Intervention de Éliane Assassi

Réunion du 25 février 2020 à 14h30
Parquet européen et justice pénale spécialisée — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Éliane AssassiÉliane Assassi :

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, ce projet de loi est porteur, selon nous, d’au moins deux projets de loi importants : l’un sur le Parquet européen, l’autre sur la justice environnementale.

Mais ce n’est pas tout. Vous l’avez dit : d’autres sujets viennent s’agréger à ces deux volets principaux, sans aucune autre cohérence que celle qui consiste à corriger de précédentes lois, l’enjeu étant essentiellement de prendre acte de décisions QPC du Conseil constitutionnel, mais aussi de rectifier des erreurs.

Tout cela est fait, de surcroît, à grand renfort d’ordonnances – vous savez ce que nous en pensons – et de procédure accélérée, afin de traiter en un temps record des sujets aussi techniques que disparates.

J’en viens au fond du projet.

Premièrement, concernant le Parquet européen, sa mise en place est l’aboutissement de longues négociations, de près de dix ans, entre l’Union et ses États membres. Le projet originel de Parquet européen « très intégré » avait fait l’objet de vives critiques, en particulier du Sénat français, qui avait été à l’initiative d’un « carton jaune » adressé à la Commission européenne – 13 autres assemblées parlementaires nationales lui avaient emboîté le pas. Ainsi contrainte de revoir sa « copie », la Commission européenne avait alors abouti au projet qui a donné lieu à la création de l’actuel Parquet européen, de forme collégiale et s’appuyant sur des délégués nationaux dans chaque État membre.

Pour notre part, nous y sommes plutôt favorables. Si le nombre d’affaires dont se saisira, ou dont sera saisi, le Parquet européen semble assez limité – les procédures concernées seront, en France, au nombre de 60 à 100, selon l’étude d’impact –, il s’agira d’affaires aux enjeux financiers importants, pour lesquelles le cadre européen est légitime, l’Union et ses États membres étant parfois confrontés à des affaires complexes de fraude aux fonds structurels ou de fraude de grande ampleur à la TVA transfrontalière. Vous connaissez, madame la ministre, nos combats sur tous ces sujets.

Cependant, la création de ce parquet ne va pas sans soulever, à nos yeux, quelques questions.

Qu’en est-il, d’abord, de la garantie d’indépendance promise aux parquetiers européens ? Le procureur mènera seul l’intégralité des investigations en matière d’atteinte aux intérêts financiers de l’Union européenne, et exercera les poursuites devant le tribunal judiciaire de Paris. « Si son indépendance est reconnue par le règlement, elle risque pourtant de rester une chimère si elle n’est pas entourée de garanties », estime le Syndicat de la magistrature. Or le projet reste muet sur les conditions de cette indépendance, le Gouvernement expliquant avoir fait le choix d’une mise à disposition du magistrat français souhaitant exercer ces fonctions.

Aussi la cohérence entre le statut de ce Parquet européen, en situation de détachement, et celle du parquet français actuel pose-t-elle question. La création du Parquet européen aurait pu être l’occasion d’envisager une réforme en profondeur du statut des magistrats du parquet, réforme que nous demandons depuis longtemps.

À cet égard, madame la garde des sceaux, qu’en est-il du projet de réforme tant attendu sur le sujet ?

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