». - Je ne reviendrai pas sur les propos de notre présidente quant au sort réservé par la PPE à l'énergie nucléaire : je les partage totalement.
Je voudrais évoquer les énergies renouvelables et alternatives, car le projet me paraît présenter cinq faiblesses dans ce domaine.
Pire, sur un certain nombre de points, il ne respecte pas l'intention du législateur, telle que nous l'avons collectivement exprimée à l'occasion de l'examen de la loi Énergie-Climat.
Mon premier motif d'inquiétude concerne la filière biogaz, dont je rappelle, d'ailleurs, que le soutien fiscal n'a été prorogé par la dernière loi de finances que grâce à l'action de notre commission !
La loi que nous avons votée fixe un objectif d'au moins 10 % de consommation de gaz renouvelable en 2030.
Or le projet de PPE prévoit un objectif de 7 % en cas de baisse de coûts permettant d'atteindre 75 euros par MWh en 2023 et 60 en 2030, l'objectif de 10 % n'étant retenu qu'en cas de baisses supérieures.
Par ailleurs, le niveau de biogaz injecté dans les réseaux est de 6 TWh en 2023 dans le projet de décret, contre 8 TWh dans celui qui est en vigueur !
Il s'agit de signaux tout à fait négatifs pour cette filière particulièrement dynamique, de surcroît porteuse d'externalités positives pour le secteur agricole.
Envisagez-vous de réviser à la hausse les cibles précitées ?
Mon deuxième sujet de préoccupation porte sur l'hydrogène.
Dans le cadre de la loi Énergie-Climat, notre commission a adopté l'objectif de porter en 2028 la part d'hydrogène décarboné entre 20 % et 40 % de la consommation totale d'hydrogène.
Or, dans le projet de décret, il n'est plus question que de la consommation d'hydrogène industrielle.
C'est donc une orientation moins ambitieuse, alors que l'hydrogène est un vecteur énergétique prometteur, notamment pour décarboner le secteur des transports.
Entendez-vous corriger l'objectif, étant rappelé que la Chine est très en pointe dans ce domaine et que, sans stratégie suffisamment offensive, nous risquons d'être dépassés ?
Le troisième enjeu que j'ai identifié porte sur l'éolien en mer.
Là encore, il est regrettable que la cible d'attribution de 1 GW par an de capacités installées de production d'ici à 2024, telle qu'adoptée par notre commission, soit doublement restreinte par le projet de décret : d'une part, l'échéance est décalée à après 2024 ; d'autre part, l'objectif est assorti de conditions, puisqu'il ne sera atteint que « selon les prix et le gisement, avec des tarifs cibles convergeant vers les prix de marché sur le posé ».
Pensez-vous supprimer ces contraintes réglementaires, qui affaiblissent l'ambition fixée par le législateur et nuisent à la lisibilité attendue par les professionnels ?
Je voudrais également vous alerter - et c'est mon quatrième point - sur la fin du soutien public à deux filières : la cogénération et la géothermie électrique.
Il est dommage de cesser de promouvoir la cogénération, qui se caractérise par des bénéfices environnementaux.
Dans la mesure où elle permet la production simultanée d'électricité et de chaleur, elle présente effectivement un rendement énergétique supérieur et des émissions de gaz à effet de serre moindres que dans le cas d'une production séparée.
Par ailleurs, la cogénération offre un débouché intéressant pour la filière bois, dont, tout comme vous, Madame la Ministre, je connais bien les difficultés !
S'agissant de la géothermie électrique, il est malvenu d'abandonner ce procédé intéressant, dont le bilan carbone est proche de la neutralité.
De plus, il permet l'extraction en parallèle de lithium, métal rare indispensable à la production des batteries.
Dès lors, pourquoi exclure ces énergies alternatives du projet de PPE ?
Enfin, cinquième et dernier sujet de préoccupation, je souhaiterais attirer votre attention sur un secteur oublié de la PPE : les biocarburants.
Certes, le projet de décret fixe des objectifs d'incorporation pour les biocarburants avancés dans les filières essence et gazole.
Le projet de PPE comporte par ailleurs quelques orientations sur les biocarburants, notamment sur leur utilisation dans les transports routier et aérien. Pour autant, ces recommandations sont rédigées de manière trop générale pour présenter une applicabilité immédiate.
Les indications portant sur les biocarburants de première génération sont de surcroît essentiellement négatives : cela se comprend s'agissant des biocarburants présentant un risque élevé en termes de changement d'affectation des sols, mais non pour tous les autres.
Dans ce contexte, un rapport d'information récemment publié par notre commission plaide pour inscrire dans la PPE un véritable cadre stratégique relatif aux biocarburants, qui pourrait comprendre des objectifs de déploiement, d'une part, de véhicules ou de technologies de conversion - comme c'est le cas pour les véhicules électriques ou hydrides - et, d'autre part, d'infrastructures de recharge - comme c'est prévu pour l'électricité, l'hydrogène, le GPL, le GNV ou le GNL.
Envisagez-vous de reprendre à votre compte cette proposition formulée par notre commission, en modifiant sur ce point le projet de PPE ?
Un volet de notre rapport concerne les biocarburants aériens.
Votre ministère a récemment publié une « feuille de route » sur ce sujet, qui prévoit une cible de substitution de 2 % en 2025 et 5 % en 2030, et lancé un appel à manifestation d'intérêt.
Ces mesures vont dans le sens de nos préconisations, visant à favoriser l'émergence d'une filière française des biocarburants, de même que l'effort de recherche dans ce domaine.
Pour autant, je voudrais vous faire part d'un point de vigilance : il est nécessaire d'accompagner au mieux les compagnies aériennes dans ce changement.
Notre rapport préconise ainsi de fixer un objectif indicatif, plutôt qu'obligatoire, pour ce qui concerne le recours à ces biocarburants, dans un souci de souplesse : confirmez-vous que cela est bien le cas ?
Par ailleurs, il recommande de compenser aux compagnies aériennes le coût induit par leur utilisation, dans la mesure où ils sont 2 à 4 fois plus onéreux que le kérozène classique : entendez-vous agir dans cette direction ?
Au-delà des cinq faiblesses que je viens d'exposer, je voudrais compléter les propos de notre présidente sur la modestie des moyens prévus pour l'application de la PPE.
Le projet présente comme autant d'outils au service de la transition énergétique l'institution de la prime Ma prime Rénov', la revalorisation du fonds chaleur, le recours à la prime à la conversion ou encore l'alourdissement de la fiscalité sur le gazole professionnel.
Je veux nuancer cette présentation bien trop positive en rappelant les difficultés que j'ai identifiées lors de l'examen de la dernière loi de finances : la création de Ma prime Rénov' s'accompagne de la réduction aux deux tiers des bénéficiaires et du montant du crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE) ; la révision des critères d'éligibilité à la prime à la conversion conduit à la baisse d'un tiers des véhicules concernés ; la hausse du Fonds chaleur a, pour l'heure, été financée par un recyclage d'anciens crédits de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) ; l'alourdissement de la fiscalité sur le gazole représente une charge pérenne de 1 milliard d'euros pour les professionnels.
Par ailleurs, dans la mesure où le coût du soutien aux énergies renouvelables d'ici à 2028 est évalué entre 122 et 173 milliards d'euros dans le projet de PPE, comment le Gouvernement entend-il garantir le financement de ce soutien ?
J'espère que le projet de PPE sera infléchi dans le sens que la présidente de la commission et moi-même avons indiqué, à commencer par le biogaz, l'hydrogène, l'éolien en mer et les biocarburants.
Vous pouvez compter sur la commission des affaires économiques du Sénat pour vous y aider.