Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je remercie le groupe CRCE d’avoir choisi ce thème de débat aujourd’hui, qui traduit sa volonté constante d’accorder de l’importance aux questions de maintien de l’ordre dans notre hémicycle. Mes chers collègues, vous aviez également invité le Gouvernement à discuter avec nous de l’interdiction des lanceurs de balles de défense en 2019, et M. Laurent Nunez avait alors fait des déclarations intéressantes, sur lesquelles je reviendrai.
Il est malheureux de constater que, débat après débat, le Gouvernement fuit les responsabilités qui sont les siennes dans l’état de tension qui existe dans le pays. C’est un jour la faute des « gilets jaunes » – admettons ! –, un autre, celle des Black Blocs – je veux bien le croire –, un autre encore celle des observateurs de la Ligue des droits de l’homme – ils ont le dos large ! –, mais jamais, au grand jamais, la responsabilité du Gouvernement ne saurait être invoquée !
Ces derniers mois, devant l’évidence, vous avez fini par lâcher du lest, en rejetant d’abord la responsabilité sur des policiers qui auraient commis individuellement des erreurs, puis en lançant une consultation citoyenne pendant deux week-ends, dont on a finalement peu entendu parler. Laissez-moi vous dire qu’un peu plus de transparence en la matière aurait été bienvenu ! Après tout, la convention citoyenne sur le climat travaille bien en communiquant beaucoup, l’exécutif sait donc rendre les choses accessibles au grand public, quand il le veut.
Au sujet de l’information rendue accessible au grand public, je me permets d’aborder un élément que Mediapart a porté à notre connaissance : la DGPN travaillerait à des évolutions législatives visant à limiter le nombre de vidéos de violences policières filmées par les citoyens. On évoque une moindre diffusion, voire des floutages. Nous aimerions en savoir plus et, surtout, comprendre la logique de cette démarche : d’un côté, le Gouvernement veut développer la reconnaissance faciale dans la vidéosurveillance et équiper les binômes porteurs de LBD de caméras-piétons et, de l’autre, il entendrait limiter la portée des images réalisées par les citoyens.
Je reviens sur les caméras-piétons, sans doute très utiles pour restaurer la confiance entre la police et la population en matière de maintien de l’ordre. J’ai déposé une question écrite à ce sujet, que vous me permettrez de relayer ici. Lors du débat passé sur l’interdiction des LBD, vous aviez déclaré, monsieur le secrétaire d’État : « Le ministre de l’intérieur a notamment exigé que tous les policiers et les gendarmes munis de LBD soient dotés de caméras-piétons pour pouvoir vérifier systématiquement le bon usage de l’arme et, surtout, contextualiser cet usage pour s’assurer qu’il a été effectué dans des conditions réglementaires. »
Un an plus tard, L e Canard enchaîné nous faisait part de l’inutilité supposée de 10 400 caméras-piétons, acquises pour 2, 3 millions d’euros : ces équipements ne bénéficieraient pas de batteries suffisantes pour une utilisation facile. Les difficultés d’usage de ces dispositifs en situation de tir de LBD semblaient connues. La DGPN envisageait des binômes – porteur de LBD, porteur de caméra – dès 2019.
Monsieur le secrétaire d’État, ces informations sont-elles vraies ? Combien de caméras avez-vous achetées depuis 2019, et à quel prix unitaire ? Quelles sont les caractéristiques du modèle retenu ? Comment les équipements ont-ils été répartis entre forces de police et de gendarmerie ?
Par ailleurs, j’aimerais connaître les caractéristiques du modèle retenu pour l’équipement, annoncé l’été dernier, des pompiers de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris et du service départemental d’incendie et de secours du Val-d’Oise.
Monsieur le secrétaire d’État, interrogé sur des actes précis, vous avez l’habitude de répondre qu’une enquête a été ouverte par l’inspection générale de la police nationale (IGPN). Je comprends tout à fait cette position, conforme, en quelque sorte, à la séparation des pouvoirs. Reste que des doutes existent sur l’IGPN. Je n’en donnerai qu’une seule illustration : après que, à Strasbourg, un jeune garçon ne participant à aucune manifestation a été blessé au visage, l’enquête de l’IGPN n’a abouti à rien et le policier ayant tiré n’a pas été identifié. Le Défenseur des droits s’est saisi de ce cas.
J’espère donc, monsieur le secrétaire d’État, que vous ne me renverrez pas à l’IGPN en réponse à ma dernière interpellation. Vos brigades de répression de l’action violente motorisées, ces fameuses BRAV-M, qui tirent à bout portant au LBD quand elles ne sont pas en danger, est-ce normal ? Cela contribue-t-il en quelque façon à la désescalade ? Dans ces conditions, pensez-vous que la priorité soit vraiment de flouter les BRAV-M dans les vidéos des citoyens ?