Madame, monsieur les rapporteurs, je tiens d’abord à vous remercier et vous féliciter pour votre travail et pour vos conclusions sur la proposition de loi visant à garantir le libre choix du consommateur dans le cyberespace.
Dans cette ère numérique, même les personnes les moins à l’aise avec les nouvelles technologies connaissent les géants américains Google, Facebook, Android, Apple, et Microsoft, ainsi que leurs homologues chinois Baidu, Alibaba, Tencent et Xiaomi (BATX). Cela ne fait qu’attester de leur position dominante, voire monopolistique.
Ces dernières années, ces grands opérateurs ont mis en place le schéma suivant : ils rachètent des petites entreprises à fort potentiel, ce qui empêche l’émergence d’acteurs concurrents. Il est impossible de nier une concentration excessive du marché entre leurs mains, ce qui ne peut avoir qu’une incidence négative sur l’économie et la liberté de choix du consommateur, qui se voit enfermé dans un écosystème duquel il lui est quasiment impossible de sortir en raison des stratégies de ces grandes entreprises.
C’est pourquoi ce texte ambitieux entend lutter contre ce phénomène, en renforçant les législations existantes, qui sont lacunaires. Une législation européenne dans ce domaine serait bénéfique, mais ce qui a été adopté à l’échelon de l’Union est timide. Or le milieu du numérique se caractérise par des cycles d’innovation très courts, ce qui permet de verrouiller le marché. Attendre une action de l’Union européenne ne fera donc que renforcer la position dominante de ces entreprises. Aussi, il est souhaitable que la France adopte d’abord une législation nationale, qui pourra ensuite servir de catalyseur au plan européen.
Dans cette optique, cette proposition de loi introduit plusieurs nouveautés. Son but premier est de garantir le libre choix du consommateur. Pour ce faire, elle crée un droit d’accès et de diffusion aux informations et aux contenus, ainsi qu’un droit de fournir des applications et des services.
Elle impose des obligations préventives aux entreprises, afin d’assurer ces droits. Elle interdit notamment de traiter des contenus de façon différenciée si cela est injustifié, de faire en sorte que des applications se trouvant dans la configuration initiale empêchent le consommateur de choisir des applications similaires provenant d’un autre fournisseur. Elle interdit également d’empêcher de façon injustifiée de supprimer des applications qui se trouvent dans la configuration initiale.
Des dérogations sont prévues lorsque les entreprises sont confrontées à des obligations légales ou réglementaires, ou pour assurer la sécurité et le fonctionnement du terminal. Toutefois, et c’est tout à fait louable, la commission a décidé d’autoriser ces dérogations uniquement dans les cas où elles seraient strictement nécessaires aux entreprises. Cela permettra de limiter les abus.
Le pouvoir de protéger les droits sera attribué à l’Arcep, qui pourra fixer des lignes directrices et édicter des recommandations sur le sujet. Elle aura aussi le pouvoir de recueillir des informations, un pouvoir de règlement des différends, ainsi qu’un pouvoir de sanction.
Ce texte a également pour objet de permettre au consommateur de conserver ses contacts et liens sociaux sur d’autres plateformes que celles où ils ont été créés, en donnant à l’Arcep le pouvoir d’imposer des obligations tendant à rendre interopérables les services de communication en ligne lorsque cela lui paraît pertinent. À titre personnel, il me semblerait toutefois souhaitable de préciser sur quels critères se baser pour que cette mesure soit considérée comme pertinente.
Des limites sont là aussi posées en cas de risque d’atteinte aux droits d’auteur, ainsi que dans le cadre de la protection des données personnelles.
Enfin, les grandes entreprises seront obligées de prévenir l’Autorité de la concurrence de toute acquisition. Cette dernière aura la possibilité d’examiner des opérations qui seraient au-dessous des seuils de notification obligatoire si elle considère qu’elles sont susceptibles de faire peser un risque sur la dynamique concurrentielle. Des critères ont été déterminés, afin d’identifier les entreprises qui seront visées par cette obligation.
De plus, et afin que l’Autorité de la concurrence soit à même de remplir sa mission, la commission a très justement décidé d’inverser la charge de la preuve en matière de contrôle des concentrations pour ces entreprises. Ce n’est plus l’Autorité de la concurrence qui devra démontrer que des règles ont été enfreintes, ce sont les entreprises qui devront prouver qu’elles ne sont pas dans l’illégalité.
Pour finir, un amendement tendant à interdire les pratiques ayant pour finalité d’orienter le choix du consommateur afin d’obtenir son consentement a été adopté en commission. Cela vise notamment les cases pré-cochées ou une newsletter dont il est quasiment impossible de se désabonner, des pratiques familières pour la plupart d’entre nous. Cette interdiction ne concernera toutefois, à raison, que les grandes entreprises, pour ne pas pénaliser les plus petites plateformes.
Cela étant, je voterai évidemment pour ce texte !