Dans notre analyse de la typologie des fraudes, on voit que des sociétés sont utilisées pour des opérations qui n'ont rien à voir avec leur objet social. C'est presque de l'exercice illégal de la profession de banquier. Parfois, les comptes courants d'associés permettent, faute de contrôle, ce type d'opération. Or, ces comptes courants d'associés ne sont enregistrés nulle part... Il ne s'agit toutefois à ce stade que d'une réflexion interne à Tracfin.
Sur la coopération internationale, vous l'avez compris, le groupe Egmont permet de lever de nombreuses entraves mises par certains pays. Je vais peut-être vous faire sourire, mais, début 2016, une mission d'évaluation complémentaire a été faite sur Panama. Notre homologue de Panama, jusqu'à présent, ne nous répondait que sur une dizaine de dossiers par an. Or le Panama a modifié la législation et aujourd'hui, sa cellule de renseignement financier, dont les effectifs ont été multipliés par deux, peut nous répondre, même sans déclaration de soupçon, ce qui n'était pas le cas auparavant. Ainsi, même le Panama évolue et cela avant même la pression médiatique internationale liée aux « Panama Papers ».
Concernant la participation des professions, très clairement, les professionnels financiers se mobilisent. Des distinctions doivent toutefois être opérées.
Un groupe bancaire est composé de plusieurs secteurs d'activité. Avec la banque de détail, cela fonctionne plutôt bien ; avec la banque d'affaires, c'est un peu plus compliqué ; sur les crédits à la consommation, tout le monde a compris qu'il y avait encore des améliorations à apporter. Par ailleurs, les obligations de vigilance sont plus développées dans le secteur bancaire que dans celui du secteur de l'assurance.
Il y a là un vrai enjeu car des produits d'assurance-vie ou d'autres formules d'assurance peuvent être issus de blanchiment, y compris, bien évidemment, de fraude fiscale.
On note sur les professionnels du chiffre une évolution positive, bien que modeste.
Les experts comptables ont mis en place un gros programme de formation, ainsi que les commissaires aux comptes. Cela va produire des résultats. En tout cas, la volonté de faire est indéniable, et leurs déclarations de soupçon sont de bonne qualité.
En « pole position » de l'augmentation et de la mobilisation se trouvent les administrateurs judiciaires et les mandataires liquidateurs, qui ont multiplié par quatre les déclarations de soupçon, soit un peu plus de 500, ce qui est significatif. Pour vous donner un ordre de grandeur, même si cela reste très faible par rapport au secteur financier, en continuant à ce rythme, on va se rapprocher bientôt des seuls professionnels du droit qui jouent un peu le jeu, les notaires, qui font autour de 1 000 déclarations de soupçon par an.
En revanche, les huissiers ne font pas d'exploit dans la lutte contre le blanchiment, avec une trentaine de déclarations de soupçon ; et les avocats nous en ont adressé une, il y a deux ans, zéro l'année dernière... On est donc revenu à la normale, avec une baisse de 100 % et un dispositif qui est conçu pour ne pas fonctionner. Pour une fois, les objectifs sont atteints !