Il me semble que cela est l'un des enjeux c'est un enjeu pour l'État. Il est important qu'il n'y ait aucun maillon faible dans la chaîne. Il ne sert à rien de monter un service d'investigation fort de 500 enquêteurs et de moyens héliportés s'il y a un goulot d'étranglement ou s'il n'y a pas de suite à l'enquête. Deux éléments peuvent générer un sentiment de frustration, l'audiencement et le quantum de peine. Il faut un suivi judiciaire, avec des condamnations. Il serait incohérent de dépenser autant d'énergie pour lutter contre la fraude, fiscale ou autre, avec des préjudices financiers extrêmement importants - il s'agit parfois de centaines de millions d'euros - si les coupables n'étaient pas condamnés. Travailler sur des infractions économiques et financières qui ne donnent lieu à aucune poursuite pénale, à aucune garde à vue utile, et débouchent sur un quantum de peine insignifiant à l'audience, est un peu frustrant pour les enquêteurs et pour les personnes qui organisent la lutte contre les fraudeurs et les délinquants, entre lesquels je ne fais pas de distinction. Les affaires tirées de la liste « HSBC » arriveront en jugement au mois de septembre, et nous serons bien entendu très attentifs à leur rendu judiciaire.
Notre mission est-elle frustrante en général ? Non, la police judiciaire est composée de passionnés qui aiment beaucoup leur métier. Cependant, on ressent la une difficulté de avec l'absence d'homogénéité des règles et des réactions, notamment au sein de l'Union européenne. Un exemple très simple : en France, nous avons le Fichier des comptes bancaires (Ficoba). Grâce à cet outil formidable, nous pouvons facilement répondre à une autorité étrangère qui nous demande un renseignement sur une personne : nous pouvons lui indiquer combien cette dernière a de comptes bancaires, dans quelles sociétés banques, sous quels numéros. Dans beaucoup de pays, il n'y a pas d'instrument similaire. Même lorsque les autorités concernées souhaitent coopérer, il faut leur indiquer à quel nom, dans quelle ville et dans quelle banque les comptes sont ouverts. C'est le cas de nos voisins ! Tant que les États ne se seront pas dotés d'outils tels que le Ficoba, il sera difficile - sinon vain - de lutter contre quelqu'un qui a recours aux services d'un gestionnaire de fortune, qui a des moyens financiers considérables et des alliances avec la place financière de Londres, le Guatemala, Panama, Tortuga, qui peut renvoyer l'argent à Chypre, en Chine, ou à Hong Kong., ... Le combat est inégal. Nous avons besoin, et l'Europe a besoin de ces outils si nous voulons pouvoir lutter efficacement contre les fraudeurs.