Intervention de Richard Yung

Réunion du 10 février 2011 à 14h45
Immigration intégration et nationalité — Vote sur l'ensemble

Photo de Richard YungRichard Yung :

Nous voici donc parvenus à la fin d’un débat qui nous aura occupés près de six jours entiers, au cours desquels nous avons examiné environ cinq cents amendements. On peut dire que le Sénat a bien travaillé !

Je veux d’ailleurs, à mon tour, rendre hommage à M. le rapporteur, qui, bien que nous soyons en désaccord sur de nombreux points, a adopté une attitude d’ouverture tout au long de la discussion.

Comme nous l’avions affirmé d’emblée, ce texte va bien au-delà de la simple transposition des trois directives relatives, respectivement, à la « carte bleue » européenne, au retour des étrangers et à l’emploi irrégulier. En réalité, il sert de support pour introduire certaines mesures que le Gouvernement avait en tête et qui n’ont rien à voir avec lesdites directives.

Une telle manière de procéder est au fond assez logique, ce texte s’inscrivant dans une politique que nous connaissons bien puisqu’elle est à l’œuvre depuis un certain nombre d’années et qui consiste à instrumentaliser le thème de l’immigration sans se préoccuper de résoudre le problème.

En effet, nous constatons que, à cet égard, la situation ne bouge pas, malgré les grandes envolées où l’on brandit toutes sortes de chiffres : on compte toujours en France entre 300 000 et 400 000 travailleurs irréguliers, la même pression démographique s’exerçant aux frontières du territoire français. Mais ce qui compte, c’est d’en parler, pour que le journal de vingt heures s’ouvre sur ce sujet… Bref, ce qui compte, c’est de montrer que le discours de Grenoble se traduit dans les faits !

À l’issue de nos débats, je note un certain nombre de points positifs, et importants : l’article 3 bis visant à étendre les cas de déchéance de la nationalité française a été supprimé, tout comme l’article 17 ter, relatif aux conditions de délivrance de la carte de séjour temporaire accordée pour raisons de santé, ainsi que l’article 37, qui introduisait une inversion du contentieux administratif et du contentieux judiciaire et la mise à l’écart éventuelle du juge judiciaire.

Grâce à la suppression de ces trois dispositions centrales, le texte qui sera examiné par l’Assemblée nationale est d’une autre nature que celui qui nous avait été transmis. Nous serons évidemment attentifs à ce que les députés feront en deuxième lecture. En effet, il ne faudrait pas que l’ensemble des mesures que le Sénat a supprimées soient réintroduites, non pas subrepticement, mais par un groupe de députés très marqués à droite.

Par ailleurs, l’adoption d’une dizaine d’autres amendements a également permis d’améliorer le texte, notamment pour ce qui concerne la délivrance des documents d’identité et le caractère suspensif du recours dans le cadre du règlement Dublin II.

Malheureusement, nombre de points négatifs subsistent, à commencer par le parcours du combattant que suppose l’acquisition de la nationalité française. Je pense aussi à l’allongement des délais permettant le retrait de la nationalité et à l’extension du délai pendant lequel l’administration peut refuser d’enregistrer une déclaration de nationalité. Ainsi, l’étranger souhaitant accéder à la nationalité française est confronté à des obstacles de plus en plus élevés.

Les dispositions relatives au « mariage gris » – expression peu élégante ! – sont maintenues et l’article 23 prévoit une OQTF sans délai de départ volontaire, en vertu de ce que nous considérons comme une interprétation abusive de la notion communautaire de risque de fuite. Pourtant, la directive Retour établit clairement que le délai de départ volontaire doit constituer la règle. L’absence de délai emportera des conséquences graves, notamment la soumission de l’étranger à une mesure que nous persistons à appeler le bannissement, même si le terme fait frémir un certain nombre d’entre vous, mes chers collègues.

Parallèlement est créée une interdiction de retour sur le territoire français, dont nous avons demandé à de nombreuses reprises la suppression.

En outre, un certain nombre d’articles de ce projet de loi visent à restreindre et à transposer a minima les droits de libre circulation des ressortissants communautaires, ce qui ne manquera pas de poser certains problèmes avec nos partenaires d’Allemagne, de Belgique, de Suède – j’allais évoquer le Liechtenstein, mais ce n’est pas un bon exemple ! –, alors que ce sont deux pays précis qui sont ici visés !

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