Intervention de Xavier Boidevezi

Délégation sénatoriale à la prospective — Réunion du 6 février 2020 à 9h00
Tables rondes sur le thème : qu'y aura-t-il dans nos assiettes en 2050

Xavier Boidevezi, secrétaire national de la FoodTech :

Pour répondre à la croissance démographique, les besoins en protéines vont croître de 40 % d'ici 2030 et 70 % d'ici 2050. Le marché des protéines alimentaires progresse de 9,5 % en 2019 et devrait atteindre 17,9 milliards de dollars en 2025, selon une étude de Meticulous Research. Nous ne parlons donc pas d'un engouement éphémère mais d'une tendance de fond. Des acteurs tels qu'ATKearney prévoient, parallèlement, une diminution de la consommation animale de plus de 33 % d'ici 2040, au profit de la viande végétale (+9 %) et surtout de la viande cellulaire (+ 44 %).

Si nous avons des besoins grandissants de protéines et si les protéines animales diminuent, quelles seront les alternatives ? Il s'agit d'abord des insectes. D'ici 2030 ou 2040, la production de protéines d'insectes pourrait avoisiner 500 000 tonnes, selon Cargill Nutrition Animale. De très nombreuses start-up lèvent des fonds dans ce domaine, à l'image par exemple, d'Ynsect et Innovafeed en France, qui ont levé, à elles deux, plus de 230 millions d'euros pour se développer sur ce marché. Au plan mondial, citons, parmi ces jeunes pousses, AgriProtein en Afrique du Sud, qui a levé 122 millions d'euros, EnviroFlight aux États-Unis (qui a levé 120 millions d'euros), et Protix aux Pays-Bas (qui a levé 45 millions d'euros). Le phénomène est bel et bien mondial.

En 2018, la Fédération européenne des entreprises d'insectes (Ipiff) estimait la production européenne à 2 000 tonnes, avec une prévision de 200 000 tonnes en 2020, 1,2 million de tonnes en 2025 et 3 millions de tonnes en 2030. Ces volumes se comparent aux 4,5 ou 5 millions de tonnes de farines de poissons produites chaque année, que pourraient concurrencer les farines produites à partir d'insectes pour l'alimentation animale. Nous observons que tous ces acteurs (Ynsect, Innovafeed et Nextalim en France) se sont attelés à la construction, en 2020, de sites de production de plus de 10 000 tonnes.

Du point de vue du grand public, les réticences sont un peu plus grandes. Plusieurs start-up se sont lancées sur ce marché (Jimini's, Ihou, Futura Foods, etc.) mais les perspectives identifiables à ce stade portent davantage sur l'intégration de farines d'insectes dans l'alimentation humaine que sur la consommation directe d'insectes. Jimini's produit des insectes qui peuvent être dégustés à l'apéritif mais, d'une façon générale, nous allons plutôt retrouver des produits insérés dans des kebabs, par exemple, au milieu de pois chiches, rendant ces produits indétectables pour qui n'est pas informé de leur présence.

Une autre alternative résidera dans les algues, qui représentent déjà un marché colossal (4 milliards d'euros à l'échelle mondiale en 2017), qui doit doubler d'ici 2024. Les acteurs sont encore peu nombreux en France, le marché se développant beaucoup plus rapidement en Asie du Sud-est.

Nous voyons en France s'affirmer une tendance en faveur du végétal : le marché du vegan et du végétarien a ainsi progressé de 24 % en 2018, selon l'Institut Xerfi. Quatre Français sur dix estiment aujourd'hui que le flexitarisme constitue une première avancée vers ces nouveaux modes de consommation. Au salon international de l'alimentation (Sial), en 2018, le nombre de start-up proposant des produits à base de légumineuses a doublé. Le marché de la protéine végétale devrait atteindre 11 milliards d'euros en 2020 et les start-up françaises y sont nombreuses, ce qui va des nouveaux affineurs (proposant un camembert à base de noix de cajou) à des acteurs tels qu'Atelier V (qui propose un houmous de légumineuses), Tartimouss (pâte à tartiner vegan), N'Bread (un mix de pain et de légumes) ou encore HARi&CO (qui propose notamment des soupes à base de légumineuses). De grands acteurs de l'agroalimentaire, à l'image de Nestlé, commencent aussi à pénétrer ce segment.

Aux États-Unis, le marché explose de façon encore plus manifeste. Beyond Meat, récemment introduit en bourse, est valorisé à hauteur de plus de 10 milliards de dollars. Citons aussi Impossible Food, dont vous avez certainement entendu parler.

Un autre segment intéressant sera celui de la viande cellulaire, ou viande in vitro. Seules quelques start-up existent en France dans ce domaine. Je pense à Nicolas Morin Forest, qui a lancé Gourmey, ayant vocation à produire un foie gras issu de cellules d'oeuf de cane, et à Vital Meat, à Nantes. Aux États-Unis, Memphis Meat a levé plus de 161 millions de dollars. En Israël, Aleph Farms a réalisé de grosses levées de fonds et communique désormais sur le burger à 100 dollars. La situation est en tout cas en train d'évoluer. Selon une étude d'ATKearney de 2019, 35 % de la viande que nous consommerons dans vingt ans sera artificielle.

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