Intervention de Bernard Petit

Commission d'enquête sur le rôle des banques et acteurs financiers dans l'évasion des ressources financières en ses conséquences fiscales et sur les équilibres économiques ainsi que sur l'efficacité du dispositif législatif, juridique et administratif destiné à la combattre — Réunion du 26 juin 2013 : 1ère réunion
Audition de M. Bernard Petit sous-directeur de la lutte contre le crime organisé et la délinquance financière direction centrale de la police judiciaire ministère de l'intérieur

Bernard Petit, direction centrale de la police judiciaire, ministère de l'Intérieur :

En ce qui concerne les moyens, la criminalité, notamment financière, essaie toujours d'avoir un coup d'avance et d'utiliser au mieux les failles du système pour s'approprier des sommes d'argent indues. De tout temps, on observe a observé un mécanisme de « course-poursuite », par exemple en matière de fraude fiscale et de fraude financière d'envergure, comme l'illustre la fraude sur la taxe carbone : les groupes criminels avaient perçu la faille dans la législation européenne, et les États ont été victimes d'une prédation financière très importante - 1,8 milliard d'euros pour la France, plus de cinq milliards d'euros pour l'Union européenne dans son ensemble. L'État a réagi en modifiant de manière très concrète certaines règles et l'Union européenne, avec l'aide d'Europol, a également pris des mesures. Il y a toujours un délai entre l'action criminelle et la réaction. La Une prévention du crime consisterait à intégrer systématiquement la une dimension criminelle dans les textes en préparation, en prévoyant étant convaincus que la grande criminalité essaiera nécessairement d'utiliser leurs toutes les failles et de faire de la une prédation contre les aux dépends des caisses de l'État et des particuliers.

Avons-nous assez de moyens ? Évidemment, plus on a d'hommes et de matériel, mieux on se porte. Néanmoins, nos résultats sont déjà bons. Le bilan de la BNRDF est tellement positif que la DGFiP, avant toute affaire, avant tout débat, avant toute polémique, avait déjà envisagé de renforcer la présence de ses inspecteurs des impôts dans cette unité. Elle est en effet très rentable. La police judiciaire elle-même avait prévu d'y affecter un certain nombre de ses officiers spécialisés. D'autres unités, aujourd'hui moins médiatisées, jouent également un rôle important dans la lutte contre la fraude fiscale et contre son blanchiment, telles que l'OCRGDF, qui mène depuis 1990 une action de fond régulière et efficace. Très récemment, par exemple, des affaires judiciaires qui avaient démarré de manière modeste ont permis de mettre à jour un réseau de blanchiment de grande envergure, avec des ramifications en Suisse, à Londres et dans de nombreux « paradis fiscaux ». La volumétrie d'argent découvert à un instant donné était considérable, puisque lorsque nous sommes intervenus, il y avait en circulation environ 100 millions d'euros. Ce réseau au sujet duquel nous enquêtons toujours a vraisemblablement blanchi plusieurs centaines de millions, voire un milliard d'euros. Cette machinerie inclut un grand nombre d'infractions économiques et financières - abus de biens, fausses facturations, fraudes fiscales, blanchiment de fraude fiscale, etc. Des personnes qui ne sont pas elles-mêmes liées au trafic de drogue ou au braquage de banque mettent leur argent dans de « grandes lessiveuses », dont les réseaux sont très sophistiqués : un opérateur en Suisse donne des ordres à un opérateur à Londres, qui gère des comptes aux Îles Tortuga, qui reversent sur des comptes en France de l'argent qui repart à Chypre, puis l'argent retourne dans différents pays. De manière invisible, se déroulent dans le même temps des opérations de compensation. Le propriétaire d'une société, coquille vide, dans un pays comme les Îles Tortuga y a adossé un compte bancaire, en Suisse par exemple. Il pourra alors déléguer les un pouvoirs de mouvements du sur ce compte à un gestionnaire de fortune qui transfèrera de l'argent liquide en France, par exemple, et prélèvera par compensation l'équivalent sur le compte suisse, pour le reverser à d'autres clients. Il est par exemple, également, possible d'utiliser, pour compenser en liquide, de l'argent directement tiré du trafic de stupéfiants, sans que la personne qui perçoit cet argent ne le sache. Ce mécanisme permet ainsi aux trafiquants de récupérer leur argent dans un pays tiers sans qu'il ne franchisse les frontières, à la personne qui a fraudé le fisc ou qui fait de la fausse facturation de récupérer également son argent, et finalement au blanchisseur de toucher un pourcentage sur cette opération, avec l'accord des deux parties, qui tout le monde y trouvent leur avantage. Les « lanceurs d'alerte » institutionnels ne voient pas toujours ces choses-là, car elles échappent aux circuits bancaires proprement dits.

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