Intervention de Hervé Maurey

Réunion du 25 février 2020 à 14h30
Parquet européen et justice pénale spécialisée — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Hervé MaureyHervé Maurey :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, mon propos portera sur l’article 8 de ce projet de loi, qui prévoit la création d’un nouvel outil pour lutter contre la délinquance environnementale – la convention judiciaire d’intérêt public – et celle de pôles régionaux spécialisés en matière d’atteintes à l’environnement.

Je regrette, madame la ministre, que cette réforme de la justice environnementale ait surgi presque inopinément, au détour d’un projet de loi technique relatif au Parquet européen, sans que les commissions parlementaires compétentes n’en aient été ne fût-ce qu’informées avant la présentation du texte en conseil des ministres, voilà moins d’un mois.

On peut d’autant plus déplorer ce procédé que le Sénat a toujours été en pointe sur les questions de justice environnementale. J’évoquerai à titre d’exemple l’institution d’un régime de responsabilité du fait des atteintes à l’environnement dans le code civil, introduit au Sénat lors de l’examen par sa commission du développement durable du projet de loi de 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, qui reprenait une proposition de loi de Bruno Retailleau sur le préjudice écologique.

Sur le fond de l’article 8, l’idée de créer des juridictions spécialisées en matière d’environnement est ancienne et promue par de nombreux acteurs. Cela va dans le bon sens et permettra notamment d’avoir des magistrats « spécialisés » sur ces sujets complexes, de développer une « culture » propre à ce contentieux très spécifique et aussi de réduire les délais de jugement.

Quels seront cependant les effets réels de ce dispositif ? On peut se le demander, puisque la question des moyens reste entière et que le projet de loi n’apporte pas de solution à cet égard. Comment espérer des résultats satisfaisants, notamment une réduction des délais, sans moyens supplémentaires ?

En outre, l’essentiel du contentieux, qui touche aux sujets du « quotidien » – les décharges sauvages ou les permis de construire illégaux, par exemple –, continuera à être traité par les tribunaux judiciaires départementaux. Quant aux accidents industriels majeurs, tel celui de Lubrizol, à Rouen, ils resteront du ressort des pôles interrégionaux de Paris et de Marseille. On le voit, le champ d’intervention des nouvelles juridictions sera assez limité. On peut donc s’interroger sur la portée réelle de cette création.

Enfin, madame la ministre, quelles suites le Gouvernement entend-il donner aux autres préconisations du rapport intitulé « Une justice pour l’environnement » du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) et de l’inspection générale de la justice, dont le projet de loi ne reprend que deux des vingt et une recommandations ? D’autres propositions, comme celles de créer des comités opérationnels départementaux de défense écologique ou un référé judiciaire spécial en matière d’environnement, méritaient a minima d’être examinées. Sont-elles à l’étude ?

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