Intervention de Nicole Borvo Cohen-Seat

Réunion du 10 février 2011 à 14h45
Immigration intégration et nationalité — Vote sur l'ensemble

Photo de Nicole Borvo Cohen-SeatNicole Borvo Cohen-Seat :

Monsieur le ministre, le Gouvernement aurait dû s’abstenir, c’est-à-dire retirer ce texte : c’était le projet de M. Besson et il manifestait la volonté du Président de la République, au-delà d’une cinquième discussion sur l’immigration – et au moins d’une sixième sur la sécurité – de s’adresser à une partie de son électorat de 2007, celle qui avait sans doute tendance à s’éloigner et qu’il fallait entretenir dans ses idées sur les étrangers, après les avoir largement alimentées.

D’ailleurs, nous pouvions penser que le chef de l’État en avait pris conscience puisqu’il a décidé de supprimer le ministère de l’identité nationale. Il a dû se rendre compte que l’existence d’un tel ministère n’était pas tellement « payante » dans la mesure où cette partie de son électorat ne semblait pas lui être particulièrement fidèle.

Eh bien non ! Nous avons eu droit au discours de Grenoble, puis à des attaques intolérables contre les Roms !

Tous ces discours sont extrêmement dangereux, car, s’ils ne sont pas forcément rentables électoralement – c’est à vous d’en juger ! –, ils ont cependant des effets très négatifs.

Je ne sais pas à qui tout cela profite mais, à force d’attiser des peurs, les propos se lâchent !

On a vu des choses très étranges, par exemple un hebdomadaire qui a titré : « La France envahie par les Chinois ! ». Sans doute voulait-il parler d’une invasion économique, mais on a eu l’impression de voir tout à coup ressurgir cette vieille lune du « péril jaune » !

Ensuite, on a vu un camp de Roms, près de Marseille, attaqué et mis à sac par des bandes. Voilà encore des gens qui se lâchent, non pas verbalement mais par des actes !

Tout cela est très grave, et si vous aviez retiré cet énième texte, monsieur le ministre, vous auriez montré que vous ne vouliez pas continuer à vous servir de ces peurs. La peur est particulièrement mauvaise conseillère en politique.

Vous pouviez au contraire jouer la carte de la confiance, et il y a fort à faire en la matière. Je pense bien entendu à la confiance sur le plan économique et social. Vous en êtes bien loin, mais vous auriez pu donner l’exemple en Europe, par exemple en ratifiant la convention internationale sur la protection des droits des travailleurs migrants et des membres de leurs familles. Vous pouviez aussi transposer les directives, mais en ne reprenant que les mesures communes les plus protectrices à l’égard des migrants.

Vous auriez ainsi prouvé que nous n’avons pas peur des étrangers, pas peur des migrations, qui sont de toute façon inéluctables dans un monde ouvert. Vous ne pouvez pas libérer partout les capitaux et considérer que les individus doivent être cantonnés dans leur lopin, sinon dans leur ghetto.

Mais vous avez voulu encore et toujours afficher, sans mesurer les désastres que vous provoquez.

Majoritairement, le Sénat – la commission des lois, en particulier son président et son rapporteur, a indiscutablement joué un rôle – a refusé les abus les plus manifestes qui figuraient dans le texte venant de l’Assemblée nationale et qui plaçaient la France dans une position passablement honteuse. Je pense surtout à la déchéance de nationalité, une notion qui nous rappelle de bien mauvais souvenirs et que nous voudrions voir oubliée, en tout cas bannie – encore une notion que vous prisez ! – de notre législation et de notre vocabulaire.

Néanmoins, ce texte reste un texte d’affichage très négatif, avec des mesures qui auront des conséquences tout à fait désastreuses sur la vie réelle des migrants et leur situation en France.

Par conséquent, nous voterons, bien sûr, contre ce projet de loi, mais en émettant tout de même le vœu qu’on n’aille pas agiter certains esprits de manière à revenir finalement au texte initial. J’espère au moins que la majorité sénatoriale aura emporté l’adhésion de l’ensemble des parlementaires.

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