Conformément au deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution et à la demande du Premier ministre, une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015, s'est réunie au Sénat.
La commission mixte paritaire procède d'abord à la désignation de son bureau, qui est ainsi constitué : Alain Milon, sénateur, président ; Catherine Lemorton, députée, vice-présidente ; Jean-Marie Vanlerenberghe, sénateur, rapporteur pour le Sénat ; Gérard Bapt, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale.
La commission mixte paritaire procède ensuite à l'examen du texte.
Notre commission mixte paritaire est réunie pour examiner la possibilité de parvenir à un texte commun sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015.
Le Sénat a adopté le projet de loi de financement après l'avoir discuté dans son intégralité, situation inédite depuis le début de législature. Il lui a toutefois apporté des modifications qui, sans le bouleverser, marquent une orientation sensiblement différente de celle retenue par le Gouvernement et par l'Assemblée nationale.
Le texte qui nous était transmis comportait 93 articles, dont un article supprimé. Le Sénat a maintenu cette suppression et adopté conformes 47 articles. Il a modifié 36 articles avec, dans près de la moitié des cas, un avis favorable ou de sagesse du Gouvernement. Il a supprimé 9 articles, dont 5 seulement contre l'avis du Gouvernement. Enfin, le Sénat a ajouté 24 articles additionnels, mais 3 seulement ont reçu l'avis favorable du Gouvernement.
Ce bilan statistique traduit à la fois le climat constructif dans lequel s'est déroulé le débat au Sénat, et les différences notables avec le texte de l'Assemblée nationale. Nous avons refusé de moduler les allocations familiales selon le niveau de revenu des familles, avons voulu aller plus loin dans la maîtrise des dépenses d'assurance maladie, et souligné la nécessité d'assurer l'équilibre à moyen terme des régimes de retraite par un nouveau relèvement de l'âge de départ à la retraite. Ainsi, dans les 69 articles restant en discussion, apparaissent des points de divergence significatifs.
Le Sénat a adopté 47 articles conformes. Vous avez mené la discussion jusqu'au bout de manière constructive. Mais, je partage votre avis, le Sénat a supprimé des mesures essentielles aux yeux de la majorité présidentielle, il paraît dès lors difficile de parvenir à un accord.
Avec de nombreux articles adoptés sans modification, plusieurs articles modifiés avec avis favorable du Gouvernement et certains articles supprimés avec un avis de sagesse du Gouvernement, le Sénat n'a pas manifesté une opposition frontale à ce texte.
Nous avons adopté les première et deuxième parties avec quelques modifications. A l'article 5, un amendement a marqué notre attachement à ce qu'une loi, et non un simple décret, continue à autoriser formellement toute dépense financée par le fonds de solidarité vieillesse (FSV), en l'espèce la prime exceptionnelle pour les retraités modestes. La situation financière du FSV, qui connaît un déficit récurrent de près de 3 milliards d'euros, doit rester sous étroite surveillance parlementaire. Notre rédaction est sans doute perfectible, mais il ne s'agit en aucune manière d'une question partisane. Quant à la modification adoptée à l'article 3 sur le mécanisme W, elle constitue plus un aménagement qu'une remise en cause.
Sur la troisième partie, relative aux recettes pour 2015, le Sénat partageait globalement l'analyse selon laquelle notre pays a largement épuisé les marges de manoeuvre en matière de prélèvements obligatoires.
Sur les particuliers-employeurs, notre assemblée est revenue aux dispositions adoptées en juillet dernier par le Sénat, à l'initiative d'Yves Daudigny, en portant la réduction forfaitaire à 1,50 euro. Il s'agit d'une mesure de soutien à l'emploi déclaré, contre les pratiques de travail dissimulé. Peut-être tous les emplois ne méritent-ils pas de bénéficier de la réduction, mais c'est au Gouvernement qu'il appartient de modifier la liste par voie réglementaire.
Le Sénat a modifié l'article 10 sur la régulation des dépenses de médicaments. Il a supprimé les ajouts de l'Assemblée nationale relatifs aux contributions sur les dividendes et à la taxation des cigares...
Les points de désaccord sont moins limités en dépenses. Sur trois des quatre branches, le Sénat a souhaité marquer une orientation différente, qui se lit dans les tableaux d'équilibre de la fin de troisième partie. En cohérence avec son vote sur le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019, il a supprimé l'article 28.
Sur le volet assurance maladie, outre des amendements purement rédactionnels, nous avons adopté des modifications susceptibles de donner lieu à un accord. Nous avons ainsi complété l'article 34 avec une centrale d'achat approvisionnant les structures publiques de vaccination et diminuant leurs charges - cela devrait aussi s'appliquer aux centres communaux, non couverts par la rédaction de l'article, mais qui se trouvent souvent très désavantagés dans les négociations avec les laboratoires du fait de leur petite taille. Nous avons rétabli à l'article 40, qui fixe les objectifs de financement du fonds d'investissement régional (FIR), la notion de handicap, curieusement fondue dans celle de « pertes d'autonomie ». Nous avons rendu expérimental, à l'article 44, le dispositif de promotion des comportements de prescription responsables dans la liste en sus, pour ne pas pénaliser certains établissements comme les centres anticancéreux qui, du fait de leur patientèle, recourent nécessairement davantage que d'autres à ces produits. Nous avons précisé, à l'article 51, en adoptant un sous-amendement du Gouvernement, que les plasmas dits SD vendus en France seront obligatoirement issus de dons anonymes et gratuits.
Outre l'article 52 bis, adopté avec l'accord du Gouvernement, qui prolonge d'un an l'expérimentation du dossier pharmaceutique, le Sénat a introduit de nouveaux articles relatifs à l'évaluation du médicament : l'article 47 quater prévoit que la récente commission de l'évaluation médico-économique au sein de la Haute Autorité de santé (HAS) donne un avis sur les médicaments dont le remboursement est demandé ; l'article 47 ter rend directement applicable l'obligation faite aux industriels, largement consensuelle et prévue par la loi sur la sécurité du médicament de 2011, de produire des essais comparatifs pour obtenir le remboursement d'un produit dans une indication donnée - face à des médicaments nouveaux, qui prétendent obtenir un prix élevé en raison de l'innovation thérapeutique qu'ils apportent, nous sommes en droit d'exiger le plus haut niveau de preuve scientifique. L'article 47 bis prévoit la mise en oeuvre au 1er janvier 2016 de l'Index thérapeutique unique relatif (ITR), indicateur élaboré par la HAS il y a plusieurs années, pour qu'un véritable dialogue s'engage enfin avec les industriels sur ses modalités pratiques. L'article 53 bis A garantit davantage d'équité dans l'utilisation du produit de la contribution de solidarité pour l'autonomie (CSA) en réservant la moitié de son produit à la prise en charge des soins, via l'objectif global de dépenses (OGD), et l'autre moitié à la compensation des dépenses d'APA et de PCH des départements. L'article 53 bis B consacre la part du produit de la contribution additionnelle de solidarité pour l'autonomie (Casa) non utilisée en 2015 à la mise en oeuvre d'un plan d'investissement sur trois ans, conformément à l'engagement du Gouvernement.
D'autres points marquent une divergence entre nos deux assemblées. Le Sénat a accru l'effort de maîtrise de l'Ondam, insuffisant au regard du déficit de l'assurance maladie : un nombre encore trop important d'actes inutiles ou redondants, notamment dans la relation ville-hôpital, un recours insuffisant aux médicaments génériques, une régulation imparfaite des urgences hospitalières. Nous pouvons aller au-delà de ce que propose le Gouvernement si nous ne posons pas les mêmes limites : par exemple, la réduction du temps de travail a accru les difficultés de l'hôpital, il faut renégocier les accords.
A l'article 49 bis, le Sénat a mis en place trois jours de carence pour les agents de la fonction publique hospitalière sur proposition de la commission des finances. La commission des affaires sociales s'en était tenue à un seul jour, probant non seulement du point de vue de l'économie engendrée (65 millions d'euros), mais surtout de l'organisation des services hospitaliers.
Une part d'automédication pourrait aussi entrer dans la consommation des ménages au même titre que d'autres postes.
Le Sénat a supprimé l'article 29 bis, qui exonère les bénéficiaires de l'aide à la complémentaire santé (ACS) des franchises et de la participation forfaitaire. Quel devient le sens des franchises, lorsqu'elles sont payées par une partie de plus en plus faible de la population ? La suppression des participations demandées aux bénéficiaires de l'ACS, introduite à l'Assemblée nationale, relève d'abord de problèmes techniques liés à la mise en place du tiers payant. La participation forfaitaire pour les consultations médicales peut être supprimée tout en maintenant les franchises, notamment pour les médicaments, que les pharmaciens perçoivent déjà dans le cadre du système « tiers payant contre génériques ». Le Gouvernement ayant choisi de faire de cette question un enjeu de principe, nous avons en séance publique retiré l'amendement de la commission et l'article a été rejeté.
Notre assemblée a adopté un amendement relevant progressivement les bornes d'âge de la retraite à partir de 2018 afin d'alerter sur le fait que les équilibres financiers se dégradent à nouveau à cet horizon.
C'est peut-être sur la famille que nos désaccords sont les plus importants. Par le vote de dix amendements de suppression émanant de différentes sensibilités, le Sénat s'est opposé à la modulation des allocations familiales en fonction des revenus du foyer. Ce désaccord politique de fond suffirait à nous empêcher d'élaborer un texte commun.
De façon un peu paradoxale, la discordance des majorités a rendu possible un certain nombre de convergences. Il n'en demeure pas moins que des désaccords de fond subsistent et me paraissent de nature à empêcher l'élaboration d'un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015.
Il est en effet paradoxal que le Sénat ait mené jusqu'au bout l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale à la faveur du changement de majorité.
Nos désaccords me semblent néanmoins irréductibles. Notre commission mixte paritaire doit examiner 69 articles restant en discussion. Malgré un certain nombre d'articles adoptés par le Sénat dans les mêmes termes qu'à l'Assemblée, souvent sur des mesures techniques, nos positions sont irréconciliables sur les points cruciaux.
Le Sénat propose de faire 1 milliard d'euros d'économies en plus sur l'assurance maladie tout en remettant en cause les mécanismes de régulation des dépenses de médicaments - donc en faisant peser les économies exclusivement sur les établissements de santé et la médecine de ville, hors médicament ! A l'article 3 relatif aux médicaments traitant l'hépatite C, il affaiblit le pouvoir de négociation du comité économique des produits de santé (Ceps) et fait porter les dépenses supplémentaires sur l'ensemble des entreprises du médicament - un terme avancé pour le mécanisme ne permet pas, en outre, un recul suffisant. A l'article 10 relatif au taux L, il fragilise le mécanisme. Il supprime, avec l'article 29 bis, l'exonération de la franchise médicale pour les bénéficiaires de l'aide à l'acquisition d'une complémentaire santé (ACS), une dépense pourtant minime, tout en acceptant le principe du tiers payant. A l'article 49 bis, il instaure trois journées de carence dans la fonction publique hospitalière, mesure qui pénalise inutilement les fonctionnaires : quand elle a été appliquée, elle n'a pas diminué l'absentéisme - je rappelle qu'une grande partie des salariés du privé bénéficient d'une prise en charge des jours de carence par les assurances complémentaires ou les conventions collectives.
Le Sénat a porté l'âge légal de la retraite de 62 à 64 ans, remettant en cause une réforme adoptée il y a moins d'un an qui ramène à l'équilibre les régimes de base sans modifier les perspectives de départ à la retraite des actifs à court terme. Il a supprimé la modulation des allocations familiales en fonction du revenu, soit une économie d'environ 800 millions d'euros pour la branche en année pleine et de 400 millions dès 2015, aggravant ainsi le déficit de la Cnaf pour 2015, et augmentant l'objectif de dépenses de cette caisse au détriment de la branche maladie.
La perspective d'un accord est donc irréaliste. Cela ne nous empêchera pas de proposer à l'Assemblée nationale d'adopter des éléments ajoutés par le Sénat, techniques ou non. Sur le sujet brûlant du doublement de la déduction forfaitaire de cotisations pour le particulier employeur, mon amendement initial était identique au vôtre ; après négociation avec le Gouvernement, nous avons réservé ce doublement aux dépenses de garde d'enfants. Nous verrons dans quelle mesure la position du Gouvernement lors de la nouvelle lecture tiendra compte du vote intervenu au Sénat.
Les positions semblent irréconciliables. Mais il n'est pas interdit d'en discuter.
Le groupe socialiste se félicite que le débat ait pu être mené jusqu'à son terme, contrairement aux deux dernières années. Nous avons compté 45 articles adoptés conformes et 19 modifiés avec l'avis favorable du Gouvernement. Ces chiffres témoignent d'une volonté commune de travailler de manière constructive et d'un respect mutuel de nos positions, quelles que soient nos divergences. Surtout, une grande partie des dispositions du projet de loi de financement font l'objet d'un accord : preuve que c'était un projet de qualité !
Je crois possible de trouver un accord sur certains articles, comme ceux relatifs au secteur médico-social. Pour le reste, les divergences sont profondes. Certaines mesures de justice, comme l'exonération de participation et de franchise pour les bénéficiaires de l'aide à l'acquisition d'une complémentaire santé, ou la modulation des allocations familiales, ont été supprimées. Des mesures injustes ont été ajoutées : réinstauration des jours de carence pour le personnel hospitalier, recul de l'âge de la retraite à taux plein. Surtout, les mesures d'économie supplémentaires adoptées par la majorité sénatoriale sont contradictoires avec la suppression d'autres mesures de maîtrise des coûts, notamment dans le secteur du médicament.
Je partage donc l'avis des deux rapporteurs.
Certes, l'équation est complexe. Le contexte, de plus, n'est pas enthousiasmant : les caisses d'assurance maladie, les caisses d'allocations familiales, l'Union nationale des organismes d'assurance maladie complémentaire (Unocam) avaient exprimé dès le début leur opposition au projet du Gouvernement, qui creuse encore les déficits et manifeste l'insincérité budgétaire qui est sa marque de fabrique.
Les orientations imprimées au texte par les sénateurs sont les mêmes que celles défendues par l'opposition, et singulièrement le groupe UMP, à l'Assemblée nationale. La modulation des allocations familiales en fonction des revenus rompt le pacte d'universalité. La déduction fiscale de 2 euros que nous souhaitions sur les emplois à domicile a été rejetée par le Gouvernement, même réduite à 1,5 euro. Le Sénat a retenu cette dernière, tant mieux ! Nous souhaitions rétablir la journée de carence pour rendre service aux hôpitaux. En réduisant le taux d'augmentation de l'Ondam, le Sénat réalise une économie importante, préconisée par le comité de pilotage de l'Ondam installé par la précédente majorité.
Nous sommes d'accord sur certains points : la liaison entre l'hôpital et la ville, la reprise du dossier médical personnel, l'emploi de l'ITR dans la politique d'évaluation du médicament et le renforcement de la HAS, seule autorité indépendante, en qui toutes les parties ont confiance, caisses, tutelle, etc. Je me félicite que vous ayez repris l'idée d'autoriser les médecins retraités à reprendre une activité professionnelle sous certaines conditions. Nombre d'entre eux ont envie de travailler, pourvu qu'ils ne soient pas pénalisés par des cotisations dissuasives. J'espère que la majorité gouvernementale reprendra ces points consensuels à son compte.
Un consensus est à notre portée sur le médico-social, en particulier sur les articles 53 bis A et B. Equilibrons les rapports au sein de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) pour ne plus pénaliser les conseils généraux dans le financement de l'APA et de la PCH. Il y a une possibilité de déplacer le curseur dans la répartition du produit de la contribution de solidarité pour l'autonomie (CSA), entre 26 % et 30 % pour la PCH et entre 10 % et 14 % pour les dépenses de soins des établissements et services pour personnes handicapées. Les dispositions relatives au rôle de l'ARS par rapport au préfet peuvent faire l'objet d'un accord. L'utilisation du produit non consommé de la contribution de solidarité pour l'autonomie (Casa) pour un plan pluriannuel d'investissement dans le secteur médico-social me semble opportune. Il s'agirait de 100 millions d'euros par an pendant trois ans, qui soutiendraient l'économie. Là encore il pourrait y avoir consensus. Le nombre de places d'hébergement pour les personnes âgées est actuellement suffisant, mais les équipements sont souvent vétustes. Et pour les personnes âgées handicapées, nous avons un gros retard à combler en offre d'hébergement. Le Gouvernement entend y travailler, mais nous avons souhaité l'inscrire dans la loi.
Sur la branche famille, notre opposition est irréductible. Notre groupe refuse la modulation des allocations familiales car nous sommes attachés à l'universalité de cette prestation.
Le Gouvernement présente cette modulation comme une mesure de justice. Ce serait le cas si les familles en grande difficulté voyaient dans le même temps leurs allocations augmenter. Il s'agit en réalité d'une taxation supplémentaire des classes moyennes, qui s'ajoute à ce qu'elles subissent depuis 2012, comme le doublement du rabot du quotient familial pour l'impôt sur le revenu... Le vote en faveur de la suppression de cette modulation a d'ailleurs été large au Sénat.
Sur la branche famille, l'accord entre l'Assemblée nationale et le Sénat sera difficile. La modulation des allocations familiales est une mesure de justice sociale. Nous n'avons pas touché à leur universalité : toutes les familles actuellement bénéficiaires continueront à en percevoir. Cette universalité n'a jamais été intégrale, du reste, et il nous semble juste que des familles plus aisées contribuent davantage que les autres.
La modulation des allocations familiales a permis de supprimer la division par trois de la prime à la naissance ou à l'adoption ainsi que le report à seize ans de la majoration des allocations familiales. En conséquence, supprimer la modulation des allocations familiales revient à accroître le déficit de la branche famille.
L'article 61 B concerne le versement des prestations familiales au conseil général lorsque les enfants sont pris en charge par l'aide sociale à l'enfance (ASE). Nous avons travaillé sur le sujet, à l'occasion d'une proposition de loi issue du Sénat et rapportée par M. Lurton à l'Assemblée nationale. Je préconise le rejet de cette mesure, qui pose des difficultés : dans 95 % des cas, les enfants reviennent ensuite dans leur famille. Puis, comment faire lorsqu'un seul enfant d'une fratrie est placé ? Enfin, le juge a toujours la possibilité de se prononcer sur la répartition.
Parce que j'en rapporte les crédits à l'Assemblée nationale, j'ai apprécié que nous partagions le souci de maîtriser les dépenses de l'assurance maladie, même si nous ne sommes pas en accord sur toutes les propositions. Certaines réformes structurelles sont portées par le PLFSS, d'autres seront abordées dans le cadre de la loi santé, ce qui nous promet de beaux débats, sur l'amélioration de la communication entre la ville et l'hôpital par les lettres de sortie, ou encore sur l'ITR.
Vous avez précisé la rédaction pour que les plasmas thérapeutiques soient prélevés dans des conditions éthiques. De même sur l'expérimentation d'accès au dossier pharmaceutique. Les dispositions de l'article 44 nous conduiront sans doute à proposer de nouvelles avancées d'ici à la nouvelle lecture.
En revanche, je ne comprends pas comment vous avez choisi certaines économies ou accru certaines dépenses. Il est symboliquement fort de freiner la baisse des prix des médicaments tout en décalant l'âge de départ à la retraite. Pourquoi le Sénat est-il revenu sur le mécanisme de régulation spécifique prévu pour le traitement de l'hépatite C ? A situation exceptionnelle, mesure exceptionnelle. Cette mesure faisant consensus à l'Assemblée nationale, nous y reviendrons sans doute. Il en est de même pour l'exonération des franchises : la ministre ayant précisé qu'elle ne pourrait l'étendre au-delà des bénéficiaires de l'ACS, une majorité s'était dégagée pour voter une mesure qui profite aux Français vivant sous le seuil de pauvreté. Nous attendions des sénateurs le prolongement d'une forme d'union nationale sur un sujet aussi important.
Nous avons des désaccords de fond sur la branche famille. La modulation des allocations familiales remet en cause leur universalité, principe fondamental d'une politique qui a fait ses preuves pour maintenir le taux de fécondité à un niveau élevé. De plus, elle pénalise lourdement les classes moyennes, sur lesquelles 4,5 milliards d'euros d'avantages familiaux ont déjà été prélevés en deux ans et demi. Issue d'un amendement des députés, cette mesure n'a pas fait l'objet d'une étude d'impact. J'ai participé aux travaux de Francis Vercamer et Christian Hutin sur le fonctionnement des caisses d'allocations familiales : celles-ci rencontrent déjà de nombreuses difficultés, et je crains que cet article ne complique davantage leur action. Quant à l'article 49 bis sur les trois jours de carence, j'avais proposé un amendement analogue à l'Assemblée nationale...
J'avais un amendement de repli instaurant un unique jour de carence, ce qui serait la véritable mesure de justice eu égard au régime applicable dans le secteur privé.
Merci à nos collègues sénateurs pour l'exercice difficile auquel ils se sont livrés. Le rapporteur pour l'Assemblée nationale l'a souligné, il faut trouver un chemin pour faire des économies, tout en préservant une politique efficace et qui soutienne l'emploi. Sur bien des points, nous nous retrouvons à la croisée de nos valeurs.
L'impact de la modulation des allocations familiales n'a pas été évalué. Nul ne doute que cela portera atteinte à notre politique familiale, politique qui fait la richesse de notre pays et que les autres nous envient. Les Echos ont d'ailleurs parlé de « chef d'oeuvre en péril », ce qui est tout à fait adapté. Sur ce point, je suis satisfaite du travail du Sénat.
Il faudra, pour dégager des économies, avoir le courage d'augmenter l'âge de la retraite. S'agissant du délai de carence, j'avais déposé une proposition de loi à l'Assemblée nationale instaurant non pas trois mais un jour de carence, ce qui est plus raisonnable - au-delà, dans le privé, les assurances prennent le relais. J'avais également déposé des amendements sur le contrôle par les caisses des arrêts maladie dans les secteurs public et privé, sujet sur lequel il y a beaucoup à faire.
Nous travaillons avec Martine Pinville sur le soutien fiscal à l'emploi à domicile, outil majeur de développement de l'emploi, et non de politique sociale - sauf plein emploi, ce qui n'est pas notre cas. Il faut absolument éviter la fuite vers le travail clandestin. Nous nous sommes battus sur les deux euros de déduction forfaitaire de cotisation, avant de nous rabattre sur un euro cinquante... Le dispositif reste complexe, peu lisible, bref susceptible d'entretenir le travail au noir.
La Casa est détournée de son objectif depuis sa création, pour financer le FSV. L'Assemblée nationale a étudié cette année un texte relatif à l'accompagnement des personnes vieillissantes, qui affecte environ la moitié du produit de cette taxe au financement de l'allocation personnalisée d'autonomie pour les groupes iso-ressources 1, 2 et 3. Le dispositif reste cependant fragile, et place les conseils généraux en première ligne pour faire face aux inévitables surcoûts. La complexité du budget de la CNSA rend cette mesure intéressante mais elle gagnerait à être limitée dans le temps.
Le tiers payant implique la suppression de la franchise, c'est mécanique. Je ne comprends donc pas bien la position du Sénat sur cette question.
Je rejoins Olivier Véran et Jean-Pierre Door sur la branche maladie, et Bérengère Poletti sur le lien entre tiers payant et franchise. Sur ce dernier point, le débat politicien n'a pas lieu d'être.
J'appelle nos collègues de l'Assemblée nationale à retenir le principe de l'expérimentation sur l'article 44. La liste en sus donne lieu à des dysfonctionnements et son élaboration peut être améliorée, mais il faut veiller aux effets du dispositif proposé sur des traitements spécifiques.
Nous avons amélioré l'article 51. Le débat n'est toutefois pas clos, car cette mesure va mettre l'Etablissement français du sang (EFS) en difficulté. Il faudra surveiller le respect de l'exigence de don éthique, à l'heure où une entreprise commerciale se place en pôle-position sur ce marché...
Les économies proposées par notre rapporteur général sont sinon insincères, du moins floues. Rien ne sert d'accabler les urgences : tenues d'accueillir les patients qui s'y présentent, elles et ne font que subir les dysfonctionnements de notre système de permanence de soins. Pour faire des économies et améliorer la qualité des soins dispensés à nos concitoyens, c'est la permanence des soins qu'il faut revoir et tout notre système de santé que l'on doit réorganiser.
Je m'étonne avec candeur que l'on argumente pour concilier des positions que l'on juge irréconciliables. Sans doute est-ce la règle du jeu... Je m'étonne également de notre penchant aux affirmations péremptoires : le budget ne serait pas sincère. Encore faudrait-il démontrer cette grave accusation.
Que l'égalité des allocations familiales ait favorisé le dynamisme démographique appelle aussi démonstration.
Vous parlez d'universalité comme d'une vérité révélée, un principe intangible auquel nous devrions nous accrocher comme une bernique à son rocher. Or elle n'est qu'un principe de mise en oeuvre d'une politique particulière. Il est en revanche bien démontré que traiter également des situations inégales aggrave l'inégalité. Les statistiques produites par la Dares font nettement apparaître que le premier décile de la population, le plus riche, bénéficie bien davantage de l'apport de la collectivité nationale que le dernier.
Si l'on peut discuter de la journée de carence, admettez que la décider pour le seul personnel hospitalier, qui est soumis aux plus fortes contraintes de service et est chargé des missions les plus lourdes, serait un mauvais message, comme l'expression d'un mépris à son égard.
Nous avons prévu jusqu'en 2017 une augmentation du complément familial, sous condition de ressources, pour les familles de plus de trois enfants, ainsi qu'une hausse de 25 % de l'allocation de soutien familial, qui profite aux familles monoparentales. Grâce au relèvement du plafond d'attribution de l'aide à l'acquisition d'une complémentaire, davantage de familles modestes bénéficieront d'une mutuelle à moindre coût.
Gardons-nous de la tentation d'établir un parallèle entre modulation des allocations familiales et extension de l'accès aux soins, ne créons pas des peurs inutiles. Une large majorité des naissances est souhaitée : un enfant n'est pas un aléa ; une maladie, un cancer ou une affection auto-immune, si.
La question du jour de carence, dont le bénéfice économique reste à démontrer, pose un problème de santé publique. Rappelez-vous l'épidémie de grippe H1N1 : la consigne donnée aux salariés était, aux premiers symptômes, de rester chez eux. Que feront ceux qui ne touchent que de faibles salaires si un délai de carence de trois, voire de cinq jours, leur est imposé ?
Quant à la régulation des urgences hospitalières, la Cour de comptes estime à 30 % l'augmentation de la fréquentation des urgences depuis dix ans. C'est précisément la date à laquelle Jean-François Mattei a supprimé l'obligation pour les médecins libéraux d'assurer des gardes.
J'ai présidé avec Jean-Pierre Door une mission qui rendra dans quelques semaines son rapport sur la permanence des soins ambulatoires : sans une réorganisation des soins ambulatoires, il n'y aura pas de réorganisation des urgences hospitalière.
Je regrette comme vous que nous ne disposions pas encore d'un outil efficace pour le décloisonnement des professions de santé : entre le DMP, la clef USB et le dossier pharmaceutique, les patients s'y perdent.
Nos échanges me rassurent sur notre capacité à faire évoluer la loi, alors que nous examinerons l'an prochain le projet de loi relatif à la santé. Le Gouvernement l'emporte trop souvent, faisons en sorte de nous réapproprier nos prérogatives.
Après mes propos sur l'utilisation de la clef USB, j'ai reçu de nombreux avis favorables : ce dispositif pourrait réduire de façon appréciable la redondance des soins. Si nous devons travailler à la régulation des urgences, il faut commencer par le système des soins de ville. Les numéros d'appel dédiés donnent des résultats satisfaisants, certaines localités ont créé des maisons médicales de garde... Qu'attend-t-on pour négocier avec les syndicats de médecins la généralisation de telles solutions ? Une consultation en amont des urgences revient, même de nuit, 60 euros, contre 240 aux urgences. L'accès aux soins en serait facilité, avec une prise en considération du patient au moins aussi bonne qu'à l'hôpital.
C'est un problème de démographie médicale.
Les syndicats sont loin de s'opposer à cette proposition, du moins leurs représentants locaux, à défaut des secrétariats nationaux.
Quant à l'objectif de justice en matière d'allocations familiales, pourquoi ne pas les avoir tout simplement fiscalisées ? Beaucoup d'entre nous n'y étaient pas opposés. Au lieu d'une mesure de justice, le Gouvernement ne nous propose qu'une mesure d'économie qui n'aura pas les résultats qu'il en attend.
Au terme de cette discussion, il me semble que nous pouvons constater l'impossibilité d'aboutir à un texte commun.
La commission mixte paritaire constate qu'elle ne peut parvenir à élaborer un texte commun sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015.
La réunion est levée à 10 h 45.