Intervention de François Bonhomme

Réunion du 18 février 2020 à 14h30
Irresponsabilité pénale — Débat organisé à la demande du groupe union centriste

Photo de François BonhommeFrançois Bonhomme :

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, comment déterminer la responsabilité pénale d’un criminel sous l’emprise de la drogue ?

Cette question juridique a naturellement suscité l’émoi et l’incompréhension.

L’émoi, tout d’abord, puisque ce débat fait suite à un crime particulièrement ignoble commis le 4 avril 2017. Sarah Halimi, une femme juive de 65 ans, mère de trois enfants, est agressée et tuée sauvagement par Kobili Traore, qui revendique avoir « tué le démon ».

Malgré l’évidence de ce crime et de son caractère antisémite, la question de la responsabilité pénale de l’auteur au regard de ses troubles mentaux et de sa consommation de cannabis a rapidement suscité le débat.

En effet, le procureur de la République avait demandé un renvoi du criminel devant les assises, en déclarant que « par son comportement volontaire de consommation de cannabis, Kobili Traore a directement contribué au déclenchement de sa bouffée délirante aiguë. Le fait qu’il n’ait pas souhaité être atteint de ce trouble et commettre les faits ne peut suffire à l’exempter de toute responsabilité ».

Malgré cela, le 12 juillet 2019, les magistrats instructeurs en charge de l’affaire ont estimé qu’il existait des raisons plausibles de penser que le discernement du suspect était aboli au moment des faits.

Le 19 décembre dernier, la chambre d’instruction de la Cour d’appel de Paris a confirmé l’irresponsabilité pénale du mis en examen, en précisant : « Aucun élément du dossier d’information n’indique que la consommation de cannabis par l’intéressé ait été effectuée avec la conscience que cet usage de stupéfiants puisse entraîner une telle bouffée délirante ». Dès lors, la Cour d’appel de Paris a refusé qu’un procès se tienne devant une cour d’assises.

L’incompréhension a frappé l’ensemble des Français suite à cette décision de justice, madame la garde des sceaux.

La question est la suivante : un criminel peut-il être exempté de toute responsabilité pénale au motif que son discernement serait aboli dès lors qu’il se trouve sous l’emprise de stupéfiants ? Cette question est d’autant plus problématique que, dans ce cas précis, deux collèges de trois experts ont estimé que le discernement de l’auteur avait été aboli au moment des faits.

Jacques Julliard, essayiste, historien et journaliste, a confié mieux que quiconque son désarroi à ce propos, y voyant une manifestation du malaise français. « Dans ma naïveté, dit-il, j’avais cru jusqu’ici que provoquer un accident de la route sous l’emprise de l’alcool était une circonstance aggravante. Je sais désormais qu’assassiner son semblable sous l’emprise de la drogue vous met à l’abri des poursuites judiciaires. Messieurs les experts, messieurs les juges, merci de la recette ! »

Effectivement, le sens commun le plus élémentaire a fait défaut. C’est pourquoi les deux propositions de loi de nos collègues Nathalie Goulet et Roger Karoutchi, déposées au Sénat, nous permettent de prolonger ce débat, d’apporter des réponses à cette question et de nous prémunir des conséquences de cette jurisprudence.

Je forme le vœu que le Gouvernement puisse également proposer une évolution de la législation en vigueur, afin d’encadrer véritablement la notion d’irresponsabilité pénale.

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