Intervention de Jérôme Haas

Commission d'enquête sur le rôle des banques et acteurs financiers dans l'évasion des ressources financières en ses conséquences fiscales et sur les équilibres économiques ainsi que sur l'efficacité du dispositif législatif, juridique et administratif destiné à la combattre — Réunion du 17 septembre 2013 : 1ère réunion
Audition de M. Jérôme Haas président de l'autorité des normes comptables

Jérôme Haas :

J'ai pensé, ayant à l'esprit les questions que vous m'avez transmises, aborder trois sujets d'inégale importance.

Le premier porte sur des aspects systémiques du rapport entre la comptabilité et les questions financières. C'est le plus lourd. Le second sujet porte sur des aspects techniques du rapport entre la comptabilité et d'autres angles de représentation de l'entreprise, notamment bancaires, fiscaux, prudentiels et autres. Dans un troisième temps, vous m'avez posé des questions sur les commissaires aux comptes, sujet sur lequel je ne suis pas directement compétent, mais dont je puis vous dire cependant quelques mots.

S'agissant des aspects systémiques de la crise financière et de l'ensemble des dysfonctionnements auxquels nous avons assisté, qui ont conduit à la crise, les règles elles-mêmes ont participé au dysfonctionnement : elles ont dysfonctionné !

Cela ne va pas de soi : normalement, les règles permettent le bon fonctionnement du système ; or, voilà qu'elles sont la cause du dysfonctionnement ! Une part importante de notre travail a consisté à comprendre pourquoi...

Il faut remonter à la décision prise par l'Union européenne, en 2002, d'adopter pour les comptes consolidés des entreprises cotées des règles internationales, produites par un organisme privé, basé à Londres, l'International counting standard board (IASB). Ces règles étaient différentes des règles comptables dont nous avions l'habitude, et que nous utilisions depuis des siècles.

Il y a beaucoup de causes à l'émergence de ces autres normes comptables ; il serait trop long de s'y attarder, mais l'important est d'en caractériser la différence. Nous utilisions des normes qui consistaient à mesurer la différence entre ce que l'on dépensait et ce que l'on gagnait chaque année, le « résultat ». Nous le reportions de façon sincère, faisions une photographie en fin d'année dans un bilan, ainsi qu'en fin de l'année suivante et à celle d'après. On appelait généralement cela un patrimoine. De fait, les entreprises étaient souvent transmises à la génération suivante dans cet état, avec une perspective de long terme et le souci de la prudence.

L'approche alternative que nous avions adoptée sans le savoir tout à fait consiste à voir l'entreprise comme une chose qui s'achète et se vend, l'important étant de valoriser de façon instantanée l'ensemble des actifs et des passifs. Pour ce faire, il faut prendre en compte le passé, qui est sûr, le présent, mais surtout l'avenir. Le souci d'exhaustivité de ces normes, qui ne viennent pas du continent européen, a ouvert la porte à quelque chose de contraire à nos principes : la prise en compte du futur, l'inscription en résultats de bénéfices non réalisés.

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