Quand on parle de bibliothèques, de médiathèques, de livres, on parle de la République et de son évolution. On n'a au fond parlé que de cela depuis deux heures.
Trois choses me frappent concernant le livre.
Tout d'abord, le livre fait de la résistance. On a besoin de livres, même si, malgré les efforts qui ont été faits, comme le dédoublement des classes, un jeune Français sur cinq n'est pas à l'aise avec la langue de la République à son entrée en 6e. Il est donc condamné à l'exclusion. C'est pourtant un objectif qui ne dépend en rien des contraintes de la mondialisation. La Finlande a réussi, contrairement à nous. Il y a là une obligation de résultat.
Ensuite, le livre, c'est de la co-création : nous ne lisons pas tous le même livre : chacun en tire ses propres images. Ce n'est pas de la consommation, c'est même l'inverse. On dit de quelqu'un qui lit un livre qu'il se cultive. Il est en quelque sorte un paysan.
Les lecteurs ont envie de rencontrer les auteurs. Autrefois, une vingtaine de personnes seulement assistaient à une présentation : elles sont aujourd'hui entre 300 et 400. Tous les écrivains n'aiment pas cela. On adore par exemple lire du Modiano, mais ce n'est pas un orateur, même s'il est plus intéressant à lire que d'autres, qui sont meilleurs orateurs.
Ce qui me frappe, c'est la possibilité, à partir du livre, de faire des rencontres extraordinairement chaleureuses. Certaines librairies enchaînent les rencontres et déplacent un monde fou.
Quant à la notion d'auteur, on a longtemps repoussé ce débat. Tout d'abord, il n'existe plus de classe moyenne. Certaines auteurs ont des marques - c'est mon cas -, d'autres non.
Mon éditeur, Jean-Marc Roberts, pendant trente ans, a proposé une collection de qualité chez Stock, la collection La Bleue. La moyenne tournait entre 6 000 exemplaires et 8 000 exemplaires. On en est maintenant à 600 exemplaires. Ce n'est pas un tirage rentable pour l'éditeur.
Comment arrive-t-on à avoir une marque ? Il faut d'abord que l'on vous fasse confiance. Mon premier livre a été tiré à 600 exemplaires. Si c'était le cas aujourd'hui, mon deuxième livre n'aurait jamais été publié, et les choses se seraient arrêtées là.
Cette question est un sujet clé. Comment faire ? Doit-on avoir un autre métier, payer plus ? Augmenter les droits d'auteur ne changera rien, et ils seront encore moins publiés qu'auparavant.
La question des auteurs est une question clé dans ce contexte marqué par la fin des classes moyennes. Ce sujet me terrifie : on a cru que la modernité, c'était du ruissellement, alors que c'est de la polarité.
Qu'est-ce qu'un auteur ? Dans le domaine de la musique, les artistes gagnent moins avec les disques qu'avec le spectacle vivant. Comment faire lorsqu'on est face à un objet, dans le silence et la réflexion ?
Ce rendez-vous de la Nation avec les auteurs est absolument fondamental. Comme vous l'avez senti, ces questions sont ma vie même. Je continue à travailler avec l'Association des maires de France (AMF), et je serai le 19 mars à « Action coeur de ville ». Je suis à votre disposition pour poursuivre le débat. Je continuerai à élever la voix quand votre politesse vous l'interdira, car je suis de moins en moins poli !