La coopération internationale est un facteur clé de notre efficacité. Ce qui fait la particularité des cellules de renseignement financier, c'est qu'elles sont liées dans le cadre d'un groupe, le groupe Egmont, qui a été créé, à l'initiative notamment de la France, en 1995. Aujourd'hui, il existe 151 Tracfin, 151 cellules de renseignement financier qui échangent en temps réel de l'information.
Pour être très clair, certaines cellules de renseignement financier ont des capacités - moyens, accès aux données, organisation administrative - qui sont sans commune mesure avec d'autres.
Il se trouve que la coopération avec la Belgique, le Luxembourg et la Suisse, est excellente. J'ai entendu que certains se plaignaient de la coopération avec la Suisse. Je dois vous dire que la coopération avec la cellule de renseignement financier suisse, le MROS, ou Money Laundering Reporting Office-Switzerland, est particulièrement efficace. D'ailleurs, des dossiers très significatifs sont issus d'informations initialement transmises par cette cellule de renseignement financier. C'est une vraie différence avec ce qui vous a été dit sur la coopération judiciaire.
Il y a des pays avec lesquels la coopération est plus compliquée, comme le Royaume-Uni. Ce n'est pas une question de volonté politique, c'est une question d'organisation, de positionnement et de moyens de la cellule de renseignement financier qui est très policière et très intégrée au dispositif anti-criminalité anglais et qui donc ne nous aide pas beaucoup sur les autres têtes de chapitre.
Mais il existe d'autres difficultés, plus techniques. C'est la raison pour laquelle nous avons proposé, et Michel Sapin l'a obtenu, que la Commission européenne propose un plan dit de lutte contre le financement du terrorisme.
Nous attendons beaucoup de ces mesures, comme de celles qui étaient évoquées dans la quatrième directive anti-blanchiment à la rubrique « restriction des entraves aux échanges entre les cellules de renseignement financier ». Par exemple, ces mesures permettront de réduire les restrictions à l'externalisation. À titre d'illustration, la Suisse fait une distinction très stricte entre les données que nous pouvons utiliser uniquement à des fins pénales et les autres. Qu'à cela ne tienne, nous pourrons les transmettre au parquet qui, lui, n'est pas tenu par cette restriction.
Permettez-moi de citer des exemples positifs de coopération : avec Jersey et Guernesey, nous avons signé un accord au mois de juin dernier et nous obtenons aujourd'hui des informations spontanées - 130 dossiers sont en cours de traitement sur cette base.
Et nous pouvons remonter sur plusieurs années. Avis à ceux qui ont des trusts à Jersey ou à Guernesey ! Il fallait les fermer avant !
Ce n'est pas le cas avec la cellule du Royaume-Uni mais avec Jersey et Guernesey, nous avons une bonne coopération, de même qu'avec les États-Unis.
Il ne vous a pas échappé qu'avec certains pays, comme Singapour, le Maroc ou d'autres, nous avions aussi une coopération très efficace en matière de lutte contre le blanchiment.
Les cellules de renseignement financier nous ont transmis l'année dernière un volume d'informations en hausse de 30 %. Ces informations concernaient à peu près 6 500 personnes, et nous avons transmis 1 000 dossiers à nos homologues. Les délais de réponse sont assez rapides.
Quelles seraient les améliorations à apporter ? Il faudrait doter les autres pays d'outils d'accès à l'information tels que ceux dont nous avons la chance de disposer en France : un fichier recensant les comptes bancaires (Ficoba), qui a été complété par un fichier centralisé des contrats d'assurances-vie (Ficovie). Désormais, les comptes Nickel figurent dans le Ficoba. Peut-être qu'un jour d'autres données de comptes y seront intégrées. On aimerait que l'ensemble des autres pays disposent de ce type de fichiers, mais ce n'est le cas que dans huit pays environ au sein de l'Union européenne.
Un fichier centralisé, c'est la certitude d'obtenir l'information, et donc des éléments issus de ce compte.
Je vois une autre piste d'amélioration dans la levée d'une importante entrave à la coopération technique : certaines cellules de renseignement financier ne nous répondent que si elles ont déjà eu, au préalable, une déclaration de soupçon de leur propre secteur financier. Il faut absolument que cela cesse. Toute demande entrante d'une cellule de renseignement financier doit être traitée comme une déclaration de soupçon et permettre ainsi à la cellule de renseignement financier d'utiliser la plénitude de ses pouvoirs.