Intervention de Jean-Pierre Michel

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 18 juin 2014 à 9h10
Renforcer l'efficacité des sanctions pénales — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Jean-Pierre MichelJean-Pierre Michel, rapporteur :

Les avocats pourraient pointer des éléments de personnalité suggérant une telle solution - après tout, qu'ils fassent eux aussi leur travail ! Dans les audiences correctionnelles telles qu'elles sont, notamment en comparution immédiate, je doute fort que cela se passe ainsi. Je crains au contraire que la contrainte pénale soit très peu utilisée.

Pour éviter cela, je vous propose un amendement très limité et très prudent faisant de la contrainte pénale la peine de référence, encourue à titre de peine principale, pour un certain nombre de délits peu graves, excluant les atteintes aux personnes. La conférence de consensus invitait à avancer en ce sens. C'est aussi ce que nous ont suggéré la CNCDH ou Robert Badinter. Il y aurait ainsi deux types de contrainte pénale : une alternative à la prison pour les délits punis de cinq ans, jusqu'à 2017 ; la contrainte comme seule peine encourue pour certains délits. L'idée est d'introduire dans notre droit pénal un triptyque : prison, contrainte pénale et amende, la sanction pécuniaire pouvant toujours être prononcée en plus de la contrainte pénale.

Je propose par ailleurs de faire de la sanction du non-respect de la contrainte pénale un délit autonome puni de deux ans d'emprisonnement, comme pour le travail d'intérêt général (TIG) ; le texte est actuellement à la limite de la constitutionnalité sur ce point. Les obligations liées à la contrainte pénale peuvent être très lourdes et plus contraignantes que quelques mois de prison. Le juge de l'application des peines n'est pas là pour juger ce nouveau délit : il devra saisir le parquet. Cela peut être long ; il pourrait s'agir d'un juge unique, comme le propose mon amendement.

Enfin, je propose plusieurs ajustements pour rééquilibrer les pouvoirs entre la juridiction de jugement et le juge de l'application des peines. Le magistrat qui juge pourra prononcer tout de suite toutes les obligations ou interdictions de la contrainte pénale s'il a des éléments dans le dossier, grâce aux avocats, qui doivent alimenter le dossier avant l'audience. Sinon, c'est le juge d'application des peines qui le fera après une enquête de personnalité ; il ne prononce jamais la sanction, mais le cas échéant modifie son contenu, veille à son exécution et saisit le juge du siège en cas de non-exécution.

Je recommande de revenir au seuil de deux ans d'emprisonnement - un an pour les récidivistes - pour les aménagements de peine, soit le droit de la loi pénitentiaire de 2009. L'abaissement du quantum, incohérent, conduirait à augmenter de 5 000 le nombre de peines non aménageables, ce qui n'est pas très adéquat, compte tenu de la surpopulation carcérale.

Je suggère de supprimer les articles introduits par les députés donnant de nouveaux pouvoirs à la police et à la gendarmerie : géolocalisation et interceptions de communication sur toute personne sortant de détention et soumise à certaines obligations ; transaction pénale ouverte aux officiers de police judiciaire ; alternatives aux poursuites décidées d'office ; communication de documents couverts par le secret de l'enquête et de l'instruction, comme le bulletin n° 1 du casier judiciaire, à des instances administratives - ce qui est contraire à la séparation des pouvoirs. Le ministère de l'intérieur y est défavorable et cela passerait difficilement l'épreuve du Conseil constitutionnel.

Je suis favorable au financement de l'aide aux victimes ; je m'interroge cependant sur la nature juridique de cette majoration de 10% sur toutes les amendes : s'agit-il d'une taxe ou d'une sanction ? En toute hypothèse, je propose un plafond et le Gouvernement prendra en séance publique des engagements sur l'affectation effective de ces sommes à l'aide aux victimes et nous aidera à trouver une rédaction plus conforme au droit.

Je propose trois ajouts : comme le demandent également Mmes Benbassa et Cukierman, la suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs, qui n'ont prononcé que quelques centaines de condamnations par an, d'ailleurs pas plus sévères que celles que prononcent les tribunaux pour enfants, mais ont compliqué le travail des juridictions ; la suppression de la rétention de sûreté, mais pas de la surveillance de sûreté ; l'intégration du dispositif de la proposition de loi de Jean-René Lecerf, Christiane Demontès et Gilbert Barbier, dont j'avais été le rapporteur, votée à l'unanimité en janvier 2011, sur l'atténuation de peine pour les malades mentaux et le renforcement des obligations de soins.

Cette loi ne servira à rien sans moyens supplémentaires, notamment en personnels de SPIP et en juges de l'application des peines. Le Gouvernement a pris des engagements clairs (1 000 personnels de SPIP sur trois ans) qui devront être respectés. Si la loi pénitentiaire n'est pas appliquée complètement, c'est faute de création des postes annoncés. L'objectif de quarante mesures par conseiller doit être tenu. Il faut aussi travailler davantage avec les associations. Il est nécessaire que les SPIP rénovent leurs méthodes de travail et associent davantage le reste de la société civile.

Enfin, il convient d'améliorer l'évaluation des politiques publiques en matière de sécurité, qui a manqué aux nombreuses lois de ces dix dernières années, faute d'outil statistique efficace aux ministères de la justice et surtout de l'intérieur. La garde des sceaux nous a indiqué hier que le décret prévu à l'article 7 de la loi pénitentiaire devrait être bientôt publié ; l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) sera réformé et un Observatoire de la récidive et de la désistance, où siègeront des parlementaires, sera créé. Espérons que ces initiatives nous donneront des données fiables.

Ces observations et propositions de modifications me conduisent à vous inviter à adopter le projet de loi.

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