« Nous accomplissons des actes dont nous devenons les esclaves », disait Goethe au XIXe siècle. Pourtant, à la fin du XXe siècle, même les plus clairvoyants étaient peu nombreux à prédire que le bouleversement numérique mondial consacrerait l’émergence de nouveaux tyrans tout-puissants et qu’il le ferait insidieusement, car comme le dit le proverbe, « les bottes du diable ne grincent pas ».
L’un des grands pionniers de l’internet, Robert Metcalfe, avait établi la loi qui porte son nom : l’utilité d’un réseau est proportionnelle au carré du nombre de ses utilisateurs.
Cette loi de l’effet réseau explique pourquoi les nouvelles technologies sont aujourd’hui régies par une poignée d’entreprises qui n’ont plus de concurrence sérieuse et peuvent imposer leurs lois contre les lois du marché et celles des États. C’est la tendance naturelle des réseaux d’absorber, comme un trou noir, tout ce qui gravite à leur périphérie et de réduire l’univers des possibles promis par internet à leur seul appétit monopolistique.
Les Gafam n’ont au départ de puissance que celle que les citoyens leur donnent. Mais dès lors que leur place dans l’économie devient cardinale, les consommateurs et les entreprises n’ont plus d’autre choix que de se soumettre aux conditions léonines qu’ils imposent.
Nous devons éviter deux erreurs. Elles consistent à croire, la première, que cet excès du capitalisme doit nous conduire à en condamner le principe même, la seconde, qu’en laissant faire les choses, elles s’arrangeront d’elles-mêmes. Il faut aujourd’hui non pas renverser nos valeurs et abandonner le libéralisme, mais adapter celui-ci à notre temps.
Friedrich Hayek, qu’on critique plus qu’on ne le lit