Intervention de Jean-Christophe Mano

Délégation sénatoriale à la prospective — Réunion du 6 février 2020 à 9h00
Tables rondes sur le thème : qu'y aura-t-il dans nos assiettes en 2050

Jean-Christophe Mano, membre du conseil d'administration de Synadiet :

Un complément alimentaire ne doit pas être confondu avec un médicament : il n'a pas vocation à prévenir ni guérir une maladie. Son but est de compléter le régime alimentaire normal, et non de remplacer les aliments. On trouve principalement, dans les compléments alimentaires, des vitamines, des minéraux et des préparations de plantes plus ou moins concentrées. Ils sont conditionnés en doses, avec différentes formes galéniques (comprimés, gélules, sachets-doses, ampoules).

Ils peuvent revendiquer des effets nutritionnels, comme leur richesse en vitamines ou leur contenu en omégas 3, ou des bénéfices pour la santé tels que le maintien d'une fonction physiologique. Ainsi, la contribution du sélénium à un fonctionnement normal du système immunitaire est une allégation autorisée. Dans le champ de l'amélioration des fonctions physiologiques, une autre allégation autorisée énonce que la lactase améliore la digestion du lactose chez les individus ayant des difficultés à le digérer. Ceci peut aller jusqu'à la réduction d'un facteur de risque de maladie. Une allégation autorisée indique ainsi que des gommes à mâcher sans sucre aident à neutraliser les acides de la plaque dentaire, laquelle constitue un facteur de risque de développement des caries dentaires.

Quelle devrait être la place des compléments alimentaires dans l'alimentation de demain ? Ils peuvent d'abord apporter un confort supplémentaire dans différents domaines. La prise de valériane (qui est une racine) peut ainsi améliorer le sommeil, de même que le ginseng peut soutenir la vitalité et la vigne rouge favoriser une bonne circulation. Mais les compléments alimentaires peuvent aussi apparaître comme des vecteurs de prévention et du maintien en bonne santé. Pour donner corps à cette vision, Synadiet a souhaité lancer une série d'études réalisées par l'Institut Frost & Sullivan sur les bénéfices sanitaires et économiques des compléments alimentaires. Les trois premières de ces études sont en relation avec le vieillissement.

Selon les projections, d'ici 2050, la population française comptera plus d'un quart de personnes de plus de 65 ans et une personne sur dix aura plus de 90 ans. Pourtant, seulement 43 % des personnes de plus de 65 ans se disent en bonne santé. Il résultera inévitablement de ces évolutions démographiques des dépenses de santé croissantes, d'où l'importance de la prévention et du vieillissement en bonne santé. Ces deux impératifs plaident pour la prise en charge des pathologies liées à l'âge mais aussi pour leur prévention tout au long de la vie pour les personnes à risque.

Les trois études réalisées par Frost & Sullivan à la demande de Synadiet portent sur l'impact de la prise des compléments alimentaires dans le maintien en bonne santé des personnes âgées vis-à-vis de trois pathologies liées à l'âge : la déficience visuelle, les affections ostéo-articulaires, et les problèmes cognitifs. Ces études comprennent une méta-analyse qui fait le point sur les connaissances scientifiques, une étude d'impact économique, des avis d'experts scientifiques et un rapport de Frédéric Bizard, économiste et président de l'Institut Santé. Les chiffres que je vais citer sont à prendre avec précaution, notamment pour ce qui est de leur impact économique, dans la mesure où il s'agit d'une extrapolation.

La première étude, concernant la dégénérescence maculaire liée à l'âge, montre que la prise de lutéine et zéaxanthine aurait pu éviter plus de 46 000 cas de troubles de la vision et d'économiser 1,7 milliard d'euros en France en 2017. S'agissant des inconforts articulaires, la prise de glucosamine et chondroïtine aurait permis à 1,3 million de personnes de bénéficier d'un effet positif sur leurs articulations, pour une économie voisine de 1,6 milliard d'euros en 2017. Enfin, pour le déclin cognitif, la prise d'acides gras omégas 3 aurait permis d'éviter 13 110 cas de démence et d'économiser jusqu'à environ 500 millions d'euros en 2017.

À la différence d'une politique de soins, une politique de santé publique devrait prendre en compte tous les leviers de prévention, c'est-à-dire la nutrition, l'activité physique, la réduction des comportements à risque et les compléments alimentaires. Cette stratégie doit se concrétiser par une révision complète de la réglementation actuelle, trop segmentée, où les catégories sont trop nombreuses et dont l'absence d'harmonisation, au plan européen, crée une insécurité. Certains grands pays ont trouvé la bonne direction, notamment le Canada, qui nous paraît un excellent modèle vers lequel nos professions souhaiteraient s'orienter. Dans cette optique, Synadiet a créé un groupe de travail en 2015, avec pour mission de proposer une réglementation européenne sur les produits de santé naturels, en s'inspirant du modèle canadien.

Ce modèle européen tirerait ainsi parti d'une réglementation canadienne qui a plus de quinze ans d'expérience. L'évaluation de la sécurité et de l'efficacité des produits s'effectuerait au niveau européen, avant la mise sur le marché. Il existerait une réglementation unique pour les actifs que l'on trouve à la fois dans des compléments alimentaires et des médicaments à base de plantes. Si ce système était adopté, il engendrerait une clarification du marché, un meilleur contrôle par les autorités compétentes, plus d'innovation et des produits beaucoup plus sûrs et plus efficaces.

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