Il y a indubitablement une cohérence dans l'ensemble des règles utilisées par la finance, qui sont produites et mises en oeuvre au même endroit.
Pour autant, dès lors que l'on prend au sérieux la mondialisation des règles comptables et que l'on enclenche le débat mondial, on s'aperçoit que celui-ci existe.
L'IASB a tout fait pour que les Etats-Unis adoptent les normes qu'il produit. Pour l'instant, les Américains ont fait savoir qu'ils s'en inspireraient fortement, travailleraient de concert, mais ne les adopteraient pas, bien qu'il existe aujourd'hui une certaine harmonie de vue, avec des différences, entre la comptabilité des Etats-Unis et celle de l'IASB.
Au Japon, un mouvement s'est initié pour se diriger vers les normes internationales. Il existe dans ce pays un foyer très important de résistance à ce mouvement, notamment de la part de l'industrie, qui compte beaucoup dans ce pays, et qui a construit le miracle japonais sur un système prudent, consistant à cumuler lentement les bénéfices, à les réinvestir, à ne voir qu'à long terme, sans distribuer trop vite les dividendes aux actionnaires qui profitent des valorisations à court terme. C'est ce qui a fait le succès du Japon. Les Japonais sont donc très inquiets à l'idée de s'en départir.
Le grand économiste Galbraith aurait été mandaté par le général Mac Arthur, après la guerre, pour mettre en place la comptabilité au Japon ; il se serait très largement inspiré du plan comptable général français. Si c'est vrai, c'est intéressant et peut expliquer certaines choses...
L'ensemble des autres pays se positionnent de manière très différente. Certains prétendent adopter les normes, mais il s'agit en réalité de pays émergents qui, dans la pratique, ne les mettent pas tout à fait en oeuvre lorsqu'ils s'aperçoivent que telle partie ne leur convient pas, qu'ils ne savent pas les mettre en place, ou qu'elles ne sont pas compatibles avec leurs règles juridiques ou leurs pratiques économiques. C'est aussi le cas du Canada -qui n'est pas un pays émergent- qui n'a pas adopté ces normes dans tous les secteurs.
La Chine affirme qu'elle les emploie. Ce que nous comprenons de cette position, c'est qu'elle pose des questions très fortes sur la valeur de marché, c'est-à-dire la question de la valorisation des actifs financiers, afin de savoir si on les met en valeur instantanée ou non. C'est dire que nous avons de bons sujets de conversation...
L'Inde a adopté les normes avec des dizaines de réserves, montrant qu'elle est en chemin.
Je pourrais continuer ainsi une longue litanie. Certains pays ont adopté ces normes dès le début : France, Australie, Nouvelle-Zélande, Afrique du Sud. Les autres ont adopté des stratégies différentes. C'est la question qui a été posée par Michel Barnier à Philippe Maystadt : que faire ? Faut-il continuer ainsi ? Faut-il prendre un peu de recul, se ménager la possibilité de changer de norme ? Il est vrai qu'il n'existe pas de précédent, dans l'Union européenne, d'externalisation de la production de normes aussi centrales que des normes comptables.
Le débat est maintenant ouvert. Je pense que nous avons contribué à le poser. Je ne sais le nombre d'années qu'il faudra pour arriver à trouver une solution, mais nous en discutons...