Au début de l'année 2011, le Rapport Sauvé a donné lieu à un projet de loi qui en reprenait certaines propositions. Ce texte, déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale, est aujourd'hui caduc. Le gouvernement actuel a présenté un projet de loi sur la transparence de la vie publique, qui appréhende certaines des questions envisagées dans le Rapport Sauvé, ainsi que, d'ailleurs, dans le Rapport Jospin - le second avait repris du premier certaines propositions relatives au contrôle de la déontologie et des conflits d'intérêts. Ce texte, qui vient d'être adopté en première lecture par l'Assemblée nationale, devrait être examiné au Sénat prochainement. Il définit les conflits d'intérêts et élargit le champ des questions de déontologie soumises à une autorité de contrôle, mais il ne fait pas le choix d'une autorité de contrôle unique, option proposée par les rapports Sauvé et Jospin. Mme Marylise Lebranchu, ministre de la Réforme de l'État, de la Décentralisation et de la Fonction publique, a annoncé qu'un projet de loi relatif aux droits et obligations des fonctionnaires serait présenté en Conseil des ministres dans le courant du mois de juillet. En l'état des informations dont je dispose, la commission de déontologie - distincte de la future Haute autorité - serait maintenue, avec des missions élargies, une saisine à nouveau obligatoire pour tous les cas de départ dans le privé et des attributions étendues à toutes sortes de questions de déontologie, y compris des recommandations générales et des cas particuliers.
On peut se demander s'il vaut mieux avoir une autorité unique, qui s'occuperait de tout, ou une Haute autorité pour un certain public et une commission de déontologie pour les fonctionnaires, telle qu'elle existe. Les rapports Sauvé et Jospin préconisaient une autorité unique ; l'actuel gouvernement, comme le précédent, fait le choix de proposer des autorités distinctes. Des problèmes de recoupements peuvent se poser mais, au vu des centaines de cas dont nous sommes saisis chaque année, il ne me paraîtrait pas très réaliste d'envisager qu'une Haute autorité - composée comme celle créée par la loi que l'Assemblée nationale vient d'adopter en première lecture - s'occupe de la question, aussi importante soit-elle pour l'intéressé, d'un fonctionnaire de catégorie B du service technique d'une commune qui souhaite rejoindre une entreprise, sans même parler des innombrables cas de cumul d'activités, qui concernent souvent des fonctionnaires de niveau modeste.
En résumé, je pense qu'il faudrait reconsidérer les modalités de saisine de la commission de déontologie, en la rendant à nouveau obligatoire pour tous les départs dans le secteur privé et facultative pour les cumuls d'activités, à supposer que le principe de cette possibilité de cumul soit maintenu dans le nouveau paysage statutaire de la fonction publique. Peut-être aurai-je l'honneur d'être entendu à l'Assemblée nationale ou au Sénat sur le prochain projet de loi sur la fonction publique, sur lequel nous aurons plus d'informations à la mi-juillet.
En ce qui concerne « l'affaire Pérol », il y a eu des malentendus, des polémiques et des propos prêtés à tort à mon prédécesseur. J'en dirai simplement qu'elle a mis en évidence une faille importante de la loi de 1993, modifiée en 2007, qui est l'absence de saisine obligatoire de la commission de déontologie en-dehors du cas où il est suffisamment établi que l'intéressé a pu être en situation de contrôler ou de proposer des décisions concernant l'entreprise où il souhaite travailler. La difficulté majeure, en ce qui concerne les membres des cabinets ministériels ou les collaborateurs du Président de la République, est l'absence d'organigramme précis, de délégation ministérielle, etc. Dans cas conditions, il n'est pas aisé de connaître le champ de compétences et les activités réelles du collaborateur d'un ministre ou du Président. Dans le cas M. Pérol, la réponse à la question de savoir si la commission devait être saisie n'était pas évidente, et celle-ci se confondait avec la question de savoir si la commission devrait alors donner un avis négatif quant aux futures responsabilités envisagées par l'intéressé.
Cette affaire malheureuse a néanmoins eu une conséquence heureuse, puisque la loi du 3 août 2009 a rendu obligatoire la saisine de la commission pour tous les anciens membres de cabinet ministériel et collaborateurs du Président de la République. Si, au cours de la période de référence, un administrateur civil est affecté pendant ne serait-ce que trois mois à un cabinet, son cas doit être soumis à la commission, même s'il rejoint par exemple un cabinet d'avocats, qui n'est pas une entreprise au sens de l'article 432-13 du Code pénal et qui, par conséquent, ne donne pas lieu au contrôle dit « pénal ». Un fonctionnaire qui devient avocat n'entre donc pas dans le champ de la saisine obligatoire, puisqu'il s'agit d'une activité libérale, sauf s'il a été membre d'un cabinet. Mon prédécesseur rapport avec le champ de compétence du ministre auprès duquel elles travaillaient se sont multipliés.