Sur la performance du service entrées/sorties, le rapport 40 000/1 500, souvent repris par les journalistes ou les critiques, est faux : on ne compte pas la même chose. Les 40 000 sont représentatifs des flux d'entrées en déclaration de soupçon, tandis que les 1 500 sont des dossiers d'analyse qui ont peut-être exploité 10, 20, 30, voire même 100 déclarations de soupçon.
Ce calcul, aujourd'hui, mon système informatique ne me permet pas de le faire. En revanche, ce qui est important, c'est de comprendre que l'efficacité du système repose sur la richesse de la base de données. Quand on reçoit une déclaration de soupçon, on vérifie avant tout que l'on n'a pas reçu par le passé de déclarations de soupçon analogues que l'on a exploitées.
Notre base, alimentée depuis dix ans par nos déclarations de soupçon, contient des informations sur 200 000 personnes morales et 500 000 personnes physiques. Les données sont effacées au bout de dix ans, sauf lorsqu'elles sont transmises à l'autorité judiciaire, auquel cas on a la possibilité de les garder dix ans de plus.
Plutôt que de comparer des données qui ne sont pas comparables, il est préférable de raisonner en termes d'alimentation d'une base, ce small big data qui nous permet, à mesure des nouvelles entrées, d'être plus performants, plus efficaces, d'autant plus que, en exerçant notre droit de communication, qui est finalement la seule « arme fatale » des agents de Tracfin, nous pouvons enrichir la base ; nous pouvons obtenir des pièces complémentaires, les analyser, les lire, connaître la réglementation et croiser avec tous les fichiers auxquels nous avons accès - je n'ai pas dit que nous croisions les données - pour pouvoir analyser l'information.
Les politiques de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme sont liées et se renforcent mutuellement. Abaisser le seuil de paiement en liquide à 1 000 euros pour lutter contre le terrorisme, c'est aussi lutter contre l'économie souterraine. La mesure n'étant applicable que depuis le 1er septembre dernier, il est un peu tôt pour dresser un bilan, mais vous savez comme moi que, dans l'économie souterraine, la délinquance de proximité, le trafic de stupéfiants, on ne paie pas encore en carte bleue - quoiqu'en carte prépayée, cela sera peut-être un jour possible ! C'est pour cela que les cartes prépayées ne doivent pas être anonymes, sinon, cela cache le cash ! Du coup, la lutte contre la circulation de l'argent liquide est fondamentale. Le combat pour la suppression du billet de 500 euros participe de cette logique.
Mais le seuil de 1 000 euros n'est qu'une étape. Si l'on écoutait Tracfin, on l'abaisserait encore, mais il ne faut pas le faire tout de suite. Le problème tient à la différence marquée aujourd'hui entre les résidents et les non-résidents, ces derniers bénéficiant d'un seuil à 15 000 euros. L'abaisser à 10 000 euros, comme cela a été envisagé, c'est perturber l'activité économique de certains espaces, pas loin de la place Vendôme, et détourner certaines clientèles qui ont l'habitude de venir avec de l'argent liquide. On en reste donc à 15 000 euros, mais nous allons devoir mettre en place des obligations de vigilance renforcées entre 10 000 et 15 000 euros, puisque c'est notre obligation, y compris pour les non-résidents, au titre de la quatrième directive. Je ne suis pas sûr que ceux qui ont soutenu le maintien à 15 000 euros s'y retrouvent à la fin.
De la même manière, vous ne l'avez pas cité mais cela participe de la même idée, nous avons abaissé le seuil au-delà duquel on peut relever l'identité. Dans les bureaux de change, c'était réglementaire à 8 000 euros, en pratique c'était 5 000 euros. Là aussi, on a abaissé le seuil pour arriver à ce seuil unique de 1 000 euros.
Outre le fait que ce dispositif a une vraie efficacité en termes de prévention, 1 000 euros pour tout, c'est clair, c'est simple, et, comparé au pouvoir d'achat moyen du Français moyen et du salaire moyen, c'est déjà beaucoup.
Je rappelle que, sur le financement du terrorisme, toutes les analyses font apparaître de petits montants, souvent inférieurs à 1 000 euros.
Enfin, sur les moyens humains de Tracfin, au moment où je vous parle, nous avons 138 ETPT, ou équivalents temps plein annuel travaillé. L'augmentation est de quatorze sur l'année 2016, après une première hausse de dix effectifs au titre du plan Sapin présenté au mois de mars. Nous avons achevé les recrutements qui avaient été autorisés en 2015 et commencé à recruter ceux qui nous sont accordés en 2016.
Les divisions d'enquête comprennent cinquante personnes. Notre organisation est simple : cinq divisions d'enquête de dix personnes, une division spécialisée dans la lutte contre le financement du terrorisme, les autres sans spécialisation, si ce n'est sur les mouvements financiers complexes. Une cellule est consacrée à la prédation économique et un département est dédié à l'analyse, au renseignement et à l'information avec une division internationale composée de dix personnes et une division qui est spécialisée dans la lutte contre la fraude fiscale et sociale, avec neuf agents - ce sont eux qui produisent notamment les notes pour l'administration fiscale et les administrations sociales.
Cela ne m'empêchera pas de vous demander de nous aider à renforcer nos moyens, mais, très honnêtement, à Bercy, Tracfin a l'écoute des autorités et je n'ai pas véritablement de problème ni pour recruter, ni pour attirer des personnes motivées, ni pour former, ni pour établir des coopérations avec tous nos partenaires.