La rémunération des superviseurs n'est qu'un aspect, que j'ai cité pour illustrer un propos plus large.
Avec Marie-Noëlle Lienemann, nous avons un débat très ancien... Je ne dis pas que le système est bon en lui-même et perverti par quelques esprits mauvais. Il est comme il est, mais il fonctionnerait mieux si l'on s'appliquait à infléchir les comportements particuliers. Aux États-Unis ou ailleurs, lorsqu'une nouvelle loi tente de corriger le système, celui-ci se défend à la manière d'une baudruche, se dégonflant ici, se regonflant ailleurs. Mieux vaudrait attaquer là où la marge de progrès est considérable : les comportements. Mais je pense moi aussi que le système est dangereux !
Le Fatca est un instrument au service des États-Unis, bien sûr. Mais n'est-il pas naturel de légiférer dans l'intérêt national ? Le débat qui s'ouvre sur le traité commercial est en revanche un piège pour les Européens et la France a raison de se battre pour l'exception culturelle - qui est tout petit aspect du problème. Le vrai sujet, ce sont les normes. Les États-Unis ont déjà un accord avec le Pacifique, exception faite de la Chine. Ils veulent en obtenir un avec nous afin de bloquer les Chinois. Nous sommes dans un monde de méchants : il faut se battre, chacun le fait pour soi, ne croyons pas que les propositions présentées par tel ou tel le sont au nom de l'intérêt collectif.
Le grand nombre de filiales est peut-être néfaste, mais qu'on en réglemente plus strictement l'usage et cet instrument sera délaissé pour d'autres. C'est la volonté d'échapper qu'il faut cibler. Pour la réprimer, il est indispensable de sanctionner directement, personnellement, les risques pris. L'harmonisation fiscale serait une solution et chaque avancée est bienvenue, mais je n'ai pas l'impression que l'on progresse beaucoup.
Il y aurait de gros avantage à interdire le trading haute fréquence mais celui-ci n'est pas totalement inutile : si la parité euro-dollar est la même à New-York, Paris et Tokyo, c'est en raison de l'infinité des petits mouvements correcteurs issus des arbitrages. La régulation doit bien sûr s'appliquer aux hedge funds comme aux banques qui prêtent à ces fonds de placement. Nos partenaires américains y sont toutefois très hostiles... Quant à la taxe Tobin, c'est une vaste illusion. Cette mesure ne mène à rien, sinon à satisfaire ceux qui, craignant des mesures plus sévères, sont ravis de sa mise en oeuvre ! Ce n'est pas avec une taxe aussi faible que l'on piègera les mouvements de capitaux déstabilisants.
Les déclarations récentes sur les paradis fiscaux connaîtront sans doute le même sort que les propos tenus par un précédent président de la République, à l'issue d'un G20. « Les paradis fiscaux sont morts », annonçait-il. On attend toujours.
Oui, le FMI est intervenu dans des pays abritant des paradis fiscaux, mais son domaine se limite aux politiques monétaires et budgétaires et à la stabilisation des comptes.
M. Leconte et Mme Rossignol posent une bonne question. Nous avons les moyens intellectuels, législatifs, pour jouer à l'échelle nationale. Mais l'aire de jeu s'est élargie : difficile d'appliquer les règles du basket sur un terrain de football. En partageant la souveraineté, nous en aurions plus, nous pourrions avancer et restaurer des marges de démocratie. C'est en abandonnant la souveraineté à des nationalismes rampants - puis de plus en plus exacerbés - que l'on porte la plus grave atteinte à la démocratie et que l'on se marginalise.
Encore faut-il ne pas se leurrer sur la régulation à appliquer. La crise a accéléré la mise en oeuvre de Bâle III, comme si la solution résidait dans des banques plus capitalisées. La réalité, c'est que le numéro deux du Comité de Bâle vient d'outre-Atlantique ! La réglementation de Bâle III est très favorable aux banques américaines, d'abord parce qu'elles ne la respectent pas, ensuite et surtout parce que les entreprises se financent sur le marché, non par l'intermédiation bancaire comme en Europe. Les nouvelles exigences desservent les établissements européens. Oui, il existe un espace pour la régulation, mais toute régulation n'est pas bonne à prendre. Rien ne sert de vouer le système aux gémonies, il faut savoir où porter le fer !