Intervention de Jacques Bigot

Réunion du 25 février 2020 à 14h30
Parquet européen et justice pénale spécialisée — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Jacques BigotJacques Bigot :

S’agissant du titre Ier, nous n’avons pas d’observation particulière à faire à ce stade. Ce texte peut donc être adopté. La France étant l’un des acteurs majeurs de la mise en œuvre du Parquet européen, ce projet de loi permettra dès la fin de l’année, au plus tard au début de l’année 2021, à ce parquet de pouvoir se mettre en mouvement.

Toutefois, madame la ministre, vous avez ajouté à ce texte des dispositions qui nous surprennent et auxquelles nous ne pouvons pas adhérer en l’état – je dis bien en l’état. Parlant de l’article 8, vous nous dites qu’il marque votre ambition politique en matière environnementale, et vous félicitez de ce que le rapporteur vous soutienne. Ce dernier était en réalité beaucoup plus nuancé, reconnaissant à juste titre qu’il ne s’agissait pas d’une ambition politique majeure et qu’elle n’avait rien de révolutionnaire !

Il y aura des procureurs et des juges spécialisés dans le ressort de chaque cour d’appel, dans un tribunal désigné. Pourquoi pas ? Mais que feront-ils puisqu’il ressort de la lecture de l’étude d’impact que les magistrats sont saisis de peu d’affaires en matière environnementale ?

Il n’y a pas, mes chers collègues, de poursuites de la part d’un procureur sans enquête ni dossier des agents chargés de l’environnement et de la constatation des délits. C’est vrai, aujourd’hui, devant les juridictions ordinaires de première instance. Ce sera vrai également, demain, devant ces nouvelles juridictions !

Je ne prends qu’un seul exemple : le code de l’urbanisme. Il concerne également les atteintes environnementales. Or il n’y a plus de poursuite, à la demande d’un maire, en cas de non-respect d’un permis de construire, à telle enseigne d’ailleurs que la loi Engagement et proximité prévoit de donner de nouveaux pouvoirs aux maires afin de lutter contre les constructions sauvages.

En matière de dépôt sauvage d’ordures et d’insalubrité générale, il n’y a pas non plus de poursuites, car il y a très peu de constatations, faute de moyens. Permettez-moi donc de douter quand vous nous dites aujourd’hui que ce texte marque votre ambition politique de sanctionner et de prévenir les atteintes à la biodiversité et à l’environnement !

Vous nous proposez un outil nouveau, la convention judiciaire d’intérêt public, qui s’appliquera en matière d’écologie, soulignant que cela permettra de mieux responsabiliser les entreprises, de réparer le préjudice et d’éviter une procédure lourde. Il s’agit surtout d’éviter une procédure lourde ! Nous savons tous que, lorsqu’on poursuit une entreprise pour des atteintes à l’environnement, il est essentiel d’avoir un dossier fourni, étayé par des constats ne pouvant être contestés par les avocats. Finalement, cela arrangera bien le parquet de pouvoir trouver un accord, un « deal », en quelque sorte, si l’entreprise accepte de reconnaître l’infraction…

Pour quelle raison avons-nous accepté une convention judiciaire d’intérêt public en matière de fraude fiscale ? Parce qu’il s’agit de permettre à l’État de récupérer de l’argent qui ne lui a pas été donné. Là, il s’agit d’atteinte à la biodiversité et à l’environnement. Quelle sera la réparation ? De quelle manière le procureur pourra-t-il l’apprécier ?

Tout cela nous fait dire que ce texte n’est pas abouti. Nous n’y sommes pas opposés, madame la garde des sceaux, mais nous souhaiterions pouvoir vous auditionner sur l’article 8, ainsi que la ministre de la transition écologique et solidaire. Il importe que notre rapporteur puisse travailler davantage sur cette question afin d’identifier les manques dans l’organisation actuelle.

Voilà pourquoi nous présenterons à l’article 8 une motion de renvoi à la commission. Nous partageons votre ambition politique, mais nous voulons effectivement aller au fond des choses.

En dehors des atteintes à l’environnement, nous proposerons quelques amendements sur des délits ou des infractions qui pourraient retenir votre attention dans ce domaine.

Nous avons également déposé un amendement sur le crime d’acte sexuel sur mineur parce qu’il est au cœur de l’actualité. Dans la mesure où ce texte comprend des dispositions diverses, pourquoi ne pas en prendre aussi une à cet égard ?

En ce qui concerne toujours le registre des dispositions diverses, madame la garde des sceaux, vous avez prévu un article 12 pour répondre au souci, tout à fait légitime, d’assurer l’accès au droit dans tous les territoires de l’État. C’était d’ailleurs une des préoccupations du Président de la République, Emmanuel Macron, lorsqu’il était ministre de l’économie. Vous nous faites une proposition sur l’accès au droit. Nous avons pensé que vous pourriez, en tant que garde des sceaux, être sensible à la question de l’accès au droit et à la justice.

Pour l’accès au droit et à la justice, il existe des professionnels, auxiliaires de justice, qui sont les avocats. Le 17 octobre 2018, dans cette enceinte, parlant de la réforme de la justice, vous nous aviez dit – M. le président Bas s’en souviendra –, alors que nous abordions avec vous la question de la commission d’office, de l’aide juridictionnelle et des moyens donnés aux avocats pour assurer correctement leurs missions, qui vont être amplifiées, notamment par le code de justice pénale des mineurs : « je vais rencontrer la profession et nous en reparlerons en mai ou juin 2019 ». Depuis, rien : la profession affirme qu’elle n’a eu aucun entretien !

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