Intervention de Gilles Daveau

Délégation sénatoriale à la prospective — Réunion du 6 février 2020 à 9h00
Tables rondes sur le thème : qu'y aura-t-il dans nos assiettes en 2050

Gilles Daveau, consultant et formateur en cuisine alternative :

J'ai participé, avec d'autres, au programme EDUC'ALIM, qui était supervisé par Claude Fischer. Après le constat de l'inefficacité des injonctions de nutrition et des limites des ateliers sensoriels, l'objectif était de déterminer comment faire en sorte que les enfants mangent durablement davantage de végétaux et de légumes. Des cohortes importantes de différentes écoles, suivant le programme ou non, pour pouvoir établir des comparaisons, ont été suivies. Il s'est avéré efficace que le légume apparaisse dans toutes les matières, c'est-à-dire dans un atelier culinaire (faisant place à la sensorialité), en arts plastiques, en histoire, etc. Quand on mange tous les jours dans une école, on ingère tous les jours de l'histoire, de la géographie, de la biologie, de la citoyenneté. Personne ne semble pourtant vouloir s'en emparer.

Le sujet concerne les enfants mais aussi leurs parents, car les enfants d'aujourd'hui sont déjà nés dans l'agroalimentaire et ont déjà un répertoire sensoriel extrêmement réduit, en vertu du grand paradoxe de la société de la profusion alimentaire : dès lors que nous avons eu accès à tout, nous avons mangé de façon de plus en plus uniforme, en nous tournant toujours vers ce qu'on préfère, c'est-à-dire beaucoup de protéines, beaucoup de gras, beaucoup de sucre. Ceci vient aussi en résonance avec notre imaginaire gastronomique, dans lequel c'est un peu « dimanche tous les jours ». Il est donc essentiel de se rééduquer, tant pour les enfants que pour les parents, et de prendre à bras-le-corps la « néophobie ». En tant qu'omnivores ayant besoin d'une variété d'aliments, nous avons souvent tendance à camper dans un univers connu. Nous avons réalisé pour 600 élèves de trois écoles de Briançon des expérimentations à partir de neuf plats que les enfants n'avaient jamais mangés - ce qui représente un défi de taille. J'en ai accepté le principe, à condition que les animateurs travaillent sur des contes associés à chaque plat. Une rillette de haricots, avec des fils et un peu de pesto, est ainsi devenue la rillette de Jack et le haricot magique. Un cake de pois chiches est devenu le cake de Chichelin, un petit bonhomme pois chiche inspiré d'un conte italien. II y avait la princesse aux petits pois : c'était un flan de légumes avec des petits pois au fond. Ces plats ont été préparés à J-3, c'est-à-dire en liaison froide, les préparations ayant nécessairement perdu un peu de leur fraîcheur au moment où elles étaient consommées. Malgré cela, les enfants n'ont laissé absolument aucun déchet. Cela montre à quel point il faut aborder ces questions de façon transversale. C'est le défi qu'a d'ailleurs identifié la FAO pour l'alimentation durable : il faut relier tous les enjeux au lieu d'isoler l'alimentation, l'agronomie, l'économie.

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