Nos désaccords me semblent néanmoins irréductibles. Notre commission mixte paritaire doit examiner 69 articles restant en discussion. Malgré un certain nombre d'articles adoptés par le Sénat dans les mêmes termes qu'à l'Assemblée, souvent sur des mesures techniques, nos positions sont irréconciliables sur les points cruciaux.
Le Sénat propose de faire 1 milliard d'euros d'économies en plus sur l'assurance maladie tout en remettant en cause les mécanismes de régulation des dépenses de médicaments - donc en faisant peser les économies exclusivement sur les établissements de santé et la médecine de ville, hors médicament ! A l'article 3 relatif aux médicaments traitant l'hépatite C, il affaiblit le pouvoir de négociation du comité économique des produits de santé (Ceps) et fait porter les dépenses supplémentaires sur l'ensemble des entreprises du médicament - un terme avancé pour le mécanisme ne permet pas, en outre, un recul suffisant. A l'article 10 relatif au taux L, il fragilise le mécanisme. Il supprime, avec l'article 29 bis, l'exonération de la franchise médicale pour les bénéficiaires de l'aide à l'acquisition d'une complémentaire santé (ACS), une dépense pourtant minime, tout en acceptant le principe du tiers payant. A l'article 49 bis, il instaure trois journées de carence dans la fonction publique hospitalière, mesure qui pénalise inutilement les fonctionnaires : quand elle a été appliquée, elle n'a pas diminué l'absentéisme - je rappelle qu'une grande partie des salariés du privé bénéficient d'une prise en charge des jours de carence par les assurances complémentaires ou les conventions collectives.
Le Sénat a porté l'âge légal de la retraite de 62 à 64 ans, remettant en cause une réforme adoptée il y a moins d'un an qui ramène à l'équilibre les régimes de base sans modifier les perspectives de départ à la retraite des actifs à court terme. Il a supprimé la modulation des allocations familiales en fonction du revenu, soit une économie d'environ 800 millions d'euros pour la branche en année pleine et de 400 millions dès 2015, aggravant ainsi le déficit de la Cnaf pour 2015, et augmentant l'objectif de dépenses de cette caisse au détriment de la branche maladie.
La perspective d'un accord est donc irréaliste. Cela ne nous empêchera pas de proposer à l'Assemblée nationale d'adopter des éléments ajoutés par le Sénat, techniques ou non. Sur le sujet brûlant du doublement de la déduction forfaitaire de cotisations pour le particulier employeur, mon amendement initial était identique au vôtre ; après négociation avec le Gouvernement, nous avons réservé ce doublement aux dépenses de garde d'enfants. Nous verrons dans quelle mesure la position du Gouvernement lors de la nouvelle lecture tiendra compte du vote intervenu au Sénat.