Intervention de Pierre Moscovici

Commission d'enquête sur le rôle des banques et acteurs financiers dans l'évasion des ressources financières en ses conséquences fiscales et sur les équilibres économiques ainsi que sur l'efficacité du dispositif législatif, juridique et administratif destiné à la combattre — Réunion du 17 septembre 2013 : 1ère réunion
Audition de M. Pierre Moscovici ministre de l'économie et des finances

Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances :

Je suis heureux de m'exprimer devant votre commission d'enquête. Dans une conjoncture où les Français sont mis à contribution pour sortir de la crise économique et sociale, la fraude et l'évasion fiscales sont insupportables. C'est pourquoi le gouvernement a fait de la lutte contre ces phénomènes une priorité absolue, lutte que le précédent rapport d'Eric Bocquet avait en son temps contribué à mettre en mouvement.

La lutte vise les paradis fiscaux, afin de resserrer l'étau autour des fraudeurs. Nous cherchons à nous doter des outils d'investigations adéquats, et à adapter les sanctions applicables pour éviter l'impunité. Votre commission d'enquête s'intéresse plus spécifiquement aux banques : sujet central. En tant que ministre de l'économie et des finances, mes principaux chevaux de bataille sont d'une part la lutte contre l'opacité fiscale et le secret bancaire, d'autre part la lutte contre le blanchiment.

Ces derniers mois ont été décisifs dans la lutte contre l'opacité fiscale et le secret bancaire au niveau international - qui est bien sûr le niveau d'action pertinent. À l'issue du G20 de Londres en 2009, le président de la République d'alors, Nicolas Sarkozy, avait annoncé : « Le secret bancaire est terminé ». Or il n'a pas été éradiqué. Je me garderai quant à moi des formules définitives, et dirai plutôt que le secret bancaire vacille, comme jamais auparavant. L'émergence d'un consensus au niveau européen et international pour promouvoir la transparence fiscale est un fait tout à fait inédit.

Sans l'adoption en 2010 par les États-Unis du Foreign account tax compliance act (Fatca), rien ne se serait produit. En obligeant les établissements financiers étrangers à fournir aux autorités fiscales américaines des informations détaillées sur les comptes bancaires détenus par les contribuables américains, cette loi a marqué un tournant. Nous sommes fondés à demander à nos partenaires européens, et bientôt à ceux du G20, une information équivalente à celle qu'ils fourniront aux États-Unis. De nombreux pays, et la France au premier chef, sont désormais désireux de faire du principe d'échange automatique d'informations un standard international, comme en témoignent les conclusions de la dernière réunion du G20 à Saint-Pétersbourg.

Nous n'avons nullement attendu les décisions internationales pour agir au plan national et bilatéral. En premier lieu, j'espère signer notre accord Fatca lors de ma prochaine visite à Washington, pour les assemblées générales du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale au mois d'octobre. Ensuite, la convention sur les successions que nous avons signée avec la Suisse au mois de juillet dernier contient des stipulations majeures en termes d'échanges de renseignements. Enfin, le projet de loi de lutte contre la fraude fiscale en seconde lecture à l'Assemblée nationale prévoit d'inscrire sur notre liste interne de paradis fiscaux tous les États qui refuseront de s'engager pour l'échange automatique d'informations. Un pas de géant a été accompli ces derniers mois.

Les banques jouent également un rôle essentiel en matière de lutte contre le blanchiment, en bloquant l'entrée dans le système de flux financiers illicites. Elles sont soumises à des obligations de vigilance et de déclaration auprès de Tracfin, mécanismes essentiels pour identifier les flux illicites et, le cas échéant, leur origine et leurs commanditaires. Le blanchiment repose historiquement sur un petit nombre de délits, comme le trafic de drogue, mais sa définition s'est élargie jusqu'à inclure la fraude fiscale. Le droit français en dispose ainsi depuis 2009, et la France a défendu avec les États-Unis cette conception du blanchiment au sein du Groupe d'action financière (Gafi).

Notre dispositif juridique anti-blanchiment implique de manière pleinement efficace nos établissements financiers. Depuis plusieurs années, ils ont pris conscience de leurs responsabilités dans ce domaine. Un pas supplémentaire a été franchi avec la loi de séparation et de régulation des activités bancaires du 27 juillet 2013. Celle-ci élargit d'abord le champ des déclarations de soupçon à Tracfin. Elle crée ensuite une nouvelle obligation de déclaration automatique et objective - même en l'absence de soupçon - de toute opération présentant un risque particulier en raison de son origine, de sa destination, ou de la nature de sa contrepartie. Ainsi d'une opération impliquant un trust. Tracfin en sort renforcé mais demeure dédié à la lutte contre le blanchiment, dont la fraude fiscale n'est qu'une composante possible.

J'en ai la certitude : un mouvement irréversible en faveur de la transparence s'est enclenché au niveau européen et international, sous la pression des États-Unis, des parlementaires et des opinions publiques. La France en est un acteur majeur.

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