Intervention de Gilles Daveau

Délégation sénatoriale à la prospective — Réunion du 6 février 2020 à 9h00
Tables rondes sur le thème : qu'y aura-t-il dans nos assiettes en 2050

Gilles Daveau, consultant et formateur en cuisine alternative :

Le fait d'utiliser des haricots cuits, des lentilles, des pois chiches ou des pois cassés cuits, en tant que matières premières culinaires permettant de confectionner des sauces moins grasses, plus riches en fibres, plus intéressantes du point de vue nutritionnel, permet de confectionner par exemple des palets, des galettes, des blinis, gâteaux, cakes, etc. Nous l'avons montré dans le cadre d'un travail réalisé pour le grand public, à l'invitation des Presses de l'École des hautes études en santé publique, pour la collection Savez-vous goûter les légumes secs ? dirigée par un médecin de santé publique. Nous nous appuyons sur un réseau de formateurs, d'éducateurs et d'experts sensibles aux cuisines nourricières, ces petites cuisines de l'ordinaire qui ne doivent pas prendre de temps. Des collaborations voient le jour par exemple avec le réseau Cocagne, avec l'objectif de préparer des centaines de milliers de paniers solidaires, au cours des années à venir, afin d'accompagner des publics précaires dans l'acquisition de savoir-faire fondamentaux autour des légumes, des féculents et autour des sources de protéines, qu'elles soient animales ou végétales.

Faire évoluer les habitudes et les pratiques, en restauration collective comme dans le grand public, impose de se placer au-delà de l'opposition entre viande et légumineuses. Les consommateurs n'ont pas à choisir l'une de ces deux options en excluant l'autre. Il existe aussi toutes les situations intermédiaires, consistant par exemple à introduire une légumineuse dans un plat. Un hachis Parmentier peut par exemple comporter deux fois moins de viande, en y introduisant des pois chiches concassés ou des lentilles. La farce a alors, à 100 %, le goût de viande. On pourra ainsi investir dans une viande à label ou une viande bio. Ce type d'évolution dans les pratiques de consommation nécessite une éducation. Or nous sommes aussi dans une situation de déficit d'éducation alimentaire, de transmission, sans compter la prégnance d'idées reçues autour des légumineuses, réputées par exemple moins digestes. Il faudrait faire intervenir à ce sujet notre spécialiste du microbiote, car si notre consommation de légumineuses a été divisée par cinq ou dix au 20e siècle, notre microbiote a changé parallèlement. Nos seules rémanences de légumineuses se trouvent dans des plats que chacun connaît. Nous en faisons régulièrement l'expérience lorsque nous demandons à un cuisinier, en collectivité, de proposer un plat à base de légumineuse en accord avec les préconisations du nouveau PNNS. Les seules références qu'il a apprises sont le petit salé aux lentilles, des haricots avec des grillades ou des cassoulets boursouflés en charcuterie, qui n'ont pas d'histoire. Le cassoulet, à l'origine, est un gratin de haricots avec un peu de canard.

Nous avons besoin d'apporter ces nouveaux répertoires, en complémentarité avec la viande. Nous commençons par apprendre aux cuisiniers professionnels à mieux cuire les viandes, car manger moins de viande, au 21e siècle, implique aussi de mieux la cuire. Un cuisinier préparant des repas pour 500 collégiens, à qui nous avons enseigné les cuissons à basse température, nous a dit pouvoir servir des assiettes de même poids en achetant 50 kilos de viande, au lieu de 60 kilos antérieurement. Il a compris la coagulation de la protéine et a diminué la température de son four, qui consomme beaucoup moins d'énergie et produit moins de saleté, pour une viande beaucoup plus juteuse. Lorsqu'on travaille sur cet aliment noble, en décidant de s'approvisionner en viandes de meilleure qualité, avec des éleveurs qui ont vécu une vie d'éleveur et des animaux qui ont vécu une vie d'animal, un boulevard s'ouvre devant nous pour faire de la place aux légumineuses, car nous sommes alors sortis de l'opposition entre animal et végétal. Ayons à l'esprit que le déficit en méthionine des légumineuses est compensé par un peu d'oeuf dans un gâteau au chocolat ou par un peu de poisson dans une rillette de sardines. Nous devons retrouver cette complémentarité.

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