sur le fait que les équilibres financiers se dégradent à nouveau à cet horizon.

C'est peut-être sur la famille que nos désaccords sont les plus importants. Par le vote de dix amendements de suppression émanant de différentes sensibilités, le Sénat s'est opposé à la modulation des allocations familiales en fonction des revenus du foyer. Ce désaccord politique de fond suffirait à nous empêcher d'élaborer un texte commun.

De façon un peu paradoxale, la discordance des majorités a rendu possible un certain nombre de convergences. Il n'en demeure pas moins que des désaccords de fond subsistent et me paraissent de nature à empêcher l'élaboration d'un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015.

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