Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, grâce au développement du numérique, le monde dans lequel nous vivons est en pleine mutation. Il est aujourd’hui à portée de clic, ce qui est à la fois une chance pour les consommateurs, mais aussi une source d’inquiétudes auxquelles il nous faut répondre pour protéger pleinement nos concitoyens.
C’est une chance, puisque l’apparition de plateformes numériques et le développement des terminaux numériques intelligents que sont, aujourd’hui, les téléphones et, demain, l’ensemble des objets connectés créent des solutions innovantes pour les consommateurs et des opportunités nouvelles, notamment sur les plateformes d’achat. Les chiffres nous démontrent l’appétence des citoyens pour le cyberespace : le commerce en ligne a connu une hausse de 72 % entre 2014 et 2017, atteignant plus 2 300 milliards de dollars. Depuis sa création en 2004, Facebook est devenu le leader des réseaux sociaux. Il a d’ailleurs franchi un nouveau palier en 2017, avec 2 milliards d’utilisateurs actifs.
Mais c’est aussi une source d’inquiétudes, car, face à la toute-puissance des géants du numérique que sont Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft, le risque de voir le consommateur entravé dans sa liberté de choix s’accroît au fur et à mesure que l’offre en ligne se développe.
Il appartient donc au législateur de mieux protéger les consommateurs en garantissant leur liberté de choix sur les terminaux et en protégeant la libre concurrence des acteurs économiques sur le marché. Nous devons en effet permettre au consommateur d’installer les applications de son choix sur son smartphone et de changer de réseau social tout en gardant ses contacts. Nous devons également mettre fin à un certain nombre de pratiques qui limitent le libre choix du consommateur, comme l’impossibilité de désinstaller certaines applications préinstallées sur son smartphone.
C’est dans ce contexte que nous examinons cette proposition de loi, adoptée à l’unanimité de la commission des affaires économiques. Nous partageons la volonté de renforcer les pouvoirs du régulateur national face à la toute-puissance des géants du numérique et l’objectif de ce texte, qui vise à rendre le pouvoir au consommateur en ligne.
Je tiens à saluer le travail des rapporteurs, qui a permis d’enrichir le texte qui nous est présenté en suivant notamment les recommandations du Conseil d’État.
Partant du constat, partagé, qu’il existe de nombreuses pratiques qui portent atteinte au libre choix du consommateur sur les smartphones, les trois mesures proposées permettront des avancées concrètes en la matière.
Tout d’abord, il s’agit d’introduire une régulation sectorielle en vue d’assurer la liberté de choix du consommateur sur les terminaux.
Ensuite, pour garantir la mobilité du consommateur sur les plateformes, le texte pose le principe d’interopérabilité des réseaux sociaux, afin de faciliter le passage d’un réseau social à un autre avec la possibilité d’interagir avec ses contacts tout en ayant changé de réseau social.
Enfin, la lutte contre les concentrations prédatrices des Gafam est une priorité, afin de laisser l’innovation se développer, dans une logique de concurrence loyale des acteurs qui bénéficiera aussi aux consommateurs.
L’Arcep, autorité de régulation en matière de télécoms, occupera un rôle central dans ce dispositif, en s’assurant que les pratiques mises en œuvre sur les terminaux en vue de restreindre le choix des consommateurs ne sont pas injustifiées.
Elle sera également dotée de pouvoirs de recueil et de traitement de l’information, d’un pouvoir de règlement des différends et d’un pouvoir de sanction des règles visant à protéger la liberté de choix des utilisateurs.
La nécessaire régulation des géants du numérique ne date pas d’hier. De nombreux rapports ont en effet mis en lumière la nécessité de mettre en place une nouvelle forme de régulation de ces acteurs et l’État a pleinement conscience des enjeux actuels. C’est pourquoi, à la fin de l’année 2018, le Président de la République avait annoncé l’instauration d’une taxe sur les GAFA.
Cette mesure, définitivement adoptée par le Parlement le 11 juillet dernier, a fait de la France le premier État à introduire en Europe une taxation de ce type, dans l’attente d’un accord à l’échelon international. En effet, pour que la régulation des géants du numérique soit effective, elle passera nécessairement par l’adoption de règles à l’échelle européenne.
Vous avez d’ailleurs rappelé, monsieur le secrétaire d’État, la mobilisation du Gouvernement sur ce sujet pour faire en sorte que son traitement aboutisse dans les meilleurs délais à cet échelon.
Il n’en demeure pas moins que les mesures prévues dans cette proposition de loi cosignée – je le rappelle – par l’ensemble des commissaires constituent des avancées réelles en faveur du libre choix des consommateurs dans le cyberespace.
Ce texte démontre également la volonté du Sénat de travailler ensemble, de manière transpartisane, dans l’intérêt de nos concitoyens.
Nous nous en félicitons et nous soutiendrons cette proposition de loi, tout en rappelant l’importance de parvenir rapidement à un accord au plan européen pour en garantir l’efficacité.