Intervention de Bernard Petit

Commission d'enquête sur le rôle des banques et acteurs financiers dans l'évasion des ressources financières en ses conséquences fiscales et sur les équilibres économiques ainsi que sur l'efficacité du dispositif législatif, juridique et administratif destiné à la combattre — Réunion du 26 juin 2013 : 1ère réunion
Audition de M. Bernard Petit sous-directeur de la lutte contre le crime organisé et la délinquance financière direction centrale de la police judiciaire ministère de l'intérieur

Bernard Petit, direction centrale de la police judiciaire, ministère de l'Intérieur :

1) La Cour de cassation s'est récemment prononcée au sujet de la liste dite « Falciani ». Certains dossiers qui en sont issus, instruits par la BNRDF, seront bientôt devant la juridiction ; pour l'instant, nous n'avons guère d'inquiétudes en ce qui en concerne le fondement. La liste a certes été acquise par M. Hervé Falciani dans des conditions qui appellent certaines remarques, mais aucun agent de l'État - magistrat, policier ou inspecteur des impôts - n'est à l'origine de sa captation. La Cour de cassation laisse, pour l'instant, se dérouler l'affaire ; le passage en juridiction servira d'épreuve du feu, qui et nous permettra de connaître l'attitude des juges du siège sur le fond.

2) J'espère que les services n'ont fait l'objet d'aucune infiltration ! En tout état de cause, je n'ai pas connaissance de telles tentatives. Nous sommes très vigilants, et tant la DNIFF que l'OCRGDF sont des unités relativement sûres, où les agents sont très professionnels et attentifs à ces questions. Comme nous enquêtons très souvent sur des cas de corruption, nous savons assez bien quels mécanismes et quels acteurs sont à l'oeuvre.

3) Le monde du football, les transferts et les rachats sont un vrai sujet. Plusieurs enquêtes sont en cours, avec des sommes très importantes. En France, on ne sait pas encore vraiment ce qu'est le crime organisé : on oscille toujours entre la lutte contre le terrorisme, perçu comme une menace violente contre l'État et sa souveraineté, et la délinquance « moyenne », de voie publique, qui contribue au sentiment d'insécurité et a une incidence sur le comportement électoral. Ces deux problèmes sont très importants, mais entre les deux, il y a un fossé énorme, celui de la criminalité organisée. Je constate au quotidien un phénomène décrit par d'éminents criminologues, celui de la convergence entre la « délinquance en col blanc » d'avant, qui n'existe plus, et la « criminalité tout court », impliquée dans les trafics, les attaques à main armée, la prostitution, etc. L'argent ainsi dégagé met en contact les grands délinquants avec les blanchisseurs, qui en ont besoin pour les décaissements en liquide. Un grand réseau de blanchiment peut traiter jusqu'à deux millions d'euros par semaine. À tout instant, le client du réseau de blanchiment peut profiter de cette capacité de décaissement due à l'argent de la criminalité, presque comme s'il s'agissait d'un service bancaire. Les criminels cherchent à placer leur argent mal acquis de façon plus lucrative. Les blanchisseurs peuvent ainsi mettre en contact des clients de types différents. Cette criminalité organisée est très bien renseignée sur les textes en vigueur et ceux en préparation ; elle dispose des moyens de communication les plus sophistiqués, l'internet et l'internet « caché », le « dark net », et de moyens techniques qui font échec aux nôtres.

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